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Date : 20190924


Dossier : T-1841-18

Référence : 2019 CF 1226

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Montréal (Québec), le 24 septembre 2019

En présence de monsieur le juge Pamel

ENTRE :

GEORGE KOURIDAKIS

demandeur

et

BANQUE CANADIENNE IMPÉRIALE DE COMMERCE

défenderesse

et

MARK ABRAMOWITZ

mis en cause

JUGEMENT ET MOTIFS

I.  Aperçu

[1]  Monsieur Kouridakis présente une demande de contrôle judiciaire, en vertu du paragraphe 18(1) de la Loi sur les Cours fédérales, LRC 1985, c F‑7, de la décision datée du 18 septembre 2018 de monsieur Mark Abramowitz (l’arbitre). L’arbitre a conclu que M. Kouridakis avait été congédié injustement, mais que le redressement approprié était une indemnité de départ plutôt que la réintégration (la décision arbitrale).

[2]  M. Kouridakis soutient que les conclusions de l’arbitre selon lesquelles la réintégration n’était pas une option viable et qu’il avait seulement droit à une indemnité de départ étaient déraisonnables. Il fait aussi valoir que l’affidavit de Mme Moussa que la Banque Canadienne Impériale de Commerce (CIBC) a déposé en réaction à la présente demande n’est pas admissible.

[3]  La CIBC soutient que, vu les circonstances de l’espèce, l’arbitre a raisonnablement conclu que la réintégration n’était pas appropriée et que la nature de l’indemnité était justifiée.

[4]  Je rejette la présente demande pour les motifs exposés ci‑dessous.

II.  Le contexte

[5]  M. Kouridakis a travaillé pour la CIBC d’octobre 2000 à juin 2016. Il a occupé divers postes à la banque et a reçu de nombreux certificats d’appréciation, des augmentations de salaire et des primes. Il a cependant été congédié le 14 juin 2016.

[6]  Pendant sa période de travail à la CIBC, M. Kouridakis s’est également vu remettre diverses lettres au sujet de son comportement, la plus importante étant une lettre d’avertissement disciplinaire finale de sa gestionnaire, Mme Annie Dumaine, datée du 14 juillet 2015. La lettre soulignait que la CIBC restait préoccupée par le comportement au travail de M. Kouridakis et faisait référence à un incident survenu le 3 juillet 2015 dans le cadre duquel Mme Dumaine avait surpris M. Kouridakis en train de socialiser avec des collègues pendant les heures de travail. La lettre exprimait également des préoccupations au sujet de l’emploi du temps de M. Kouridakis, laissant entendre que ce dernier faisait, d’une quelconque manière, des affaires personnelles pendant ses heures de travail pour l’entreprise.

[7]  M. Kouridakis a contesté la lettre, expliquant qu’il avait été invité par un collègue à manger un morceau de gâteau, invitation qu’il avait acceptée puisqu’il était en pause‑repas. Il a ajouté que deux collègues qui assumaient de nouvelles fonctions lui avaient demandé de l’aide et qu’il les avait aidés pendant environ de 20 à 30 minutes. Mme Dumaine était descendue en compagnie de son supérieur, M. Sébastien Gravel, et avait crié après lui devant les autres employés. M. Kouridakis avait essayé d’expliquer ce qu’il faisait, mais Mme Dumaine ne voulait rien entendre.

[8]  La lettre du 14 juillet 2015 mentionnait également que l’incident allait avoir une incidence sur l’examen du rendement de M. Kouridakis et d’autres incitatifs. M. Kouridakis a par la suite fait l’objet d’un examen du rendement selon lequel il [traduction« ne répondait pas aux attentes ». Il n’a reçu aucune prime cette année‑là.

[9]  L’arbitre a conclu que la tension entre Mme Dumaine et M. Kouridakis s’est poursuivie sans relâche par la suite. Le 6 avril 2016, dans le cadre d’une réunion d’équipe, M. Kouridakis a déclaré ne pas être d’accord avec certaines des suggestions de Mme Dumaine, soulignant son intention d’en discuter avec le gestionnaire de cette dernière. Quelques jours plus tard, M. Kouridakis a parlé de l’incident à Mme Dumaine. La conversation s’est enflammée, et Mme Dumaine est partie en larmes. M. Kouridakis insiste pour dire qu’il l’a suivie jusqu’à l’ascenseur pour s’excuser et qu’il lui a touché le bras en lui disant qu’il voulait lui parler. Mme Dumaine a dit à haute voix : [traduction« Ne me touchez pas ». À la suite de ce qui a été décrit comme [traduction« l’incident de l’ascenseur », M. Kouridakis a commencé à se sentir mal et il a pris un congé de maladie.

[10]  Le 4 mai 2016, alors qu’il était en congé de maladie, M. Kouridakis a rencontré l’expert en médecine de la CIBC, qui a conclu, entre autres, que M. Kouridakis était apte à participer à une réunion avec le groupe responsable de la sécurité de l’entreprise de la CIBC, recommandant cependant qu’une telle réunion ait lieu après une rencontre avec sa superviseure ou sa supérieure dans le cadre du processus applicable.

[11]  Le 26 mai 2016, M. Kouridakis a déposé une plainte d’intimidation et de harcèlement contre Mme Dumaine. Dans son courriel à l’intention des responsables des ressources humaines, M. Kouridakis, qui avait écrit le courriel sous le pseudonyme « George Chrysler », a décrit en détail une série d’incidents dans le cadre desquels, selon lui, il avait été réprimandé, on lui avait crié après, il avait été humilié, on lui avait fait sentir qu’il n’était pas à la hauteur et on l’avait accusé d’avoir trafiqué les dossiers de la société et d’avoir menti. Il a ensuite décrit de quelle façon, dans ce qu’il considérait comme un milieu de travail malsain, son anxiété avait atteint son point culminant après l’incident de l’ascenseur, l’obligeant, au bout du compte, à prendre un congé de maladie.

[12]  La CIBC a demandé à M. Kouridakis de participer à une réunion. M. Kouridakis croyait alors que la réunion allait porter sur son retour au travail, mais, le 14 juin 2016, à son arrivée, il a plutôt rencontré les responsables de la sécurité de l’entreprise. Il s’est vu poser des questions sur l’incident de l’ascenseur, et c’est à ce moment‑là qu’il a appris que Mme Dumaine s’était plainte qu’il l’avait agrippée à deux reprises et l’avait empêchée de quitter son bureau. M. Kouridakis n’avait parlé de l’incident à personne d’autre au sein de la CIBC.

[13]  Après la réunion avec les responsables de la sécurité de l’entreprise, M. Kouridakis a été congédié. Ce soir‑là, M. Kouridakis, qui était manifestement en colère, a envoyé un autre courriel à un cadre supérieur de la CIBC pour réitérer ses accusations contre Mme Dumaine. Plusieurs jours plus tard, il a reçu une lettre de congédiement, qui ne précisait pas les motifs du congédiement. Peu après, M. Kouridakis a déposé une plainte pour congédiement injuste conformément au Code canadien du travail, LRC 1985, c L‑2 (le Code).

