Décisions de la Cour fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision

     IMM-3562-96

ENTRE

     ALNOOR WALJI MURJI,

     requérant,

     et

     LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION,

     intimé.

     MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE MacKAY

         Il s'agit d'une demande de contrôle judiciaire et d'annulation de la décision, prise le 1er août 1996 par une agente des visas du Haut-commissariat à Nairobi (Kenya), par laquelle l'agente a rejeté la demande de résidence permanente présentée par le requérant. Ce rejet reposait sur la conclusion de l'agente selon laquelle le requérant n'avait pas établi qu'il disposait des ressources financières requises pour son établissement au Canada, et il n'était donc pas admissible en application de l'alinéa 19(2)d) de la Loi sur l'immigration, L.R.C. (1985), ch. I-2, modifié.

         Les dispositions législatives applicables sont les suivantes, bien que l'alinéa 19(1)b) ne semble pas avoir été mentionné dans la lettre de rejet de la demande.

         19.(1) Les personnes suivantes appartiennent à une catégorie non admissible :
         ...
         b) celles dont il y a des motifs raisonnables de croire qu'elles n'ont pas la capacité ou la volonté présente ou future de subvenir tant à leurs besoins qu'à ceux des personnes à leur charge et qui ne peuvent convaincre l'agent d'immigration que les dispositions nécessaires - n'impliquant pas l'aide sociale - ont été prises en vue d'assurer leur soutien;
         (2) Appartiennent à une catégorie non admissible les immigrants et...les visiteurs qui :
         ...
         d) soit ne se conforment pas aux conditions prévues à la présente loi et à ses règlements ou aux mesures ou instructions qui en procèdent, soit ne le peuvent le faire.

         En vertu du Règlement, le paragraphe 8(1), tel qu'il s'applique en l'espèce, est ainsi rédigé :

         8.(1) Sous réserve de l'article 11.1, afin de déterminer si un immigrant...pourront réussir leur installation au Canada, l'agent des visas apprécie l'immigrant...

         À son entrevue tenue en novembre 1995 à Nairobi, le requérant a été apprécié, parmi d'autres facteurs examinés, pour la profession de réparateur de ludotique, et il a été considéré comme ayant suffisamment de points pour être admis au Canada. En appréciant les qualités personnelles du requérant, l'agente des visas a tenu compte du fait qu'il avait travaillé régulièrement pendant les 16 années passées et que, très récemment, il avait possédé et dirigé, apparemment avec succès, sa propre petite entreprise. En outre, il avait une offre d'emploi non officielle au Canada, bien que cette offre ne lui garantisse pas l'obtention d'un emploi.

         À son entrevue, le requérant a présenté la preuve de ses ressources financières, un relevé bancaire concernant sa compagnie et un chèque payable à celle-ci qui, selon lui, indiquait un total de 16 000 $ canadiens équivalents disponibles pour son émigration au Canada, et il prétendait n'avoir aucune dette impayée. L'agente des visas lui a demandé de présenter une autre preuve plus complète de sa situation financière. Sous réserve de sa capacité d'établir que sa situation financière était satisfaisante sur la base des éléments de preuve additionnels, l'agente des visas était disposée à évaluer favorablement sa demande de résidence permanente au Canada.

         En janvier 1996, le requérant a présenté la preuve qu'une somme de 7 500 $CAN avait été déposée pour son compte dans une banque de Toronto, et il a produit un rapport d'inventaire et financier pour sa compagnie ainsi qu'une copie du contrat de prêt pour l'achat d'une voiture. L'agente des visas a considéré que cela n'établissait pas suffisamment la situation financière du requérant pour justifier la décision selon laquelle il avait des fonds disponibles en vue de son émigration, avec les membres de sa famille qui étaient à sa charge, au Canada en tant que résidents permanents. Le 29 mai, on a demandé au requérant de produire une évaluation officielle de la valeur marchande actuelle de son entreprise, sous forme d'un document largement utilisé au Kenya lorsqu'une entreprise est mise en vente. L'agente des visas s'intéressait à la détermination de la valeur de vente de l'entreprise du requérant pour établir les ressources financières dont il pouvait disposer pour subvenir à ses besoins et aux besoins de sa famille, s'il devait être admis au Canada en tant que résident permanent.

         En juillet 1996, le requérant a présenté un rapport commercial financier vérifié indiquant qu'en décembre 1995, son entreprise avait une valeur nette de 27 000 $ canadiens équivalents. Il n'a pas produit une évaluation de la valeur marchande de l'entreprise comme on le lui avait demandé. L'agente des visas n'a pas reconnu que l'état vérifié daté de décembre 1995 établissait l'existence des fonds dont le requérant pouvait disposer pour appuyer son établissement en tant que résident permanent au Canada.

