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Date : 20060510

 

Dossier : T-1779-05

Référence : 2006 CF 585

Ottawa (Ontario), le 10 mai 2006

EN PRÉSENCE DE Madame la juge Gauthier

 

ENTRE :

 

JOHN STAGLIANO, INC., JULES JORDAN VIDEO, INC.
et ASHLEY GASPER

demandeurs

et


ALAIN ELMALEH, JACKY ELKESLASSY,

GERALD OUZZAN, 144942 CANADA INC.

 (exerçant son activité sous la dénomination KAYTEL VIDEO DISTRIBUTION),
LEISURE TIME CANADA INC.,

TRANSWORLD SALES AGENCY LTD.,
JACKY’S ONE STOP DISTRIBUTION INC.,

SYLNET DISTRIBUTION INC.,
M. UNTEL, MME UNETELLE et D’AUTRES PERSONNES

DONT LES NOMS SONT INCONNUS, QUI FONT LE COMMERCE DES MARCHANDISES EA NON AUTORISÉES OU DE CONTREFAÇON

 

défendeurs

et

ALAIN ELMALEH et 144942 CANADA INC.

(exerçant son activité sous la dénomination KAYTEL VIDEO DISTRIBUTION)

 

demandeurs reconventionnels

et

 

JOHN STAGLIANO, INC., JULES JORDAN VIDEO, INC.,
ASHLEY GASPER, SABIN BRUNET et JACKY ELKESLASSY

 

défendeurs reconventionnels

 

 

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE ET ORDONNANCE

 

1.         Vue d’ensemble

[1]               Il s’agit d’une requête présentée par les demandeurs à l’égard d’une ordonnance Anton Piller qu’ils ont obtenue de la Cour le 17 octobre 2005 et dont l’exécution a eu lieu les 18 et 20 octobre 2005 (l’ordonnance Anton Piller).

 

[2]               Les demandeurs demandent maintenant à la Cour de réexaminer la question et de confirmer que l’ordonnance Anton Piller a été régulièrement accordée et qu’elle a été exécutée conformément aux conditions fixées à l’encontre des défendeurs Alain Elmaleh (Elmaleh), 144942 Canada Inc. (exerçant son activité sous la dénomination Kaytel Video Distribution) (Kaytel) et Leisure Time Canada Inc. (Leisure Time). Ils demandent aussi l’autorisation d’utiliser les éléments de preuve produits par les défendeurs ou obtenus d’eux dans la présente procédure comme éléments de preuve à l’égard de deux actions pendantes devant la Cour fédérale du district central de Californie aux États-Unis, dans la mesure où le droit de cette juridiction le permet[1].

 

[3]               En réponse, Kaytel et Elmaleh, qui ont déposé une défense et une demande reconventionnelle contre les demandeurs, cherchent à obtenir une ordonnance d’annulation de l’ordonnance Anton Piller ainsi que la remise de tous les documents et objets saisis. Ils demandent également des dommages-intérêts (dont la plupart représentent les coûts engagés pour contester l’ordonnance Anton Piller) et les dépens sur la base avocat-client.

 

2.         Les faits

[4]               Compte tenu de l’historique de la procédure et du volume de documents dont est saisie la Cour, il est nécessaire de procéder à un rappel détaillé des faits.

 

            A.        Les demandeurs

[5]               Les demandeurs exercent leur activité dans le domaine des films pour adultes.

 

[6]               John Stagliano, Inc. est une société par actions constituée selon les lois de la Californie. John Stagliano, Inc. exerce son activité sous la dénomination de EA Productions en liaison avec la marque de commerce EVIL ANGEL, qui est déposée aux États-Unis mais ne l’est pas au Canada.

 

[7]               Jules Jordan Video, Inc. (Jules Jordan) est également une société par actions de la Californie. Ashley Gasper (Gasper) est un particulier qui habite à Los Angeles, en Californie. En plus d’être le président et chef de la direction de Jules Jordan, Gasper produit et dirige les productions Jordan et y joue.

 

[8]               John Stagliano, Inc. commercialise des films pour adultes portant la dénomination EVIL ANGEL, notamment les productions Jules Jordan, au Canada, aux États-Unis et à l’échelle internationale. Bien qu’EVIL ANGEL ne soit pas inscrite au registre comme marque de commerce au Canada, les demandeurs disent avoir acquis un achalandage et une réputation larges au Canada en liaison avec la dénomination EVIL ANGEL.

 

B.         La requête ex parte des demandeurs en vue d’une ordonnance Anton Piller

[9]               Le 12 octobre 2005, les demandeurs ont déposé leur avis de requête devant la Cour pour obtenir ex parte une [traduction] « ordonnance de la nature d’une ordonnance Anton Piller […] autorisant la perquisition et la saisie dans les locaux des défendeurs à la recherche d’éléments de preuve touchant la nature et l’importance de la violation du droit d’auteur par les défendeurs » ainsi qu’une ordonnance déclarant que la preuve obtenue peut être utilisée dans les procédures américaines mentionnées ci-dessus.

 

[10]           Les éléments de preuve dont était alors saisie la Cour étaient constitués de trois affidavits. Je décrirai brièvement certains des faits les plus pertinents qui y sont visés.

 

i)          L’affidavit Brunet

[11]           L’affidavit principal sur lequel s’appuyaient les demandeurs était celui de Sabin Brunet (Brunet). Brunet déclare être le président et l’actionnaire majoritaire de Diadem Digital Inc. (Diadem) ainsi que le vice-président et un actionnaire détenant le tiers des actions de Distribution L.H. Inc. (L.H.).

 

[12]           Avant la faillite de Diadem, survenue en juin 2005, Diadem et L.H. étaient engagées dans la [traduction] « reproduction commerciale d’œuvres cinématographiques sur DVD ».

 

[13]           La pièce A de l’affidavit Brunet était une déclaration solennelle (la déclaration) datée du 17 août 2005. Cette déclaration, est-il dit, a été faite [traduction] « librement en conformité avec les dispositions de la lettre d’entente de principe signée le 6 juin 2005 ». Aux termes de la lettre d’entente de principe, présentée comme pièce en annexe à la déclaration, Diadem et Brunet ont convenu [traduction] « de coopérer pleinement […] en vue d’aider [les demandeurs] à établir la partie [qui] a demandé, commandé et acheté les titres contrefaisants » et [traduction] « d’agir comme témoins, au besoin, dans toute action intentée au Canada ou aux États-Unis pour reproduction non autorisée de titres par Diadem ».

 

[14]           Dans sa déclaration, Brunet rappelle de quelle manière, [traduction] « il y a trois (3) ans environ », Diadem et L.H. [traduction] « ont commencé à prendre des commandes » de la défenderesse Sylnet Distribution Inc. (Sylnet), dont Brunet croyait que le défendeur Gerald Ouzzan (Ouzzan) [traduction] « était le propriétaire, le directeur ou le chef », pour le compte de Kaytel. Brunet affirme :

[traduction]

22.       Sylnet a placé des commandes de reproduction pour ce qu’on m’a maintenant dit être des DVD Evil Angel, notamment des DVD Jules Jordan, auprès de Diadem et de L.H. à partir d’environ 2002[2] jusqu’à novembre 2003[3] approximativement au nom de sa cliente [Kaytel][4]. Par la suite, de novembre 2003[5] environ jusqu’à maintenant, Kaytel a placé des commandes directement chez nous pour la reproduction de ce que je sais maintenant être des DVD Evil Angel, notamment des DVD Jules Jordan.

 

 

 

[15]           Brunet dresse ensuite la liste de 12 titres EVIL ANGEL et Jules Jordan dont il allègue que Sylnet aurait commandé la reproduction (à raison de 1 250 exemplaires chacun). Dans les pièces correspondantes figurent des factures adressées à Sylnet dont les dates débutent en octobre 2003 ainsi que des bordereaux d’expédition qui, dit-il, indiquent que [traduction] « LH avait reçu l’ordre d’expédier les DVD à Kaytel Video ».

 

[16]           Brunet dresse aussi la liste d’un total de 47 « DVD » Jules Jordan et EVIL ANGEL[6] dont il allègue qu’ils auraient été reproduits [traduction] « sans leur autorisation » par Diadem et L.H. [traduction] « d’environ octobre 2003 à mai 2005 ».

 

[17]           Selon Brunet, les DVD reproduits par Diadem et/ou L.H. l’ont été avec l’aide de [traduction] « matrices de pressage » achetées auprès de Media Mastering Services, LLC (MMS), que Brunet identifie simplement comme [traduction] « une société à responsabilité limitée de Californie ». Brunet explique ensuite ce qui suit :

[traduction]

18.       Sur la base de ma connaissance personnelle des activités commerciales de Diadem et de L.H., j’ai remarqué que le code alphanumérique que Philips Electronics attribuait à MMS était IFPI LV11. Par conséquent, toute matrice de pressage produite par MMS, et tout DVD produit ou reproduit à l’aide de la matrice de pressage de MMS, portent sur le devant, intégré au DVD, le code alphanumérique IFPI LV11. Il y a d’autres codes qui sont intégrés dans les DVD fabriqués par Diadem et L.H, soient « CID-002 » et un numéro à dix chiffres ou à peu près qui commence par « D050 xxxxxxx », et qui sont attribués à Diadem et à L.H. par l’entreprise de pressage, en l’occurrence MMS. Les DVD sur le marché qui portent ces codes sont tous vraisemblablement des DVD fabriqués par Diadem ou L.H. ou tout au moins à l’aide de matrices de pressage commandées par Diadem ou L.H.

 

[18]           Brunet indique également que les DVD reproduits par Diadem et/ou L.H. à la suite de commandes de Sylnet et qu’il allègue avoir été expédiés à Kaytel avaient reçu un code commençant par les lettres « KT » suivies d’un numéro à quatre chiffres[7].

 

[19]           S’agissant de la reproduction de DVD par Diadem et/ou L.H. à la suite de commandes de Sylnet et expédiés à Kaytel, comme il allègue, Brunet décrit ainsi le processus :

[traduction]

30.     Lorsque nous traitions avec Sylnet, la pratique était que Sylnet nous envoie les bandes originales des DVD, et parfois les matrices de pressage. […]

 

31.     Toutefois, il arrivait plus souvent que Sylnet ne fournisse pas à Diadem ou à L.H. de matrices de pressage, mais qu’elle fournisse les bandes originales, notamment celles des DVD Jules Jordan. Je faisais alors parvenir ces bandes originales des DVD Jules Jordan que ma société avait reçues de Sylnet à MMS. Je crois me souvenir que c’était là le processus suivi d’octobre 2003 à mai 2004[8]. (Non souligné dans l’original.)

 

 

 

[20]           Brunet poursuit en disant que Diadem et/ou L.H. ont commencé à traiter directement avec Kaytel [traduction] « vers le printemps 2004 »; que [traduction] « la personne qui était le contact chez Kaytel a toujours été M. Alain Elmaleh »; et que [traduction] « en mai 2004, Kaytel a conclu un accord d’indemnisation et est devenue ma cliente directe pour la reproduction des vidéos Jules Jordan et des produits Evil Angel, ainsi qu’il ressort d’une copie de cet accord que je joins à titre de pièce G à mon affidavit ».

