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Date : 20001020


IMM-5475-00

Ottawa (Ontario), le 20 octobre 2000

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE JOHN A. O'KEEFE


E n t r e :


VALERIE BEVERLY HENRY,


demanderesse


- et -


MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L'IMMIGRATION


défendeur




MOTIFS ET DISPOSITIF DE L'ORDONNANCE


LE JUGE O'KEEFE


[1]      La Cour est saisie d'une demande visant à surseoir à l'exécution d'une mesure d'expulsion prise par le défendeur contre Valerie Beverly Henry (la demanderesse) le 5 mai 2000.

[2]      La demanderesse, une citoyenne de la Grenade, est venue pour la première fois au Canada en février 1990 munie d'un permis de visiteur. Elle est demeurée au Canada jusqu'en décembre 1994, époque où elle est retournée à la Grenade. Elle est revenue au Canada le 10 juin 1996 en possession d'un permis de visiteur depuis expiré.

[3]      Pendant son séjour au Canada, elle a donné naissance à un fils qui est maintenant âgé de sept ans. La demanderesse a demandé d'être dispensée de l'obligation que lui imposait le paragraphe 9(1) de la Loi sur l'immigration, 1976-77, ch. 52 (la Loi) de demander et d'obtenir un visa d'immigrant avant de venir au Canada. La demande était présentée en vertu du paragraphe 114(2) de la Loi (considérations d'ordre humanitaire). Cette demande a été rejetée par lettre en date du 8 août 2000, lettre que la demanderesse a reçue le 20 août 2000.

[4]      La demanderesse est chef de famille monoparentale. Elle subvient seule aux besoins de son fils.

[5]      Le 28 septembre 2000, la demanderesse s'est présentée à une entrevue préalable au renvoi.

[6]      La présente requête a été déposée devant la Cour le 18 octobre 2000.

[7]      La demanderesse a introduit une demande de contrôle judiciaire de la décision par laquelle sa demande fondée sur des considérations d'ordre humanitaire a été rejetée.


QUESTIONS EN LITIGE

[8]      1.      L'affidavit supplémentaire de la demanderesse devrait-il être déposé ?
     2.      La Cour devrait-elle surseoir à l'exécution de la mesure d'expulsion prise contre la demanderesse ?
[9]      Première question en litige

     L'affidavit supplémentaire de la demanderesse devrait-il être déposé ?

     Je suis d'avis que l'affidavit supplémentaire de la demanderesse ne peut être déposé. Il s'agit du second affidavit souscrit par la demanderesse. Il renferme des éléments d'information qu'elle pouvait facilement obtenir lorsque le premier affidavit a été déposé et qui auraient pu y être insérés.

[10]      Seconde question en litige
     La Cour devrait-elle surseoir à l'exécution de la mesure d'expulsion prise contre la demanderesse ?

     Les critères à appliquer pour décider s'il y a lieu ou non d'accorder un sursis d'exécution sont les mêmes que ceux qui régissent l'octroi d'une injonction interlocutoire. Dans l'arrêt Toth c. Canada (ministre de l'Emploi et de l'Immigration), (1988) 86 N.R. 302 (C.A.F.), la Cour d'appel fédérale déclare, à la page 305 :

Notre Cour, tout comme d'autres tribunaux d'appel, a adopté le critère relatif à une injonction provisoire et énoncé par la Chambre des lords dans l'arrêt American Cyanamid Co. v. Ethicon Ltd., [1975] A.C. 396 [renvoi 3 annexé au jugement]. Ainsi que l'a déclaré le juge d'appel Kerans dans l'affaire Black précitée :
         [TRADUCTION] Le critère à triples volets énoncé dans Cyanamid exige que, pour qu'une telle ordonnance soit accordée, le requérant prouve premièrement qu'il a soulevé une question sérieuse à trancher, deuxièmement, qu'il subirait un préjudice irréparable si l'ordonnance n'était pas accordée et troisièmement, que la balance des inconvénients, compte tenu de la situation globale des deux parties, favorise l'octroi de l'ordonnance.


La demanderesse doit satisfaire à chacun des trois volets de ce critère.

