Décisions de la Cour fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision

     IMM-1652-97


OTTAWA (ONTARIO), LE VENDREDI 31 OCTOBRE 1997.


EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE TEITELBAUM

ENTRE :

                 DORCA HARRIS et

                 KENNY TOMAS GEORGE SHEPARD,

     requérants,

     et

     LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L"IMMIGRATION,

     intimé.

     O R D O N N A N C E

     Pour les motifs d"ordonnance que j"ai prononcés, la demande de contrôle judiciaire est rejetée.


" Max M. Teitelbaum "

                                     J U G E

Traduction certifiée conforme                  _______________________

                                 Bernard Olivier, LL.B.

     IMM-1652-97

ENTRE :

                 DORCA HARRIS et

                 KENNY TOMAS GEORGE SHEPARD,

     requérants,

     et

     LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L"IMMIGRATION,

     intimé.

     MOTIFS DE L"ORDONNANCE

LE JUGE TEITELBAUM

     Il s"agit de la demande de contrôle judiciaire de la décision par laquelle la Section du statut de réfugié de la Commission de l"immigration et du statut de réfugié (la Commission) a conclu, le 7 avril 1997, que les requérants, Dorca Harris et son fils mineur Kenny Tomas George Shepard, citoyens de la République dominicaine et de Montserrat, n"étaient pas des réfugiés au sens de la Convention. La Commission a conclu que la crainte des requérants d"être persécutés à Montserrat n"était pas fondée. La Commission n"a pas abordé la question de la persécution des requérants en République dominicaine, car elle était d"avis que, étant citoyens de Montserrat, ils pouvaient et peuvent toujours y vivre sans crainte d"être persécutés.

LES FAITS

     La requérante Dorca Harris avait 27 ans au moment de son audition devant la Commission. Son fils Kenny avait deux ans. Dorca Harris est née en République dominicaine, où elle a résidé jusqu"en mars 1990. Elle a quitté la République dominicaine pour se rendre à Antigua, où elle est demeurée jusqu"en septembre 1990. Elle a quitté la République dominicaine parce que, vu son appartenance au " PRD " c"est-à-dire au " Parti révolutionnaire dominicain ", elle [TRADUCTION] " a été maltraitée et harcelée par le parti réformiste alors au pouvoir en Républicaine dominicaine ". Par la suite, la requérante principale a quitté Antigua pour s"établir à Montserrat, pays dont elle a obtenu la citoyenneté.

     Dans la déclaration sous serment qu"elle a faite le 23 mai 1997, elle dit [TRADUCTION] " qu"à Montserrat, j"étais suivie par deux personnes appartenant au groupe " Belanquista " et que, pour cette raison, j"ai commencé à craindre fortement d"être persécutée ".

LA DÉCISION DE LA COMMISSION

     Dans une brève décision, la Commission a déterminé que les requérants, Mme Dorca et son fils Kenny, n"étaient pas des réfugiés au sens de la Convention.

                  Après avoir analysé toute la preuve tant testimoniale que documentaire, nous en sommes venus à la conclusion que les revendicateurs ne sont pas des "réfugiés au sens de la Convention" pour la raison suivante.             
                  Soulignons la crainte de persécution de la part de la revendicatrice, la revendicatrice se rend à Montserrat pour échapper à la persécution qu'elle avait subie en République Dominicaine. À Montserrat, elle devient citoyenne de cet État et durant toute la période de résidence dans ce pays, soit cinq ans, la revendicatrice n'a jamais eu de menace et n'a jamais été persécutée par qui que ce soit. Le seul incident que la revendicatrice nous relate est le fait qu'à quelques reprises, elle a croisé dans la rue deux personnes qu'elle présumait faire partie du groupe "Belanquista". Mais ces deux personnes ne lui ont jamais adressé la parole ou ne lui ont jamais adressé de menaces; nous trouvons la crainte de la part de la revendicatrice invraisemblable.             

DISCUSSION

     La seule question soulevée par l"avocat des requérants à l"audition de la demande de contrôle judiciaire était que la Commission a commis une erreur de droit lorsqu"elle a omis de déterminer si la requérante Dorca avait été persécutée en République dominicaine et si, pour cette raison, elle avait été persécutée à Montserrat en étant suivie par deux personnes qui appartiendraient à un groupe appelé " Belanquista ".

     Le fait que la requérante Dorca ait été ou non persécutée en République dominicaine n"a aucune importance, vu les circonstances de l"espèce. La requérante Dorca a quitté la République dominicaine et a résidé à Montserrat, pays dont elle est devenue citoyenne. La Commission n"avait pas à traiter de la question de la persécution de la requérante en République dominicaine, étant donné qu"elle était convaincue que la requérante n"était pas persécutée à Montserrat.

     Dans Bouianova c. Ministre de l"Emploi et de l"Immigration (1994) 67 F.T.R. 74, à la p. 76, le juge Rothstein, en examinant la question de la double citoyenneté, dit :

             Dans l"arrêt M.E.I. c. Adnan Omar Akl , no du greffe A-527-90, du 6 mars 1990, la Cour d"appel fédérale a dit :             
                     Dans l"affaire Ward , sur cette question, la Cour a conclu à l"unanimité que le " demandeur du statut de réfugié doit établir qu"il ne peut ou ne veut pas se réclamer d"aucun des pays dont il a la nationalité " pour que sa demande soit accueillie.                     