 

[21]           La pièce G est une copie d’un document intitulé [traduction] « Autorisation de reproduction, déclarations et garanties ». Elle déclare notamment :

 

[traduction] Le client autorise le fabricant […] à reproduire le programme audio ou audiovisuel décrit dans chaque bon de commande du client transmis au fabricant (le programme) […]

 

Le client déclare et garantit qu’il détient les droits et les autorisations de la personne titulaire des droits relatifs au programme, notamment ceux des titulaires de droits de propriété intellectuelle, ce qui lui donne le droit d’accorder la présente autorisation de reproduction[9]. […]

 

 

 

[22]           Brunet fait également référence à la défenderesse Transworld Sales Agency Ltd. (Transworld). Il la décrit comme [traduction] « une société d’import-export domiciliée à Gibraltar » et déclare :

[traduction]

38.       […] D’après mes rapports avec Transworld, je sais que M. Alain Elmaleh de Kaytel semble avoir été autorisé à être mon contact chez Transworld. J’ai examiné les dossiers commerciaux que Diadem tient dans le cours normal de ses affaires et, au vu de cet examen, conclu que Transworld, par l’intermédiaire de M. Elmaleh, a commandé la reproduction des titres suivants à Diadem[10] : […] (Non souligné dans l’original.)

 

 

Brunet énumère ensuite huit titres EVIL ANGEL et déclare que si [traduction] « [l]es DVD reproduits par Diadem à l’intention de Transworld[11] portaient des étiquettes d’expédition à des destinations à l’extérieur de l’Amérique du Nord […] je sais que nous avons en réalité expédié les produits de Transworld vers les locaux de Kaytel ».

 

[23]           Brunet déclare que [traduction] « Software Entertainment Ltd. est une autre société qui a commandé à Diadem la reproduction des DVD Evil Angel[12] ».

 

[24]           La conclusion du témoignage de Brunet est la suivante :

[traduction]

43.       Je peux estimer en faisant preuve de prudence que Diadem et L.H. ont reproduit au moins vingt-cinq (25) titres Evil Angel et Jules Jordan sans l’autorisation de ces derniers pour donner suite à des commandes provenant d’Alain Elmaleh, de Kaytel, de Sylnet et de Transworld, de Timeline [autre entreprise canadienne de reproduction de DVD] et de Software Entertainment, ou pour leur compte[13].

 

 

 

ii)         L’affidavit Norman

 

[25]           Le deuxième affidavit était celui de Chris Norman (Norman), vice-président de l’exploitation de John Stagliano, Inc.

 

[26]           Norman a déclaré :

[traduction]

31.       L’examen ultérieur des dossiers obtenus par nos avocats aux États-Unis et au Canada, de [Diadem], et dont l’authenticité a été par la suite attestée dans l’affidavit de Sabin Brunet […] confirme que [Diadem], et son entité sœur [L.H.] […] avaient reproduit/fabriqué les DVD de contrefaçon à la suite de commandes des défendeurs Elmaleh, Kaytel, [Transworld], [Sylnet] et/ou [Ouzzan].

 

32.       Les dossiers fournis par Diadem semblent établir que Diadem, agissant comme agente des défendeurs, a fabriqué environ soixante-quatre mille (64 000) exemplaires de DVD contrefaisants d’au moins quarante-sept (47) titres différents d’EA visés par des droits d’auteur[14]. (Non souligné dans l’original.)

 

 

[27]           S’agissant de la qualité des exemplaires visés par l’allégation de contrefaçon, Norman a déclaré :

[traduction]
21.       En janvier 2005, EA a commencé à recevoir des envois de DVD venant (ostensiblement) d’EA que des utilisateurs finals retournaient au motif, prétendaient-ils, qu’ils étaient défectueux[15]. À première vue, les DVD semblaient des DVD EA authentiques. Chacun portait ce qui semble être la jaquette originale, notamment la marque de commerce EVIL ANGEL; mais un examen plus attentif montre qu’ils sont en fait des contrefaçons.

 

22.       Les jaquettes imprimées insérées dans les coffrets sont des reproductions couleur de haute qualité des jaquettes authentiques; cependant, EA appose des collants papier-or sur les jaquettes EA originales. Les exemplaires de contrefaçon ne portent pas ces collants papier-or [,] mais ont des collants imprimés intégrés aux jaquettes. (Les collants sont d’un gris terne au lieu d’être dorés[16].) En outre, les DVD authentiques fabriqués par EA sont produits en format DVD-9. Les DVD de contrefaçon sont tous au format DVD-5[17] qui comporte beaucoup moins de matériel.

 

23.       Étant donné la capacité inférieure du DVD-5, il manque aux DVD contrefaisants divers contenus qui figurent dans les unités originales[18]. De plus, les menus interactifs avancés et hautement spécialisés employés par EA dans la production de nos DVD ne fonctionnent pas sur les produits de contrefaçon. …[19]

 

 

 

[28]           S’agissant des dommages-intérêts, Norman ajoute ensuite :

[traduction]

24.       EA est l’une des rares sociétés de production et de distribution du secteur du divertissement pour adultes qui ne pratique pas de remise sur ses productions. […]

 

Il déclare également qu’il est crucial de retirer les exemplaires du marché et qu’[traduction] « [e]n raison de la grande portabilité des DVD », « on peut être absolument certain » que dès que les défendeurs seront informés de la procédure, les DVD seront  « enlevés de leurs locaux pour être détruits, ou pis encore, pour faire l’objet d’un dumping sur le marché auprès de consommateurs qui ne soupçonnent rien[20] ».

 

 

iii)         L’affidavit Gasper

 

[29]           Le troisième affidavit était celui de Gasper.

 

[30]           Gasper décrit lui aussi la qualité des copies qu’on prétend de contrefaçon. Il dit à ce sujet :

[traduction]

20.       En mars 2005 ou vers cette période, j’ai découvert que des exemplaires contrefaisants de mon film pour adulte « Ass Worship I » et « Ass Worship II » figuraient sur des sites Web de distribution au détail en ligne et étaient retournés à mon distributeur mondial exclusif, EA. Les exemplaires contrefaisants semblaient authentiques à l’exception de l’emballage qui ne portait pas au bas la languette de tirage inférieure, ni la maquette en surimpression sur le DVD […] De plus, les exemplaires contrefaisants ne disposaient pas de menus opérationnels ni de suppléments, mais pour le reste ils paraissaient identiques à un œil non averti […]

 

[…]

 

            23.       Les DVD Jules Jordan authentiques sont fabriqués en format DVD-9 et ils comportent de nombreux suppléments et menus interactifs. J’ai découvert que les exemplaires contrefaisants[21] sont enregistrés en format DVD-5, un format inférieur[22] qui ne dispose pas de la capacité de stockage nécessaire pour les suppléments (chutes, photos du tournage et scènes tournées en coulisse) et qui n’a pas la capacité de soutenir le système complexe de menus de mon produit authentique. (Non souligné dans l’original.)

 

[31]           Gasper poursuit en déclarant :

 

[traduction]

27.       Les dossiers fournis par Diadem […] et dont l’authenticité a été attestée dans l’affidavit Brunet établissent que Diadem, en qualité d’agent des défendeurs, a fabriqué au moins mille deux cent cinquante exemplaires de DVD de contrefaçon (pour chaque DVD) d’au moins quinze œuvres Jules Jordan visées par des droits d’auteur à partir d’environ 2002 jusqu’à novembre 2003, par l’entremise des défendeurs Ouzzan et Sylnet, en qualité d’agents des défendeurs Elmaleh, Kaytel et Leisure Time.

 

 

[32]           En ce qui concerne l’impact que ces exemplaires ont eu ou auront sur le commerce des demandeurs, il ajoute :

[traduction]

34.     Jules Jordan a connu au cours de la dernière année un recul économique difficilement explicable avant la découverte de ces agissements. À l’évidence, les actes de contrefaçon des défendeurs font directement concurrence à Jules Jordan par la vente de contenus subtilisés que ni moi ni aucun concurrent légitime ne pourrait jamais égaler […]

 

35.     La vente ininterrompue de ces exemplaires contrefaisants inférieurs pourrait porter préjudice à la part de marché de Jules Jordan dans le domaine du divertissement pour adultes. Sans injonction, elle continuera de porter préjudice aux affaires de Jules Jordan.

 

36.     […] Vraisemblablement, aucune attribution de dommages-intérêts ne pourrait adéquatement compenser la perte de l’achalandage établi entre Jules Jordan et sa clientèle imputable à l’offre sur le marché des exemplaires de contrefaçon.

 

 

 

 

iv)         Les allégations des demandeurs

 

[33]           Les demandeurs ont allégué qu’Elmaleh [traduction] « avait personnellement conçu et réalisé » la [traduction] « combine consistant à fabriquer des DVD de contrefaçon, à en cacher l’origine réelle et à blanchir les fonds[23] issus de la vente des DVD de contrefaçon ». En outre, les demandeurs ont allégué que les paiements des DVD de contrefaçon ont été acheminés dans des [traduction] « comptes extraterritoriaux sous le contrôle d’Elmaleh[24] ».

 

[34]           Dans leurs observations écrites, les demandeurs ont déclaré qu’Elmaleh est au coeur [traduction] « d’une conspiration illicite ». Ils ont déclaré dans leur avis de requête, à l’appui de cette allégation :

 

[traduction] Les dossiers fournis par Diadem comportent un document intitulé « Autorisation de reproduction, déclarations et garanties », daté du 5 mai 2004, signé personnellement par le défendeur Elmaleh, dans lequel il déclare frauduleusement que Kaytel détient les droits de propriété intellectuelle nécessaires pour autoriser la reproduction des productions EA[25] ». (Non souligné dans l’original.)

 

 

[35]           Les demandeurs ont également allégué que Kaytel, Leisure Time et Transworld[26] étaient des [traduction] « coquilles vides qu’Elmaleh et l’un ou plusieurs des défendeurs inconnus ont utilisées comme véhicules pour leurs opérations commerciales, leurs biens et leurs et affaires personnelles ».

 

[36]           L’ordonnance Anton Piller a donc été rendue sur le fondement des éléments qui précèdent.

 

[37]           Le juge qui a entendu la requête ex parte n’était pas saisi des éléments de preuve dont font mention les diverses notes intégrées au présent résumé des faits. Ces notes indiquent qu’un grand nombre d’affirmations importantes ont maintenant été contestées par Kaytel et Elmaleh.

 

[38]           Il n’y a guère d’éléments de preuve sur le rôle spécifique de Leisure Time, le cas échéant, dans la conspiration alléguée. Bien que le nom de cette défenderesse semble ajouté tout naturellement à de nombreuses allégations des divers affidavits, rien dans la documentation à l’appui ni dans les affirmations factuelles détaillées n’établit que Leisure Time participait à la reproduction ou à la vente d’aucun des titres sur lesquels les demandeurs détiennent des droits de propriété intellectuelle. Elmaleh n’est pas l’actionnaire majoritaire de Leisure Time. Bien qu’il ait reconnu détenir une participation dans Leisure Time, il a dit qu’elle avait été créée pour des raisons commerciales et fiscales légitimes.

 

C.        L’exécution de l’ordonnance Anton Piller

[39]           L’ordonnance Anton Piller a été exécutée le 18 octobre 2005 contre les défendeurs Sylnet, Ouzzan, Jacky’s One Stop Distribution Inc. (Jacky’s), Jacky Elkeslassy (Elkeslassy), Kaytel et Elmaleh.

 

[40]           L’exécution de l’ordonnance Anton Piller contre Sylnet s’est poursuivie le 20 octobre 2005.

