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                                                                                                                                            Date : 20040203

                                                                                                                                Dossier : IMM-1454-03

                                                                                                                              Référence : 2004 CF 157

ENTRE :

                                                                 BILQUEES, Fathima

                                                                    HUSSAIN, Imran

                                                                                                                                                  Demandeurs

                                                                              - et -

                                               LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

                                                           ET DE L'IMMIGRATION

                                                                                                                                               Défenderesse

                                                    MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE PINARD :

[1]         Il s'agit ici d'une demande de contrôle judiciaire d'une décision de l'agent d'examen des risques avant renvoi ( « ERAR » ), Sophie-Andrée Roy ( « l'agent » ), datée du 18 février 2003, statuant que les demandeurs ne sont ni des « réfugiés » au sens de la Convention, ni des « personnes à protéger » suivant les définitions données aux articles 96 et 97 respectivement de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés, L.C. (2001), ch. 27.

[2]         La demanderesse, Fathima Bilquees, est citoyenne du Pakistan. Elle est arrivée au Canada le 30 mai 2001 avec son fils, Imran Hussain. Le 1er août 2002, la Commission de l'immigration et du statut de réfugié a refusé leur revendication de statut de réfugié.


[3]         La demanderesse et son fils allèguent avoir une crainte bien fondée de persécution du groupe terroriste Sipah-e-Sahaba Pakistan en raison de leur appartenance à la religion chiite.

[4]         Dès le début de l'audition, j'ai maintenu l'objection de l'avocate de la partie défenderesse à l'admissibilité en preuve des documents que l'on retrouve aux pages 39 à 44 et 53 à 57 du dossier du tribunal, au motif que ces documents n'étaient pas devant l'instance décisionnelle.

[5]         Les présents motifs tiennent compte tant des représentations écrites des avocats des parties dans leur mémoire respectif, que de leurs plaidoiries orales.

[6]         Quant à la décision, l'agent ERAR a conclu que les demandeurs ne sont ni des réfugiés, ni des personnes à protéger. Elle a conclu que la crainte de persécution des demandeurs n'est pas crédible, que la présomption de la capacité de l'État de protéger les demandeurs n'a pas été réfutée et, finalement, qu'il existe pour ces derniers, au Pakistan, un refuge interne.

[7]         L'agent ERAR a conclu, comme le Tribunal avant elle, que les demandeurs n'étaient pas crédibles. L'évaluation de la crédibilité est une question de fait et il n'appartient pas à cette Cour de se substituer à la décision de l'agent ERAR à moins que le demandeur puisse démontrer que sa décision est fondée sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments à sa disposition (voir l'alinéa 18.1(4)d) de la Loi sur la Cour fédérale, L.R.C. (1985), ch. F-7). L'agent ERAR possède une connaissance spécialisée et a le pouvoir d'apprécier la preuve dans la mesure où ses inférences ne sont pas déraisonnables (Aguebor c. Canada (M.E.I.) (1993), 160 N.R. 315 (C.A.F.)) et ses motifs sont énoncés de façon claire et compréhensible (Hilo c. Canada (M.E.I.) (1991), 15 Imm.L.R. (2d) 199 (C.A.F.)).


[8]         Selon les demandeurs, l'agent ERAR n'avait aucune raison de douter du risque qu'ils courent au Pakistan. Toutefois, dans sa décision, l'agent a relevé plusieurs incohérences qui ont semé un doute concernant la crédibilité du récit des demandeurs. L'agent soulève notamment les incohérences entre le témoignage de la demanderesse, le témoignage du fils et le Formulaire de renseignements personnels, incohérences importantes dans le contexte de la demande, puisqu'elles mettent en question les incidents fondamentaux de la revendication.