         En évaluant les fonds requis en vue d'un établissement couronné de succès pendant six mois au Canada, l'agente a utilisé les sommes indiquées dans le manuel ministériel qui permettaient qu'une famille de quatre personnes s'établisse avec succès dans un grand centre, comme l'établissement projeté du requérant au Canada l'entraînerait, plus les frais de transport causés par le déménagement du Kenya au Canada. La somme totale déterminée par l'agente était de 18 784 $CAN.

         À ce stade, les documents financiers présentés à l'agente des visas ont été considérés par celle-ci comme établissant que le requérant avait 7 500 $CAN dans une banque de Toronto et une entreprise au Kenya pour laquelle elle avait un état épuré antérieur mais aucune évaluation officielle de la valeur marchande actuelle de cette entreprise. Vers la fin de juin, le représentant du requérant avait laissé entendre que la preuve des fonds disponibles serait fournie par la vente de l'entreprise, mesure qui serait prise une fois que le requérant aurait eu la confirmation, ce qui serait la dernière condition à remplir dans l'obtention de son visa. L'agente des visas a refusé de confirmer que la valeur marchande de l'entreprise pourrait être mieux déterminée par la vente de celle-ci, ou de suivre cette proposition faite à la condition de la délivrance d'un visa.

         Le 1er août, la demande a été rejetée au motif que le requérant n'avait pas produit la preuve des ressources financières suffisantes disponibles lui permettant de s'établir avec succès au Canada.

         La présente demande soulève plusieurs motifs de contrôle judiciaire. Elle a été rejetée par ordonnance rendue le 12 septembre 1997 lorsque, après examen, je n'étais pas persuadé que l'agente des visas ait commis une erreur dans son appréciation de la demande de résidence permanente présentée par le requérant. Voici les motifs de cette ordonnance.

         L'avocat du requérant prétend que, par la façon dont l'agente des visas a demandé des avis sur les états financiers et les ressources financières en général au chef de la section des finances de la mission canadienne à Nairobi, elle a illégalement délégué son pouvoir, selon le principe reconnu dans l'arrêt Muliadi c. Ministre de l'Emploi et de l'Immigration, [1986] 2 C.F. 205, 66 N.R. 8, 18 Adminn. L.R. 243 (C.A.). De plus, il est allégué que ce faisant, elle a violé le principe selon lequel [TRADUCTION] "celle qui entend doit décider" ou elle a refusé d'appliquer l'équité procédurale ou a entravé l'exercice de son pouvoir discrétionnaire. Cet argument repose sur l'aveu fait par l'agente des visas au contre-interrogatoire sur son affidavit selon lequel elle n'était pas expert-comptable et avait demandé des avis au chef de la section des finances dans l'examen des documents financiers fournis par le requérant.

         Les faits de l'espèce ne me convainquent pas que l'agente des visas a fait plus que ce qu'elle était en droit de faire, c'est-à-dire l'obtention d'avis du chef de la section des finances, ou de quelqu'un d'autre, concernant les documents et les questions à examiner dans son appréciation des ressources financières dont un requérant dispose en vue d'une résidence permanente. Il n'y a pas de preuve que la décision en l'espèce a été déléguée à une personne autre que l'agente des visas en cause, ou a été prise par quelqu'un à l'exception de celle-ci, ni que sa décision a été entravée par l'avis qu'elle peut avoir obtenu.

         Il est allégué que c'est à tort que l'agente des visas a demandé que la valeur marchande de l'entreprise du requérant soit établie, ce que ni la Loi ni ses règlements ne l'exigent, et que, lorsqu'un moyen de fournir cette information, par la vente de l'entreprise du requérant, a été proposé, l'agente des visas a refusé d'examiner cette proposition. Je ne considère pas cette proposition comme une question sérieuse, proposition de vendre l'entreprise pour obtenir une juste valeur marchande, car elle a été faite à la condition que le requérant obtienne un visa de résident permanent. L'agente n'était nullement tenue d'accepter une telle proposition, ni d'examiner celle-ci. En fait, elle aurait peut-être renoncé à ses responsabilités si elle l'avait fait.