 

[41]           On n’a jamais pu trouver d’adresse exacte pour la signification à Transworld. L’ordonnance Anton Piller ne lui a donc pas été signifiée, ni la documentation correspondante, notamment les plaintes et les ordonnances d’interdiction temporaires rendues dans les deux procédures américaines.

 

[42]           De plus, il n’a été déposé aucun affidavit établissant l’exécution de l’ordonnance Anton Piller contre Leisure Time.

 

i)          Sylnet

[43]           Lorsque les demandeurs se sont présentés au siège social enregistré de Sylnet le 18 octobre 2005, ils ont découvert qu’il s’agissait aussi de la résidence d’Ouzzan. Patrick J. Cotter, qui était présent au nom de l’avocat canadien des demandeurs en compagnie d’un avocat indépendant, a déclaré dans son affidavit :

 

[traduction]
7.         Comme on l’expose plus en détail ci-dessous, M. Ouzzan a commencé par nier être au courant de quoi que ce soit au sujet des procédures, des parties concernées et des DVD de contrefaçon ou des œuvres de contrefaçon. Il a par la suite fourni des renseignements qui ont confirmé que certaines de ses assertions, à tout le moins, étaient fausses. Il a aussi commencé par déclarer que ni lui ni Sylnet n’exerçaient une activité commerciale ailleurs que dans les locaux. Par la suite, il a fourni des renseignements confirmant que cette assertion aussi était fausse.

 

[…]

 

22.       Depuis, j’ai eu la possibilité d’examiner la question des « négociations » avec les avocats américains des demandeurs, M. Sean Macias et M. Allan Gelbard, et j’ai été informé par eux et j’ai la ferme conviction qu’une approche a été faite à M. Ouzzan à l’été de 2005, en vue d’obtenir sa coopération et celle de Sylnet avec les demandeurs dans les poursuites intentées aux États-Unis seulement […] Il s’en est suivi des négociations entre l’avocat de M. Ouzzan et [l’ancien avocat canadien] des demandeurs. J’ai également été informé par M. Macias et M. Gelbard et j’ai la ferme conviction qu’après avoir d’abord indiqué qu’il était disposé à coopérer, M. Ouzzan a ensuite tergiversé puis refusé de fournir aucune aide dans les poursuites intentées aux États-Unis, à des conditions acceptables aux demandeurs américains. Je suis informé par M. Macias et M. Gelbard et j’ai la ferme conviction qu’ils ont estimé que M. Ouzzan faisait simplement de l’obstruction aux demandeurs. […] (Non souligné dans l’original.)

 

 

[44]           Ultérieurement, le 18 octobre 2005, et seulement après que ce fait ait été découvert et établi, Ouzzan a reconnu qu’il exerçait l’activité commerciale de Sylnet à un lieu différent de sa résidence. Ouzzan a également déclaré, cette fois en présence de son ancien avocat, qu’il avait traité avec Kaytel, mais qu’il [traduction] « avait joué seulement un petit rôle ».

 

[45]           Ouzzan a indiqué qu’en raison de son observance de la fête juive de Sukkot, il ne pouvait donner accès aux locaux commerciaux de Sylnet du fait qu’il ne pouvait conduire sa voiture pour s’y rendre. Ouzzan a indiqué qu’il lui faudrait environ deux heures de marche pour s’y rendre et, après discussion, il a dit qu’il était disposé à le faire.

 

[46]           Ouzzan a toutefois indiqué qu’il ne pouvait pas apporter la clé des locaux commerciaux de Sylnet en raison de son observance de Sukkot. Ouzzan a d’abord accepté la suggestion de M. Cotter de confier le transport de la clé au shérif en fonction, mais a dit ensuite qu’il apporterait lui-même la clé.

 

[47]           Lorsque M. Cotter et les parties chargées de l’exécution de l’ordonnance sont arrivés dans les locaux commerciaux de Sylnet, environ une heure trente plus tard, Ouzzan et son avocat de l’époque étaient déjà sur place. Ils ont indiqué qu’ils ne pouvaient pas donner accès au bâtiment parce qu’aucun des deux ne pouvait actionner le clavier électronique en raison de leur observance de Sukkot. L’avocat d’Ouzzan de l’époque a refusé de fournir le code du clavier électronique, déclarant qu’Ouzzan et lui ne le fourniraient qu’à un shérif (ils savaient que le shérif n’était plus disponible) ou à un agent de police. On a appelé la police, mais un agent n’a pu être dépêché à temps.

 

[48]           Aucun matériel n’a été saisi le 18 octobre 2005.

 

[49]           Deux jours plus tard, le 20 octobre 2005, Ouzzan a donné accès aux locaux commerciaux de Sylnet[27]. C’était dans ces locaux qu’Ouzzan conservait toute la documentation relative à ses ventes, notamment les ventes qu’on prétendait reliées aux événements visés dans la présente procédure.

 

[50]           À une nouvelle reprise le 20 octobre 2005, l’ancien avocat d’Ouzzan s’est opposé à l’exécution de l’ordonnance le jour d’une fête juive (bien qu’Ouzzan ait été au travail et, semble-t-il, ait lui-même suggéré cette date). L’ancien avocat d’Ouzzan a alors indiqué qu’il s’agissait [traduction] « d’une fête d’une demi-journée ».

 

[51]           Au cours de l’exécution de l’ordonnance Anton Piller contre Sylnet le 20 octobre 2005, certains documents ont été photocopiés et d’autres ont été saisis.

 

ii)         Jacky’s

[52]           Lorsque les demandeurs se sont présentés au siège social enregistré de Jacky’s, ils ont découvert qu’il s’agissait aussi de la résidence d’Elkeslassy. Patrick Ferland, qui était sur place au nom de l’avocat canadien des demandeurs, en compagnie d’un avocat indépendant, indique dans son affidavit qu’Elkeslassy a coopéré pleinement avec eux et abondamment parlé de la participation de Kaytel et d’Elmaleh dans les DVD [traduction] « Evil Angel et/ou Evil Empire ».

 

[53]           Au cours de l’exécution de l’ordonnance Anton Piller contre Jacky’s, certains documents ont été saisis.

 

iii)         Kaytel

[54]           David Joanisse, qui était présent dans les locaux commerciaux de Kaytel au nom de l’avocat canadien des demandeurs, note dans son affidavit que ces locaux étaient un [traduction] « bâtiment industriel à deux étages »; que la [traduction] « signalisation sur la façade du bâtiment et sur la porte […] annonce Kaytel Video » et que les locaux comprenaient [traduction] « un vaste entrepôt situé à l’arrière du bâtiment qui contenait de nombreux exemplaires de films en formats DVD et VHS rangés soit dans des boîtes, soit sur des tablettes, et qui servait également d’atelier de fabrication ».

 

[55]           L’affidavit de M. Joanisse établit que Gasper et Karen Stagliano, qui serait la femme du directeur de John Stagliano, Inc., ont pris une part active à la perquisition dans les locaux de Kaytel. L’ordonnance Anton Piller autorisait leur présence.

 

[56]           L’affidavit de M. Joanisse fait généralement référence à [traduction] « la découverte de certains éléments [chez Kaytel] reliés aux [traduction] “œuvres de contrefaçon”, comme les définit l’ordonnance, notamment certains DVD[28] ».

 

[57]           M. Joanisse a aussi déclaré dans son affidavit que la visite par les parties chargées de l’exécution d’un entrepôt de location voisin se fondait sur un renseignement fourni par Elkeslassy. M. Joanisse a déclaré qu’Elmaleh a ouvert les casiers de rangement, qu’Elkeslassy avait identifiés par un numéro. Le premier contenait environ 25 boîtes de DVD, [traduction] « [d]ont aucune ne contenait de matériel de contrefaçon relié à la présente affaire ». Le second casier était vide[29].

 

[58]           Fait étonnant, l’affidavit de M. Joanisse ne mentionne pas expressément le DVD intitulé « Feeding Frenzy 2 », dont on allègue qu’il aurait été trouvé par Karen Stagliano et qui, selon les observations des avocats des demandeurs à l’audience de la présente requête, constitue avec les DVD achetés par Gasper en octobre 2005 (voir le paragraphe 77 et les suivants ci-dessous) leur élément de preuve le plus fort à l’égard de la contrefaçon[30].

 

[59]           La Cour a demandé aux demandeurs de déposer ce DVD ainsi que certains autres éléments de preuve, comme il est indiqué plus loin dans les présents motifs.

 

D.        Les ordonnances de consentement concernant Sylnet, Ouzzan, Jacky’s et Elkeslassy

[60]           Le 2 novembre 2005, la Cour a ordonné avec le consentement de Sylnet et d’Ouzzan ce qui suit : i) il leur est interdit de porter atteinte au droit d’auteur relatif aux œuvres décrites dans les documents de la requête à l’appui de l’ordonnance Anton  Piller et ii) les éléments de preuve saisis chez eux par suite de l’exécution de l’ordonnance Anton Piller peuvent être utilisés dans les poursuites pendantes aux États-Unis, dans la mesure où le droit des États-Unis le permet.

 

[61]           Le 9 novembre 2005, une ordonnance de consentement similaire a été rendue à l’égard de Jacky’s et d’Elkeslassy[31].

 

[62]           Compte tenu des ordonnances mentionnées ci-dessus, il n’est pas nécessaire d’examiner plus longuement si l’exécution de l’ordonnance Anton Piller à l’encontre de Sylnet et Jacky’s s’est effectuée en conformité avec les conditions prévues.

 

[63]           S’agissant de l’exécution de l’ordonnance Anton Piller contre Kaytel, elle semble avoir été menée conformément aux conditions de l’ordonnance et Elmaleh semble avoir pleinement coopéré à tous égards.

 

E.         L’affidavit d’Elkeslassy pour le compte des demandeurs

[64]           Le 4 novembre 2005, avant que soit rendue l’ordonnance de consentement visant Jacky’s et Elkeslassy, Elkeslassy a produit un affidavit sous serment dans la présente procédure auquel était annexée une transcription de son [traduction] « interrog[atoire] sous serment par M. Sean Macias, avocat des demandeurs [Jules Jordan et Gasper] dans l’action de la Californie ». Cet interrogatoire a été tenu le 19 octobre 2005, le lendemain de l’exécution de l’ordonnance Anton Piller contre Jacky’s. La transcription indique que la seule autre partie présente était Gasper, Elkeslassy ayant renoncé à son droit d’être représenté par un avocat.

 

[65]           Dans son interrogatoire par M. Macias, Elkeslassy fournit des renseignements supplémentaires sur son rôle dans la manutention des DVD [traduction] « Jules Jordan et Evil Empire » en tant qu’employé de l’entrepôt de Kaytel et administrateur unique de Jacky’s.

 

[66]           Interrogé par M. Macias qui lui demandait [traduction] « dites-nous, dans vos propres mots, votre point de vue sur Kaytel et les agissements de contrefaçon ainsi que votre relation avec Kaytel », Elkeslassy a déclaré :

 

[traduction] J’ai commencé à travailler pour M. Alain Elmaleh en 2003 […] et six (6) mois plus tard, nous avons commencé à recevoir de nouveaux, de nouveaux DVD qui n’étaient pas de Kaytel Video et n’avaient rien à voir avec Kaytel Video. Alors, M. Elmaleh a loué des locaux d’entreposage sous le nom de sa femme[32] et nous y avons aménagé des tablettes de rangement, il a installé des tablettes puis il m’a dit de transporter toutes les marchandises, toutes les marchandises à, à [l’entrepôt de location], qui est un entrepôt. […]

 

[67]           Elkeslassy indique que tous les titres EVIL ANGEL et Jules Jordan envoyés dans les locaux d’entreposage loués étaient dans des [traduction] « boîtes rouges », qu’ [traduction] « il y avait soixante (60) titres[33] » et qu’ [traduction] « [i]ls avaient été reproduits par le même type qui fait tous ces vidéos pour Kaytel Video, soit Diadem Digital ».

