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Date : 20000606


Dossier : T-2329-98


OTTAWA (ONTARIO), LE 6 JUIN 2000

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE PINARD

ENTRE :


LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L'IMMIGRATION



appelant


et


CHI CHENG ANDY SUN


intimé



JUGEMENT


     L'appel est accueilli. La décision du juge de la citoyenneté Marguerite Ford datée du 15 octobre 1998 est annulée au motif qu'à l'époque où l'intimé a présenté sa demande de citoyenneté, il ne satisfaisait pas aux exigences en matière de résidence prévues à l'alinéa 5(1)c) de la Loi sur la citoyenneté. En conséquence, la demande de citoyenneté de l'intimé est rejetée.


« Yvon Pinard »

                                         JUGE

Traduction certifiée conforme


Bernard Olivier, B.A., LL.B.





Date : 20000606


Dossier : T-2329-98


ENTRE :


LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L'IMMIGRATION


appelant


et


CHI CHENG ANDY SUN


intimé



MOTIFS DU JUGEMENT


LE JUGE PINARD


[1]      Il s'agit d'un appel, fondé sur le paragraphe 14(5) de la Loi sur la citoyenneté, L.R.C. (1985), ch. C-29 (la Loi), que le ministre a déposé contre la décision, datée du 15 octobre 1998, dans laquelle le juge de la citoyenneté Marguerite Ford a approuvé la demande que l'intimé avait présentée en vue d'obtenir la citoyenneté canadienne. L'appelant soutient que le juge de la citoyenneté a commis une erreur lorsqu'elle a conclu que le défendeur satisfaisait aux exigences en matière de résidence prévues à l'alinéa 5(1)c) de la Loi.

[2]      Même si, en vertu de la règle 300 des Règles de la Cour fédérale (1998) (les Règles), qui sont entrées en vigueur le 25 avril 1998, un appel fondé sur le paragraphe 14(5) de la Loi sur la citoyenneté ne constitue plus un appel de novo, il s'agit toujours d'un appel, et non d'une demande de contrôle judiciaire. La règle 300c) prévoit que la partie 5 des Règles, qui comprend de simples règles de procédure, s'applique aux « appels interjetés en vertu du paragraphe 14(5) de la Loi sur la citoyenneté » . Ni la Loi sur la citoyenneté, ni la Loi sur la Cour fédérale, ni les Règles ne prévoient qu'un appel fondé sur le paragraphe 14(5) de la Loi sur la citoyenneté constitue une demande de contrôle judiciaire. En fait, la règle 300 mentionne seulement que la partie 5 des Règles s'applique à divers types d'instances, notamment aux demandes de contrôle judiciaire, appels fondés sur le paragraphe 14(5) de la Loi sur la citoyenneté, appels fondés sur l'article 56 de la Loi sur les marques de commerce, renvois faits à la Cour par un office fédéral en vertu de la règle 320, demandes fondées sur le Code d'arbitrage commercial, demandes de reconnaissance ou d'application d'un jugement étranger... À mon avis, cela signifie simplement que les appels fondés sur le paragraphe 14(5) de la Loi sur la citoyenneté sont, à l'instar des demandes de contrôle judiciaire de décisions administratives et de toute autre instance visée par la règle 300, assujettis aux règles de procédure que contient la partie 5 des Règles. En d'autres termes, l'appel fondé sur le paragraphe 14(5) de la Loi sur la citoyenneté ne constitue plus un appel de novo, mais il s'agit toujours d'un appel auquel s'appliquent les règles de procédure que l'on applique à la demande de contrôle judiciaire, selon les Règles. Le paragraphe 14(5) de la Loi sur la citoyenneté fournit un droit d'appel exhaustif qui empêche le contrôle de la décision du juge de la citoyenneté aux termes de l'article 18.1 de la Loi sur la Cour fédérale (voir l'article 18.5 de la Loi sur la Cour fédérale et l'arrêt Shun c. Canada (M.C.I.) (1996), 35 Imm. L.R. (2d) 211 (C.A.F.). Un tel appel ne constitue donc pas une demande de contrôle judiciaire au sens de l'article 18.1 de la Loi sur la Cour fédérale. En conséquence, le champ d'intervention de notre Cour n'est pas limité par le paragraphe 18.1(3)1 de la Loi, et elle peut simplement annuler la décision d'un juge de la citoyenneté si, comme c'est le cas en l'espèce, celle-ci est erronée d'un point de vue juridique.

