Décisions de la Cour fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision


Date : 19981027


Dossier : IMM-548-98

OTTAWA (ONTARIO), LE 27 OCTOBRE 1998.

EN PRÉSENCE DE MADAME LE JUGE TREMBLAY-LAMER

ENTRE :


ISHAN STEPHEN WIJEWARDANA DE SILVA,

BASHINI ERANGIKA PUSHPAMALI WIJEWARDANA DE SILVA,

THARINDARA AKHILA STEPHEN WIJEWARDANA DE SILVA (un mineur),


demandeurs,


et


LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L"IMMIGRATION,


défendeur.


O R D O N N A N C E

     La demande de contrôle judiciaire est accueillie. La décision de l"agent d"immigration est annulée et l"affaire est renvoyée au défendeur pour fins de réexamen.


" Danièle Tremblay-Lamer "

                                         JUGE

Traduction certifiée conforme

Bernard Olivier, LL.B.


Date : 19981027


Dossier : IMM-548-98

ENTRE :


ISHAN STEPHEN WIJEWARDANA DE SILVA,

BASHINI ERANGIKA PUSHPAMALI WIJEWARDANA DE SILVA,

THARINDARA AKHILA STEPHEN WIJEWARDANA DE SILVA (un mineur),


demandeurs,


et


LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L"IMMIGRATION,


défendeur.


MOTIFS DE L"ORDONNANCE

LE JUGE TREMBLAY-LAMER

[1]      Il s"agit de la demande de contrôle judiciaire de la décision d"un agent d"immigration qui a refusé d"attribuer le statut de résident permanent au demandeur, à son épouse, et à son fils, vu que les motifs d"ordre humanitaire invoqués étaient insuffisants.

[2]      Le demandeur et les autres membres de sa famille sont des citoyens du Sri Lanka qui sont arrivés au Canada en août 1995. Le demandeur est un Singhalais et son épouse est une Tamoule.

[3]      Le demandeur s"est trouvé un emploi de vendeur d"automobiles à temps plein moins de trois mois après son arrivée. Ses formules d"impôt pour l"année qui a précédé la date de la décision de l"agent font état d"un revenu annuel de plus de 40 000 $. Il est reconnu par son employeur comme faisant partie des 200 meilleurs vendeurs au Canada.

[4]      De nombreuses lettres d"appui présentées au nom de la famille déclarent que le demandeur et son épouse participent activement à leur communauté. Ces lettres font également état de la compétence professionnelle du demandeur.

[5]      Le dossier contient les notes de l"agent d"immigration Le, qui a recommandé le rejet de la revendication de De Silva. Voici comment l"agent Le a formulé sa recommandation :

                 [TRADUCTION] Après avoir complètement examiné les renseignements que contient le dossier, il me paraît que M. Wijewardana de Silva et sa famille n"ont pas fourni assez de raisons pour justifier une approbation fondée sur des motifs d"ordre humanitaire. Ils ne se trouvent pas au Canada depuis longtemps et ils n"ont pas produit de preuve exceptionnellement forte de leur établissement ni de leur stabilité financière à long terme. Ils n"ont pas fourni de preuve établissant qu"ils faisaient des économies de façon régulière et n"ont pas suivi de cours de perfectionnement. En outre, ils ont déjà déposé des revendications du statut de réfugié et des appels, lesquels ont tous été rejetés. Un agent chargé de la révision des revendications refusées a examiné leur dossier et tiré une conclusion défavorable, et ils n"ont présenté aucune raison suffisante permettant de croire que leur vie serait en danger s"ils retournaient dans leur pays. Des parents les attendent au Sri Lanka.                 
                 Sur le fondement de ces renseignements, je recommande le refus de la demande fondée sur le par. 114(2) en ce qui concerne Ishan Wijewardana de Silva, son épouse, Bashini Erangika, et son fils, Tharindra Akhila1.                 

[6]      À l"époque où la demande a été déposée, l"épouse du demandeur était enceinte de leur deuxième enfant et souffrait de névrose post-traumatique résultant de son viol, au Sri Lanka. Ce diagnostic a été confirmé par deux médecins dont les lettres accompagnaient la demande fondée sur des motifs d"ordre humanitaire.

         L"agent d"immigration a-t-il commis une erreur lorsqu"il a refusé d"accorder une dispense pour des motifs d"ordre humanitaire en vertu du paragraphe 114(2) sur le fondement de la preuve dont il disposait?         

[7]      Pour contester avec succès l"exercice du pouvoir discrétionnaire d"accorder une dispense prévu au par. 114(2), le demandeur doit établir que l"instance décisionnelle a commis une erreur, appliqué un principe erroné ou inapproprié, ou agi de mauvaise foi2. L"obligation de respecter l"équité procédurale s"applique toujours, mais son contenu est minimal. Un élément important cependant est que l"agent qui examine une telle demande doit tenir compte de toute la preuve produite au soutien de la demande. Par exemple, dans Éttienne2, le juge Reed a conclu que la preuve dans son ensemble n"avait pas été considérée du tout ou qu"elle n"avait pas été convenablement considérée.

