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Date : 20010828

Dossier : IMM-5770-00

Référence neutre : 2001 CFPI 956

ENTRE :

                                                   Mohamad Abdallah SOUEIDAN

                                                               Jouheina SOUEIDAN

                                                          Khadije Ibrahim SEKLAWI

                                                                 Samar SOUEIDAN

                                                                 Batoul SOUEIDAN

                                                               Al Hassan SOUEIDAN

                                                                                                                            Partie demanderesse

                                                                              - et -

                              LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

                                                                                                                                Partie défenderesse

                                     MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

LE JUGE BLAIS

[1]                 Il s'agit d'une demande de contrôle judiciaire à l'encontre de la décision de la Section du statut de réfugié (ci-après le "tribunal") rendue le 11 octobre 2000 selon laquelle les demandeurs ne sont pas des réfugiés au sens de la Convention.


FAITS

[2]                 M. Mohamad Abdallah Soueidan, son épouse et ses enfants mineurs sont citoyens du Liban. Ils allèguent avoir une crainte bien fondée de persécution à l'encontre du Liban en raison de leurs opinions politiques imputées.

[3]                 L'épouse de M. Soueidan ainsi que ses enfants mineurs basent leur revendication sur celle de M. Soueidan qui est le demandeur principal en l'espèce (le "demandeur").

[4]                 Les demandeurs ont indiqué dans leurs Formulaires de renseignements personnels ("FRP") qu'en raison de l'emplacement de la résidence des demandeurs dans le sud du Liban, il existe une tension entre les partisans du Hezbollah et de l'armée israélienne dont ils font les frais.

[5]                 Le 13 avril 1996, les membres de la famille du demandeur ont été blessés lors d'échanges de coups de feu. Ils ont été soignés à l'hôpital.


[6]                 Le 9 février 2000, à l'ouverture du magasin du demandeur, le demandeur a reçu des menaces de la part de trois individus. Quelques jours plus tard, soi le 15 février 2000, un client de l'établissement à mis le demandeur en garde contre des personnes qui lui veulent du mal. Il lui suggère de quitter le pays.

[7]                 Devant cette situation, la famille se réfugie chez un ami qui habite à Beyrouth. Cet ami aidera les demandeurs à franchir les contrôles à l'aéroport de la capitale.

[8]                 Les demandeurs ont quitté le Liban le 4 mars 2000, puis transité par Amsterdam ce même jour, pour se rendre par la suite à Boston où ils ont séjourné pendant huit jours.

[9]                 Les demandeurs sont arrivés au Canada le 12 mars 2000 et ont indiqué leur intention de demander le statut de réfugié à ce moment.

[10]            Les demandeurs redoutent pour leur vie s'ils devaient retourner au Liban.

QUESTIONS EN LITIGE

[11]            1.        Le tribunal a-t-il erré dans l'évaluation de la crédibilité des demandeurs?

2.        Le tribunal a-t-il erré dans sa détermination de l'existence d'un refuge interne pour les demandeurs dans leur pays d'origine?


ANALYSE

1.        Le tribunal a-t-il erré dans l'évaluation de la crédibilité des demandeurs?

[12]            Les demandeurs soutiennent que le tribunal a erré en concluant que le long délai des demandeurs à quitter le Liban et leur défaut de revendiquer le statut de réfugiés aux États-Unis minaient leur crédibilité quant au bien fondé de leur crainte de persécution.

[13]            Les demandeurs prétendent que le délai ou retard à quitter son pays d'origine, tout comme le délai à revendiquer le statut de réfugié, ne devraient pas être des éléments déterminants d'une revendication. Selon les demandeurs, le tribunal doit également évaluer le bien-fondé de la crainte de persécution en tenant compte de la crainte objective.