 

[68]           Interrogé par M. Macias qui lui demande [traduction] « qui était au courant de la vente des DVD Jules Jordan et Evil Empire venant de ce casier de rangement? », Elkeslassy dit :

 

 

[traduction] La plupart des gens chez Kaytel Video, la plupart des employés chez Kaytel Video, tout le monde savait que M. Elmaleh gardait du matériel dans les […] les casiers de rangement là-bas. La plupart. Tout le monde le savait. Si vous demandez à n’importe qui là-bas, ils le savaient, car ils les mettaient eux‑mêmes dans les boîtes. Et je devais aller les chercher pour les apporter et ils devaient parfois m’attendre.

 

 

F.         L’affidavit d’Elmaleh

[69]           Le 21 novembre 2005, Elmaleh a souscrit un affidavit dans lequel il conteste avec véhémence les allégations faites contre lui et Kaytel, qui, dit-il, avaient été dans les affaires depuis 21 ans, se procurant en bonne et due forme les droits nécessaires pour œuvrer dans le domaine des films pour adultes selon la pratique normale de ce commerce.

 

[70]           Elmaleh a mis en doute la crédibilité de Brunet et la véracité des documents fournis, notamment le document [traduction] « Autorisation de reproduction, déclarations et garanties », dont on allègue qu’il l’aurait signé. Elmaleh a soutenu que la signature censée être la sienne sur ce formulaire était un faux.

 

[71]           Elmaleh a également attaqué la crédibilité d’Elkeslassy, déclarant qu’Elkeslassy avait tenté de lui extorquer 50 000 $ et que, comme Brunet, il avait fait un faux témoignage.

 

[72]           Elmaleh a déclaré que Kaytel faisait le commerce des titres des demandeurs en se limitant à acheter légalement ces titres des distributeurs canadiens licenciés des demandeurs[34]. Il déclare aussi que certains de ces titres ont été achetés auprès de grossistes étrangers, comme Silver Media.

 

[73]           Elmaleh et Kaytel ont présenté un volume considérable d’éléments de preuve documentaire[35] relatifs à leurs opérations commerciales, touchant notamment l’achat et la vente des films des demandeurs.

 

G.        L’affidavit d’Ouzzan

[74]           Le 7 décembre 2005, Ouzzan a souscrit un affidavit dans lequel il expose en détail comment il s’était organisé pour faire reproduire par Diadem des titres de DVD appartenant aux demandeurs selon une formule de [traduction] « commande spéciale » placée, allègue-t-il, par Elmaleh en août 2003 ou vers cette période[36].

 

[75]           Ouzzan a également fait mention de la façon dont il avait reçu d’Elmaleh [traduction] « les DVD pour adultes “Evil Angel” et “ Evil Angel/Jules Jordan” dans des emballages rouges » et au nombre desquels il en avait envoyé 21 directement à MMS [37].

 

[76]           Les nombreuses pièces annexées à l’affidavit d’Ouzzan incluent des exemplaires de bordereaux de FedEx[38] qui établissent, dit-on, l’envoi des DVD et des éléments nécessaire pour produire les exemplaires de contrefaçon de ces DVD; des listes dressées par Ouzzan des DVD dont Elmaleh aurait censément commandé la reproduction; des courriels entre Ouzzan et tant Kaytel[39] que Diadem ainsi que des factures de Sylnet[40] établissant, dit-on, l’expédition de Diadem à Kaytel des DVD de contrefaçon.

 

H.        L’affidavit supplémentaire de Gasper

[77]           Le jour même où Ouzzan a souscrit son affidavit, Gasper a déclaré que le 3 octobre 2005, il s’était rendu à deux magasins d’Ottawa dont Elmaleh était propriétaire et qu’il exploitait.

 

[78]           Gasper a déclaré avoir trouvé deux [traduction] « exemplaires piratés de deux titres de DVD pour adultes Evil Angel » à l’un des magasins et [traduction] « un autre titre de DVD pour adultes Evil Angel qui avait été piraté » au second magasin. Gasper a déclaré avoir acheté les trois DVD « piratés » et il a joint les reçus comme pièces à son affidavit supplémentaire[41].

 

[79]           Gasper a également déclaré que, [traduction] « [e]n juillet 2005 ou vers cette période », il « a acheté ce qui s’est révélé par la suite être des DVD pour adultes Evil Angel piratés sur l’Internet à partir de Shots Video BV, un détaillant néerlandais du divertissement pour adultes[42] ». Gasper a poursuivi en disant que, toujours en juillet 2005, il a parlé avec un représentant de Shots Video qui [traduction] « a informé [Gasper] qu’il avait acheté les DVD pour adultes Evil Angel de M. Elmaleh lors d’un salon commercial à Las Vegas, au Nevada, en janvier 2005[43] ».

 

I.          L’affidavit supplémentaire de Brunet

[80]           Le 8 décembre 2005, Brunet a attesté avoir été [traduction] « informé par Mme Micheline Charbonneau, qui était alors au service de la comptabilité de Diadem Digital Inc. […] que le 5 mai 2004, à la suite de ma demande à M. Alain Elmaleh de Kaytel Video […] Diadem avait reçu par télécopieur[44] une lettre intitulée [traduction] « Autorisation de reproduction, déclarations et garanties de Kaytel ». Il a également confirmé qu’il ne pouvait retrouver l’original de ce document.

 

J.          Les rapports d’expert

[81]           Jacques Bourdeau, ingénieur en sécurité d’ESI Technologies Inc. retenu par les demandeurs, a joint à son affidavit du 9 décembre 2005 son rapport d’analyse des [traduction] « renseignements et documents trouvés sur divers ordinateurs situés dans les locaux de Kaytel ».

 

[82]           Dans son rapport, M. Bourdeau a fait les affirmations suivantes au sujet de l’allégation de [traduction] « falsification de preuve » sur le système informatique de Kaytel : i) [traduction] « Le mot de passe du compte de l’administrateur […] avait été changé » trois minutes après [traduction] « [l]a rencontre des personnes qui donnaient suite à la commande […] en face des locaux de Kaytel »; ii) [traduction] « la journalisation était interrompue en même temps que le changement du mot de passe du compte de l’administrateur », ce qui signifie qu’ [traduction] « on ne peut plus garder la trace ou la documentation d’aucune opération exécutée à l’ordinateur »; et iii) [traduction] « ESI a trouvé que l’unique partition du disque laissait inutilisée une large partie du disque », ce qui [traduction] « est un signe qu’une partition a été effacée ou cachée[45] ».

 

[83]           Le 12 décembre 2005, Marco Ghirotto, expert en graphologie, a souscrit un affidavit auquel il a annexé son rapport qui conclut que la signature sur le document [traduction] « Autorisation de reproduction, déclarations et garanties » n’est pas celle d’Elmaleh.

 

[84]           Après le dépôt de ce rapport, les demandeurs ont modifié la position qu’ils avaient adoptée à l’égard de la requête ex parte. Brunet a déclaré en contre-interrogatoire qu’il était fort possible que le formulaire ait été signé par Alain Richer, directeur général de l’entrepôt chez Kaytel.

 

[85]           Elmaleh a déposé un affidavit supplémentaire le 16 décembre 2005, dans lequel il soulève de nombreux points qui ont été exposés dans les notes accompagnant le résumé qui précède. En gros, Elmaleh a produit des éléments de preuve qui attaquent directement le récit que fait Ouzzan de la [traduction] « commande spéciale » ainsi que le rapport de Jacques Bourdeau. Elmaleh a également mis en doute le récit de Gasper de son achat de DVD censés avoir été [traduction] « piratés » provenant de deux des magasins d’Elmaleh en octobre 2005.

 

[86]           Le même jour, Jacques Amar, chef de la maintenance du système informatique de Kaytel au cours des huit dernières années, a signé un affidavit attestant que le mot de passe du système était resté le même depuis sept ans. Ce témoignage corroborait la conclusion du rapport de M. Castonguay (voir la note 45).

 

[87]           Avant l’audience sur la présente requête, et peut-on présumer, après avoir pris connaissance du rapport d’expert en réponse déposé pour le compte d’Elmaleh et de Kaytel, les demandeurs ont informé l’avocat d’Elmaleh et de Kaytel qu’ils n’utiliseraient pas le témoignage de M. Bourdeau sur la [traduction] « falsification de preuve » alléguée relative au système informatique de Kaytel. Il n’est donc pas nécessaire d’examiner la question plus en détail.

 

[88]           Les parties ont déposé les transcriptions des contre-interrogatoires des auteurs d’affidavit suivants : Brunet, Norman, Gasper, Elkeslassy, David Joanisse, Jacques Bourdeau, Allan Gelbard (l’un des avocats des demandeurs aux États-Unis), Elmaleh, Robert Castonguay et Jacques Amar. Un certain nombre de réponses à des engagements ont également été déposées.

 

[89]           Ce résumé (plutôt long) de la preuve volumineuse présentée par les parties n’est rien de plus qu’un résumé. Mais les parties peuvent avoir l’assurance que la Cour a examiné l’ensemble des éléments de preuve, ainsi que leurs observations écrites qui, dans le cas de Kaytel et d’Elmaleh, étaient trop longues (462 paragraphes).

 

3.         La preuve matérielle

[90]           Ainsi qu’il a été noté précédemment, à l’audience sur la requête, les demandeurs ont fourni à la Cour, à la demande de celle-ci, deux des trois DVD censés avoir été « piratés » que Gasper avait achetés le 3 octobre 2005.

 

[91]           L’avocat des demandeurs s’est engagé à fournir à la Cour le troisième DVD acheté par Gasper ainsi que le DVD « Feeding Frenzy 2 » saisi chez Kaytel et des éléments connexes mentionnés dans l’affidavit de M. Joanisse (énumérés dans les notes de l’huissier annexées à cet affidavit).

 

[92]           Outre les pièces que l’avocat a convenu de produire, les demandeurs ont voulu présenter un certain nombre d’éléments additionnels. La présentation de ces éléments n’a pas été discutée ni convenue à l’audience sur la requête et Elmaleh a fait opposition, disant que la Cour n’en était pas dûment saisie. Je partage cet avis. La Cour n’examinera pas les éléments additionnels pour rendre sa décision sur la requête. Ces éléments seront retournés aux demandeurs.

 

[93]           Je passe maintenant à la preuve matérielle dont la Cour est saisie.

 

[94]           Les deux DVD visés par l’allégation de contrefaçon présentés à l’audience de la présente requête (que Gasper a achetés) sont intitulés « Jules Jordan’s Trained Teens 2 » et « John Leslie’s Fresh Meat 10 ». Sont intégrés sur les deux disques les mentions suivantes : i) « IFPI LV11 »; ii) « CID-D002 » et un numéro qui commence par « D050 » et iii) un numéro de quatre chiffres précédé du préfixe « KT ».