[14]  En août 2016, Travail Canada a envoyé à M. Kouridakis une lettre mentionnant que son congédiement découlait d’un [traduction« comportement violent et inapproprié à l’égard de [sa] gestionnaire, Annie Dumaine, et d’incidents antérieurs non précisés de comportement non professionnel et inapproprié en milieu de travail » relativement auxquels il avait reçu des avertissements.

[15]  L’audience devant l’arbitre a duré huit jours. La présente demande de contrôle judiciaire porte sur la décision arbitrale du 18 septembre 2018.

III.  La décision arbitrale

[16]  L’arbitre a analysé en détail le travail et les antécédents disciplinaires de M. Kouridakis, notant que ce dernier était au courant des avertissements et qu’il ne les avait pas contestés, ce qui donnait à penser qu’il savait qu’ils figureraient dans son dossier. Il a conclu que le dossier disciplinaire de M. Kouridakis était pertinent au moment d’établir si les incidents culminants justifiaient le congédiement.

[17]  En ce qui concerne l’incident de l’ascenseur, l’arbitre a conclu que le fait de toucher le bras de Mme Dumaine ne constituait pas un acte de violence en milieu de travail, mais que les mesures disciplinaires découlant de l’incident en question étaient peut‑être tout de même appropriées en raison de la façon dont M. Kouridakis avait préalablement critiqué sa gestionnaire. L’arbitre a déclaré son intention d’évaluer si, à la lumière du comportement antérieur de M. Kouridakis, l’incident pouvait être considéré comme un incident culminant.

[18]  L’arbitre a ensuite défini les positions des parties. La CIBC avait fait valoir que le congédiement était justifié en raison des contestations inacceptables et insolentes de l’autorité, des gestes inappropriés et du manque de compréhension des conséquences de M. Kouridakis. Pour sa part, M. Kouridakis avait fait valoir que son comportement antérieur avait été toléré ou approuvé et qu’une suspension sans solde d’un mois aurait été une mesure disciplinaire plus appropriée.

[19]  L’arbitre a déclaré que les incidents précédents n’avaient pas été tolérés par la banque puisqu’ils figuraient dans le dossier d’emploi de M. Kouridakis. Toutefois, il a constaté que le comportement en question avait néanmoins été toléré à contrecœur en raison de la qualité et de la valeur du travail de M. Kouridakis. L’arbitre a accepté la version des événements du 3 juillet 2015 de M. Kouridakis, soulignant que, puisque Mme Dumaine avait demandé à son superviseur de l’accompagner, elle avait décidé que M. Kouridakis avait commis une inconduite avant même de le confronter. L’arbitre a également établi que, le 6 avril 2016, Mme Dumaine avait provoqué M. Kouridakis lorsque ce dernier l’avait confrontée, concluant cependant que le comportement de M. Kouridakis avait eu un effet néfaste sur la relation gestionnaire‑employé.

[20]  L’arbitre a convenu avec la CIBC que la réintégration était « impossible ». Il a fait remarquer qu’il disposait d’une grande latitude au moment de choisir le redressement approprié, concluant qu’il était nécessaire de retirer M. Kouridakis du milieu de travail pour assurer un environnement de travail harmonieux, étant donné que le « potentiel de sa réhabilitation à cet égard semble peu probable, étant donné que le comportement ne date pas d’hier ». L’arbitre a conclu que, même si la CIBC n’avait pas présenté d’arguments en faveur d’un congédiement justifié, le licenciement était nécessaire, et l’indemnité de départ était le redressement approprié.

[21]  Enfin, l’arbitre a conservé compétence relativement à l’indemnité de départ à verser à M. Kouridakis en attendant la mise au rôle de l’audience sur le montant, qui n’a pas encore eu lieu.

IV.  Les dispositions législatives pertinentes

[22]  Les articles pertinents du Code portent que :

240 (1) Sous réserve des paragraphes (2) et 242(3.1), toute personne qui se croit injustement congédiée peut déposer une plainte écrite auprès d’un inspecteur si :

 

240(1) Subject to subsections (2) and 242(3.1), any person

 

a) d’une part, elle travaille sans interruption depuis au moins douze mois pour le même employeur;

 

(a) who has completed twelve consecutive months of continuous employment by an employer, and

 

b) d’autre part, elle ne fait pas partie d’un groupe d’employés régis par une convention collective.

 

(b) who is not a member of a group of employees subject to a collective agreement,

may make a complaint in writing to an inspector if the employee has been dismissed and considers the dismissal to be unjust.

 

241(1) La personne congédiée visée au paragraphe 240(1) ou tout inspecteur peut demander par écrit à l’employeur de lui faire connaître les motifs du congédiement; le cas échéant, l’employeur est tenu de lui fournir une déclaration écrite à cet effet dans les quinze jours qui suivent la demande.

241(1) Where an employer dismisses a person described in subsection 240(1), the person who was dismissed or any inspector may make a request in writing to the employer to provide a written statement giving the reasons for the dismissal, and any employer who receives such a request shall provide the person who made the request with such a statement within fifteen days after the request is made.

 

242(1) Sur réception du rapport visé au paragraphe 241(3), le ministre peut désigner en qualité d’arbitre la personne qu’il juge qualifiée pour entendre et trancher l’affaire et lui transmettre la plainte ainsi que l’éventuelle déclaration de l’employeur sur les motifs du congédiement.

242(1) The Minister may, on receipt of a report pursuant to subsection 241(3), appoint any person that the Minister considers appropriate as an adjudicator to hear and adjudicate on the complaint in respect of which the report was made, and refer the complaint to the adjudicator along with any statement provided pursuant to subsection 241(1).

 

[...]

. . .

 

(3) Sous réserve du paragraphe (3.1), l’arbitre :

(3) Subject to subsection (3.1), an adjudicator to whom a complaint has been referred under subsection (1) shall

 

a) décide si le congédiement était injuste;

 

(a) consider whether the dismissal of the person who made the complaint was unjust and render a decision thereon; and

 

b) transmet une copie de sa décision, motifs à l’appui, à chaque partie ainsi qu’au ministre.

(b) send a copy of the decision with the reasons therefor to each party to the complaint and to the Minister.

 

[...]

. . .

 

(4) S’il décide que le congédiement était injuste, l’arbitre peut, par ordonnance, enjoindre à l’employeur :

 

(4) Where an adjudicator decides pursuant to subsection (3) that a person has been unjustly dismissed, the adjudicator may, by order, require the employer who dismissed the person to

 

a) de payer au plaignant une indemnité équivalant, au maximum, au salaire qu’il aurait normalement gagné s’il n’avait pas été congédié;

(a) pay the person compensation not exceeding the amount of money that is equivalent to the remuneration that would, but for the dismissal, have been paid by the employer to the person;

 

b) de réintégrer le plaignant dans son emploi;

(b) reinstate the person in his employ; and

 

c) de prendre toute autre mesure qu’il juge équitable de lui imposer et de nature à contrebalancer les effets du congédiement ou à y remédier.

(c) do any other like thing that it is equitable to require the employer to do in order to remedy or counteract any consequence of the dismissal.

 

243(1) Les ordonnances de l’arbitre désigné en vertu du paragraphe 242(1) sont définitives et non susceptibles de recours judiciaires.