[14]            La Cour d'appel fédérale dans l'affaire Aguebor c. Canada (M.E.I.), [1993] A.C.F. no 732 (C.A.F.), a expliqué les circonstances justifiant l'intervention de la Cour quant aux conclusions d'un tribunal relativement à la crédibilité d'un demandeur:


Il ne fait pas de doute que le tribunal spécialisé qu'est la section du statut de réfugié a pleine compétence pour apprécier la plausibilité d'un témoignage. Qui, en effet, mieux que lui, est en mesure de jauger la crédibilité d'un récit et de tirer les inférences qui s'imposent? Dans la mesure où les inférences que le tribunal tire ne sont pas déraisonnables au point d'attirer notre intervention, ses conclusions sont à l'abri du contrôle judiciaire. Dans Giron, la Cour n'a fait que constater que dans le domaine de la plausibilité, le caractère déraisonnable d'une décision peut être davantage palpable, donc plus facilement identifiable, puisque le récit apparaît à la face même du dossier. Giron, à notre avis, ne diminue en rien le fardeau d'un appelant de démontrer que les inférences tirées par le tribunal ne pouvaient pas raisonnablement l'être.

[15]            Dans Razm c. M.C.I (1999), 164 F.T.R. 140 (C.F. 1ère Inst.), la Cour a indiqué:

Il est reconnu, et de fait il est maintenant de droit constant, que la section du statut de réfugié a pleine compétence pour apprécier la plausibilité d'un témoignage. Étant donné que les motifs de la décision qu'elle a rendue au sujet de la crédibilité doivent être énoncés en des termes clairs et explicites, cette cour n'interviendra que dans des circonstances exceptionnelles.

[notes de bas de pages omises]

[16]            En ce qui concerne la conclusion du tribunal à l'effet que le long délai des demandeurs à quitter le Liban et leur défaut de revendiquer le statut de réfugié aux États-Unis minaient leur crédibilité, un tribunal peut être justifié de conclure qu'un tel délai mine la crédibilité d'une revendication lorsque les circonstances le justifient. Cependant, la jurisprudence indique que le délai à revendiquer n'est habituellement qu'un motif parmi d'autres pour conclure à la non-crédibilité d'un revendicateur et ne constitue généralement pas à lui seul, un motif suffisant de rejet d'une revendication.

[17]            Dans l'affaire Huerta c. Canada(M.E.I.) (1993), 157 N.R. 255 (C.A.F.), la Cour d'appel fédérale a indiqué:

Le retard à formuler une demande de statut de réfugié n'est pas un facteur déterminant en soi. Il demeure cependant un élément pertinent dont le tribunal peut tenir compte pour apprécier les dires ainsi que les faits et gestes d'un revendicateur.

[18]            Relativement au délai à quitter son pays, le juge Nadon dans l'affaire Riadinskaia c. Canada (M.C.I.), [2001] A.C.F. no 30 (C.F. 1ère Inst.) a indiqué:

À mon avis, les points b) et c) de l'analyse sont suffisants pour trancher la présente demande de contrôle judiciaire. Ayant attentivement examiné la preuve, dont les témoignages des demanderesses, je suis d'avis que la Commission pouvait conclure que si les demanderesses avaient vraiment cru que leur vie était en danger, leur plus grande préoccupation aurait été de demeurer en vie. En d'autres termes, l'omission des demanderesses de revendiquer le statut de réfugiées au Canada à l'été 1998 et le fait qu'elles n'ont pas quitté la Russie en octobre 1998 justifiaient la conclusion de la Commission. Cette conclusion, à mon avis, entraîne le rejet de la demande de contrôle judiciaire des demanderesses. Il n'est donc pas nécessaire que je traite des autres questions que les demanderesses ont soulevées.

[19]            En l'espèce, les conclusions du tribunal que la crédibilité des demandeurs était minée à la lumière des faits que seul l'époux a quitté le Liban en 1996 après le bombardement de leur maison et qu'il soit revenu au Liban et a voyagé dans plusieurs pays par la suite, m'apparaissent déraisonnables.

[20]            Les demandeurs allèguent que leur crainte de persécution a commencé après l'incident du 9 février 2000, lorsque trois hommes sont venus menacer le demandeur.

[21]            À ce sujet, le tribunal a conclu que la crédibilité des demandeurs était minée parce que ce n'était pas la visite des trois inconnus qui ont incité le demandeur à fermer le magasin puis à quitter mais plutôt le message d'un client qui le mettait en garde contre ces individus. De plus, le tribunal a noté que les demandeurs avaient les documents nécessaires leur permettant de partir depuis le 25 janvier 2000 mais qu'ils ne sont partis qu'un mois après l'incident qu'ils craignaient.