[3]      L'intimé, un citoyen de Taïwan, a obtenu le statut de résident permanent au Canada le 22 juillet 1990. Il a présenté sa demande de citoyenneté canadienne le 30 septembre 1997. Au cours de la période pertinente au sens de l'alinéa 5(1)c) de la Loi, l'intimé a été physiquement présent au Canada pendant 220 jours et il en a été absent pendant 1 240 jours, de sorte qu'il lui manquait 875 jours. Pendant ses absences, l'intimé se trouvait à Taïwan, où il rendait visite à des parents malades et où il faisait des affaires dans le domaine de la fabrication et de l'exportation de souliers.

[4]      Voici les exigences en matière de résidence que prévoit l'alinéa 5(1)c) :

5. (1) The Minister shall grant citizenship to any person who

[ . . . ]

(c) has been lawfully admitted to Canada for permanent residence, has not ceased since such admission to be a permanent resident pursuant to section 24 of the Immigration Act, and has, within the four years immediately preceding the date of his application, accumulated at least three years of residence in Canada calculated in the following manner:

     (i) for every day during which the person was resident in Canada before his lawful admission to Canada for permanent residence the person shall be deemed to have accumulated one-half of a day of residence, and
     (ii) for every day during which the person was resident in Canada after his lawful admission to Canada for permanent residence the person shall be deemed to have accumulated one day of residence;


5. (1) Le ministre attribue la citoyenneté à toute personne qui, à la fois :

[ . . . ]

c) a été légalement admise au Canada à titre de résident permanent, n'a pas depuis perdu ce titre en application de l'article 24 de la Loi sur l'immigration, et a, dans les quatre ans qui ont précédé la date de sa demande, résidé au Canada pendant au moins trois ans en tout, la durée de sa résidence étant calculée de la manière suivante:

     (i) un demi-jour pour chaque jour de résidence au Canada avant son admission à titre de résident permanent;


     (ii) un jour pour chaque jour de résidence au Canada après son admission à titre de résident permanent.

[5]      Mon collègue le juge Muldoon a énoncé, dans Re Pourghasemi (1993), 19 Imm. L.R. (2d) 259, à la p. 260, les objectifs qui sous-tendent cette disposition de la Loi :

         . . . vise à garantir que quiconque aspire au don précieux de la citoyenneté canadienne ait acquis, ou se soit vu obliger d'acquérir, au préalable, la possibilité quotidienne de « se canadianiser » . Il le fait en côtoyant les Canadiens au centre commercial, au magasin d'alimentation du coin, à la bibliothèque, à la salle de concert, au garage de réparation d'automobiles, dans les buvettes, les cabarets, dans l'ascenseur, à l'église, à la synagogue, à la mosquée ou au temple - en un mot là où l'on peut rencontrer des Canadiens et parler avec eux - durant les trois années requises. Pendant cette période le candidat à la citoyenneté peut observer la société canadienne telle qu'elle est, avec ses vertus, ses défauts, ses valeurs, ses dangers et ses libertés. Si le candidat ne passe pas par cet apprentissage, cela signifiera que la citoyenneté peut être accordée à quelqu'un qui est encore un étranger pour ce qui est de son vécu, de son degré d'adaptation sociale, et souvent de sa pensée et de sa conception des choses. Si donc le critère s'applique à l'égard de certains candidats à la citoyenneté, il doit s'appliquer à l'égard de tous. Et c'est ainsi qu'il a été appliqué par Mme le juge Reed dans Re Koo, T-20-92, 3 décembre 1992 [(1992), 59 F.T.R. 27, 19 Imm.L.R. (2d) 1], encore que les faits de la cause ne fussent pas les mêmes.