243(1) Every order of an adjudicator appointed under subsection 242(1) is final and shall not be questioned or reviewed in any court.

V.  Les questions en litige

[23]  La demande soulève les questions en litige suivantes :

  1. La conclusion de l’arbitre selon laquelle la réintégration de M. Kouridakis était impossible était‑elle déraisonnable?

  2. La conclusion de l’arbitre selon laquelle M. Kouridakis avait seulement droit à une indemnité de départ était‑elle déraisonnable?

  3. L’affidavit de Mme Moussa de la CIBC est‑il admissible?

VI.  La norme de contrôle applicable

[24]  Les parties conviennent que c’est la norme de la décision raisonnable qui s’applique aux sentences des arbitres en droit du travail chargés d’interpréter des lois qui relèvent de leur expertise (Wilson c Énergie atomique du Canada Ltée, 2016 CSC 29, aux paragraphes 15, 16 et 32 [Wilson], et Dunsmuir c NouveauBrunswick, 2008 CSC 9, au paragraphe 47). Je suis du même avis. Cette réalité ressort particulièrement de la clause privative de l’article 243 du Code.

[25]  De plus, dans l’arrêt Payne c Banque de Montréal, 2013 CAF 33 (Payne), la Cour d’appel fédérale (CAF) a déclaré que le paragraphe 243(1) « renforce la conclusion voulant que le législateur souhaite que les cours chargées du contrôle judiciaire des décisions d’arbitres fassent preuve de retenue » et qu’il « faut examiner avec soin tout le contexte pour décider du caractère “injuste” ou non d’un congédiement », exercice qui met à contribution « l’expérience de l’arbitre et son appréciation des réalités pratiques de la relation de travail » (Payne, au paragraphe 33).

VII.  L’analyse

A.  Aperçu du congédiement injuste en vertu du Code

[26]  Le Code traite du congédiement injuste aux articles 240 à 246. Ces articles s’appliquent aux employés non syndiqués qui travaillent sans interruption depuis au moins 12 mois et qui ne font pas partie d’un groupe d’employés régis par une convention collective (paragraphe 240(1) du Code). Un employé peut déposer une plainte auprès d’un inspecteur s’il se croit injustement congédié (paragraphe 240(1)). L’inspecteur tente de régler la plainte, faute de quoi il confie le dossier au ministre du Travail, qui peut nommer un arbitre pour entendre la plainte (paragraphes 241(2), 241(3) et 242(1)).

[27]  Le mandat de l’arbitre consiste à établir si le congédiement était injuste (paragraphe 242(3)). Dans l’affirmative, l’arbitre peut, par ordonnance, enjoindre à l’employeur :

  • i de payer au plaignant une indemnité équivalant, au maximum, au salaire qu’il aurait normalement gagné s’il n’avait pas été congédié;

  • ii de réintégrer l’employé dans son emploi;

  • iii de prendre toute autre mesure qu’il juge équitable de lui imposer et de nature à contrebalancer les effets du congédiement ou à y remédier (paragraphe 242(4)).

[28]  Dans l’arrêt Wilson, qui portait sur la question de savoir si un employeur peut éviter un débat sur le congédiement pour des motifs valables en versant tout simplement des dommages‑intérêts à l’employé, la Cour suprême du Canada a examiné en détail l’objet des dispositions sur le congédiement injuste et conclu que les dispositions visaient à protéger les employés contre le congédiement sans motif et qu’un employeur ne pouvait pas tout simplement congédier un employé sans motif et lui verser une indemnité de départ (Wilson, aux paragraphes 39 et 46).

[29]  Le Code contient une clause privative stricte à l’article 243 en vertu de laquelle la décision de l’arbitre est définitive et non susceptible de recours judiciaires. Par conséquent, la Cour et la CAF ont confirmé qu’il faut faire preuve d’une grande déférence à l’égard des décisions d’arbitrage en matière de droit du travail (Payne, Énergie atomique du Canada Ltée c Sheikholeslami, [1998] 3 CF 349 (CAF), au paragraphe 9 [Sheikholeslami], et Transport Dessaults Inc c Arel, 2019 CF 8, au paragraphe 83 [Arel]).

B.  Principes liés à la réintégration

[30]  Avant d’aborder les principes liés à la réintégration, durant l’audience qui s’est déroulée devant moi, l’avocat de M. Kouridakis a soulevé la question du bien‑fondé de l’examen par l’arbitre de la conduite de M. Kouridakis en tant que facteur contributif au moment de tirer ses conclusions et d’établir les redressements à accorder. L’avocat a déclaré que la décision arbitrale ne précisait pas de façon claire si M. Kouridakis avait été congédié injustement ou s’il était en partie responsable de ses actes. D’après mon analyse de la question, il semble que les deux s’appliquent.

[31]  L’avocat renvoie à l’arrêt Maheu, Noiseux & Associés c Roneo Vickers Canada Ltd, 1988 CanLII 780 (QC CA) (Maheu) pour soutenir la proposition selon laquelle, une fois qu’un arbitre déclare qu’un congédiement est injuste, il doit passer à la question de savoir si une réintégration s’impose. Autrement dit, l’arbitre ne peut pas conclure que l’employé a été congédié injustement, puis fournir les raisons pour lesquelles ce dernier est en partie responsable du congédiement.

[32]  Je ne suis pas de cet avis. Dans l’arrêt Maheu, il n’y avait pas de possibilité de réintégration. La question consistait plutôt à savoir si, après avoir conclu que le congédiement d’un employé n’était pas justifié, un tribunal — et non un arbitre — pouvait chercher à réduire le montant de l’indemnité de départ qu’il aurait autrement accordée en raison d’une conduite qu’il juge déloyale de la part de l’employé.

[33]  En l’espèce, je ne vois rien de mal au fait que l’arbitre a conclu, dans un premier temps, que la CIBC n’a pas bien fait valoir ses arguments en faveur d’un congédiement justifié, pour ensuite énoncer des motifs démontrant que M. Kouridakis était en partie responsable de la perturbation de la relation employeur‑employé, ce qui, à mon avis, pourrait fort bien être important au moment d’établir si la réintégration est un redressement approprié.

[34]  En ce qui concerne la réintégration, l’avocat de M. Kouridakis affirme que, en cas de congédiement injuste, les quatre principes suivants s’appliquent :

  • i la réintégration est la norme et non l’exception;

  • ii l’arbitre était tenu d’exercer son pouvoir discrétionnaire de façon judiciaire;

  • iii il incombe à l’employeur de prouver que la réintégration n’est pas le redressement approprié;

  • iv l’arbitre devait établir la possibilité de réintégrer M. Kouridakis à un poste différent.

C.  La question de savoir si l’arbitre doit ordonner la réintégration une fois que le congédiement est jugé injuste

[35]  En ce qui concerne le premier principe — si la réintégration est la norme et non l’exception —, l’avocat de M. Kouridakis dit que, une fois que l’arbitre a conclu que M. Kouridakis avait été congédié sans motif, la réintégration s’imposait automatiquement. J’ai demandé à l’avocat s’il était possible qu’un arbitre établisse qu’un employeur n’a pas fait valoir qu’un congédiement était justifié, tout en ayant de bons motifs de ne pas ordonner sa réintégration. L’avocat de M. Kouridakis a convenu qu’une telle situation était possible et reconnu que tout dépendrait des faits de l’affaire.