     Dans l"arrêt Canada (Procureur général) c. Ward [1993] 2 R.C.S. 689, à la p. 694, la Cour dit :

                  L"appelant a concédé qu"il bénéficiait d"une double nationalité: irlandaise et britannique. Le fardeau de la preuve, qui comprend la preuve que le demandeur craint avec raison d"être persécuté dans tous les pays dont il est ressortissant. incombe à l"appelant et non au Ministre.             
                  La Commission doit se demander si le demandeur ne peut ou ne veut se réclamer de la protection de chaque pays dont il a la nationalité. Toute protection de l"État d"origine est la seule solution qui s"offre à un demandeur lorsqu"il est possible de l"obtenir, étant donné que la protection internationale des réfugiés est destinée à servir de mesure " auxiliaire " qui n"entre en jeu qu"en l"absence d"appui national.             

Par ailleurs, elle dit, aux pages 751 et 752 :

             La double nationalité             
                  Du fait qu'il est résident de l'Irlande du Nord qui est un pays du Royaume-Uni, Ward possède réellement la citoyenneté britannique; voir la British Nationality Act 1981, 1981 (R.-U.), ch. 61. Le 1er janvier 1983, la citoyenneté britannique a automatiquement été acquise par tous les citoyens du Royaume-Uni et des colonies qui avaient le droit de résider au Royaume-Uni à cette date conformément à la British Nationality Act 1981. Pendant les plaidoiries, l'avocat de Ward a effectivement reconnu l'erreur de la Commission à cet égard et a concédé que Ward bénéficiait d'une double nationalité. Il est donc inutile d'examiner le fardeau de la preuve, mais il est juste de dire que je souscris à l'avis de la Cour d'appel voulant que la Commission ait commis une erreur en imposant le fardeau de la preuve au Ministre. Ce fardeau comprend la preuve que le demandeur craint avec raison d'être persécuté dans tous les pays dont il est ressortissant.             
                  En examinant la revendication d'un réfugié qui bénéficie de la nationalité de plus d'un pays, la Commission doit se demander si le demandeur ne peut ou ne veut se réclamer de la protection de chaque pays dont il a la nationalité. Le paragraphe 2 de l'art. 1(A)(2) de la Convention de 1951 n'a jamais été incorporé dans la Loi sur l'immigration et il n'a donc pas strictement force exécutoire; cependant, il donne un sens approprié à l'expression "réfugié au sens de la Convention" sur ce point. Ce paragraphe de la Convention se lit ainsi:             
             Article premier             
             . . .             
             A. . . .             
             (2) . . .             
                  Dans le cas d'une personne qui a plus d'une nationalité, l'expression "du pays dont elle a la nationalité" vise chacun des pays dont cette personne a la nationalité. Ne sera pas considérée comme privée de la protection du pays dont elle a la nationalité, toute personne qui, sans raison valable fondée sur une crainte justifiée, ne s'est pas réclamée de la protection de l'un des pays dont elle a la nationalité.             
                  Comme je l'ai déjà dit, la protection internationale des réfugiés est destinée à servir de mesure "auxiliaire" qui n'entre en jeu qu'en l'absence d'appui national. Lorsqu'il est possible de l'obtenir, la protection de l'État d'origine est la seule solution qui s'offre à un demandeur. Le fait que cette disposition de la Convention n'a pas expressément été incorporée dans la Loi ne l'empêche pas d'être pertinente. L'évaluation du statut de réfugié au sens de la Convention la plus compatible avec cette idée exige l'examen de la possibilité pour le demandeur d'obtenir une protection dans tous les pays dont il a la citoyenneté.             
                  Cette conclusion est étayée par les règles générales d'interprétation des lois. Le paragraphe 33(2) de la Loi d'interprétation, L.R.C. (1985), ch. I-21, prévoit que le singulier s'applique à la pluralité. On devrait donc interpréter la mention "du pays dont elle a la nationalité" figurant dans la définition de "réfugié au sens de la Convention", au par. 2(1) de la Loi sur l'immigration , comme signifiant aussi "des pays dont elle a la nationalité".             

     La Commission a clairement et correctement compris que si elle était convaincue que les requérants ne risquaient pas d"être persécutés à Montserrat, elle n"avait pas à traiter de la question de leur persécution en République dominicaine.

     La Commission, en disant que la preuve n"établissait pas que des menaces avaient été proférées contre les requérants alors qu"ils se trouvaient à Montserrat ni que ceux-ci y avaient été persécutés de quelque autre manière, a conclu à bon droit " que la revendicatrice, Madame Dorca Harris et son fils, Kenny Tomas George Shepard, ne sont pas des " réfugiés au sens de la Convention " tel que défini à l'article 2(1) de la Loi sur l'immigration ".


CONCLUSION

     La demande de contrôle judiciaire est rejetée. Aucune partie n"avait de question à faire certifier.


" Max M. Teitelbaum "

                                     J U G E

OTTAWA

Le 31 octobre 1997.

Traduction certifiée conforme                  _______________________

                                 Bernard Olivier, LL.B.

COUR FÉDÉRALE DU CANADA

SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE


AVOCATS ET PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER

    

NO DU GREFFE :              IMM-1652-97

INTITULÉ DE LA CAUSE :          DORCA HARRIS ET AL.

                         - c. -
                         LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L"IMMIGRATION
LIEU DE L"AUDIENCE :          MONTRÉAL (QUÉBEC)
DATE DE L"AUDIENCE :          LE 29 OCTOBRE 1997

MOTIFS DE L"ORDONNANCE PRONONCÉS PAR LE JUGE TEITELBAUM

EN DATE DU :                  31 OCTOBRE 1997

ONT COMPARU :

M. JEFFREY PLATT                      POUR LE REQUÉRANT

MME JOSÉE PAQUIN                      POUR L"INTIMÉ

PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER :

M. JEFFREY PLATT                      POUR LE REQUÉRANT

G.W. POSTELNIK AND ASSOCIES

GEORGE THOMSON                          POUR L"INTIMÉ

SOUS-PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.