(Voir également Re Afandi (6 novembre 1998), T-2476-97 (C.F. 1re inst.); M.C.I. c. Kam Biu Ho (24 novembre 1998), T-19-98 (C.F. 1re inst.); M.C.I. c. Chen Dai (6 janvier 1999), T-996-98 (C.F. 1re inst.); M.C.I. c. Chung Shun Paul Ho (1er mars 1999), T-1683-96 (C.F. 1re inst.); M.C.I. c. Fai Sophia Lam (28 avril 1999), T-1524-98 (C.F. 1re inst.); et M.C.I. c. Su-Chen Chiu (9 juin 1999), T-1892-98 (C.F. 1re inst.)).

[6]      En conséquence, compte tenu des longues absences de l'intimé du Canada, je conclus que la conclusion du juge de la citoyenneté qu'il avait satisfait aux critères de résidence prévus à l'alinéa 5(1)c) de la Loi était totalement déraisonnable et qu'elle était le résultat d'une application erronée de la disposition législative pertinente.

[7]      L'appel est donc accueilli et la décision du juge de la citoyenneté datée du 15 octobre 1998 est annulée au motif qu'à l'époque où l'intimé a présenté sa demande de citoyenneté, il ne satisfaisait pas aux exigences en matière de résidence prévues à l'alinéa 5(1)c) de la Loi. En conséquence, la demande de citoyenneté de l'intimé est rejetée.


« Yvon Pinard »

                                         JUGE


OTTAWA (ONTARIO)

Le 6 juin 2000.







Traduction certifiée conforme


Bernard Olivier, B.A., LL.B.

COUR FÉDÉRALE DU CANADA

SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE


AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER



NO DU GREFFE :              T-2329-98

INTITULÉ DE LA CAUSE :          M.C.I. c. CHI CHENG ANDY SUN


LIEU DE L'AUDIENCE :          VANCOUVER (COLOMBIE-BRITANNIQUE)

DATE DE L'AUDIENCE :          LE JEUDI 11 MAI 2000

MOTIFS DU JUGEMENT EXPOSÉS PAR M. LE JUGE PINARD

EN DATE DU :              MARDI 6 JUIN 2000



ONT COMPARU :


Mme Emilia Pech                          POUR L'APPELANT

M. George Wong                          POUR L'INTIMÉ


AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :


Morris Rosenberg                          POUR L'APPELANT

Sous-procureur général du Canada

Ottawa (Ontario)

George Wong & Company

Vancouver (Colombie-Britannique)                  POUR L'INTIMÉ

__________________

1      18.1 (3) On an application for judicial review, the Trial Division may(a) order a federal board, commission or other tribunal to do any act or thing it has unlawfully failed or refused to do or has unreasonably delayed in doing; or(b) declare invalid or unlawful, or quash, set aside or set aside and refer back for determination in accordance with such directions as it considers to be appropriate, prohibit or restrain, a decision, order, act or proceeding of a federal board, commission or other tribunal.
     18.1 (3) Sur présentation d'une demande de contrôle judiciaire, la Section de première instance peut_:a) ordonner à l'office fédéral en cause d'accomplir tout acte qu'il a illégalement omis ou refusé d'accomplir ou dont il a retardé l'exécution de manière déraisonnable;b) déclarer nul ou illégal, ou annuler, ou infirmer et renvoyer pour jugement conformément aux instructions qu'elle estime appropriées, ou prohiber ou encore restreindre toute décision, ordonnance, procédure ou tout autre acte de l'office fédéral.

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