[36]  En l’espèce, il me semble que c’est exactement ce qu’a fait l’arbitre : il a pris en considération les faits et les a appliqués à la question de savoir si la réintégration était une option viable.

[37]  L’avocat de M. Kouridakis invoque la décision arbitrale Charles c Lac La Ronge First Nation, [1998] CLAD 709 (Lac La Ronge) pour soutenir sa thèse selon laquelle l’application appropriée du paragraphe 242(4) du Code exigeait que l’arbitre adopte une approche [traduction« réparatrice » à l’égard du congédiement de M. Kouridakis, que la réintégration est le principal redressement prévu par ce paragraphe du Code et que l’employeur a le fardeau d’expliquer pourquoi la réintégration n’est pas appropriée.

[38]  Tout d’abord, dans l’affaire Lac La Ronge, l’arbitre avait conclu que, même s’il y avait un conflit sous‑jacent entre les employés ayant déposé la plainte et divers membres de la bande — l’employeur —, le fait de ne pas réintégrer les employés équivaudrait à de la discrimination en raison de leurs croyances religieuses, un enjeu qui ne fait pas partie de la matrice factuelle de l’espèce.

[39]  Quoi qu’il en soit, je suis d’accord avec l’avocat de la CIBC pour dire que le raisonnement dans la décision Lac La Ronge a été remplacé par la jurisprudence plus récente. La CAF a clairement dit que la réintégration n’est pas un droit, mais simplement un des redressements dont dispose un arbitre (Sheikholeslami, aux paragraphes 11 et 12, Banque de Montréal c Sherman, 2012 CF 1513, au paragraphe 17 [Sherman], et Defence Construction Canada Ltd. c Girard, 2005 CF 1177, au paragraphe 66). Les arbitres sont pleinement autorisés à choisir parmi les redressements énumérés au paragraphe 242(4) du Code, ce qui inclut l’indemnisation et la réintégration (Sheikholeslami, au paragraphe 12).

[40]  Dans la décision Sherman, le juge Manson a résumé ainsi les sept circonstances généralement acceptées qui peuvent justifier la décision de ne pas réintégrer un employé :

1. La détérioration des relations personnelles entre le plaignant et la direction ou d’autres employés.

2. La disparition de la relation de confiance qui doit exister, en particulier lorsque le plaignant occupe un poste élevé dans la hiérarchie de son entreprise.

3. La contribution du plaignant à la faute justifiant que son congédiement donne lieu à une moindre sanction.

4. Une attitude de la part du plaignant menant à croire que la réintégration n’améliorerait pas la situation.

5. L’incapacité physique du plaignant de commencer à travailler immédiatement.

6. L’abolition du poste occupé par le plaignant au moment de son congédiement.

7. D’autres événements subséquents au congédiement rendant la réintégration impossible, comme une faillite ou des mises à pied.

[41]  Dans l’arrêt Payne, la CAF a dit clairement que l’arbitre a pleine autorité en ce qui concerne la réintégration, soulignant que l’une des questions cruciales touchant la réintégration énoncées dans la décision Sherman consiste à savoir si l’arbitre a adopté un point de vue prospectif au moment d’établir si la réintégration de l’employé dans le milieu de travail était possible (Payne, au paragraphe 88).

[42]  En l’espèce, l’arbitre a adopté un point de vue prospectif au moment de réaliser une telle évaluation. Il a tenu compte de la relation antérieure des parties et des incidents qui ont mené à la rupture de la relation employeur‑employé et conclu que la réintégration était impossible étant donné que, pour préserver l’harmonie du milieu de travail, M. Kouridakis ne pouvait pas reprendre son ancien poste.

[43]  Je souscris à l’opinion de l’avocat de la CIBC selon laquelle, même si M. Kouridakis a affirmé vouloir arranger les choses, son insubordination était grave. Le simple fait de demander pardon ne suffit pas toujours.

[44]  En fait, les arbitres qui ont traité la réintégration comme un droit présumé ont commis une erreur (Sherman, au paragraphe 19). Un arbitre est autorisé à ordonner le paiement d’une indemnité s’il estime, par exemple, que le lien de confiance qui existait entre l’employeur et l’employé ne peut être rétabli (Sheikholeslami, au paragraphe 12). En effet, un arbitre a un large pouvoir discrétionnaire quant au redressement approprié (Arel, aux paragraphes 74 et 83).

[45]  Le fait que, la plupart du temps, la réintégration soit considérée comme le redressement approprié ne signifie pas qu’elle devient la norme ni même, d’une façon ou d’une autre, un principe dont il ne faut déroger que dans des circonstances exceptionnelles. Je n’accepte pas que, en droit, la réintégration soit le redressement par défaut qu’il faut imposer à moins que l’employeur démontre, selon la prépondérance des probabilités, le caractère inapproprié d’une telle ordonnance. La réintégration n’est qu’un redressement parmi tant d’autres que l’arbitre peut ordonner — seule ou en conjonction avec d’autres compensations pécuniaires —, tout comme il est loisible à l’arbitre de ne pas l’ordonner du tout, et ce, même lorsque le congédiement est jugé injuste (Sheikholeslami et Payne).

D.  La décision de ne pas réintégrer le demandeur a‑t‑elle été prise de façon judiciaire et découle‑t‑elle logiquement des conclusions de fait tirées par l’arbitre?

[46]  Je souscris au deuxième principe énoncé par l’avocat de M. Kouridakis, à savoir que l’arbitre doit agir de façon judiciaire.

[47]  En fait, la CAF s’est penchée de près sur la question et a confirmé ce principe dans l’arrêt Chalifoux c Première Nation de Driftpile (1999), 169 FTR 143 (1re inst.), au paragraphe 9 (Chalifoux). Comme la CAF l’explique dans l’arrêt Chalifoux, l’arbitre doit peser le pour et le contre d’une réintégration et tenir compte de la nature de la relation entre l’employé et l’employeur (Chalifoux, au paragraphe 9).

[48]  Cependant, je ne vois pas où l’arbitre n’a pas agi de façon judiciaire, car, selon moi, rien dans sa décision ne donne à penser qu’il y a eu partialité, manquement à la justice naturelle ou restriction du pouvoir discrétionnaire au moment de rendre la décision. La décision arbitrale était très rigoureuse. Elle a décrit en détail les antécédents professionnels et disciplinaires de M. Kouridakis, tenu compte du comportement de l’employeur et conclu que la réintégration n’était pas viable. De toute évidence, l’arbitre a examiné la question en profondeur et a agi de façon judiciaire.

[49]  L’avocat de M. Kouridakis affirme que la période de 2006 à 2014 tend à démontrer que M. Kouridakis était un bon employé. La CIBC dit que ce n’est pas le cas, mais, en 2014, M. Kouridakis a obtenu un poste permanent à temps plein de surveillant de la qualité, ce qui signifie que, manifestement, à ce moment‑là, les choses n’allaient pas si mal.

