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Date : 19980421


Dossier : IMM-852-97

OTTAWA (ONTARIO), LE 21 AVRIL 1998

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE CULLEN

ENTRE :


KALID DAU BENNASIR,

(également connu sous le nom de KHALID DAU BENNASIR),


demandeur,


- et -


LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L"IMMIGRATION,


défendeur.


O R D O N N A N C E

     VU la demande de contrôle judiciaire d"une décision de la Section du statut de réfugié de la Commission de l"immigration et du statut de réfugié, en date du 27 janvier 1997,

     LA COUR ORDONNE le rejet de la demande.

                     B. Cullen

                                 J.C.F.C.

Traduction certifiée conforme

C. Delon, LL.L.


Date : 19980421


Dossier : IMM-852-97

ENTRE :


KALID DAU BENNASIR,

(également connu sous le nom de KHALID DAU BENNASIR),


demandeur,


- et -


LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L"IMMIGRATION,


défendeur.


MOTIFS DE L"ORDONNANCE

LE JUGE CULLEN

[1]      Le demandeur, Kalid Dau Bennasir (également connu sous le nom de Khalid Dau Bennasir), sollicite le contrôle judiciaire d"une décision de la Section du statut de réfugié de la Commission de l"immigration et du statut de réfugié (la Commission), en date du 27 janvier 1997, dans le cadre de laquelle la Commission a conclu que le demandeur n"était pas, selon la Loi sur l"immigration, L.R.C. (1985), ch. I-2, un réfugié au sens de la Convention.


[2]      La Commission a estimé que le demandeur n"était pas un réfugié au sens de la Convention, n"ayant décelé aucun fondement valable au témoignage du demandeur lorsque celui-ci affirmait craindre avec raison d"être persécuté en Libye. Si la Commission en a décidé ainsi, c"est en grande partie parce qu"elle avait conclu que le demandeur n"était pas un témoin crédible ou digne de foi.

[3]      La Commission s"est penchée sur trois des raisons pouvant porter le demandeur à craindre d"être persécuté. D"abord, elle s"est demandée si les autorités libyennes pourraient s"intéresser au demandeur du fait que, pendant son séjour au Canada, il avait fréquenté des personnes connues pour leur appartenance au Front national de salut de la Libye (FNSL) et en raison aussi de la longue période passée hors de Libye. Vu ses conclusions quant à la crédibilité du demandeur, la Commission a estimé que celui-ci n"était pas fondé à craindre d"être persécuté par les autorités au cas où il serait renvoyé en Libye.

[4]      Deuxièmement, la Commission a estimé que le demandeur ne pouvait guère craindre avec raison d"être persécuté s"il était renvoyé en Libye du fait qu"il n"avait pas respecté les conditions de remboursement de la bourse qui lui avait été octroyée pour effectuer des études à l"étranger. Elle en a décidé ainsi après avoir conclu que la volonté que le gouvernement libyen pourrait avoir d"obtenir du demandeur le remboursement de sa bourse d"étude n"était aucunement constitutive de persécutions telles que définies par la Convention. Et enfin, la Commission a estimé, sur le fondement des preuves documentaires versées au dossier, que le demandeur ne craignait pas avec raison d"être persécuté du fait qu"il n"était pas rentré en Libye afin de satisfaire à ses obligations militaires. Le service militaire est obligatoire pour tous les citoyens d"un certain âge mais peut être remplacé par diverses formes de service civil. Il ressort aussi de la preuve que le demandeur n"était guère fondé à craindre qu"on se serve des organes militaires, plutôt que des services de sécurité, pour étouffer les minorités religieuses.

[5]      Il s"agit en l"espèce de dire si c"est à tort que la Commission a conclu que le demandeur n"était pas fondé à craindre d"être persécuté, ayant au préalable estimé que le demandeur n"était pas crédible, du fait qu"elle aurait ignoré ou mal interprété les preuves qui lui étaient présentées.

[6]      La Cour ne va normalement pas intervenir lorsque la Commission se prononce sur une question de crédibilité, puisque celle-ci a l"occasion d"observer en direct le témoignage du demandeur. La Commission est donc mieux placée pour jauger la crédibilité des témoins que ne l"est une cour de justice appelée à se prononcer sur une décision de la Commission : Rajaratnam c. M.E.I. (1991), 135 N.R. 300 (C.A.F.); Aguebor c. M.E.I. (1993), 160 N.R. 315 (C.A.F.); Brar c. M.E.I. (1993), 152 N.R. 157 (C.A.F.). Cela dit, dans le cadre de sa décision, la Commission ne peut pas retenir des inférences défavorables fondées sur des conclusions de fait manifestement erronées : Gracielome c. M.E.I. (1989), 9 Imm. L.R. (2d) 237 (C.A.F.). De plus, la Commission est tenue d"exprimer en des termes clairs et non équivoques toute conclusion défavorable touchant la crédibilité d"un témoin : Hilo c. M.E.I. (1991), 15 Imm. L.R. (2d) 199 (C.A.F.).

[7]      Le demandeur a déclaré, lors de son témoignage, qu"il craignait avec raison d"être persécuté puisqu"un ami de la famille l'avait informé que les autorités libyennes s"étaient rendues dans la famille du demandeur pour les interroger au sujet de sa longue absence de ce pays, l"accusant d"avoir pris partie contre le gouvernement libyen. Le demandeur a de plus affirmé que son père lui avait téléphoné afin de l'aviser que son cousin avait été arrêté à cause des conversations téléphoniques qu"il avait régulièrement avec lui et que, en outre, le père du demandeur avait été forcé de signer une déclaration dans laquelle il affirmait que le demandeur était membre du FNSL. Selon le demandeur, l"intérêt que lui portaient les autorités libyennes avait été éveillé par sa longue période d"éloignement et par le fait que, lors de son séjour au Canada, il avait fréquenté des personnes connues pour leur appartenance au FNSL (ce qui l"avait porté à avoir, avec d"autres Libyens séjournant au Canada, des conversations au cours desquelles il avait manifesté son antipathie pour Kadhafi).

