Décisions de la Cour fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision

Date : 20190906


Dossier : IMM-1188-19

Référence : 2019 CF 1146

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 6 septembre 2019

En présence de monsieur le juge Manson

 

ENTRE :

MILAD PEIRO

demandeur

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

I.  Introduction

[1]  La Cour est saisie d’une demande de contrôle judiciaire d’une décision par laquelle un agent des visas [l’agent] a rejeté la demande présentée par Milad Peiro [le demandeur] en vue d’obtenir un permis d’études.

II.  Intitulé de la cause

[2]  En l’espèce, le demandeur a désigné le ministre de l’Immigration, des Réfugiés et de la Citoyenneté comme défendeur. Le véritable défendeur est le ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration (alinéa 5(2)b) des Règles des cours fédérales en matière de citoyenneté, d’immigration et de protection des réfugiés, DORS/93‑22, et paragraphe 4(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27). Par conséquent, l’intitulé de la cause est modifié pour désigner le ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration comme défendeur.

III.  Contexte

[3]  Le demandeur est un citoyen iranien. Il est venu pour la première fois au Canada en 2012 pour étudier à l’Université York. Peu de temps après son arrivée au Canada, le demandeur a déménagé à Vancouver. Il a obtenu un diplôme d’associé en arts de Corpus Christi College en mai 2015. Plus tard cette année-là, l’Université de la Colombie‑Britannique [l’UCB] a accepté le demandeur comme étudiant de troisième année pour le programme de baccalauréat de la faculté des arts.

[4]  Au semestre de l’automne 2015, le demandeur n’a réussi aucun des trois cours auxquels il s’était inscrit. Il a alors décidé de ne pas s’inscrire aux cours du semestre de l’hiver 2016. Vers cette époque, en raison de problèmes financiers qu’avait l’entreprise de son père, le demandeur a éprouvé des difficultés émotionnelles qui ont affecté son rendement scolaire. En mai 2016, l’UBC a décidé de le mettre en probation scolaire et lui a demandé de ne pas s’inscrire aux cours pendant 12 mois et de présenter une nouvelle demande d’admission.

[5]  Comme le demandeur est resté au Canada grâce à son permis d’études, mais qu’il ne suivait plus activement de cours, l’Agence des services frontaliers du Canada [l’ASFC] a pris une mesure d’exclusion contre lui.

[6]  L’ASFC a pris une mesure d’exclusion d’un an le 15 mars 2017. Le demandeur est parti du Canada le 10 avril 2017. La mesure d’exclusion a pris fin le 20 avril 2018.

[7]  Lorsque la mesure d’exclusion a pris fin, le demandeur a présenté, de l’extérieur du Canada, une demande de permis d’études. La demande a été rejetée. Le demandeur a été réadmis à l’UCB en juin 2018 pour des études qui devaient commencer en septembre 2018. Il a de nouveau présenté une demande de permis d’études le 20 novembre 2018.

IV.  Décision faisant l’objet du présent contrôle

[8]   L’agent a rejeté la demande de permis d’études présentée par le demandeur en novembre 2018.

[9]  L’agent a conclu que le demandeur ne l’avait pas convaincu qu’il partirait du Canada à la fin de ses études. L’agent a tenu compte des facteurs suivants : (1) les liens familiaux au Canada et dans le pays de résidence, (2) le but de la visite et (3) la contravention aux conditions d’admission par le demandeur lors d’un séjour précédent au Canada.

[10]  Il ressort des notes de l’agent figurant dans le Système mondial de gestion des cas, datées du 15 février 2019, que les facteurs suivants l’emportaient sur les nombreux facteurs favorables :

[traduction]

(i) Compte tenu des liens familiaux ou des raisons économiques de rester au Canada, les raisons incitant le demandeur à rester au Canada peuvent l’emporter sur les liens qu’il a avec son pays d’origine;

(ii) Le demandeur a déjà obtenu un permis d’études en 2012, mais il n’a pas terminé ses études. Par conséquent, l’agent n’était pas convaincu qu’il serait un véritable étudiant qui respecterait les conditions d’un permis d’études, compte tenu de ses antécédents personnels;

(iii) Le demandeur a contrevenu aux conditions d’un séjour précédent au Canada et une mesure d’exclusion d’un an a été prise contre lui le 15 mars 2017.