[50]  Je suis plutôt d’accord pour dire que la situation ne semblait pas être si mauvaise, mais, comme l’a constaté l’arbitre, la CIBC semble avoir toléré le comportement de M. Kouridakis parce que ce dernier faisait généralement du bon travail. Cependant, je dois dire que même cela a ses limites.

[51]  Selon l’avocat de M. Kouridakis, il ressort de la lecture de la décision de l’arbitre concernant l’incident de l’ascenseur que, selon ce dernier, M. Kouridakis n’était pas fautif et essayait seulement de [traduction« faire la paix ». Il se demande donc de quelle façon l’arbitre peut ensuite qualifier la réintégration de déraisonnable. Encore une fois, je pense que la réponse simple, c’est que l’incident de l’ascenseur — comme les événements antérieurs — n’était qu’un incident parmi tant d’autres mettant en cause M. Kouridakis. Ces incidents, conjugués aux conclusions de l’arbitre au sujet de la conduite, de l’attitude et du comportement passé de M. Kouridakis, ont poussé l’arbitre à conclure que la réintégration était impossible. Je ne vois rien de déraisonnable dans cette décision.

[52]  L’avocat de M. Kouridakis présente plusieurs autres arguments à l’appui de la position de son client, que je résumerai comme suit :

  • i L’arbitre a cité l’arrêt Sauvé c Banque Laurentienne du Canada, 500‑09‑000865‑949 (QC CA) (Sauvé), mais n’en a pas compris l’importance. L’avocat de M. Kouridakis affirme également que la CIBC a approuvé le comportement de M. Kouridakis et que ce dernier s’est vu offrir un poste à temps plein en 2014. Si le comportement de M. Kouridakis suscitait de graves préoccupations, il est difficile de comprendre les raisons pour lesquelles la CIBC lui a offert un poste à temps plein et l’a remercié de son service et de son dévouement quelques mois seulement avant son congédiement.

  • ii L’arbitre a déclaré que la CIBC avait seulement toléré la conduite de M. Kouridakis jusqu’au 3 juillet 2015, alors que, en fait, ce dernier a reçu un certificat d’appréciation en octobre 2015.

  • iii L’arbitre a reconnu le rôle du comportement de Mme Dumaine et la responsabilité de cette dernière relativement aux événements de 2015 et de 2016. Par conséquent, logiquement, M. Kouridakis aurait dû être réintégré. La décision de refuser la réintégration est irrationnelle, mauvaise et manifestement déraisonnable.

  • iv À l’audience, M. Kouridakis a exprimé le désir d’être réintégré. Il n’y a aucune preuve que son poste a été aboli, et il devrait donc être réintégré.

[53]  Il ne fait aucun doute que la relation professionnelle entre M. Kouridakis et la CIBC a connu des hauts et des bas. Toutefois, je suis convaincu que l’arbitre a examiné la question en profondeur et qu’il a rendu une décision qu’il pouvait rendre. Quoi qu’il en soit, il y a une importante divergence dans les souvenirs des deux avocats quant à savoir si, durant l’audience d’arbitrage, en réponse à une question sur son désir d’être réintégré, M. Kouridakis a répondu tout simplement [TRADUCTION« oui » ou s’il a répondu [TRADUCTION« oui, mais pas à ce poste ». Sans tenir compte de l’affidavit de Mme Moussa, aucun dossier certifié du tribunal n’a été ordonné, et les parties n’ont pas fourni de transcription de l’audience. Il est donc difficile de savoir qu’elle était réellement la demande de M. Kouridakis relativement à la réintégration.

E.  L’employeur a‑t‑il le fardeau d’expliquer les raisons pour lesquelles la réintégration n’est pas possible?

[54]  En ce qui concerne le troisième principe — à savoir s’il incombe à l’employeur d’expliquer les raisons pour lesquelles la réintégration n’est pas une option viable —, l’avocat de M. Kouridakis affirme que la défenderesse ne s’est pas acquittée de ce fardeau, et ce, principalement parce seule Mme Dumaine a parlé ou témoigné relativement à la question de la réintégration. Aucun autre employé n’a témoigné ou donné son opinion sur la réintégration de M. Kouridakis, et l’avocat de M. Kouridakis laisse entendre qu’il n’était pas suffisant de refuser la réintégration en raison du fait qu’une seule employée — sur les huit témoins de la banque dans le cadre de l’audience arbitrale — ait déclaré qu’elle aurait peur si M. Kouridakis devait reprendre son poste, surtout compte tenu de l’accusation d’intimidation déposée contre elle. Vu son expérience et son excellent service, M. Kouridakis aurait facilement pu reprendre son ancien poste.

[55]  Cependant, l’arbitre n’a pas seulement examiné le témoignage de Mme Dumaine en vase clos, mais aussi l’ensemble des témoignages et des éléments de preuve, qui sont en grande partie reproduits dans sa décision. Je peux difficilement me mettre à la place de l’arbitre, et je n’ai pas besoin de le faire.

[56]  Quoi qu’il en soit, même si seule Mme Dumaine s’est prononcée contre la réintégration de M. Kouridakis, il me semble que, étant sa supérieure, c’est elle qui aurait eu à faire face, au jour le jour, aux conséquences de la réintégration. Je peux très bien comprendre que plus d’importance soit accordée à l’opinion de Mme Dumaine plutôt qu’à celles d’autres personnes, qui, elles, n’auraient pas eu à interagir directement avec M. Kouridakis en cas de réintégration.

[57]  Du point de vue juridique, je conteste l’existence d’un fardeau de la preuve. Dans l’arrêt Maheu, il n’est pas question d’un fardeau de la preuve, et, d’après ce que je peux voir, il revient à l’arbitre de décider s’il faut ordonner la réintégration ou non à la lumière de l’ensemble de la preuve.

[58]  De plus, selon moi, une fois que nous avons établi que la réintégration n’est pas un droit, mais simplement un des redressements qui s’offrent à un arbitre dans les circonstances, l’enjeu de la réintégration n’est plus une question de « fardeau de la preuve », et l’arbitre doit plutôt soupeser la preuve en tenant dûment compte de l’ensemble des faits.

F.  L’arbitre était‑il obligé d’envisager la réintégration à un poste différent?

[59]  En ce qui concerne le quatrième principe — si un arbitre a le pouvoir de réintégrer un employé dans un autre poste —, je ne vois pas en quoi un arbitre posséderait un tel pouvoir.

[60]  L’avocat de M. Kouridakis affirme que la décision arbitrale est manifestement déraisonnable, car la possibilité que M. Kouridakis puisse retourner travailler sur un autre étage ou au sein d’un autre service n’a pas été envisagée. Cependant, il n’a fourni aucune autorité confirmant que la réintégration à un poste différent était une option viable. En fait, l’arrêt Banque Royale du Canada c Cliche, [1985] ACF no 424 (QL) (Cliche) et la décision Sherman donnent à penser le contraire.