[22]            À mon avis, le tribunal a erré en suggérant que les faits survenus en 1996 et ceux de l'an 2000, étaient liés.

[23]            En 1996, les demandeurs étaient des victimes impuissantes d'une guerre civile. La destruction de leur maison par un bombardement pouvait difficilement être considérée comme de la persécution dirigée contre eux personnellement.

[24]            Cependant, les menaces reçues en février 2000 par des inconnus, amplifiées par le conseil d'un client régulier de son commerce, constituaient à leurs yeux une menace réelle et la crainte de persécution qui en a découlé, a entraîné leur décision de quitter le pays après quelques jours dans la capitale.

[25]            Le délai entre les menaces reçues le 9 février 2000 et leur départ du Liban le 4 mars n'est pas déraisonnable dans les circonstances, mais les conclusions qu'en tire le tribunal sont, elles, manifestement déraisonnables.

[26]            Par ailleurs, le comportement du demandeur qui a quitté le Liban en 1996, après la destruction de sa maison, le refus de sa femme de le suivre, et son retour au Liban, sa réconciliation avec sa femme, sont des faits non contredits et tout à fait plausibles.

[27]            Encore une fois, les conséquences qu'en tire le tribunal, sont manifestement déraisonnables.

[28]            En ce qui concerne le défaut des demandeurs de revendiquer le statut de réfugié aux États-Unis, la jurisprudence est à l'effet que c'est une considération pertinente.

[29]            Dans l'arrêt Hue c. M.E.I., [1988] F.C.J. No. 283 (C.A.F.). la Cour d'appel fédérale a expliqué:

The Board rejected the Applicant's claim, according to its reasons, on the sole ground that he had not made it in 1981 when he went to Greece and boarded his ship. This, for the Board, would show that the Appellant's fear was not real and that his contention to that effect, his having waited so long before making it, was not credible.


While we do not dispute that the delay in making a claim for refugee status may be an important factor to take into consideration in trying to assess the seriousness of an applicant's contentions, we disagree completely with the Board's reasoning in the present case. It seems to us obvious that the Applicant's fear is in relation to his having to return to the Seychelles and as long as he had his sailor's papers and a ship to sail on, he did not have to seek protection.

[30]            Dans l'affaire Papsouev c. Canada(M.C.I.) (1999), 168 F.T.R. 99 (C.F. 1ère Inst.), le juge Rouleau a conclu:

Sans doute que bien des décisions appuient la thèse selon laquelle une commission peut tenir compte du caractère tardif d'une revendication du statut de réfugié pour attaquer la crédibilité d'un intéressé, mais aucune des décisions invoquées à l'appui de ce principe n'est utile étant donné qu'il ne s'agit pas du principal motif invoqué pour rejeter la revendication. Il s'agit habituellement d'un motif accessoire à ce qu'on considère comme un motif plus fondamental de ne pas reconnaître le statut de réfugié à un intéressé.

Par conséquent, même si la Commission a conclu que les demandeurs n'étaient pas crédibles et a rejeté la relation de ce qui leur est arrivé en Russie parce qu'ils ont tardé à présenter leur revendication, elle devait quand même examiner ou commenter la question fondamentale de savoir si oui ou non les demandeurs avaient une crainte fondée de persécution en Russie du fait de leur religion; ou, dans le cas de M. Papsouev, du fait de son association avec des Juives. En fait, la preuve documentaire portant sur la situation des Juifs en Russie peut tendre à appuyer les affirmations des demandeurs selon lesquelles les personnes juives sont exposées à un risque en Russie.                    

[31]            En l'espèce, les demandeurs ont séjourné aux États-Unis pendant huit jours sans réclamer le statut de réfugié. Le tribunal a conclu que ce défaut de revendiquer affectait la crédibilité des demandeurs.


[32]            Il me semble que la conclusion du tribunal relativement au défaut de revendiquer est quelque peu exagérée lorsque l'on considère que les demandeurs ont seulement séjourné aux États-Unis pendant huit jours et à la lumière de l'explication du demandeur à l'effet que l'intention de la famille avait toujours été de se rendre au Canada parce qu'il pouvait parler français.