[11]      Je suis convaincu que la demanderesse a soulevé une question sérieuse à juger. Dans l'arrêt Baker c. Canada (ministre de la Citoyenneté et de l'immigration), [1999] 2 R.C.S. 817, (1999) 174 D.L.R. (4th) 193 (C.S.C.), le juge L'Heureux-Dubé a déclaré ce qui suit, à la page 230, au sujet du paragraphe 114(2) :

         À mon avis, l'exercice raisonnable du pouvoir conféré par l'article exige que soit prêtée une attention minutieuse aux intérêts et aux besoins des enfants. Les droits des enfants, et la considération de leurs intérêts, sont des valeurs d'ordre humanitaire centrales dans la société canadienne.


[12]      Voici l'appréciation que l'agent d'immigration a faite des intérêts de l'enfant en l'espèce :

[TRADUCTION] L'INTÉRÊT SUPÉRIEUR DE L'ENFANT A ÉTÉ EXAMINÉ ET NOUS ESTIMONS QUE SON INTÉRÊT SUPÉRIEUR EST QU'IL DEMEURE AVEC SA MÈRE. PEU IMPORTE L'ENDROIT OÙ ELLE SE TROUVE, LES PERTURBATIONS QU'IL ÉPROUVERA À L'ÉCOLE SONT MINIMES, ÉTANT DONNÉ QU'IL PEUT RETOURNER À L'ÉCOLE DANS SON PAYS COMME SA MÈRE L'A FAIT.

     Je ne crois pas que ces brèves observations et notamment celle suivant laquelle « il peut retourner à l'école dans son pays comme sa mère l'a fait » puissent être considérées comme démontrant que l'agent d'évaluation a véritablement tenu compte de l'intérêt et des besoins de l'enfant. Par exemple, quelle est la situation du système scolaire à la Grenade ? Elle est peut-être semblable à celle du Canada, mais la question n'a pas été abordée. À mon avis, cette appréciation soulève une question sérieuse à juger.

[13]      Je ne suis pas d'avis que le défaut d'accorder une entrevue soulève une question sérieuse à juger en l'espèce.

[14]      Le préjudice irréparable résiderait dans le fait que l'enfant de la demanderesse ne recevrait pas une instruction appropriée ou, à titre subsidiaire, que la demanderesse serait séparée de son enfant si ce dernier demeure au Canada pour poursuivre ses études.

[15]      La prépondérance des inconvénients favorise la demanderesse, étant donné que l'octroi du sursis lui permet de faire trancher sa demande de contrôle judiciaire. Si elle n'obtient pas gain de cause, le défendeur pourra alors l'expulser. L'exécution des obligations que la Loi met à sa charge ne devrait pas nécessiter beaucoup de temps. De plus, la demanderesse travaille et ne représente pas une lourde charge publique.

[16]      La demande de sursis à l'exécution de la mesure d'expulsion est accueillie jusqu'à ce que l'autorisation de présenter une demande de contrôle judiciaire soit refusée ou, si cette autorisation est accordée, jusqu'à ce que la demande de contrôle judiciaire ait été tranchée définitivement par les tribunaux.

[17]      Ainsi qu'il ressort à l'évidence de ma décision, je n'ai pas retenu les moyens préliminaires invoquées par le défendeur.



ORDONNANCE

[18]      LA COUR SURSOIT à l'exécution de la mesure d'expulsion prise contre la demanderesse aux conditions énumérées au paragraphe 16 de la présente décision.

     « John A. O'Keefe » "

                                 J.C.F.C.

Ottawa (Ontario)

Le 20 octobre 2000


Traduction certifiée conforme


Suzanne M. Gauthier, LL.L., Trad. a.

     COUR FÉDÉRALE DU CANADA

     SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

     AVOCATS ET PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER


No DU GREFFE :              IMM-5475-00
INTITULÉ DE LA CAUSE :      VALERIE BEVERLY HENRY c. M.C.I.

AUDIENCE TENUE PAR CONFÉRENCE TÉLÉPHONIQUE ENTRE OTTAWA ET TORONTO

DATE DE L'AUDIENCE :          le vendredi 20 octobre 2000

MOTIFS DE L'ORDONNANCE DU JUGE ROTHSTEIN

EN DATE DU :              20 octobre 2000


ONT COMPARU :

Me Raj Napal                      pour la demanderesse

Me Diane Dagenais                  pour le défendeur


PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER :

Me Raj Napal                      pour la demanderesse

Brampton (Ontario)


Me Morris Rosenberg                  pour le défendeur

Sous-procureur général du Canada


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