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Date : 20190911


Dossiers : IMM-1109-18

IMM-1998-18

Référence : 2019 CF 1165

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 11 septembre 2019

En présence de madame la juge Heneghan

ENTRE :

BASHIR ABDI MOHAMED

demandeur

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION DU CANADA

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

[1]  M. Bashir Abdi Mohamed (le « demandeur ») demande le contrôle judiciaire de deux décisions rendues en vertu de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 (la « Loi »).

[2]  Dans le dossier IMM-1109-18, le demandeur sollicite le contrôle judiciaire de la décision d’un agent d’immigration (l’« agent »).

[3]  Dans le dossier IMM-1998-18, le demandeur sollicite le contrôle judiciaire de la décision du 18 avril 2018 par laquelle Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada (« IRCC ») a refusé de réexaminer sa demande d’asile.

[4]  Dans la première décision, datée du 27 février 2018, l’agent a conclu que le demandeur ne pouvait présenter une demande d’asile au Canada, en vertu de la Loi, au motif que les États-Unis lui avaient déjà accordé le statut de réfugié au sens de la Convention et qu’il pouvait retourner dans ce pays. L’agent s’est fondé sur l’alinéa 101(1)d) de la Loi pour conclure que la demande d’asile du demandeur ne pouvait être déférée à la Section de la protection des réfugiés (la « SPR ») de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié.

[5]  Dans la deuxième décision, IRCC a refusé de rouvrir la demande d’asile du demandeur pour les raisons suivantes :

[traduction]

Le client s’est présenté au bureau d’IRCC d’Etobicoke le 18 avril 2018 accompagné d’un représentant. Le client a indiqué qu’il voulait que sa demande d’asile soit rouverte. Le client a ensuite interjeté appel de la décision devant la Cour fédérale. En attente de la décision de la Cour fédérale. Aucun rendez-vous n’a été fixé.

[6]  Le demandeur a déposé un affidavit à l’appui de chacune de ses demandes de contrôle judiciaire. Il a déclaré être citoyen somalien et membre du clan Ashraf, un clan minoritaire opprimé en Somalie.

[7]  Le demandeur a témoigné au sujet du décès de son père alors qu’il avait 10 ans, de l’éclatement subséquent de sa famille et des soins prodigués par une femme nommée « Asha », une amie de sa mère. En fin de compte, le demandeur s’est établi aux États-Unis en 1998 en tant que réfugié dérivé, après avoir été parrainé par Abdirizak Ahmed Warsame, l’époux d’Asha. À cette époque, le demandeur était connu sous le nom de « Hamud Abdirizak Ahmed ». Il a obtenu la résidence permanente aux États-Unis sous ce nom.

[8]  Le demandeur a déclaré avoir demandé la naturalisation aux États-Unis le 2 mai 2016. Il a affirmé avoir reçu, le 3 janvier 2018, une lettre des autorités américaines l’informant qu’il n’était pas admissible à la naturalisation. Le paragraphe 34 de son affidavit déposé dans le dossier IMM-1109-18 est ainsi rédigé :

[traduction]

34. Dans la section intitulée « Exposé des faits et analyse », il est indiqué que j’ai obtenu le statut de résident permanent dans la catégorie d’immigrants AS6. La catégorie AS6 comprend le demandeur principal, l’époux et les enfants d’un asilé. En l’espèce, l’asilé est Abdirizak. Plus particulièrement, j’étais le bénéficiaire d’une demande d’asile (formulaire I-730), qui a été déposée par Abdirizak.

[9]  Le demandeur affirme que les deux conclusions sont déraisonnables. En ce qui concerne la décision d’IRCC, il soutient en outre que le décideur n’a pas tenu compte de la nouvelle preuve qu’il avait présentée et qu’il n’a pas donné de motifs suffisants.

[10]  Le ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration (le « défendeur ») soutient que l’agent a raisonnablement décidé que le demandeur ne pouvait demander le statut de réfugié au sens de la Convention au Canada, parce qu’il a un statut aux États-Unis.

[11]  Le défendeur soutient également que le décideur d’IRCC a raisonnablement refusé la demande de réexamen puisqu’il n’y avait aucune preuve que le statut du demandeur aux États‑Unis avait changé.

[12]  Dans la mesure où les décisions de l’agent et du décideur d’IRCC comportent des questions mixtes de fait et de droit, ces décisions peuvent faire l’objet d’un contrôle selon la norme de la décision raisonnable; voir la décision Dobson c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2011 CF 121, aux paragraphes 15-16.

[13]  Selon l’arrêt Dunsmuir c Nouveau-Brunswick, [2008] 1 RCS 190, la norme de la décision raisonnable exige que la décision soit justifiable, transparente et intelligible, et qu’elle appartienne aux issues possibles et acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit.