[33]            En l'espèce, le tribunal a conclu, à la page 3 de la décision:

Les longs délais depuis le premier incident en 1996; le fait que les revendicateurs possèdent passeports et visas valides pour le Canada et les États-Unis depuis 1996 et renouvelés depuis lors; le peu d'empressement à quitter le pays de persécution et surtout l'absence de demande d'asile aux États-Unis font en sorte que la crainte subjective, un élément important à toute revendication est ténue. Ils n'ont pas su donner d'explications valables quant au retour au Liban, le refuge possible à Beyrouth et l'absence de revendication aux États-Unis.

[34]            Les raisons du tribunal se rapportant aux événements survenus après l'incident du 9 février 2000 et qui ne se rapportent pas au défaut de revendiquer aux États-Unis sont principalement le peu d'empressement des demandeurs à quitter le pays de persécution, c'est-à-dire qu'il a fallu un mois aux demandeurs pour partir du Liban.

[35]            À mon avis, les conclusions du tribunal à cet égard sont manifestement déraisonnables.

2.        Le tribunal a-t-il erré dans sa détermination de l'existence d'un refuge interne pour les demandeurs dans leur pays d'origine?

[36]            Les demandeurs soutiennent également que le tribunal a erré en droit lorsqu'il a conclu que les demandeurs n'ont pas donné d'explication valable quant au refuge possible à Beyrouth.

[37]            Les demandeurs notent que le tribunal n'a pas motivé cette conclusion dans sa décision. De plus, lors de l'audience, le demandeur a expliqué que sa famille ne pouvait pas se réfugier ailleurs au Liban étant donné le fait que les éléments du Hezbollah se trouvent partout sur le territoire du Liban et par conséquent, les demandeurs pouvaient être à tout moment victimes des menaces du Hezbollah ou des attaques des israéliens.

[38]            Dans l'affaire Rasaratnam c. Canada (M.E.I.), [1992] 1 C.F. 706 (C.A.F.), la Cour d'appel fédérale a indiqué:

En conséquence, j'énoncerais de nouveau la première proposition: la Commission doit être convaincue selon la prépondérance des probabilités que le demandeur ne risque pas sérieusement d'être persécuté dans la partie du pays où, selon elle, il existe une possibilité de refuge.

[39]            Il appartient aux demandeurs de démontrer qu'il n'y avait pas de possibilité de refuge dans une autre partie du Liban. Dans l'affaire, Thirunavukkarasu c. Canada (M.E.I.), [1994] 1 C.F. 589 la Cour d'appel fédérale a énoncé:


Dans l'arrêt Rasaratnam, précité, la Cour a aussi examiné et tranché la question du fardeau de la preuve concernant la possibilité de refuge dans une autre partie du même pays. Elle a rejeté l'argument selon lequel il n'incombe pas au demandeur, une fois qu'il a prouvé qu'il craint avec raison d'être persécuté dans une partie d'un pays, de réfuter l'existence de la possibilité de refuge dans une autre partie du même pays. Le juge Mahoney a conclu qu'il incombait au demandeur, puisque la décision portant sur l'existence ou non d'une telle possibilité faisait partie intégrante de la décision portant sur son statut de réfugié au sens de la Convention, de prouver, selon la prépondérance des probabilités, qu'il risquait sérieusement d'être persécuté dans tout le pays, y compris la partie qui offrait prétendument une possibilité de refuge.

Autrement dit, il incombe aux demandeurs du statut de réfugié au sens de la Convention de prouver qu'ils satisfont à tous les éléments de la définition de réfugié au sens de la Convention qui est énoncée dans le paragraphe 2(1) de la Loi [Loi sur l'immigration, L.R.C. (1985), ch. I-2 (mod. par L.R.C. (1985) (4e suppl.), ch. 28, art. 1)]. Parmi ces éléments importants, peut se trouver la question de savoir, dans un cas déterminé, s'il existe une possibilité de refuge dans une autre partie du même pays. Mais comme cet élément n'est qu'une partie de la question ultime qu'il faut trancher, soit celle de savoir si le demandeur est un réfugié au sens de la Convention. Donc, je ne crois pas qu'il soit possible de conclure, sur la question de la possibilité de refuge dans une autre partie du même pays, que le fardeau de la preuve qui revenait à l'origine au demandeur du statut de réfugié devrait, d'une manière ou d'une autre, être transféré au ministre.