[9]         Les demandeurs prétendent en outre que l'agent n'a pas tenu compte de tous les éléments de preuve dont elle disposait. Ils plaident notamment que l'agent aurait dû prendre l'état de santé de la demanderesse en compte. Or, le contraire de ces prétentions appert clairement des notes mêmes de l'agent qui, notamment, réfère expressément à la condition médicale de la demanderesse :

Finalement, la demanderesse a fait état de sa condition médicale dans ses soumissions ERAR. Nous ne remettons pas en doute la gravité de sa condition. Par contre, selon l'article 97(1)b)iv), si le risque est uniquement causé par l'incapacité du pays de référence de fournir des soins médicaux ou de santé adéquats, la demanderesse ne pourra alors être admissible à la protection. Toutefois, selon les services juridiques de la CISR, « en analysant une demande, il faut évaluer si le risque survient, non pas à cause de l'insuffisance des soins de santé, mais parce que la demanderesse présente un état pathologique qui la rendra plus vulnérable à l'instabilité des conditions dans son pays » [Personnes à protéger - Menace à la vie ou risque de traitements ou peines cruels et inusités - Services juridiques de la CISR, 15 mai 2002]. Or, la demanderesse n'a pas réussi à faire la preuve, selon la balance des probabilités, que les conditions dans son pays font en sorte qu'elle serait personnellement à risque advenant son retour au Pakistan. Je ne peux donc conclure que sa condition médicale la rendra plus vulnérable à ces conditions [voir Ahmed, Abdikarim Abdulle c. M.C.I. (C.F. 1er inst., IMM-850-99), Gibson, 31 juillet 2000]. De plus, la preuve documentaire ne démontre pas qu'advenant le retour de la demanderesse dans son pays, on lui refuserait les soins médicaux disponibles simplement parce qu'elle est de religion chiite.

[10]       Les mêmes notes révèlent clairement la cohérence, le raisonnement et le bien-fondé de l'analyse et des conclusions de l'agent concernant la question de la protection de l'État. À cet égard, je suis satisfait que l'agent a bien respecté les principes applicables en la matière, tel que résumé par la Cour d'appel fédérale dans Mendivil c. Canada (secrétaire d'État) (le 7 février 1994), A-132-93, 167 N.R. 91, [1994] A.C.F. no 2021 (QL) :


[13]          Il est maintenant établi, à la suite de l'arrêt Canada (Procureur général) c. Ward [[1993] 2 R.C.S. 689], que l'incapacité de l'État de protéger les citoyens est une partie intégrante de la notion de réfugié au sens de la Convention, particulièrement au regard des mots « [crainte] justifiée » [R.C.S. à la page 722]. C'est au demandeur qu'il incombe de prouver cette incapacité. Le juge La Forest a souligné dans Ward qu' « en l'absence d'un effondrement complet de l'appareil étatique, comme celui qui a été reconnu au Liban dans l'arrêt Zalzali, il y a lieu de présumer que l'État est capable de protéger le demandeur » [R.C.S. à la page 725]. Sauf aveu de la part de l'État qu'il ne peut assurer la protection, le demandeur doit « confirmer d'une façon claire et convaincante l'incapacité de l'État » [R.C.S. à la page 724] de le protéger. . . .

[11]       S'agissant donc ici fondamentalement d'une pure question de crédibilité et d'appréciation des faits, je dois conclure que les demandeurs n'ont pas réussi à repousser le lourd fardeau de démontrer que la décision de l'agent ERAR est manifestement déraisonnable. En conséquence, la demande de contrôle judiciaire est rejetée.

[12]       Après considération des représentations écrites déposées par les procureurs des parties, je suis d'accord avec l'avocate de la partie défenderesse à l'effet qu'il n'y a pas ici matière à certification.

                                                                         

       JUGE

OTTAWA (ONTARIO)

Le 3 février 2004


                                                                    COUR FÉDÉRALE

                      NOMS DES AVOCATS ET PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                                           IMM-1454-03

INTITULÉ :                                                          BILQUEES, Fathima, HUSSAIN, Imran c. LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

LIEU DE L'AUDIENCE :                                   Montréal (Québec)

DATE DE L'AUDIENCE :                                 Le 16 décembre 2003

MOTIFS DE L'ORDONNANCE DE :            L'honorable juge Pinard

EN DATE DU :                                                    3 février 2004                                          

ONT COMPARU :

Me Stewart Istvanffy                                             POUR LES DEMANDEURS

Me Michèle Joubert                                              POUR LA DÉFENDERESSE

PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER :

Stewart Istvanffy                                                   POUR LES DEMANDEURS

Montréal (Québec)

Morris Rosenberg                                                 POUR LA DÉFENDERESSE

Sous-procureur général du Canada

Ottawa (Ontario)

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