 

[95]           Comme il a été noté ci-dessus, suivant la déclaration de Brunet, ces codes évoquent respectivement : i) le code alphanumérique attribué par Philips Electronics à MMS, qui était inscrit sur tout DVD produit ou reproduit à l’aide d’une matrice de pressage de MMS et ii) les codes [traduction] « attribués à Diadem et à L.H. par l’entreprise de pressage, en l’occurrence MMS ». S’agissant du iii) ci-dessus, Ouzzan a expliqué dans son affidavit qu’il [traduction] « attribuait au hasard un numéro de série de Kaytel » à chaque DVD qu’Elmaleh lui fournissait dans le cadre de la [traduction] « commande spéciale ».

 

[96]           Les codes « IFPI LV11 », « CID-D002 », « D050 » et « KT » intégrés à « Jules Jordan’s Trained Teens 2 » et à « John Leslie’s Fresh Meat 10 » correspondent aux codes identifiés à ces titres dans la déclaration de Brunet.

 

[97]           Le troisième DVD allégué comme [traduction] « piraté » acheté par Gasper, qui a été fourni après l’audience, est une production de Jules Jordan qui porte le titre « Lex the Impaler 2[46] ». Ce troisième DVD, qui intègre le code « IFPI LV11 » attribué intentionnellement par Philips Electronics à MMS, porte aussi le code intégré « DDI-0012 » et non « CID-D002 » et ne comporte pas de numéro « KT ».

 

[98]           Le quatrième DVD visé par l’allégation de contrefaçon présenté à la Cour est le DVD « Feeding Frenzy 2 ». Bien qu’il ait été saisi au cours de l’exécution de l’ordonnance Anton Piller chez Kaytel, il n’a pas été spécifiquement identifié dans l’affidavit de M. Joanisse comme étant contrefaisant et les circonstances dans lesquelles il a été trouvé n’ont pas été attestées avant le 7 mars 2006, soit au moment du contre-interrogatoire de Gasper.

 

[99]           Contrairement aux trois autres DVD visés par l’allégation de contrefaçon mentionnés        ci-dessus, ce DVD a été copié sur un disque « DVD-R ». Comme pour « Lex the Impaler 2 », il n’intègre pas de numéro « KT ». Y est intégré le code « IFPI FG99 », et non « IFPI LV11 », qui est le code que Brunet a déclaré être attribué par Philips Electronics à MMS. Enfin, sur la couverture du coffret figure un collant portant la mention : « Maritime XXX Classified / Classifié Explicit Material Adults 18 and over[47] ».

 

[100]       S’agissant des autres éléments énumérés dans les notes de l’huissier, les demandeurs ont informé la Cour à l’audience qu’ils n’allèguent pas qu’ils sont de contrefaçon ni qu’ils sont pertinents au regard des questions dont la Cour est saisie.

 

4.         L’analyse

            Les principes de droit applicables aux ordonnances Anton Piller

[101]       Dans la décision Adobe Systems Inc. c. KLJ Computer Solutions Inc., [1999] 3 C.F. 621 (1re inst.), le juge en chef John Richard a déclaré au paragraphe 31 :

Comme le note la Cour d’appel fédérale dans l’arrêt Indian Manufacturing Ltd. c. Lo (1997), 75 C.P.R. (3d) 338, aux pages 341 et 342 :



L’injonction de type Anton Piller tire son nom de celui du demandeur dans Anton Piller KG c. Manufacturing Processes Ltd., [1976] 1 Ch. 55, un arrêt de la Cour d’appel d’Angleterre. Une telle injonction vise à conserver un bien à l’égard duquel il existe de forts éléments de preuve prima facie établissant qu’il s’agit d’articles enfreignant le droit d’auteur, la marque de commerce ou d’autres droits du demandeur. L’injonction est rendue ex parte, car l’essence même de cet exercice du pouvoir judiciaire [traduction] « est la surprise, si bien que le défendeur doit ignorer qu’une demande a été déposée ou que l’injonction a été rendue, de sorte qu'il n’aura pas l’occasion de détruire les documents pertinents ou de s’en débarrasser ». [Non souligné dans l’original.]

 

[102]       La Cour a établi avec constance que l’ordonnance Anton Piller est un « recours extraordinaire » : Titan Sports Inc. c. Mansion House (Toronto) Ltd., [1989] A.C.F. n° 805 (1re inst.) (QL) au paragraphe 15; Adobe, précitée, au paragraphe 42; WIC Premium Television c. Levin, [1999] A.C.F. n° 652 (1re inst.) (QL) au paragraphe 21; Proctor & Gamble Inc. c. John Doe (faisant affaires sous la raison sociale Clarion Trading International), [2000] A.C.F. n° 61 (1re inst.) (QL), au paragraphe 48.

 

[103]       La nature de la mesure de redressement qu’est l’ordonnance Anton Piller a également été caractérisée comme « exceptionnelle » : Top Star Distribution Group Inc. c. Sigma, [2000] A.C.F. n° 41 (1re inst.) (QL), au paragraphe 27.

 

[104]       Dans sa décision récente Netbored Inc. c. Avery Holdings Inc., 2005 CF 1405, le juge Roger T. Hughes fait mention de certaines utilisations abusives fondamentales des ordonnances Anton Piller qui ont amené certains tribunaux à les accorder avec prudence.

 

[105]       La Cour doit donc être très consciente, surtout à l’étape de la révision, du fait que cet instrument juridique puissant doit être réservé aux cas spéciaux qui le justifient vraiment.

 

[106]       Trois conditions essentielles doivent être remplies pour que la Cour accorde une ordonnance Anton Piller. Ainsi qu’il a été dit dans la décision Adobe, précitée, au paragraphe 35 :


[…] Ces conditions ont été énoncées par le lord juge Ormrod dans l’affaire Anton Piller KG c. Manufacturing Processes Ltd., [1976] Ch. 55 (C.A.), à la page 62, et confirmées par la Cour d’appel fédérale dans l’arrêt Nintendo of America, Inc. c. Coinex Video Games Inc., [1983] 2 C.F. 189, à la page 198 :

[traduction] Tout d’abord, il faut un commencement de preuve très solide. Deuxièmement, le préjudice réel ou possible doit être très grave pour le requérant. Troisièmement, il faut la preuve manifeste que les défendeurs ont en leur possession des documents ou des objets pouvant servir de pièces à conviction et qu’il est réellement possible que les défendeurs détruisent ces pièces avant que puisse être introduite une demande inter partes.

 

Ces conditions ont été appliquées avec constance par la Cour : voir Titan, précitée, au paragraphe 15; Proctor & Gamble, précitée, au paragraphe 45; Top Star, précitée, au paragraphe 3; la décision Nike Canada Ltd. c. Jane Doe [2000] A.C.F. n° 498 (1re inst.) (QL) au paragraphe 10, conf. par 2001 CAF 395; Société canadienne de perception de la copie privée c. Amico Imaging Services Inc., 2004 CF 469, aux paragraphes 16 et 17, conf. par 2004 CAF 412.

 

[107]       La troisième des trois conditions, soit la preuve manifeste que les défendeurs ont en leur possession des documents ou des objets pouvant servir de pièces à conviction et qu’il est réellement possible que les défendeurs détruisent ces pièces, est l’élément le plus crucial exigé pour obtenir une ordonnance Anton Piller : Adobe, précitée, au paragraphe 36; Nike Canada, précitée, au paragraphe 11. Voir également Amico, précitée, au paragraphe 19.

 

[108]       Étant donné que les ordonnances Anton Piller sont demandées ex parte, la partie requérante est tenue à une divulgation complète et fidèle : Adobe, précitée, au paragraphe 46; Proctor & Gamble, précitée, aux paragraphes 47 et 48; Top Star, précitée, au paragraphe 4; CHUM Ltd. c. Stempowicz (faisant affaire sous la dénomination Lizard King's Playhouse), 2003 CFPI 800, au paragraphe 20; Amico, précitée, au paragraphe 26; Netbored, précitée, au paragraphe 42.

 

[109]       Selon un principe élémentaire de droit, la Cour a le pouvoir discrétionnaire d’annuler une ordonnance ex parte, comme l’ordonnance Anton Piller, si la divulgation faite pour obtenir l’ordonnance était incomplète : voir Proctor & Gamble, précitée, au paragraphe 55. La règle s’applique même si les « trois volets du critère applicable au prononcé d’une ordonnance Anton Piller » ont été remplis : voir Top Star, précitée, au paragraphe 26.

 

[110]       Enfin, la révision d’une ordonnance Anton Piller est une procédure de novo, à la fois en ce qui concerne les faits et le droit : WIC Premium, précitée, au paragraphe 3; Adobe, précitée, au paragraphe 47; Top Star, précitée, au paragraphe 2; Nike Canada, précitée, au paragraphe 48; Amico, précitée, aux paragraphes 27 et 28; Netbored, précitée, au paragraphe 27. Les parties ont convenu que je dois donc examiner tous les éléments de preuve dont je suis saisie.

 

[111]       Dans ce contexte, je passe maintenant à la première condition exigée pour accorder l’ordonnance Anton Piller à l’encontre de Kaytel et d’Elmaleh.

 

                        i)          Un commencement de preuve très solide

 

[112]       On satisfait normalement à cette condition en présentant la preuve du titre relatif aux droits de propriété intellectuelle et la preuve manifeste de la contrefaçon : Adobe, précitée, au paragraphe 36; Nike Canada, précitée, au paragraphe 11; Amico, précitée, au paragraphe 18.

 

[113]       Le titre des demandeurs sur les droits de propriété intellectuelle touchant leurs films pour adultes (le droit d’auteur et la marque de commerce non déposée EVIL ANGEL[48]) n’est pas contesté. Les droits d’auteurs correspondants ont été enregistrés au Canada entre le 27 et le 30 septembre 2005, peu après le dépôt de l’avis de requête des demandeurs pour l’obtention d’une ordonnance Anton Piller.

 

[114]       Cependant, comme on l’a mentionné, Kaytel et Elmaleh contestent avec force que les demandeurs ont fourni la preuve manifeste de la contrefaçon.

 

[115]       La Cour a effectivement de nombreux doutes, certains très graves[49], au sujet des éléments de preuve produits sur ce point.

 

[116]       À l’évidence, quelqu’un ment, mais à l’étape actuelle, je ne suis pas placée pour trancher correctement la question parce que les documents produits pour corroborer la version respective des parties ne sont pas aussi utiles qu’ils le semblent à première vue. Il reste vraiment trop de questions sans réponse.

 

[117]       Les demandeurs affirment que la Cour devrait adopter leur version parce que le témoignage d’Ouzzan corrobore celui de Brunet et que la crédibilité d’Ouzzan n’a pas été vérifiée par un  contre-interrogatoire. La Cour ne peut accepter cette assertion.

 

[118]       La Cour n’est pas convaincue qu’Ouzzan n’était pas au courant des recherches des demandeurs bien avant la demande d’ordonnance Anton Piller. Comme l’indique l’affidavit de Patrick J. Cotter, Ouzzan avait eu des échanges avec les anciens avocats canadiens des demandeurs à l’été de 2005 au sujet d’un éventuel accord de coopération. La pièce T de l’affidavit d’Ouzzan est constituée de documents provenant des dossiers de Diadem qui concernent les envois de DVD allégués à Kaytel en 2003 et qui ont été télécopiés chez Diadem en juillet 2005. Aucune explication n’a été fournie sur ce point. Ces documents ont-ils été transmis à Ouzzan à cette époque ou a-t-il été simplement utilisé comme un intermédiaire en vue de produire des documents qui auraient dû figurer dans l’affidavit de Brunet?