[...]

D'autre part, il appartient au ministre ou à la Commission d'avertir le demandeur si la question de la possibilité de refuge dans une autre partie du même pays doit être soulevée. Le demandeur du statut de réfugié bénéficie des principes de justice naturelle devant la section du statut. L'un des éléments fondamentaux et bien établis du droit d'une partie d'être entendue est l'obligation de lui donner avis de la preuve réunie contre elle (voir, par exemple, Kane c. Conseil d'administration (Université de la Colombie-Britannique), [1980] 1 R.C.S. 1105, à la page 1114). Le but d'un tel avis est de lui permettre de préparer, à son tour, une réponse adéquate à cette preuve. Le droit d'un demandeur du statut de réfugié d'être avisé de la preuve réunie contre lui est extrêmement important lorsque ce demandeur peut être requis de réfuter l'allégation du ministre en prouvant qu'il n'existe pas vraiment de possibilité de refuge dans une autre partie du même pays. Par conséquent, il n'est pas permis au ministre ou à la Commission d'alléguer à l'improviste contre le demandeur la possibilité de refuge dans une autre partie du même pays sans lui donner avis que cette question sera soulevée à l'audience. Comme l'a expliqué le juge Mahoney dans l'arrêt Rasaratnam, précité, aux pages 710 et 711:

. . . on ne peut s'attendre à ce que le demandeur de statut soulève la question de la possibilité de refuge dans une autre partie du même pays ni à ce qu'on puisse simplement déduire de la demande elle-même la prétention que cette possibilité est inexistante. La question doit être expressément soulevée lors de l'audience par l'agent d'audience ou par la Commission, et le demandeur doit avoir l'occasion d'y répondre en présentant une preuve et des moyens.

Il importe, par conséquent, de distinguer entre ces deux obligations de nature très différente.

(mon souligné)

[40]            Au sujet de la possibilité de refuge, le tribunal a indiqué à la page 3 de sa décision:

Ils n'ont pas su donner d'explication valable quant au retour au Liban, le refuge possible à Beyrouth et l'absence de revendication aux États-Unis.

[41]            À ce sujet, le demandeur a témoigné ainsi à l'audience (page 44 de la transcription de l'audience):

Par le Président (s'adressant au revendicateur)

Q.       Votre but, Monsieur, en quittant le Liban, quel était-il?

R.        C'était de sortir du Liban déjà, de m'éloigner parce que la menace, ça m'a choqué, il fallait me réfugier dans un coin plus tranquille et plus sécuritaire.

Q.       Et pour vous, un endroit sécuritaire c'est où?

R.        Je suis dans un pays déjà qui est sécuritaire pour moi, c'est le Canada.

Q.       Mais avant de quitter le Liban le printemps dernier, vous avez tenté de venir ici?

R.        Dès mars on quittait pour venir au Canada, ou, c'était ma destination parce que j'ai... je suis de passage aux... aux États-unis, chez mon... mon frère qui m'a... Lui, il n'était pas en ce moment là-bas, il y avait sa... sa femme qui m'a aidé et mon cousin qui m'a aidé parce que je... je sais pas comme... comme ma femme n'a pas de ... de visa canadien, je pouvais pas venir directement par l'avion pour... par l'aéroport, j'étais obligé de passer par la frontière.

Q.       O.K. Qui craignez-vous au Liban, Monsieur?

R.        Je crains les partis extrémistes comme Hesbola et ses... ses alliés.

Q.       N'eût été du retrait d'Israël, est-ce que vous seriez encore là-bas?

R.        S'ils étaient les Israéliens... non, je pouvais pas rester parce que la crainte c'était pas des Israéliens. S'ils étaient restés... même les Israéliens sont restés (inaudible), mais la... la crainte c'était des Hesbolas, la... la menace est venue directement des Hesbolas. C'est pas la question de... des Israéliens, le bombardement c'était une guerre. Une fois on tape ici et une fois on tape là-bas, on sais pas quand est-ce ça... on peu se blesser, j'ai jamais dit qu'un de ces jours on va se blesser, si nous étions vraiment des amis des... des Israéliens, pourquoi ils vont taper notre maison?