[11]  Après avoir soupesé les facteurs en cause dans la présente demande, l’agent n’était pas convaincu que le demandeur partirait du Canada à la fin de sa période de séjour autorisée.

V.  Question en litige et norme de contrôle

[12]  En l’espèce, la Cour est appelée à se prononcer sur la seule question de savoir si la décision de l’agent était raisonnable.

VI.  Analyse

[13]  L’agent des visas délivre un permis d’études à l’étranger si les critères énoncés au paragraphe 216(1) du Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés, DORS/2002‑227 [le RIPR] sont respectés. Le demandeur du permis d’études porte le fardeau de convaincre l’agent des visas qu’il ne restera pas au Canada après l’expiration de son visa (alinéa 216(1)b) du RIPR; Solopova c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2016 CF 690, au paragraphe 10 [Solopova]).

[14]  Une fois au Canada, le titulaire d’un permis d’études doit se conformer au paragraphe 220.1(1) du RIPR. Cette disposition énonce que le titulaire d’un permis d’études doit demeurer inscrit dans un établissement d’enseignement désigné jusqu’à ce qu’il termine ses études et doit poursuivre activement un cours ou son programme d’études.

[15]  Les décisions d’un agent des visas n’ont pas à être détaillées, et l’agent peut fournir des raisons brèves ou limitées. Toutefois, les décisions doivent être compréhensibles (Penez c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2017 CF 1001, aux paragraphes 25 et 30 [Penez]). Les raisons doivent permettre à la Cour de comprendre pourquoi la décision a été prise et déterminer si la conclusion se situe dans la portée des résultats possibles et acceptables (Penez, précitée, au paragraphe 30).

[16]  Lorsqu’il examine une demande de permis d’études, l’agent des visas doit déterminer si le demandeur est susceptible de retourner dans son pays d’origine à l’expiration du permis d’études. L’agent des visas dispose d’un large pouvoir discrétionnaire dans l’appréciation de la preuve et la prise d’une décision. Toutefois, la décision doit être fondée sur des conclusions de fait raisonnables.

[17]  La décision de l’agent comprend trois facteurs qui, selon le demandeur, sont déraisonnables : (1) les liens familiaux au Canada; (2) les raisons économiques de rester au Canada et (3) la contravention antérieure aux conditions d’un permis d’études par le demandeur.

1.  Les liens familiaux

[18]  Selon le dossier, le seul membre de la famille du demandeur au Canada est son frère cadet, qui est actuellement un étudiant étranger à Vancouver. Les parents du demandeur sont en Iran.

[19]  Le ministre soutient que le demandeur est un adulte célibataire, sans conjointe ni personne à charge en Iran, et qu’il ressort du dossier qu’il était chargé de s’occuper de son frère au Canada. Il n’y a rien dans le dossier en ce qui concerne le statut du permis du frère du demandeur, mais comme il est étudiant étranger, son séjour au Canada est temporaire.

[20]  Les motifs de l’agent en ce qui concerne les liens familiaux ne constituent pas une assise raisonnable à sa position. Bien que l’agent ait mentionné les liens familiaux, il n’a pas expliqué comment le facteur de la présence temporaire du frère du demandeur à Vancouver l’emporterait sur le facteur des liens familiaux du demandeur avec l’Iran, lesquels liens comprennent ses parents et l’entreprise familiale dans laquelle il compte retourner travailler après ses études.

2.  Les raisons économiques de rester au Canada

[21]  L’agent déclare que [traduction] « [c]ompte tenu des liens familiaux ou des raisons économiques de rester au Canada, les raisons incitant le demandeur à rester au Canada peuvent l’emporter sur les liens qu’il a avec son pays d’origine », mais il ne donne pas de détails en ce qui concerne les liens familiaux ou les raisons économiques. L’agent n’a pas précisé si les liens familiaux ou les raisons économiques étaient une source d’inquiétude.

[22]  La conclusion de l’agent selon laquelle des raisons économiques peuvent inciter le demandeur à rester au Canada semble, au mieux, fondée sur de simples suppositions sans véritable fondement factuel. En fait, il ressort de la déclaration personnelle du demandeur que ce dernier a l’intention d’aider son père dans son entreprise en Iran lorsqu’il aura terminé ses études à l’UBC. Le seul emploi antérieur du demandeur au Canada est un poste d’associé principal en marketing d’une durée de quatre mois qu’il a occupé à Vancouver en 2014 auprès de « Acquisition Group, Telus Marketing Affiliate ».