 

[119]       Après avoir examiné l’ensemble de la preuve concernant Ouzzan, notamment sa déclaration initiale au cours de l’exécution de l’ordonnance Anton Piller selon laquelle il ne savait rien ni de la contrefaçon alléguée, ni des parties à la présente procédure, la Cour n’est pas convaincue que le témoignage d’Ouzzan était la corroboration spontanée et véritablement indépendante du témoignage de Brunet.

 

[120]       En outre, au vu de l’ensemble de la preuve présentée par les demandeurs, les témoignages de Brunet, d’Ouzzan et d’Elkeslassy contiennent des contradictions et des imprécisions importantes.

 

[121]       Cela dit, il n’est pas nécessaire de conclure sur aucune des questions soulevées par Kaytel et Elmaleh et je n’ai pas l’intention de m’étendre plus longuement sur des questions qui devront manifestement être décidées par le juge qui entendra l’affaire au fond.

 

[122]       À l’audience, les demandeurs ont convenu que la Cour ne devrait pas tenir compte de la déclaration de Norman dans son affidavit portant que Diadem [traduction] « a fabriqué environ soixante-quatre mille (64 000) exemplaires de DVD contrefaisants d’au moins quarante-sept (47) titres différents d’EA visés par des droits d’auteur ». Non seulement n’y a-t-il aucune preuve documentaire de Diadem à l’appui, mais, ainsi qu’il a été noté, le témoignage de Brunet au cours de son contre-interrogatoire contredit directement cette affirmation.

 

[123]       Les demandeurs ont également adopté comme position, exclusivement aux fins de la présente requête, de ne pas s’appuyer sur les allégations de contrefaçon portées contre Transworld.

 

[124]       L’avocat des demandeurs a soutenu que même si la Cour rejette tout le reste et ne s’attache qu’aux deux DVD dont il est fait mention au paragraphe 94 ci-dessus, la Cour devrait conclure, sur le fondement des renseignements objectifs contenus dans l’affidavit de Brunet au sujet de la signification des divers codes utilisés par MMS et Diadem et intégrés aux DVD, que les demandeurs ont satisfait au premier volet du critère et établi un commencement de preuve très solide.

 

[125]       J’en conviens, malgré le fait qu’à mes yeux les deux autres DVD présentés à la Cour semblent soutenir la version des défendeurs.

 

[126]       Il y a donc une preuve manifeste de contrefaçon, au moins à l’égard de ces deux titres. Dans cette mesure, je suis disposée à accepter que les demandeurs ont rempli la première condition.

 

                        ii)         Le préjudice très grave

[127]       Il est certain que les demandeurs ont subi un préjudice en raison de la vente d’exemplaires de contrefaçon de leurs produits. Toutefois, comme l’a mentionné la juge Karen R. Sharlow dans la décision WIC Premium, précitée, au paragraphe 21, « [c’]est la nature de ce recours extraordinaire qui entraîne l’obligation de prouver un “préjudice très grave”, et pas seulement “un certain préjudice” ».

 

[128]       Comme il ressort de la jurisprudence constante des tribunaux fédéraux, dans le contexte de l’injonction traditionnelle, les dommages financiers ne sont pas considérés comme irréparables. En l’espèce, il n’existe aucune allégation indiquant que Kaytel ou Elmaleh ne seraient pas en mesure de payer les dommages-intérêts qui pourraient éventuellement être accordés aux demandeurs.

 

[129]       La notion du « préjudice très grave » se situe dans un continuum qui va d’un certain dommage au dommage irréparable; elle n’exige pas nécessairement la preuve du dommage irréparable. Manifestement, quand on cherche aussi à obtenir une injonction, les critères à remplir pour justifier une telle ordonnance doivent aussi être remplis.

 

[130]       Le « préjudice très grave » peut s’appliquer à divers types de situations. Cette condition peut être remplie, par exemple, en établissant que la contrefaçon est pratiquée à une si large échelle qu’elle met en péril l’entreprise du demandeur ou ses activités sur un marché particulier (Nintendo of America, Inc. c. Coinex Video Games Inc., [1983] 2 C.F. 189 à la page 198) ou que, en plus de la perte effective de revenus, le piratage constitue un tel problème dans une branche donnée qu’il décourage l’investissement dans les nouveaux produits et la nouvelle technologie et contribue à la hausse des prix, ce qui affecte les consommateurs (Adobe, précitée).

 

[131]       Dans la décision Nike Canada, précitée, la juge Danièle Tremblay-Lamer a été convaincue du préjudice très grave parce que la vente de produits de contrefaçon inférieurs et peu chers menaçait la réputation respective des demandeurs comme producteurs d’une marchandise de haute qualité (Walt Disney, Nintendo et Time Warner). Elle a conclu que « [l]a déception d’un consommateur à l’égard d’un seul article contrefait » portant les caractéristiques de propriété intellectuelle des demandeurs, c’est-à-dire leurs marques de commerce, « peut nuire à la vente des autres marchandises » portant les mêmes marques de commerce.

 

[132]       S’agissant de « la difficulté de quantifier les dommages de cette nature », la juge Judith A. Snider a déclaré dans la décision CHUM Ltd., précitée, au paragraphe 38 :

 

[…] l’obligation de produire une preuve précise n’est pas rigoureuse (Bell ExpressVu Ltd. Partnership c. Tedmonds & Co. Inc., [1999] O.J. no 3679 (C.S.J. Ont.) (QL) [ci-après Tedmonds]; Pomeroy, précité). Ces dommages comprennent la perte de la part du marché et la perte de recettes résultant d’abonnements perdus, la perte de recettes et de profits résultant de la publicité perdue, et la menace que le « marché gris » représente à l’égard des intérêts à long terme de l’industrie. On estime que les entités de radiodiffusion légitimes ont perdu 450 millions de dollars par suite du piratage de signaux de télévision par satellite. La preuve dont le juge Kelen était saisi comprenait plusieurs rapports et études appuyant l’ampleur des dommages subis. […]

 

[133]       Naturellement, chaque affaire doit être appréciée en fonction de ses faits particuliers. La Cour doit prendre en compte, notamment, la réputation et les contrôles de qualité associés aux produits particuliers, le marché de ces produits et les attentes de consommateurs particuliers.

 

[134]       En l’espèce, les éléments de preuve concernant le préjudice se trouvent dans les affidavits originaux de Norman et de Gasper, et ils ont été abordés au cours de leurs contre-interrogatoires.

 

[135]       Ainsi qu’il a été noté ci-dessus au paragraphe 122, la crédibilité du témoignage de Norman est affaiblie par ses affirmations non fondées sur des questions importantes.

 

[136]       S’agissant de Gasper, il ressort de son contre-interrogatoire qu’il connaît peu les dimensions relatives aux licences et à la distribution de ses films, ces affaires étant gérées par John Stagliano, Inc. Gasper n’avait aucun renseignement ou n’avait que des renseignements très limités sur le nombre d’exemplaires retournés de ses produits authentiques[50].

 

[137]       La Cour n’a aucune raison de mettre en doute la sincérité de ce témoin, mais il semble tirer des conclusions et effectuer des affirmations avec précipitation au sujet de questions sur lesquelles il n’est pas suffisamment informé. Par exemple, il a témoigné avoir vu un [traduction] « papier signé par M. Elmaleh, déclarant qu’il avait des droits sur ces titres ». Ainsi qu’il a été mentionné, la Cour a conclu que ce document n’avait pas, en fait, été signé par Elmaleh. Gasper a également déclaré que tous les DVD énumérés au paragraphe 21 de son affidavit provenaient de Diadem. Cette affirmation n’est pas corroborée par les renseignements de l’affidavit de Brunet : les divers codes utilisés par MMS et Diadem n’incluent pas ceux dont la liste figure aux alinéas 21 e), g) et i)[51] de l’affidavit de Gasper.

 

[138]       Cela nuit manifestement à la valeur à accorder à d’autres déclarations ou assertions de ces deux auteurs d’affidavit, surtout dans le cas où il n’est fourni que peu de détails et/ou aucune documentation à l’appui.

 

[139]       En réalité, il y a peu d’éléments de preuve sur l’étendue du préjudice que les demandeurs ont subi ou subiront vraisemblablement dans l’avenir[52].

 

[140]       Les activités illégales décrites dans les affidavits Brunet et Ouzzan ont cessé. Aucun élément de preuve n’établit que Kaytel ou Elmaleh reproduisent toujours les titres des demandeurs en faisant appel à un autre presseur[53]. La Cour comprend également que Kaytel et Elmaleh n’ont pas le matériel nécessaire pour produire eux-mêmes ce type de copies de haute qualité.

 

[141]       Gasper dit qu’il y a eu une baisse des affaires de Jules Jordan qu’il ne pouvait expliquer avant que les demandeurs découvrent au début de 2005 les copies de contrefaçon dont il est fait mention dans son affidavit. Cependant, cette baisse n’est aucunement quantifiée, que ce soit par une estimation en dollars ou en pourcentage du chiffre d’affaires des demandeurs[54].

 

[142]       De la même façon, Gasper a affirmé qu’il pouvait perdre sa part de marché en raison des activités des défendeurs, mais il a admis qu’il ne pouvait la chiffrer. L’absence de cet élément de preuve est problématique quand il s’agit d’établir le préjudice très grave : voir la décision WIC Premium, précitée, au paragraphe 23.

 

[143]       La Cour n’a pas le moyen de déterminer si le nombre réel de copies faites, selon Brunet, pour la [traduction] « commande spéciale » alléguée, soit 15 000 copies, est élevé en regard du nombre de produits authentiques vendus au cours de la même période. Il semble toutefois qu’à l’occasion d’une opération, Kaytel a acheté 12 000 produits authentiques de l’ancien distributeur canadien licencié des demandeurs et que d’autres commandes assez considérables ont été passées au distributeur actuel des demandeurs, Videoville Showtime.

 

[144]       Compte tenu des prix qu’on reçus les demandeurs dans la profession et du fait qu’un grand nombre de leurs films ont été au sommet du palmarès des locations et des ventes, la Cour accepte qu’il existe un achalandage lié à ces produits. Ils sont incontestablement populaires.

 

[145]       Toutefois, il est moins clair que des produits authentiques sur le marché, non seulement ceux des demandeurs eux-mêmes sous format DVD-9 mais aussi ceux qui sont licitement produits par leurs divers distributeurs licenciés dans le monde, ont une réputation de qualité qui pourrait être affectée par les copies de contrefaçon que produit Diadem.

 

[146]       Aucun élément de preuve n’établit que les demandeurs ont exercé un grand contrôle sur la qualité des produits que leurs distributeurs licenciés avaient l’autorisation de reproduire.

 

[147]       Il ressort également que les demandeurs ont eu un grave problème avec ce qu’il est convenu d’appeler les produits « au gris », c’est-à-dire les produits authentiques fabriqués par un distributeur licencié dans un pays et revendus par d’autres sur des marchés différents.

 

[148]       L’article « Evil Empire extends across Europe », daté de février 2006 (pièce jointe au contre-interrogatoire de Norman), renvoie seulement au marché européen, mais il est évident que le problème a existé aussi en Amérique du Nord. Norman a reconnu en contre-interrogatoire que des produits des États-Unis étaient vendus au Canada et que des produits canadiens étaient vendus aux États-Unis. La preuve indique aussi que Silver Media, grossiste de Grèce, a acheté et vendu des titres appartenant aux demandeurs au Canada[55].