[61]  Dans l’arrêt Cliche, la CAF a conclu qu’un arbitre agissant en vertu du paragraphe 61.5(9) de la Division V.7 de la partie 3 du Code (précurseur du paragraphe 242(4) du Code actuel dont le libellé était similaire) n’avait pas compétence pour ordonner la réintégration à un poste différent. La CAF a conclu que, selon le libellé actuel de l’alinéa 242(4)b) du Code, un arbitre peut seulement réintégrer un employé au poste qu’il occupait au moment du congédiement.

[62]  Au moment de se pencher sur la question, le juge Marceau a déclaré ce qui suit au nom de la CAF à la page 3 de la décision :

On peut écarter tout de suite non seulement l’alinéa a) mais également l’alinéa b). Les expressions utilisées, en effet, aussi bien celle de la version française : « réintégrer dans son emploi », que celle de l’a version anglaise : « reinstate in his employ », ne permettent pas de douter que le remède sanctionné est la remise de la personne dans la situation ou elle se trouvait avant le congédiement, le retour au status quo ante.

[63]  De plus, la CAF a conclu que le libellé actuel de l’alinéa 242(4)c) du Code peut seulement s’appliquer à la remédiation des effets du congédiement et non pas servir à ordonner la réintégration à un poste différent.

[64]  Cela dit, dans la décision Banque de la Nouvelle‑Écosse c Randhawa, 2018 CF 487, le juge Pentney a jeté un doute quant à savoir si cet énoncé de droit demeure exact. Dans cette affaire, la question déterminante concernait l’équité procédurale. Toutefois, dans ses remarques incidentes, le juge Pentney a abordé la question de savoir si un arbitre pouvait ordonner la réintégration à un poste différent et a tiré la conclusion suivante : « J’estime qu’il est difficile de faire le lien entre l’approche de Cliche concernant les dispositions du Code relatives aux mesures de réparation et les décisions subséquentes dans les décisions Banca Nazionale Del Lavoro of Canada Ltd c Lee‑Shanok (1988), 87 NR 178, [1988] ACF no 594 (CA) (QL) [Lee‑Shanok]; Murphy c. Canada (arbitre désigné en vertu du Code du travail), [1994] 1 CF 710 (CAF); et Wilson ».

[65]  Même si je conviens avec le juge Pentney que le libellé utilisé dans certaines des décisions mentionnées semble donner à penser qu’il faille adopter une vision plus large des mesures correctives, aucune des décisions ne concerne directement la question de savoir si un arbitre a le pouvoir de réintégrer un employé à un poste différent de celui qu’il occupait au moment du congédiement.

[66]  La décision Sprint Canada c Lancaster, 2005 CF 55, ne traitait pas de la question de la réintégration à un autre poste au sens traditionnel du terme, mais plutôt de la possibilité de réintégrer une personne à un poste qui, en raison d’une réorganisation de dernière minute de l’entreprise, a été modifié. Le juge Phelan a conclu que la décision de l’arbitre d’ordonner la réintégration de l’employé dans ce qui, en fait, était son ancien poste était raisonnable. La Cour a également conclu que le fait de devoir évincer un titulaire — même s’il s’agit d’un facteur — n’est pas un obstacle à la réintégration d’un employé et qu’il appartient à l’employeur de régler la question du titulaire du poste.

[67]  Dans la décision Sherman, l’employeur a, en fait, reconnu le caractère injuste du congédiement de l’employée, Mme Sherman, limitant ainsi la question de l’arbitrage au redressement approprié. Durant l’audience d’arbitrage, Mme Sherman avait demandé sa réintégration dans une filiale différente de la banque dans un certain rayon (une demande que M. Kouridakis a peut‑être formulée en l’espèce). Dans l’affaire Sherman, la Cour devait trancher s’il était raisonnable pour l’arbitre d’ordonner la réintégration de Mme Sherman au sein d’une autre filiale de la Banque de Montréal, alors que la preuve montrait que cela aurait pour effet le congédiement d’un tiers innocent.

[68]  L’arrêt Wilson de la Cour suprême du Canada concernait la norme de contrôle. Même s’il a aussi été question des mesures correctives, je ne vois rien dans cet arrêt qui supplante directement la règle énoncée dans Cliche.

[69]  Dans l’arrêt Banca Nazionale Del Lavoro of Canada Limited c LeeShanok (1988), 87 NR 178, [1988] ACF no 594 (CA) (QL), la CAF a traité d’une situation où l’employé a été réintégré dans son ancien poste. La question en litige en appel était de savoir si l’arbitre avait compétence pour réintégrer ainsi l’employé alors qu’aucun élément de preuve n’avait été présenté durant l’audience arbitrale pour établir si l’ancien poste en question était toujours libre. Dans ce contexte, la CAF a analysé des considérations liées aux redressements qui s’offrent à un arbitre en vertu de ce qui est aujourd’hui l’alinéa 242(4)c) du Code.

[70]  Dans l’arrêt Murphy c Canada (arbitre désigné en vertu du Code du travail), 1993 CanLII 3009 (CAF), [1994] 1 CF 710 (CA), la CAF a traité d’une situation où la réintégration d’un employé à son ancien poste a été ordonnée, mais où l’ordonnance était assortie de certaines conditions d’emploi. La question dont était saisie la CAF concernait la compétence de l’arbitre d’imposer de telles conditions relativement au retour au travail de l’employé. La question de la nature des mesures correctives prévues à l’alinéa 242(4)c) a été soulevée, et il a été clairement établi que le principe que sous‑tend le paragraphe 242(4) est un principe réparateur permettant à l’arbitre d’adapter le redressement aux circonstances de chaque cas.

[71]  Même si, dans la décision Sherman, le juge Manson a fait référence à l’arrêt Cliche de la CAF, il l’a fait relativement à la question de l’incidence négative possible de la réintégration sur l’emploi d’un tiers innocent.

[72]  À part dans l’arrêt Cliche, à aucun moment dans les décisions susmentionnées la question de savoir si un arbitre a compétence pour ordonner la réintégration d’un employé congédié injustement à un poste différent a été abordée seulement en passant, et non pas directement. Dans les circonstances, je ne vois rien qui puisse suggérer qu’il faille déroger au principe que la CAF a établi clairement dans l’arrêt Cliche selon lequel le redressement autorisé par le paragraphe 242(4) du Code est la remise de la personne dans la situation où elle se trouvait avant le congédiement, pas dans une situation différente.

G.  Le fait que M. Kouridakis n’a pas été traité équitablement à la suite de l’incident de l’ascenseur

[73]  Le 7 avril 2016, soit le lendemain de l’incident de l’ascenseur, M. Kouridakis a pris un congé de maladie, même si ses problèmes de santé remontaient au mois de décembre précédent. Il a été congédié pendant son congé de maladie.

[74]  Le 4 mai 2016, M. Kouridakis a rendu visite au médecin spécialiste de la CIBC, qui a déclaré qu’il était apte à rencontrer les responsables de la sécurité de l’entreprise après avoir rencontré sa chef ou ses supérieurs. Le médecin a aussi dit que M. Kouridakis serait prêt à retourner au travail dans les deux mois.

[75]  Le 26 mai 2016, M. Kouridakis a déposé une plainte d’intimidation contre Mme Dumaine.