[8]      Les conclusions de la Commission touchant la crédibilité du demandeur étaient fondées sur plusieurs facteurs. D"abord, la Commission a estimé que le témoignage du demandeur démontrait que celui-ci savait très peu de choses du FNSL. Le demandeur répond qu"il n"a jamais affirmé être membre du FNSL, simplement d"avoir été soupçonné d"appartenir à cet organisme et que, ainsi, la Commission a mal interprété son témoignage. La conclusion à laquelle la Commission est parvenue sur ce point touche cependant à la crédibilité du demandeur étant donné que celui-ci prétendait avoir eu des contacts réguliers avec des membres du FNSL, et avoir reçu de la documentation de cet organisme, alors qu"il n"a pas été en mesure de démontrer cette expérience en donnant des détails précis sur le FNSL.

[9]      La Commission a également relevé une contradiction entre la déclaration du demandeur, consignée dans son Formulaire de renseignements personnels, selon laquelle son père lui avait signalé le nom de Libyens dont il devrait se tenir à l"écart lors de son séjour au Canada, d"une part, et le fait qu"au cours de son témoignage il n"ait pas été en mesure de citer plus d"un de ces noms. Cette conclusion, à laquelle la Commission pouvait raisonnablement parvenir : Rajaratnam c. M.E.I. (1991), 135 N.R. 300 (C.A.F.), a porté la Commission à douter de la fiabilité du témoignage livré par le demandeur.

[10]      La Commission a également conclu qu"il était peu probable que le père du demandeur ait été obligé à signer un document mettant en cause son fils, et être ensuite autorisé, qui plus est, avec son propre passeport, à quitter la Libye afin d"aller téléphoner au demandeur pour le mettre au courant de cet événement. Pour conclure en ce sens, la Commission s"est fondée sur la preuve documentaire qui lui avait donné à conclure que les autorités libyennes infligent parfois à la famille de personnes soupçonnées d"activités subversives, des mesures de coercition ou de persécution. Le demandeur fait valoir qu"il ressort tout autant de la preuve que les autorités n"inquiéteraient guère la famille du demandeur. Au vu du dossier, la Commission pouvait cependant raisonnablement aboutir à cette constatation : Miranda c. M.E.I. (1993), 63 F.T.R. 81 (C.F. 1re inst.).

[11]      Selon le demandeur, c"est à tort que la Commission a conclu que son récit n"était pas crédible du fait que les autorités libyennes n"auraient pas renouvelé son passeport en 1994 si elles avaient vu en lui un opposant à Kadhafi. Le demandeur fait valoir que ce n"est que plus tard que les autorités libyennes se sont intéressées à lui. Si la manière dont le demandeur explique le renouvellement de son passeport est également plausible, il n"appartient pas à la Cour de substituer ses propres conclusions à celles de la Commission, à moins que celles-ci ne comportent une erreur manifeste : Oduro c. M.E.I. (92-A-7171, 2 juin 1993 C.F. 1re inst.); Castro c. M.E.I. (T-2349-92, 5 août 1993, C.F. 1re inst.).

[12]      Et enfin, la Commission avait conclu que le récit du demandeur, selon qui les autorités libyennes auraient forcé son père à signer un document mettant en cause le demandeur afin de pouvoir arrêter celui-ci dès son retour, n"était guère crédible étant donné que, d"après la preuve documentaire, les services de sécurité libyens opèrent normalement dans l"ombre en ne se souciant guère des règles de droit. Au vu du dossier, la Commission pouvait très bien parvenir à cette conclusion : Rajaratnam , précité.

[13]      Selon le demandeur, c"est à tort que la Commission a ignoré les preuves documentaires selon lesquelles peuvent être arrêtés dès leur retour en Libye les étudiants dont on soupçonne qu"ils s"opposent au régime. La Commission a en effet jugé peu crédible le témoignage du demandeur, selon lequel les autorités libyennes le soupçonnaient. Cela étant, il ne semble pas que la Commission ait ignoré les preuves documentaires citées par le demandeur. C"est, plutôt, que la Commission a décidé que ces preuves documentaires ne s"appliquaient pas en ce qui concerne le demandeur.

[14]      La demande sera par conséquent rejetée.

[15]      Les parties n"ont pas demandé à la Cour de certifier une question.

                     B. Cullen

                                 J.C.F.C.

Traduction certifiée conforme

C. Delon, LL.L.

COUR FÉDÉRALE DU CANADA

SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE


AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

No DU DOSSIER :                  IMM-852-97
INTITULÉ DE LA CAUSE :          KALID DAU BENNASIR c. MCI
LIEU DE L"AUDIENCE :              Toronto (Ontario)
DATE DE L"AUDIENCE :              Le mardi 14 avril 1998

MOTIFS DE L"ORDONNANCE DE MONSIEUR LE JUGE CULLEN

DATE :                      Le 21 avril 1998

ONT COMPARU :

Me Jeffrey Goldman                  POUR LE DEMANDEUR
Me Jeremiah Eastman              POUR LE DÉFENEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Jeffrey Goldman                  POUR LE DEMANDEUR

Toronto (Ontario)

George Thomson                  POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général

du Canada

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