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Date : 20190903


Dossier : IMM‑6438‑18

Référence : 2019 CF 1128

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 3 septembre 2019

En présence de monsieur le juge Peter Annis

ENTRE :

MOHAMMAD ATIQUE

demandeur

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

[1]  La Cour est saisie d’une demande de contrôle judiciaire, présentée en application du paragraphe 7(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 [la LIPR] concernant une décision rendue de vive voix par la Section de la protection des réfugiés [la SPR] de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié du Canada le 10 novembre 2018.

[2]  Pour les motifs qui suivent, la demande est rejetée.


I.  Exposé des faits

[3]  Le demandeur prétend être né dans une famille appartenant à la branche sunnite de l’islam. En grandissant, il s’est mis à s’intéresser à la branche chiite de cette religion. Dans le milieu de la vingtaine, il a immigré au Royaume d’Arabie saoudite (RAS) où il a habité de 2000 à 2013.

[4]  Durant la période où il vivait au Royaume d’Arabie saoudite, il a épousé sa femme au Pakistan et a eu des enfants avec elle. Toutefois, ceux-ci sont restés dans leur village natal au Pakistan, et le demandeur les visitait de temps à autre.

[5]  Le demandeur a déménagé aux États‑Unis en 2014, où il a habité jusqu’en 2016. Durant cette période, il a épousé une citoyenne américaine qui prévoyait le parrainer, mais le mariage n’a pas duré longtemps et ils ont divorcé avant que celle-ci ne puisse le faire.

[6]  À la fin d’août 2016, le demandeur est retourné au Pakistan. Selon les documents, il semble que le 3 septembre 2016, il se soit officiellement converti à la branche chiite de l’islam et ait immédiatement reçu des menaces.

[7]  Il déclare que le 9 septembre, certaines personnes non identifiées ont immobilisé sa voiture, l’ont menacé ainsi que sa famille et l’ont agressé. Ces personnes sont désignées comme étant inconnues dans toute la documentation. Au cours de l’audience, le demandeur a affirmé ne pas savoir qui étaient ses assaillants ni à quelles organisations religieuses ils appartenaient.

[8]  Le 21 septembre 2016, le demandeur est retourné aux États‑Unis. Peu de temps après, il s’est rendu au Canada où il a présenté une demande d’asile. Avant qu’il quitte le Pakistan, sa femme avait emménagé chez sa belle-famille qui vivait à quelque 200 km de leur village natal. Le demandeur mentionne dans son exposé circonstancié que tout le monde dans les environs était au courant des allées et venues de sa belle-famille.

[9]  En février 2017, le demandeur a modifié son exposé circonstancié et a déposé une lettre de sa belle-sœur en même temps. Cette lettre indique qu’environ trois ou quatre jours après le départ du demandeur pour les États‑Unis, sa belle-sœur l’a informé que les activistes de la branche sunnite étaient passés chez sa belle-famille pour s’enquérir de lui, mais qu’elle ne leur avait pas dit où les membres de sa famille résidaient, craignant qu’ils ne leur fassent du mal.

II.  Décision de la commissaire

[10]  La commissaire a conclu que les modifications apportées à l’exposé circonstancié et la lettre n’étaient pas crédibles et constituaient des embellissements visant à donner plus de poids à sa demande. Sur ce fondement, elle a conclu qu’aucun inconnu ne s’était présenté chez la belle‑sœur du demandeur pour le chercher après qu’il eut quitté son village natal.

[11]  Cette conclusion défavorable quant à la crédibilité était fondée sur plusieurs observations. D’abord, le demandeur était incapable d’expliquer pourquoi cette information n’était pas incluse dans l’exposé circonstancié lorsqu’il l’a signé, alors qu’il avait affirmé être en communication constante avec sa femme. Il a cité des paragraphes qui contenaient des renseignements incohérents.

[12]  Dans la version modifiée de 2017, sa belle-sœur affirme ceci : (je souligne) [traduction« Nous prenons soin de ses enfants et de sa femme, car ils sont constamment menacés par les activistes sunnites qui se sont présentés chez nous à plusieurs reprises et se sont enquis des allées et venues d’Antique (sic) et de sa famille. Nous leur disons toujours que nous ne savons pas où ils sont. » Des préoccupations concernant le kidnapping des enfants sont ensuite exprimées dans des lettres de sa femme et de sa belle-sœur, alors qu’il n’en est fait aucune mention dans l’exposé établissant le fondement de la demande d’asile du demandeur.

[13]  Dans l’exposé établissant le fondement de sa demande, le demandeur a déclaré ce qui suit : (je souligne) [traduction« des inconnus se sont présentés chez ma belle-famille et me cherchaient ». Il a ajouté que sa belle-sœur leur a répondu que [traduction« sa femme et ses enfants vivaient avec elle pour l’aider, car elle était malade ».

[14]  Enfin, la commissaire a fait observer qu’aucun des documents ne contenait des éléments de preuve corroborant le témoignage du demandeur selon lequel les présumés assaillants du 9 septembre 2016 faisaient partie d’un groupe quelconque puisque le demandeur a affirmé qu’il ne savait pas qui étaient ces personnes.