[76]  M. Kouridakis a été invité à se présenter à la banque. Plutôt que de rencontrer ses supérieurs ou la direction de la banque — comme le prévoyait l’évaluation médicale—, il a rencontré immédiatement les responsables de la sécurité de l’entreprise et a été informé de son congédiement. Selon l’avocat de M. Kouridakis, personne n’a demandé à M. Kouridakis sa version des faits avant la réunion avec les responsables de la sécurité de l’entreprise de la CIBC le 14 juin 2016. En fait, même après la réunion avec les responsables de la sécurité de l’entreprise, M. Kouridakis ne connaissait toujours pas les motifs de son congédiement avant de recevoir la lettre de Travail Canada en août 2016.

[77]  Selon l’avocat de M. Kouridakis, le fait de demander à son client de rencontrer directement les responsables de la sécurité de l’entreprise en contournant la réunion avec ses supérieurs n’était rien de moins que des représailles de la part de la banque.

[78]  Je ne suis pas prêt à tirer cette conclusion. Selon moi, la banque avait peut‑être l’intention, initialement, soit avant le 26 mai 2016, de demander à M. Kouridakis de rencontrer ses supérieurs, ce qui a peut‑être changé brusquement après la réception du courriel du 26 mai 2016 de M. Kouridakis.

[79]  Je peux très bien entrevoir que le courriel du 26 mai 2016 a été, pour la CIBC, la goutte qui a fait déborder le vase en ce qui concerne le comportement de M. Kouridakis. Quoi qu’il en soit, même si les choses se sont passées comme l’avocat de M. Kouridakis l’affirme, il ne fait aucun doute que l’arbitre en a tenu compte au moment d’établir si le congédiement était justifié et si la réintégration était une option viable.

[80]  Je dois dire, cependant, que le courriel du 26 mai 2016 permet de mieux comprendre la relation entre M. Kouridakis et sa supérieure ainsi que le point de vue de M. Kouridakis sur son environnement de travail. Selon moi, le fait que, à ce moment‑là, la CIBC aurait pu gérer la situation avec un peu plus de délicatesse ne change rien à la décision de l’arbitre de ne pas ordonner la réintégration de M. Kouridakis. En fait, la situation a peut‑être renforcé la détermination de l’arbitre de ne pas ordonner la réintégration de M. Kouridakis.

H.  La conclusion de l’arbitre est‑elle raisonnable?

[81]  L’avocat de M. Kouridakis dit que, dans les circonstances, la décision de l’arbitre était trop sévère, soulignant un certain nombre d’autres décisions arbitrales qui, selon lui, donnent à penser que l’imposition d’une peine moins sévère à M. Kouridakis aurait été plus appropriée et plus conforme à la pensée dominante des arbitres en droit du travail.

[82]  D’après ce que je peux voir, il revient aux arbitres d’établir, dans chaque cas, l’ampleur des sanctions ou la nature des redressements accessibles, et ce, après avoir entendu les témoins, examiné la preuve et tenu compte des observations des avocats. Essentiellement, l’avocat de M. Kouridakis me demande de substituer mon point de vue sur la question à celui de l’arbitre, et ce, sans avoir vu les témoins ni entendu tous les témoignages, ce que je ne suis pas prêt à faire.

[83]  Dans l’ensemble, je considère que la décision sur la réintégration est justifiée, transparente et intelligible. L’arbitre a exposé les faits en détail et a conclu que, vu les circonstances, la réintégration n’était pas indiquée. Cette conclusion était de son ressort en plus d’être autorisée par le Code. En outre, la décision arbitrale était conforme aux principes de la décision Sherman, en particulier le premier facteur (la détérioration des relations personnelles entre le plaignant et l’employeur) et le quatrième facteur (l’attitude de la part du plaignant). De toute évidence, ces facteurs s’appliquent ici et me semblent être des raisons valables pour refuser la réintégration.

[84]  L’avocat de M. Kouridakis présente brièvement deux autres arguments sur la question de la réintégration. Il soutient tout d’abord que l’arbitre n’a pas suffisamment tenu compte de l’arrêt Sauvé. À mon avis, cette décision est facile à distinguer de l’espèce, puisqu’elle n’a pas été prise en vertu du Code et que l’employé en question n’avait aucun dossier disciplinaire.

[85]  Il soutient également que l’arbitre a commis une erreur en accordant peu d’importance à la conduite de la banque. Je ne suis pas de cet avis. Même si l’arbitre a conclu que M. Kouridakis n’avait rien à se reprocher dans l’incident de l’ascenseur, de toute évidence, il a conclu que le comportement de M. Kouridakis n’était pas approuvé, seulement toléré à contrecœur. L’arbitre possédait l’expertise et le pouvoir discrétionnaire nécessaire pour conclure que, à la lumière du dossier, la réintégration n’était pas viable.

[86]  Enfin, l’avocat de M. Kouridakis conteste le fait que, au paragraphe 26 de la décision arbitrale, l’arbitre a analysé des problèmes justifiant le congédiement au moment de trancher la question de la réintégration. Je reconnais que, au paragraphe 26, l’arbitre a traité d’incidents se rapportant à la question du congédiement injuste, mais, encore une fois, cela permettait de mieux comprendre le contexte, et l’arbitre devait tenir compte du milieu de travail au moment d’établir le caractère approprié de la réintégration de M. Kouridakis. Comme l’a déclaré le juge Evans de la CAF dans l’arrêt Payne, « [l]es facteurs contextuels à prendre en compte pour rechercher si le congédiement est injuste recoupent, dans une large mesure, les facteurs pertinents pour juger de l’opportunité de la réintégration » (Payne, au paragraphe 88).

[87]  Dans l’ensemble, M. Kouridakis est simplement en désaccord avec la conclusion de l’arbitre au sujet de la réintégration, ce qui ne suffit pas à rendre la décision déraisonnable.

I.  La décision sur le montant était raisonnable

[88]  L’avocat de M. Kouridakis affirme que, à la fin de l’audience, l’arbitre a mentionné qu’il trancherait seulement deux questions, soit celle de la réintégration et celle du congédiement injuste. En fait, la directive au tribunal consistait à trancher seulement ces deux questions. Toutefois, la décision arbitrale portait sur trois questions : le congédiement injuste, la réintégration et l’évaluation relative à l’indemnité de départ. L’avocat de M. Kouridakis mentionne qu’aucun élément de preuve n’a été présenté au sujet du montant, mais que l’arbitre a tout de même établi que seule l’octroi d’une indemnité de départ — par opposition à une indemnisation générale — s’imposait.

[89]  L’avocat de M. Kouridakis soutient que son client devrait avoir le droit de plaider en faveur d’un salaire rétroactif, d’une assurance collective, d’avantages sociaux et de toute autre réclamation afin [traduction« d’obtenir réparation ». Dans l’état actuel des choses, il soutient que M. Kouridakis n’a pas pu bénéficier de l’établissement du montant et ne comprend pas les raisons pour lesquelles il se voit uniquement accorder une indemnité de départ, puisque l’arbitre n’a pas expliqué pourquoi il limite le redressement à une indemnité de départ plutôt qu’à des dommages‑intérêts généraux.