         De plus, bien que la preuve financière particulière demandée par l'agente des visas n'est requise ni par la Loi sur l'immigration ni par ses règlements, et que, de même, les fonds particuliers requis pour s'établir avec succès au Canada ne sont pas précisés par la loi, l'agente, dans l'appréciation d'un requérant indépendant en vue d'une résidence permanente, doit évaluer les ressources financières du requérant et les coûts raisonnables prévus en vue d'un établissement couronné de succès dans ce pays. En l'espèce, l'agente s'est référée au manuel ministériel et à une indemnité raisonnable de voyage au Canada pour estimer ces coûts, comme elle était en droit de le faire. Pour évaluer les fonds disponibles qui proviendraient de l'entreprise du requérant, l'agente a demandé des éléments de preuve, sous une forme connue et utilisée au Kenya. Il est curieux qu'ils n'aient pas été produits. Les renseignements financiers qu'ont donnés le requérant ne permettaient pas, selon l'agente, d'évaluer la partie, s'il en est, des fonds provenant de son entreprise qui était disponible pour l'aider à s'établir avec succès au Canada. L'agente n'a pas eu tort de demander des renseignements comme elle l'avait fait, ni de déterminer que les renseignements financiers fournis n'étaient pas suffisants pour qu'elle puisse évaluer les fonds dont le requérant pouvait disposer.

         Il est également allégué que l'agente des visas a entravé l'exercice de son pouvoir discrétionnaire en s'appuyant, comme des règles, sur des détails figurant dans les lignes directrices du manuel ministériel pour évaluer les besoins financiers du requérant qui s'imposaient pour qu'il s'établisse avec succès au Canada. Je suis persuadé que l'agente s'est simplement appuyée sur les conseils concernant les sommes obtenues des lignes directrices ministérielles, ce qu'elle était en droit de faire.

         De plus, le fait pour l'agente des visas de considérer l'offre d'emploi donnée au requérant comme étant celle qui ne lui assurait pas l'obtention d'un emploi n'était pas une erreur de sa part. Il est vrai qu'une offre d'emploi n'a pas à être validée ni certifiée sous le régime de la loi ou de ses règlements, mais on ne saurait dire que l'offre d'emploi a été oubliée en l'espèce, même si on ne s'y est pas appuyé pour compenser les renseignements financiers jugés insatisfaisants par l'agente des visas.

         En dernier lieu, le requérant fait valoir que le rejet de sa demande ne repose pas sur un fondement légal. À mon avis, ce rejet est justifié sur le plan juridique parce que le requérant n'a pas convaincu l'agente des visas qu'il avait rempli les conditions en prouvant qu'il serait en mesure de s'établir de façon satisfaisante grâce à ses propres ressources. Il n'incombe pas à l'intimé ni à un agent des visas de justifier le rejet d'une demande d'une façon autre que celle dont cela été fait. Il appartient au requérant de démontrer que l'appréciation qu'on a faite de lui était erronée, ce qui n'a pas été fait en l'espèce.

         Par ces motifs, une ordonnance a été rendue le 12 septembre 1997 pour rejeter la présente demande de contrôle judiciaire.

         En application du paragraphe 83(1) de la Loi sur l'immigration, l'avocat du requérant a proposé que les questions suivantes soient certifiées aux fins d'examen par la Cour

d'appel :

         1.      L'agent d'immigration peut-il solliciter les avis de quelqu'un qui n'est pas agent d'immigration, sans la connaissance du requérant, dans l'examen de la demande de résidence permanente?
         2.      L'agent d'immigration peut-il rejeter la demande de résidence permanente présentée par un requérant en vertu d'une politique ministérielle rendue publique, mais non pas par la Loi ni par ses règlements?

         L'avocat de l'intimé s'est opposé à la certification des questions proposées, faisant valoir qu'elles ne détermineraient pas l'issue d'un appel et qu'elles ne découlent pas des faits de l'espèce. Je suis persuadé qu'il en est ainsi, et il n'y a donc pas lieu à certification en application du paragraphe 83(1) de la Loi sur l'immigration.

                                 W. Andrew MacKay                                          Juge

OTTAWA (Ontario)

Le 22 septembre 1997

Traduction certifiée conforme

                         Tan Trinh-viet

     COUR FÉDÉRALE DU CANADA

     SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

     AVOCATS ET PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER

No DU GREFFE :                      IMM-3562-96
INTITULÉ DE LA CAUSE :              Alnoor Walji Murji

                             c.

                             Le ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration
LIEU DE L'AUDIENCE :              Toronto (Ontario)
DATE DE L'AUDIENCE :              Le 3 septembre 1997

MOTIFS DE L'ORDONNANCE DE MONSIEUR LE JUGE MacKAY

EN DATE DU                      22 septembre 1997

ONT COMPARU :

Max Chaudhary                  pour le requérant

Cheryl Mitchell              pour l'intimé

PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER :

Max Chaudhary                  pour le requérant

Toronto (Ontario)

George Thomson

Sous-procureur général du Canada

                             pour l'intimé


 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.