[8]      En l"espèce, l"agent d"immigration a complètement négligé de tenir compte de la preuve concernant l"état de santé de l"un des demandeur ou il l"a mal interprétée, de façon déraisonnable, ou les deux.

[9]      Le dossier contient trois lettres de nature médicale qui attestent que Mme De Silva souffre actuellement de névrose post-traumatique. Pourtant, l"agent d"immigration a dit dans sa recommandation qu"elle était guérie.

[10]      Le docteur Paquette a expliqué que Mme De Silva souffre actuellement de névrose post-traumatique résultant de son viol, au Sri Lanka. Elle a poursuivi en disant qu"un déménagement à ce stade-ci serait extrêmement préjudiciable en ce qui concerne la santé mentale, voire physique de Mme De Silva.

                 [TRADUCTION] Elle souffre présentement de NÉVROSE POST-TRAUMATIQUE. Le fait de s"installer aux États-Unis, même si elle bénéficiera de soins médicaux de qualité, lui fera subir une tension mentale considérable pendant une période déjà extrêmement stressante. Elle pourrait en fait décompenser et devenir extrêmement déprimée (ce qui est extrêmement probable), elle pourrait devenir suicidaire, voire psychotique2.                 

[11]      Le docteur Simmons a également diagnostiqué chez Mme De Silva un trouble de névrose post-traumatique et il s"est également dit défavorable à son déménagement au Sri Lanka.

                 [TRADUCTION] Madame DeSilva souffre présentement de névrose post-traumatique : elle a rappels d"images, des cauchemars, elle sursaute facilement et elle a peur de demeurer seule. [...] La forcer de retourner au Sri Lanka serait certainement préjudiciable à sa santé 2.                 

[12]      L"agent d"immigration, cependant, a semblé ne pas tenir compte de cette preuve. En fait, il est allé jusqu"à conclure que Mme De Silva était guérie, contrairement à ce qu"il ressort de la preuve versée au dossier.

[13]      Bien qu"il eût été possible à l"agent d"immigration, après un examen attentif, de ne pas tenir compte de la preuve des médecins en se fondant sur son pouvoir discrétionnaire, celui-ci ne pouvait certainement pas substituer son propre diagnostic à celui des médecins.

[14]      Outre l"erreur susmentionnée, qui justifie à elle seule l"annulation de la décision, l"agent d"immigration a également imposé un fardeau de preuve inapproprié au demandeur. Dans ses recommandations, il dit que les demandeurs [TRADUCTION] " n"ont pas produit de preuve exceptionnellement forte de leur établissement ni de leur stabilité financière à long terme ".

[15]      Dans la décision Éttienne2, le juge Reed a accueilli la demande de contrôle judiciaire au motif que l"agent d"immigration avait imposé, entre autres erreurs, un fardeau de preuve s"apparentant au fardeau de prouver hors de tout doute raisonnable.

[16]      En l"espèce, l"exigence implicite selon laquelle les demandeurs doivent produire non seulement des éléments de preuve, mais une " preuve exceptionnellement forte " de leur établissement et de leur stabilité financière à long terme paraît invoquer une norme de preuve s"apparentant au fardeau de prouver hors de tout doute raisonnable. Il s"agit d"une norme inappropriée qui constitue une erreur de droit.

[17]      La demande de contrôle judiciaire est accueillie. La décision de l"agent d"immigration est annulée et l"affaire est renvoyée au défendeur pour fins de réexamen.


" Danièle Tremblay-Lamer "

                                         JUGE

OTTAWA (ONTARIO)

Le 27 octobre 1998.

Traduction certifiée conforme

Bernard Olivier, LL.B.

COUR FÉDÉRALE DU CANADA

SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE


AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

NO DU GREFFE :              IMM-548-98

INTITULÉ DE LA CAUSE :      ISHAN STEPHEN WIJEWARDANA DE SILVA c. MCI

LIEU DE L"AUDIENCE :          Toronto (Ontario)

DATE DE L"AUDIENCE :          le 21 octobre 1998

MOTIFS D"ORDONNANCE EXPOSÉS PAR MADAME LE JUGE TREMBLAY-LAMER

EN DATE DU :              27 octobre 1998

ONT COMPARU :

Mme Helen P. Luzius                              POUR LE DEMANDEUR

Mme Sudabeh Mashkuri                          POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Mme Helen P. Luzius                              POUR LE DEMANDEUR

Toronto (Ontario)

M. Morris Rosenberg                              POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada

__________________

1      Dossier de la demande, à la p. 12.

     Williams c. Canada (M.E.I.) (1994), 84 F.T.R. 194 (1re inst.) et Shah c. Canada (M.E.I.) A-617-92          (24 juin 1994) (C.A.F.).

     Éttienne c. Canada (M.E.I.), 24 Imm. L.R. (2d) 88 (C.F. 1re inst.).

         Lettre du Dre Lise Paquette à Mme Kuderian, agente principale, Citoyenneté et Immigration      Canada, en date du 6 novembre 1997.

         Lettre du Dr M.C. Simmons en date du 15 octobre 1997.

         Supra, note 3.

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.