[90]  Les paragraphes 49 et 50 de la décision arbitrale se lisent comme suit :

49. Par conséquent, j’estime que l’employeur n’a pas suffisamment établi le bien‑fondé du congédiement justifié reposant sur les actes fautifs de M. Kouridakis. Toutefois, vu les circonstances particulières de l’affaire, il était nécessaire de congédier l’employé et une indemnité de départ doit être versée à celui‑ci. À cet égard, l’opinion des auteurs Brown et Beatty s’applique :

[...] dans des circonstances exceptionnelles, lorsqu’un arbitre conclut qu’un employé est incapable d’apprendre de son comportement passé et de corriger celui‑ci et qu’une relation viable au travail ne saurait être restaurée, l’arbitre peut limiter la réparation à ordonner à l’employeur de verser une compensation au lieu de la réintégration dans les fonctions lorsque le congédiement n’était par ailleurs pas fondé.

50. La compétence quant au montant de l’indemnité de départ à verser à M. Kouridakis est, par conséquent, réservée selon le choix d’une date d’audience qui convienne à toutes les parties à cette fin, audience à laquelle les parties seront convoquées en temps opportun par le soussigné.

[Non souligné dans l’original.]

[91]  Tout d’abord, j’estime qu’il était loisible à l’arbitre de dire après l’audience qu’il se réservait la compétence sur la question de l’indemnité et de convier les parties à une autre audience quant au montant. L’indemnité est une question corollaire qui découle de la décision selon laquelle la réintégration n’était pas indiquée. La déclaration de l’arbitre ne devrait pas l’empêcher de trancher des questions corollaires comme la nature de l’indemnité à accorder.

[92]  Quoi qu’il en soit, l’utilisation du terme « indemnité de départ » était regrettable, car je n’interprète pas la décision arbitrale comme l’a fait l’avocat de M. Kouridakis. Même si l’arbitre a mentionné qu’il ordonnait une « indemnité de départ », il a ensuite cité un passage de Canadian Labour Arbitration de Brown et Beatty, où il est question de « compensation au lieu de la réintégration ». Il me semble que l’arbitre n’utilisait pas le terme « indemnité de départ » au sens où on l’entend normalement dans les affaires de congédiement, comme à l’article 235 du Code. Selon mon interprétation des paragraphes 49 et 50 de la décision arbitrale, l’arbitre utilisait le mot « départ » au sens plus familier de « rupture de la relation » entre M. Kouridakis et la CIBC. Cela dit, seul l’arbitre sait ce qu’il a voulu dire, et je ne crois pas avoir à me prononcer dans un sens ou dans l’autre à ce moment‑ci.

[93]  Le but d’un redressement pécuniaire en vertu du Code est de placer le plaignant dans la même situation que celle dans laquelle il se serait trouvé n’eût été du congédiement injuste (Ball et Braithwaite, Canadian Employment Law, au paragraphe 21:110.2). Comme le souligne M. Kouridakis, l’objectif est d’accorder au demandeur une [traduction« réparation » (Première Nation Sipekne’katik c Paul, 2016 CF 769, au paragraphe 98, et Slaight Communications Inc c Davidson, [1985] 1 CF 253 (CA), aux pages 257 et 260, confirmée dans l’arrêt [1989] 1 RCS 1038).

[94]  En fait, la Cour a établi que, dans un tel contexte, il est erroné de limiter l’octroi de dommages‑intérêts au montant de l’indemnité de départ prévu à l’article 235 du Code (Wolf Lake First Nation c Young (1997), 130 FTR 115 (1re inst.), aux paragraphes 51 et 53). Comme l’a déclaré le juge Nadon, tel était alors son titre, au paragraphe 51 :

[51] L’application du paragraphe 242(4) du Code est claire; cette disposition est conçue pour indemniser pleinement un employé qui a été congédié injustement. Cette réparation ne se limite pas à l’indemnité de départ à laquelle l’employé a droit. Elle n’est pas calculée en fonction du préavis qui aurait dû être donné à l’employé. Dans l’arrêt Slaight Communications Inc. c. Davidson, [1985] 1 C.F. 253, conf. [1989] 1 R.C.S. 1038, le juge Mahoney a déclaré, à la page 260 :

Le paragraphe 61.5(9) [maintenant 242(4)] a pour but de confier à l’arbitre le pouvoir de faire en sorte, dans la mesure du possible, que l’employé lésé n’ait pas à subir de préjudice en matière d’emploi par suite de son congédiement injustifié.

Bien que cette disposition fixe un maximum au montant des dommages‑intérêts qui peuvent être accordés, ce montant n’est pas lié au montant de l’indemnité de départ accordée à l’employé. Le fait de limiter le montant des dommages‑intérêts pour congédiement injuste au montant de l’indemnité de départ ou en fonction de la common law constitue manifestement une erreur. À l’appui de cette proposition, on peut invoquer l’arrêt B.C.C.I. c. Boisvert, [1986] 2 C.F. 431 (C.A.F.) [...]

[95]  La référence de l’arbitre à une « indemnité de départ » n’est pas idéale, mais, à mon avis, la lecture de la décision dans son ensemble donne à penser que l’arbitre voulait dire que la prochaine audience permettrait d’établir le montant de l’indemnité à payer au titre de l’alinéa 242(4)a) du Code en raison de la rupture de la relation employeur‑employé ou du « départ » de M. Kouridakis.

[96]  Sans décision sur le montant accordé en tant que tel, il serait prématuré pour moi de trancher que l’arbitre a rendu une décision déraisonnable quant au montant. Les parties devront attendre la décision sur le montant pour évaluer le caractère approprié de la décision de l’arbitre relativement à l’indemnité.

J.  Admissibilité de l’affidavit de Mme Moussa

[97]  Compte tenu de mes conclusions, je ne m’appuie pas sur l’affidavit de Mme Moussa et, par conséquent, je n’ai pas à traiter de son admissibilité.

VIII.  Conclusion

[98]  Je rejette la demande, avec dépens payables à la CIBC d’une somme de 1 000 $.


JUGEMENT dans le dossier T‑1841‑18

LA COUR STATUE que :

  1. La demande de contrôle judiciaire est rejetée.

  2. Le demandeur doit verser à la CIBC des dépens d’une somme de 1 000 $.

« Peter G. Pamel »

Juge

Traduction certifiée conforme

Ce 4e jour de novembre 2019.

Claude Leclerc, traducteur


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

T‑1841‑18

 

INTITULÉ :

GEORGE KOURIDAKIS c BANQUE CANADIENNE IMPÉRIALE DE COMMERCE et MARK ABRAMOWITZ

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

MONTRÉAL (QUÉBEC)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 24 JUILLET 2019

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

LE JUGE PAMEL.

 

DATE DES MOTIFS :

LE 24 SEPTEMBRE 2019

 

COMPARUTIONS :

Raphael Levy

 

POUR LE DEMANDEUR

Magali Cournoyer‑Proulx

 

POUR LA DÉFENDERESSE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Levy Tsotsis

Avocats/Attorneys

Montréal (Québec)

 

POUR LE DEMANDEUR

Fasken Martineau Dumoulin S.E.N.C.R.L., s.r.l.

Montréal (Québec)

 

POUR LA DÉFENDERESSE

 

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