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Date : 20040913

Dossier : T-819-04

Référence : 2004 CF 1239

ENTRE :

                                              DIANE MAGAS et RICHARD CONDO

                                                                                                                                          demandeurs

                                                                             et

                                          LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

                                                                                                                                             défendeur

                                                  MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE PROTONOTAIRE RICHARD MORNEAU

[1]                Il s'agit d'une requête présentée par la demanderesse Magas en application des articles 8 et 55 des Règles de la Cour fédérale (1998) (les Règles) en vue d'obtenir une prorogation du délai fixé pour la signification et le dépôt du dossier du demandeur conformément à l'article 309 des Règles.


Faits

[2]                Le 26 avril 2004, la demanderesse Magas et son mari, Richard Condo, ont déposé une demande de contrôle judiciaire de la décision par laquelle le troisième palier du Service correctionnel du Canada a rejeté leur demande de participation au Programme de visites familiales privées (le PVFP) à l'établissement Drummond. Cette décision a été rendue le 22 avril 2004.

[3]                Cependant, M. Condo a été transféré de l'établissement Drummond à l'établissement Bath le 23 avril 2004. À son arrivée à l'établissement Bath, il a présenté une demande de participation au PVFP.

[4]                Dans son affidavit, la demanderesse Magas affirme :

[traduction] Une décision favorable de l'établissement Bath relativement à la demande de participation au PVFP aurait rendu la présente demande théorique. M. Condo et moi avons donc décidé d'attendre que l'établissement Bath rende sa décision avant d'aller plus loin dans la présente affaire, et ce, dans l'espoir d'obtenir une décision favorable et d'éviter par le fait même le processus judiciaire.

[5]                Toutefois, le 28 juin 2004, M. Condo a reçu l'évaluation en vue d'une décision relative à la demande de participation au PVFP, évaluation indiquant que cette demande était rejetée. Le même jour, la demanderesse Magas a demandé au défendeur de fournir son affidavit au fond. Le défendeur a alors répondu qu'il ne déposerait pas un tel affidavit. Il convient de noter que, de toute façon, le délai qu'avait le défendeur pour le faire expirait le 9 juin 2004.


[6]                En conséquence, la Cour tient pour acquis que le dossier du demandeur (pour le dépôt duquel une prorogation de délai est demandée en l'espèce) devait être déposé le ou vers le 19 juillet 2004.

[7]                Le dossier en question a été signifié le 16 août 2004, soit près d'un mois plus tard.

[8]                Aux paragraphes 17 et 18 de l'affidavit qu'elle a déposé à l'appui de la présente requête, la demanderesse Magas a résumé comme suit les motifs justifiant la période s'étant écoulée entre la fin juin 2004 et la date à laquelle elle avait produit son dossier quant au bien-fondé de la demande de contrôle judiciaire :

[traduction]

17.            Croyant que Me Lafrenière aurait l'obligeance de ne pas me priver d'une prorogation de délai; sachant que les parties ne subiraient aucun préjudice du fait d'un tel retard; et étant extrêmement occupée par d'autres questions urgentes, je n'ai pas complété le dossier du demandeur à temps.

18.            J'ai complété le mémoire relatif à la présente demande le ou vers le 15 août 2004, et le dossier du demandeur a été signifié au défendeur le 16 août 2004.

Droit applicable


[9]                Le juge Strayer de la Cour d'appel fédérale, qui siégeait à titre de membre de droit de la Section de première instance de la Cour fédérale dans une demande de réexamen d'une ordonnance antérieure, a souligné dans la décision Beilin et al. c. Ministre de l'Emploi et de l'Immigration (1994), 88 F.T.R. 132, à la page 134, que pour avoir gain de cause dans une demande de prorogation de délai :

[...] un requérant doit [...] établir qu'il existe une justification pour le retard pendant toute la période du retard et qu'il existe une cause défendable. (Voir par exemple Grewal c. M.E.I., [1985] 2 C.F. 263.

[10]            Dans la décision Chin c. Canada (Ministre de l'Emploi et l'Immigration) (1993), 22 Imm. L.R. (2d) 136, la juge Reed a fait les observations suivantes aux pages 138 et 139 :

Je pense que je devrais expliquer ma façon de traiter les requêtes visant à obtenir une prolongation de délai. Je prends tout d'abord pour hypothèse que les délais prescrits dans les règles doivent en principe être respectés. S'ils sont trop courts, il faudrait demander que les règles soient modifiées afin d'allonger ceux-ci. Je ne fais pas droit à une demande de prolongation de délai pour le simple motif qu'il s'agit de la première fois que l'avocat présente une telle demande ou que sa charge de travail est trop lourde. J'estime que ce genre de décision est injuste pour les avocats qui, pour respecter les délais prescrits, refusent des clients parce que leur charge de travail est trop lourde ou qui remuent ciel et terre pour respecter les délais et ce, à leur propre détriment. Comme je l'ai indiqué, j'estime que les délais prescrits dans les règles doivent en principe être respectés et sont censés s'appliquer à chacun, de la même manière. Si une prolongation devait être accordée automatiquement simplement parce qu'un avocat en fait la demande, les règles devraient le prévoir pour chaque personne qui le demande.