[14]  Toutes les questions relatives à l’équité procédurale sont susceptibles de contrôle selon la norme de la décision correcte; voir l’arrêt Canada (Citoyenneté et Immigration) c Khosa, [2009] 1 RCS 339.

[15]  À mon avis, l’agent a raisonnablement conclu que le demandeur ne pouvait pas présenter une demande de statut de réfugié au sens de la Convention au Canada puisqu’il avait le statut de résident permanent aux États-Unis. La conclusion est étayée par la preuve que le demandeur a présentée à l’agent.

[16]  L’agent a renvoyé à l’alinéa 101(1)d) de la Loi, qui prévoit ce qui suit :

Irrecevabilité

Ineligibility

101 (1) La demande est irrecevable dans les cas suivants :

101 (1) A claim is ineligible to be referred to the Refugee Protection Division if

d) reconnaissance de la qualité de réfugié par un pays vers lequel il peut être renvoyé;

(d) the claimant has been recognized as a Convention refugee by a country other than Canada and can be sent or returned to that country;

[17]  La décision de l’agent satisfait à la norme applicable de la décision raisonnable, comme il en est question dans l’arrêt Dunsmuir, précité. La preuve présentée par le demandeur appuie la conclusion de l’agent selon laquelle il était visé par l’alinéa 101(1)d) de la Loi.

[18]  J’en viens maintenant à la décision prise par IRCC, qui a refusé de réexaminer la décision de l’agent.

[19]  Le demandeur soutient que ce décideur a commis une erreur en ne tenant pas compte de la nouvelle preuve qu’il a présentée avec sa demande de réexamen, et en entravant de façon déraisonnable l’exercice du pouvoir discrétionnaire dont il dispose de réexaminer une décision antérieure.

[20]  La nouvelle preuve présentée par le demandeur ne change rien au fait qu’au moment où il a demandé le réexamen de la décision de l’agent, le demandeur avait toujours le statut de résident permanent aux États-Unis.

[21]  Cette conclusion est au cœur de la décision de l’agent et de celle du décideur d’IRCC.

[22]  Les motifs invoqués par le décideur d’IRCC, cités ci-dessus, sont rédigés de façon concise. Toutefois, ces motifs indiquent clairement que la décision initiale ne sera pas réexaminée puisque le demandeur avait présenté une demande de contrôle judiciaire du refus initial de la demande d’asile par l’agent.

[23]  La question dont la Cour est saisie consiste à savoir si le raisonnement satisfait au critère de l’arrêt Dunsmuir relatif à la justification, à la transparence et à l’intelligibilité.

[24]  À mon avis, les motifs satisfont à ce critère.

[25]  Le fait déterminant, constaté par l’agent, est que le demandeur avait le statut de résident permanent aux États-Unis lorsqu’il a demandé l’asile au Canada. En application de l’alinéa 101(1)d) de la Loi, la demande d’asile du demandeur ne pouvait être déférée à la Section de la protection des réfugiés.

[26]  D’après la preuve présentée par le demandeur à l’agent et à IRCC, il avait un statut aux États-Unis.

[27]  Tout changement dans ce statut est spéculatif à l’heure actuelle.

[28]  La preuve présentée par le demandeur démontre qu’il a le statut de résident permanent aux États-Unis. Par effet de la loi, c’est-à-dire en application de l’alinéa 101(1)d) de la Loi, cité ci-dessus, sa demande d’asile au Canada ne peut être déférée à la Section de la protection des réfugiés.

[29]  À mon avis, la conclusion de fait tirée par l’agent est étayée par la preuve. La décision est conforme à la norme de contrôle applicable et est inextricablement liée à la décision prise par IRCC.

[30]  Rien ne justifie une intervention de la Cour et la demande de contrôle judiciaire sera par conséquent rejetée. Il n’y a aucune question à certifier.


JUGEMENT dans les dossiers IMM-1109-18 et IMM-1998-18

LA COUR STATUE que les demandes de contrôle judiciaire sont rejetées dans les dossiers IMM-1109-18 et IMM-1998-18 et qu’il n’y a aucune question à certifier dans l’une ou l’autre des instances.

Le jugement et les motifs seront déposés dans le dossier numéro IMM-1109-18 et versés au dossier numéro IMM-1998-18.

« E. Heneghan »

Juge

Traduction certifiée conforme

Ce 26e jour de septembre 2019

Julie Blain McIntosh


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIERS :

IMM-1109-18, IMM-1998-18

 

INTITULÉ :

BASHIR ABDI MOHAMED c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 18 mars 2019

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

La juge Heneghan

 

DATE DES MOTIFS :

LE 11 SEPTEMBRE 2019

 

COMPARUTIONS :

Tina Hlimi

Pour le demandeur

Neeta Logsetty

Pour le défendeur

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Tina Hlimi Law

Avocate

Toronto (Ontario)

 

Pour le demandeur

Procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

 

Pour le défendeur

 

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