 

 

 

 

[149]       Norman a fait vaguement référence à des [traduction] « stipulations » imposées à Videoville Showtime à l’égard du contrôle de la qualité de la reproduction. On ne voit pas bien comment ces « stipulations » étaient mises en œuvre ou comment on en vérifiait le respect, le cas échéant. Il n’y a absolument aucun élément de preuve sur ce point au sujet des autres distributeurs en Europe. Aucun accord de licence avec un distributeur n’a été déposé auprès de la Cour.

 

[150]       Software Entertainment Ltd. a certainement utilisé Diadem comme entreprise de reproduction pour certains de ses produits, comme l’indique l’affidavit de Brunet. Elle a eu recours au format DVD-5 qui, selon les demandeurs, est de qualité inférieure. En contre-interrogatoire, Norman a déclaré que ce format [traduction] « pourrait » convenir à la version canadienne abrégée des films des demandeurs, mais ce point crucial, semble-t-il, (la durée des films) n’a pas été mentionné dans son affidavit. Aucun exemplaire de DVD reproduits par Diadem pour Software Entertainment Ltd. n’a été présenté devant la Cour.

 

[151]       Les demandeurs n’ont produit aucun élément de preuve pour contredire l’affirmation d’Elmaleh selon laquelle le DVD intitulé « Lex the Impaler 2 », acheté par Gasper à l’un des magasins d’Elmaleh à Ottawa, provenait d’un distributeur licencié (voir le paragraphe 97 ci-dessus et la note 46). Gasper dit qu’il a acheté ce DVD parce qu’il avait remarqué que la jaquette insérée dans le coffret était défectueuse. Comme il apparaît clairement sur la jaquette insérée dans le coffret du DVD, la durée du film est de 2 heures 12 minutes. C’est certainement plus long que la version canadienne dite plus courte.

 

[152]       Dans son affidavit supplémentaire, Gasper ne fait pas d’observation sur la durée des DVD qu’il a achetés dans les magasins d’Elmaleh (dont deux n’indiquent pas la durée sur la jaquette insérée dans le coffret) et de Shots Video BV, ni sur la qualité de leurs systèmes de menus.

 

[153]       Il n’est pas évident pour la Cour qu’il manque des contenus à aucun des trois DVD allégués comme contrefaisants achetés par Gasper ou au DVD allégué comme contrefaisant saisi chez Kaytel ni que les menus de ces DVD [traduction] « ne fonctionnent pas ».

 

[154]       Plus précisément, les systèmes de menus des DVD fournis à la Cour semblent fonctionner correctement, sous réserve d’une rayure dans l’un des éléments du [traduction] « menu fétiche » de l’un des DVD.

 

[155]       Ainsi qu’il a été mentionné, la Cour n’est saisie d’aucun renseignement sur le nombre de retours de produits authentiques, notamment ceux qui n’ont pas été directement fabriqués par les demandeurs. Il est donc impossible d’évaluer l’importance relative des 1 054 DVD retournés, selon ce qu’a dit Norman dans ses réponses aux engagements.

 

[156]       Tout en étant consciente de la mise en garde de la juge Snider dans la décision CHUM Ltd., précitée, au sujet de la « la difficulté de quantifier les dommages de cette nature », je note qu’elle a ensuite fait référence (au paragraphe 38) à la preuve produite dans la procédure, qui comportait « plusieurs rapports et études appuyant l’ampleur des dommages subis ».

 

[157]       En l’espèce, je ne suis pas persuadée qu’un effort suffisant a été fait à cet égard, surtout si l’on considère que les demandeurs ont eu de nombreux mois pour recueillir ces éléments de preuve. Ils étaient au courant de cette question longtemps avant leur demande d’une ordonnance Anton Piller.

 

[158]       Sur le fondement de mon examen de la preuve, je ne suis pas convaincue que les demandeurs ont établi qu’ils remplissaient la deuxième condition.

 

 

iii)         La preuve manifeste que les défendeurs ont en leur possession des documents ou des objets pouvant servir de pièces à conviction et qu’il est réellement possible que les défendeurs détruisent ces pièces

 

[159]       Bien que les trois conditions soient cumulatives et que les conclusions qui précèdent soient suffisantes pour rejeter la présente requête, la Cour examinera la preuve relative à la troisième condition, étant donné que c’est la plus importante.

 

[160]       La principale justification pour accorder une ordonnance Anton Piller est d’empêcher la destruction ou la disparition d’éléments de preuve importants.

 

[161]       Les demandeurs doivent établir maintenant deux éléments distincts.

 

[162]       S’agissant du premier, le juge Hughes a récemment fait observer dans la décision Netbored, précitée, au paragraphe 59 :

Une grande partie des éléments de preuve nécessaires pour prouver les allégations de la demanderesse, s’il y en a, sont déjà du domaine public. Comme Avery voulait attirer des clients, son site Web était accessible à tous. Par ailleurs, on peut voir les métabalises en cliquant simplement avec le bouton droit de la souris sur le site Web. [Non souligné dans l’original.]

 

Au paragraphe 62, il conclut ainsi son analyse selon laquelle la troisième condition n’a pas été remplie :


[…] Y avait-il des éléments de preuve tellement importants pour la demanderesse que celle-ci ne pourrait pas avoir gain de cause sans eux? Non. La thèse de la demanderesse repose essentiellement sur ce que le public voit ou ce à quoi il peut avoir accès facilement. [Non souligné dans l’original.]

 

[163]       Ce point de vue n’est pas nouveau. Dans un contexte différent, mais répondant à la même question, le juge Max M. Teitelbaum, dans la décision Proctor & Gamble, précitée, au paragraphe 47, a fait siennes les observations suivantes de la juge Barbara Reed dans la décision Fila Canada Inc. c. Untel, [1996] 3 C.F. 493 (1re inst.), à la page 499 :

[...] Le juge doit être convaincu du bien-fondé de la crainte du requérant, savoir que si les marchandises contrefaites ne sont pas saisies, elles ne pourront être produites en preuve lors de l’instruction. Si, par exemple, un article représentatif peut être acheté par les enquêteurs de la partie demanderesse et une action intentée contre les vendeurs par la voie habituelle, on na pas alors fait la preuve de la nécessité dune ordonnance Anton Piller, non plus que de son exécution contre une partie défenderesse donnée. [Non souligné dans l’original.]

 

 

 

[164]       Quand il est établi qu’il est vraisemblable qu’une partie ait en sa possession des éléments de preuve importants à l’égard de l’affaire du demandeur, il doit être établi qu’il existe une possibilité réelle de destruction.

 

[165]       Il est évident que la preuve de l’intention de détruire des éléments de preuve est difficile à établir directement. C’est pourquoi les tribunaux se sont montrés disposés à présumer qu’un défendeur sera susceptible de détruire la preuve dans certaines circonstances. Par exemple, dans la décision Adobe, précitée, le juge en chef Richard a déclaré aux paragraphes 37 et 38 :


Il est difficile de démontrer concrètement qu’un contrefacteur a déjà détruit des preuves ou qu’il éliminera des preuves importantes. Les requérants font donc porter leur attention sur la déloyauté du contrefacteur et sur la facilité d’élimination des articles contrefaits pour inviter la Cour à présumer que les éléments de preuve disparaîtront si avis est donné.

La Cour a examiné les réalités du marché et s’est montrée disposée à tirer une telle conclusion dans des cas se rapportant à des fournisseurs de marchandises contrefaites qui opéraient sur des marchés aux puces, dans des éventaires ou dans des concerts. Cette disposition de la Cour à tirer une telle conclusion s’explique par la nature temporaire des activités de ces fournisseurs et leur propension à disparaître au premier signe d’une descente de justice et à s’informer les uns les autres de l’exécution des ordonnances. [Non souligné dans l’original.]

 

 

[166]       Dans la même veine, le juge en chef Allan Lutfy a fait les observations suivantes dans la décision Top Star, précitée, au paragraphe 14 :


Les demandeurs savaient que les défendeurs exerçaient leur activité commerciale à une adresse fixe et qu’ils exploitaient également un vaste entrepôt. […] Il n'existe aucun élément de preuve établissant que les défendeurs se sont débarrassés de produits ou de documents ou ont tenté de le faire. Bref, la preuve dont je dispose ne me permet pas de conclure qu’ils exploitent le genre d’entreprise malhonnête décrite par les demandeurs. Leur entreprise paraît de nature beaucoup plus stable que les éventaires de marchés aux puces ou de rues qui sont souvent la cible des ordonnances Anton Piller. Il y a peu de renseignements, voire aucun, indiquant que l’entreprise des défendeurs était de nature temporaire.

 

[167]       Dans la décision Nike Canada, précitée, la juge Tremblay-Lamer a mis en doute la pertinence de « distinguer entre la situation où le vendeur exploite un commerce de détail et celle où il exploite un éventaire dans un marché aux puces », tout en notant que dans l’affaire dont elle était saisie « le commerce employait une caisse enregistreuse générale, empêchant ainsi la ventilation des ventes » (paragraphe 67).

 

[168]       Elle a également conclu qu’il avait été établi que certains des défendeurs continueraient de vendre les produits de contrefaçon qui, dans un cas, constituaient 80 % de la marchandise du commerce du détaillant. Dans cette affaire, les défendeurs potentiels ont admis avoir l’intention de retourner les marchandises contrefaisantes à leurs fournisseurs chinois.

 

[169]       Ainsi qu’il a été noté, la Cour a rendu des ordonnances de consentement visant Sylnet et Ouzzan ainsi que Jacky’s et Elkeslassy. En outre, il semble que les demandeurs se soient ménagé la pleine coopération de ces parties.

 

[170]       Ainsi qu’il a déjà été indiqué également, la preuve la plus importante des activités de contrefaçon d’Elmaleh était deux des DVD achetés par Gasper dans les magasins d’Elmaleh. Cet élément de preuve était public et malgré le fait que les demandeurs connaissaient l’existence de ces magasins, leur existence n’a pas été divulguée et ces magasins n’ont donc pas été inclus dans les locaux inspectés en vertu de l’ordonnance Anton Piller.

 

[171]       Pendant l’exécution de l’ordonnance Anton Piller chez Kaytel, les demandeurs ont trouvé peu d’articles reliés à EVIL ANGEL et Jules Jordan.

 

[172]       Les demandeurs ont soutenu que c’était parce qu’Elmaleh avait vidé les casiers de rangement et expédié les DVD de contrefaçon aux É.-U. la semaine précédente. Mais la Cour note que les demandeurs s’appuient également sur des éléments de preuve visant à établir que tous les exemplaires contrefaisants des titres des demandeurs étaient partis avant le départ en vacances d’Elkeslassy au début de juin 2005.

 

[173]       La dernière version des faits est certainement plus conforme au témoignage de Brunet, selon lequel tous les exemplaires contrefaisants ont été livrés avant juin 2005 (ce qui comprend toute copie réalisée pour l’un ou l’autre des défendeurs visés par l’ordonnance Anton Piller).

 

[174]       Il semble également qu’on peut trouver la liste de toutes les télécopies adressées par Kaytel et Elmaleh dans les dossiers d’un tiers indépendant, Connectel (voir la note 44). De plus, Kaytel semble utiliser le serveur d’un tiers pour stocker ses courriels.