[23]  Par conséquent, les motifs formulés par l’agent en ce qui concerne les raisons économiques qui inciteraient le demandeur à rester au Canada ne sont pas clairs et ne sont pas fortement étayés par le dossier. Sa justification à cet égard est déraisonnable.

3.  Contravention antérieure des conditions d’un permis d’études

[24]  L’agent n’était pas convaincu que le demandeur se conformerait aux conditions d’un permis d’études en raison de ses antécédents personnels. Comme je l’ai déjà mentionné, au cours de son dernier séjour au Canada, le demandeur n’est pas demeuré inscrit dans un établissement d’enseignement désigné, contrevenant ainsi aux conditions de son permis d’études.

[25]  Le demandeur soutient que, compte tenu de la preuve au dossier, l’agent n’a pas rendu une décision compréhensible, parce qu’il a omis d’examiner des éléments de preuve contradictoires. Il affirme que l’agent n’a pas examiné sa déclaration personnelle concernant les circonstances dans lesquelles il avait échoué dans ses études à l’UCB ainsi que son intention réelle de reprendre ses études et de se conformer aux conditions d’un futur permis d’études.

[26]  Bien que le demandeur ait bel et bien exprimé dans la déclaration personnelle son intention de reprendre ses études, l’omission de ce renseignement dans les motifs de l’agent ne permet pas de conclure que celui‑ci n’a pas tenu compte de cet élément de preuve.

[27]  De plus, même si le demandeur soutient que la conclusion de l’agent selon laquelle il n’a pas terminé ses études est inexacte étant donné qu’il a obtenu son diplôme à Corpus Christi, son séjour au Canada était conditionnel au maintien de son inscription dans un établissement d’enseignement désigné. Bien que le demandeur ait obtenu un diplôme à Corpus Christi, son autorisation de séjour au Canada était conditionnelle au maintien de son inscription à l’UBC. Il n’a pas terminé son baccalauréat à l’UCB, car il a échoué aux trois cours auxquels il était inscrit, et il est resté au Canada sans autorisation pendant quelque quatorze mois, alors qu’il n’était pas inscrit à l’UCB.

[28]  Les observations du demandeur sur ce point équivalent à demander à la Cour d’apprécier de nouveau la preuve. Les motifs de l’agent concernant la contravention du demandeur aux conditions de son permis d’études antérieur sont transparents, intelligibles et étayés par le dossier.

[29]  Compte tenu des trois facteurs susmentionnés, la décision de l’agent semble déraisonnable. Bien que le rôle de la Cour en matière de contrôle judiciaire ne consiste pas à réexaminer la preuve, deux des trois motifs formulés par l’agent ne sont pas raisonnables compte tenu du dossier.

[30]  Les motifs ne permettent pas à la Cour de comprendre la décision de l’agent en ce qui a trait aux liens familiaux ou aux raisons économiques de rester au Canada. Je ne peux que conclure que l’agent a mal interprété la preuve dans son ensemble lorsqu’il a évalué la demande présentée par le demandeur.


JUDEMENT dans le dossier IMM-1188-19

LA COUR STATUE que :

  1. L’intitulé de la cause est modifié pour désigner le ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration comme défendeur.

  2. La demande est accueillie et l’affaire est renvoyée à un autre agent pour qu’il procède à un nouvel examen.

  3. Il n’y a aucune question à certifier.

« Michael D. Manson »

Juge

Traduction certifiée conforme

Ce 23e jour de septembre 2019.

Claude Leclerc, traducteur


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


 

DoSSIER :

IMM-1188-19

 

INTITULÉ :

MILAD PEIRO c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Vancouver (cOLOMBIE‑BRITANNIQUE)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 5 SeptembRE 2019

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

LE JUGE MANSON

 

DATE DES MOTIFS :

LE 6 SEPTEMBRE 2019

 

COMPARUTIONS :

Victor Ing

 

POUR LE DEMANDEUR

 

Ezra Park

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Sas & Ing Immigration Law Centre

Avocats

Vancouver (Colombie‑Britannique)

 

POUR LE DEMANDEUR

 

Procureur général du Canada

Vancouver (Colombie‑Britannique)

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.