Q.       Avez-vous pensé aller vous réfugier à Beyrouth?

R.        Non mais pas une question de réfugier à Beyrouth, je voulais m'éloigner.

-          Oui, c'est ça.


R.          Je voulais m'éloigner le 7 avril quand on m'a dit... le 7 février quand on m'a dit que ... le Mokhtar il m'a dit il faut trouver un... un refuge un peu plus loin, de s'éloigner de... du coin, mais ce qui m'a alerté beaucoup plus c'étaient les bombardements partout où les Israéliens ont tapé. Ils ont pas tapé le centre du pays, ils ont tapé la... le nord du pays, ils ont tapé vers la frontière, aux côtés de la ... de la Syrie, à Bralbak (phonétique), tout ça. Ils sont partout les... ces gens, c'est une cible des Israéliens déjà.

          Donc, il n'y a pas un coin qui est sécuritaire pour les avions israéliens ou pour les membres de Hesbola qui... qui habitent partout dans la population et qui sont dans les autorités partout. Je voulais louer une maison, mais c'était pas... c'était avant la menace directe de trois individus. C'était dans l'idée en... avec ma femme, on s'est mis d'accord que je loue une maison à Tyr. Effectivement, j'ai dit à une personne, un courtier, de me trouver une maison, mais le changement et... et la fuite a eu après les menaces.

(mon souligné)

[42]            Bien que ce soit aux demandeurs d'établir qu'il n'existe pas de possibilité de refuge dans une autre partie de leur pays, je ne suis pas convaincu que l'énoncé du tribunal peut être considéré comme étant des raisons suffisantes.

[43]            Il me semble que le tribunal devait expliquer plus en détail pourquoi il considère Beyrouth comme un refuge interne raisonnable pour les demandeurs. Les demandeurs ont expliqué que le Hezbollah était partout et que les demandeurs ne seraient pas en sécurité dans leur pays, peu importe la région. Le tribunal pouvait ne pas accepter leurs explications, mais je suis d'avis qu'il devait expliquer plus en détail pourquoi il n'acceptait pas l'explication des demandeurs.


[44]            Dans l'affaire Mohamed c. Canada(M.E.I.) (1993), 74 F.T.R. 180 (C.F. 1ère Inst.), le juge Denault a indiqué:

These explanations do not appear to have been considered by the tribunal in its reasons (Owusu- Ansah v. M.E.I. (1989), 8 Imm. L.R. (2d) 106 at 113 (F.C.A.)). Clearly, a lone statement that the replies were not straightforward is not a sufficiently clear and unequivocal reason for dismissing the explanations.

[45]            Dans l'affaire P.G. c. Canada (M.C.I.), [1997] A.C.F. No. 97 (C.F. 1ère Inst.), le juge Rouleau a expliqué:

La Commission a notamment laissé entendre qu'une PRI raisonnable existait à l'extérieur de Lima, puisque la requérante pouvait trouver un poste d'enseignante. Toutefois, elle ne s'est pas prononcée sur l'argument selon lequel le mari de la requérante pouvait la retrouver par l'entremise du ministère de l'Éducation. Qui plus est, bien qu'elle ait conclu que la protection de l'État avait été refusée dans le passé, la Commission n'a invoqué aucun motif valable pour justifier que la requérante soit en sécurité à l'extérieur de Lima. J'estime que ces omissions équivalent au défaut de tenir compte de faits pertinents.

[46]            En l'espèce, il me semble que le tribunal devait tenir compte des explications des demandeurs et expliquer pourquoi il rejetait ces explications et concluait à un refuge interne possible au Liban.

[47]            En conséquence, la demande de contrôle judiciaire est accueillie, le dossier est retourné à la Section du statut de réfugié pour être analysé par un panel différemment constitué.

[48]            Aucune question ne fut soumise pour certification.

                   Pierre    Blais                    

                         Juge

Montréal (Québec)

Le 28 août 2001

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