[15]  La commissaire a en fin de compte conclu qu’il n’y avait aucun élément de preuve crédible ou fiable démontrant que quiconque avait cherché le demandeur depuis l’unique incident de septembre 2016 et que, selon la prépondérance des probabilités, personne ne le chercherait s’il retournait au Pakistan.

[16]  La commissaire a également envisagé une autre conclusion, soit qu’Islamabad constituait une possibilité de refuge intérieur (PRI) raisonnable. Elle a rejeté les éléments de preuve concernant les attaques religieuses envers un autobus transportant des sunnites en 2008, les jugeant non pertinents. Elle a également conclu qu’elle ne disposait d’aucun élément de preuve permettant de croire que des gens sauraient que le demandeur s’était converti, à moins qu’il ne choisisse de leur dire.

[17]  En outre, la transcription démontre que la commissaire de la SPR a interrogé le demandeur au sujet des groupes religieux extrémistes ayant la capacité de retrouver un individu au Pakistan et que celui-ci a reconnu qu’il s’agirait d’une tâche difficile pour n’importe quel groupe.

[18]  La commissaire a donc conclu qu’Islamabad serait une PRI satisfaisante compte tenu du fait que le demandeur avait démontré avoir la capacité de se réinstaller dans plusieurs pays différents, y compris du fait que la langue locale ne serait pas un problème pour lui.

III.  Norme de contrôle

[19]  Le demandeur a soutenu que la question fondamentale visait la conclusion relative à la crédibilité de l’allégation selon laquelle des assaillants le chercheraient s’il retournait au Pakistan, ce qui, selon lui, était une conclusion de fait. De telles conclusions sont assujetties à la norme très déférente de la raisonnabilité et ne peuvent être annulées qu’en cas d’erreur des plus manifestes : (voir Njeri c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2009 CF 291 au paragraphe 11; Kallab c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2019 CF 706 aux paragraphes 40‑41 [Kallab]; Jean Pierre c Canada (Immigration et Statut de réfugié), 2018 CAF 97 aux paragraphes 51‑53; Housen c Nikolaisen, 2002 CSC 33).

[20]  La Cour n’est pas d’accord pour dire que la conclusion contestée concernant la crédibilité a un lien de causalité avec la conclusion relative à la PRI. Cette conclusion est aussi une conclusion de fait, qui est fondée sur l’évaluation des documents sur la situation du pays et assujettie à la même norme très déférente de la raisonnabilité.

IV.  Analyse

[21]  Le demandeur a fait valoir que la commissaire avait arbitrairement conclu que personne ne le chercherait s’il retournait au Pakistan. Sa principale observation est que, dans l’exposé établissant le fondement de sa demande d’asile, il avait révélé que des gens le cherchaient depuis qu’il avait quitté le Pakistan, comme l’indiquait une lettre reçue de sa femme. Je rejette cette observation parce que, comme je l’ai mentionné précédemment, il y a des contractions importantes entre les allégations à cet égard contenues dans les lettres de sa belle-sœur et de sa femme et celles contenues dans l’exposé établissant le fondement de sa demande d’asile.

[22]  Subsidiairement, le demandeur soutient qu’étant donné cette erreur de la commissaire dans la conclusion relative à la crédibilité, l’observation concernant la PRI doit également être réexaminée. Je rejette aussi cet argument. D’abord, comme je l’ai indiqué, j’estime que la conclusion défavorable relative à la crédibilité de l’allégation selon laquelle des assaillants le cherchent ne peut être une erreur, car elle est suffisamment étayée par la preuve.

[23]  En outre, j’estime que la conclusion selon laquelle Islamabad serait une PRI raisonnable ne dépendait pas d’une conclusion sur la crédibilité de l’allégation selon laquelle des assaillants inconnus l’auraient cherché chez sa belle-sœur. Il s’agissait plutôt d’une question distincte fondée sur les documents concernant la situation du pays et sur la conclusion raisonnable selon laquelle personne ne saurait que le demandeur s’était converti dans une ville de la taille d’Islamabad, à moins qu’il ne divulgue cette information lui-même.

[24]  En conséquence, la demande est rejetée.

[25]  Aucune question n’est certifiée en vue d’un appel.


LA COUR ORDONNE :

  1. La demande est rejetée.

« Peter Annis »

Juge

Traduction certifiée conforme

Ce 9e jour de septembre 2019

Caroline Tardif, traductrice


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM‑6438‑18

 

INTITULÉ :

ATIQUE c MCI

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 11 JUILLET 2019

 

JUGEMENT ET MOTIFS DU JUGEMENT :

LE JUGE ANNIS

 

DATE DES MOTIFS :

LE 3 SEPTEMBRE 2019

 

COMPARUTIONS :

Fernando A. Monge‑Loria

POUR LE DEMANDEUR

 

Monmi Goswami

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Fernando A. Monge‑Loria

POUR LE DEMANDEUR

 

Monmi Goswami

Ministère de la Justice

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

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