Quels sont donc les motifs pour lesquels j'accorde une prolongation de délai. J'ai déjà indiqué que, en règle générale, je ne rends pas une décision favorable lorsque les demandes reposent uniquement sur la charge de travail de l'avocat. Lorsque je suis saisie d'une demande de prolongation de délai, je cherche un motif qui échappe au contrôle de l'avocat ou du requérant, par exemple, la maladie ou un autre événement inattendu ou imprévu.

En l'espèce, le retard ne découle pas d'un tel événement imprévu. Au moment du dépôt de la demande d'autorisation, l'avocate savait que le délai pour présenter celle-ci était de trente jours, que son client habitait à Campbell River et qu'elle assisterait au congrès du Barreau vers la fin du mois d'août. Elle était libre d'organiser son horaire en conséquence. Compte tenu des circonstances, il m'était donc difficile de justifier l'octroi d'une prolongation de délai.


Analyse

[11]            J'estime que la demanderesse Magas n'a pas fourni une justification acceptable quant au non-respect du délai fixé pour la production de son dossier.

[12]            Avant le 28 juin 2004, elle semble s'être fondée sur l'attente d'une réponse favorable du défendeur pour faire avancer son dossier. Cette attitude risquée ne constitue pas une justification acceptable.

[13]            Relativement à la période s'étant écoulée à partir du 28 juin 2004, les motifs fournis ne peuvent être retenus.

[14]            Pour ce qui est de l'explication suivant laquelle elle s'attendait à ce que le défendeur consente à une prorogation de délai, je crois que la demanderesse Magas aurait dû obtenir un tel consentement par écrit dès que possible afin de pouvoir se fonder sur cette hypothèse.

[15]            Quant à l'explication suivant laquelle la demanderesse était extrêmement occupée par d'autres questions, la Cour a affirmé dans la décision Chin, précitée, que la charge de travail du demandeur ne constituait pas une excuse. De plus, cette trop grande charge de travail se développe forcément progressivement. Il faut supposer qu'il s'agit là d'une difficulté prévisible et donc contrôlable.


[16]            En outre, le 6 juillet 2004, la demanderesse en l'espèce a réitéré devant la Cour sa demande en vue d'obtenir une instruction accélérée du fond de l'affaire.

[17]            Comme l'a prétendu le défendeur, il est mal venu pour une personne de demander à la Cour de fixer une date d'instruction accélérée alors qu'elle est incapable, en attendant la décision de la Cour, de respecter le délai prescrit pour la production du dossier du demandeur conformément à l'article 309 des Règles.

[18]            Comme la demanderesse n'a pas satisfait au premier élément du critère énoncé par le juge Strayer dans la décision Beilin, précitée, au paragraphe [9], je n'ai pas besoin de me pencher sur le deuxième élément de ce critère, qui consiste à se demander si la demanderesse a établi l'existence d'une cause défendable.

[19]            Enfin, je tiens à préciser que si j'avais appliqué les principes énoncés par la Cour dans la décision Apv Canada Inc. c. Canada (Ministre du Revenu national) (2001), 208 F.T.R. 81, à la page 88, j'aurais également rejeté la présente requête.

[20]            En conséquence, la présente requête est rejetée avec dépens.

« Richard Morneau »

Protonotaire

Montréal (Québec)

Le 13 septembre 2004

Traduction certifiée conforme

Julie Boulanger, LL.M.


COUR FÉDÉRALE

                                              AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                               T-819-04

INTITULÉ :                                              DIANE MAGAS et RICHARD CONDO

c.

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

LIEU DE L'AUDIENCE :                        MONTRÉAL (QUÉBEC)

DATE DE L'AUDIENCE :                      LE 30 AOÛT 2004

MOTIFS DE L'ORDONNANCE : LE PROTONOTAIRE MORNEAU

DATE DES MOTIFS :                            LE 13 SEPTEMBRE 2004

COMPARUTIONS :

Diane Magas                                               POUR LES DEMANDEURS

Éric Lafrenière                                       POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Diane Magas                                               POUR LES DEMANDEURS

Morris Rosenberg                                        POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada

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