 

[175]       Bref, il n’est pas évident que des éléments de preuve importants ou significatifs et non accessibles d’une autre manière sont en la possession de Kaytel et d’Elmaleh.

 

[176]       Néanmoins, même si la Cour devait présumer que certains éléments de cette preuve pourraient exister, il incombe encore aux demandeurs d’établir la possibilité réelle de la destruction.

 

[177]       Dans leur mémoire sur la requête ex parte, les demandeurs ont allégué qu’Elmaleh était au cœur d’une [traduction] « conspiration illicite » faisant intervenir le blanchiment d’argent et le recours aux comptes extraterritoriaux pour acheminer les recettes des activités de contrefaçon. Il est maintenant clair qu’aucun élément de preuve ne corrobore les allégations de blanchiment d’argent et d’utilisation de comptes extraterritoriaux (voir les notes 23 et 24).

 

[178]       S’agissant de la nature des activités commerciales de Kaytel et d’Elmaleh, Brunet a témoigné que Kaytel est une société établie d’une envergure relativement importante. Elle a été constituée en société par actions en 1985. Elle détient les licences de distribution de plus de 4 200 films pour adultes. Elmaleh possède quelques magasins de détail au Canada, mais Kaytel est essentiellement un grossiste.

 

[179]       Le volume considérable de la preuve documentaire dans la présente procédure indique que Kaytel tenait des dossiers exhaustifs, ce qui ne veut pas dire parfaits, sur ses activités commerciales. Sa méthode d’exploitation commerciale ne se réduit pas à un commerce qui [traduction] « employait une caisse enregistreuse générale ».

 

[180]       Malgré le fait qu’Elkeslassy ait exprimé l’idée que les exemplaires de Kaytel des titres des demandeurs étaient [traduction] « cachés » dans les deux casiers de rangement, la Cour doit prendre en considération qu’il a aussi indiqué que ce matériel était manipulé ouvertement et qu’un grand nombre des employés de Kaytel, pour ne pas dire tous, étaient au courant de ces titres. L’emballage en vue de l’expédition de ces titres était effectué par les employés qui s’occupaient des autres parties du stock de Kaytel. Cela n’indique pas que l’activité était menée dans le secret.

 

[181]       À mon avis, la nature des activités commerciales de Kaytel et d’Elmaleh ne permet pas de conclure au risque de destruction d’éléments de preuve par ces défendeurs.

 

[182]       Les demandeurs ont fait valoir que Kaytel et Elmaleh ont tenté de cacher les dossiers relatifs à leurs activités de contrefaçon en demandant à Sylnet de ne pas leur facturer la [traduction] « commande spéciale » alléguée. Elmaleh le conteste, ayant indiqué qu’Ouzzan était celui qui lui avait demandé de régler comptant certains des [traduction] « titres d’une commande répétée ».

 

[183]       Ainsi qu’il a été dit précédemment, la Cour n’entend pas décider dans la présente requête si la version d’Elmaleh est plus crédible que celle d’Ouzzan ou d’Elkeslassy.

 

[184]       Toutefois, aux fins de la présente analyse, j’ai examiné la véracité potentielle des deux éléments visés aux alinéas 37 a) et b) du mémoire des demandeurs (soit la demande faite à Sylnet de ne pas produire de factures et l’utilisation de Jacky’s comme véhicule pour la vente de produits de contrefaçon).

 

[185]       Les demandeurs ont fait valoir que le fait qu’Elmaleh savait qu’ils étaient titulaires du droit d’auteur sur ces titres et qu’il s’était néanmoins engagé dans la contrefaçon donne matière à un risque de destruction. C’est en effet un élément qui peut être pertinent et il a été pris en compte.

 

[186]       Ainsi qu’il a été mentionné précédemment, avant l’audience sur la présente requête, les demandeurs ont informé l’avocat d’Elmaleh et de Kaytel qu’ils ne s’appuieraient pas sur le témoignage de M. Bourdeau relatif à l’allégation de [traduction] « falsification de preuve » sur le système informatique de Kaytel.

 

[187]       À la fois avant et après le retrait de ce témoignage, aucun autre élément de preuve n’a établi qu’Elmaleh ou Kaytel avait manipulé, détruit ou cherché à détruire un élément de preuve.

 

[188]       Enfin, et la chose est importante en l’espèce, la Cour s’est aussi penchée sur le fait, que j’ai déjà mentionné, que les demandeurs ont pris connaissance en juin ou juillet 2005 des activités de contrefaçon alléguées d’Elmaleh et de Kaytel. Ils n’ont rien fait pour faire cesser ces activités avant octobre 2005.

 

[189]       Au terme d’un examen de l’ensemble de la preuve, je ne suis pas persuadée qu’elle établit plus que la simple possibilité que Kaytel et Elmaleh puissent détruire des documents ou des objets incriminants en leur possession. Je ne puis conclure que la preuve établit ou justifie de déduire que cette possibilité de destruction existe réellement.

 

                        iv)        La divulgation complète et fidèle

[190]       Même si j’avais tort dans mon appréciation de la preuve relative aux deux dernières conditions applicables au prononcé d’une ordonnance Anton Piller, à mes yeux, l’ordonnance à l’encontre de Kaytel et d’Elmaleh (et de Leisure Time, dans la mesure applicable, le cas échéant) doit toujours être annulée en raison de la divulgation déficiente et incomplète fournie dans la requête ex parte des demandeurs : voir la décision Proctor & Gamble, précitée, au paragraphe 55, et la décision Top Star, précitée, au paragraphe 26.

 

[191]       Il ne fait aucun doute que les demandeurs auraient dû donner plus de renseignements à la Cour sur la nature des activités commerciales de Kaytel et d’Elmaleh. Ces éléments de preuve étaient importants et les demandeurs savaient ou auraient dû savoir qu’ils jouaient contre eux. Dans la décision R.S.M. International Active Wear Inc. c. Quality Goods I.M.D. Inc. (1994), 57 C.P.R. (3d) 353 à la page 354, le juge Jean-Eudes Dubé a laissé entendre qu’une ordonnance Anton Piller qu’il avait antérieurement accordée (mais qui a ensuite été annulée par un autre juge de la Cour) n’aurait vraisemblablement jamais été rendue si l’on avait porté à l’attention de la Cour le fait que la défenderesse n’était pas une entreprise fonctionnant « à la sauvette », mais était au contraire une « société d’assez grande envergure qui [était] installée à Montréal depuis 30 ans […] et qui [avait] un chiffre d’affaires annuel de 9 000 000 $ ». Kaytel exerce son activité commerciale depuis 21 ans et enregistre des recettes annuelles d’environ dix millions de dollars.

 

[192]       Bien que les circonstances de l’espèce soient manifestement différentes de celles dont était saisi le juge Dubé, il s’agit là d’un manquement important à l’obligation de divulgation des demandeurs.

 

[193]       Autre omission très importante à mes yeux, les demandeurs ont décidé de ne pas informer la Cour que Gasper, deux semaines exactement avant l’audience sur la requête ex parte, avait acheté ce qu’il a désigné comme trois [traduction] « exemplaires piratés » des DVD des demandeurs dans deux des magasins d’Elmaleh. Les demandeurs n’ont pas jugé bon non plus de révéler qu’« [e]n juillet 2005 ou vers cette période », soit environ trois mois avant l’audience ex parte, Gasper avait [traduction] « acheté ce qui s’est révélé par la suite être des DVD pour adultes Evil Angel piratés sur l’Internet à partir de Shots Video BV, un détaillant néerlandais du divertissement pour adultes »; un représentant de ce détaillant, a déclaré Gasper, « [l]’a informé qu’il avait acheté les DVD pour adultes Evil Angel de M. Elmaleh lors d’un salon commercial à Las Vegas, au Nevada, en janvier 2005 ».

 

[194]       Ces renseignements étaient à l’évidence pertinents et les demandeurs ont plus tard décidé qu’ils devaient être divulgués dans l’affidavit supplémentaire de Gasper. Cette divulgation leur a permis, d’une part, d’établir le commencement de preuve dans leur affaire et, d’autre part, elle était pertinente à l’égard de l’appréciation de la troisième condition.

 

[195]       Brunet a dit dans sa déclaration que [traduction] « Software Entertainment Ltd. est une autre société qui a commandé à Diadem la reproduction des DVD Evil Angel », mais les demandeurs ont négligé de mentionner que cette société était l’un de leurs distributeurs licenciés canadiens, ce que Norman a plus tard confirmé en contre-interrogatoire. Cela aurait immédiatement soulevé la question du format DVD-5, entre autres choses. Il n’est pas clair non plus que les demandeurs ne savaient pas que Kaytel, dans la pratique ordinaire de son commerce, avait licitement acheté les titres des demandeurs auprès de leurs distributeurs canadiens licenciés antérieurs et actuels.

 

[196]       Par défaut manifeste de se renseigner correctement sur cette question auprès de Brunet, les demandeurs ont dit par erreur à la Cour qu’[traduction] « environ soixante-quatre mille (64 000) exemplaires de DVD contrefaisants d’au moins quarante-sept (47) » titres différents avaient été reproduits par Diadem pour les défendeurs.

 

[197]       Après avoir discuté du témoignage de Brunet à cet égard, en particulier de son             contre-interrogatoire, la Cour a demandé à l’avocat des demandeurs qui avait reproduit ces 47 titres. L’avocat a répondu : [traduction] « Je ne le sais pas ». La Cour trouve la chose très troublante.

 

[198]       S’agissant de l’allégation selon laquelle Elmaleh avait [traduction] « personnellement » signé le document [traduction] « Autorisation de reproduction, déclarations et garanties » daté du 5 mai 2004, les demandeurs ont déclaré qu’ils n’avaient effectivement pas présenté de preuve par affidavit à ce sujet et qu’ils pouvaient donc modifier leur position.

 

[199]       À mon avis, cette allégation faite dans l’avis de requête ex parte même constitue un manquement à l’obligation de divulgation complète et fidèle des demandeurs.

 

[200]       On peut en dire autant des allégations relatives au blanchiment d’argent et aux comptes extraterritoriaux, au sujet desquelles les demandeurs n’avaient absolument aucun élément de preuve.

 

[201]       Il n’est pas nécessaire d’en dire davantage sur le sujet. La Cour est persuadée que la divulgation fournie par les demandeurs était déficiente et inférieure aux normes de la divulgation complète et fidèle exigée dans une requête ex parte, en particulier dans le contexte d’un recours aussi « extraordinaire » et « exceptionnel » que l’ordonnance Anton Piller.

 

[202]       J’estime que les demandeurs n’ont pas donné à la Cour une image suffisamment complète de la situation.

 

[203]       En l’espèce, même si les demandeurs avaient rempli les trois conditions pour la publication d’une ordonnance Anton Piller, j’aurais quand même annulé l’ordonnance contre Kaytel et Elmaleh (et contre Leisure Time, dans la mesure applicable, le cas échéant) sur la base du manquement concernant la divulgation.

 

[204]       Par conséquent, sans égard aux motifs que j’ai exposés pour les trois conditions, j’ai décidé que dans l’exercice de mes pouvoirs discrétionnaires, l’ordonnance Anton Piller contre Kaytel et Elmaleh (et contre Leisure Time, dans la mesure applicable, le cas échéant) doit être annulée.

 

                        v)         Utilisation ultérieure des éléments de preuve

[205]       Ainsi qu’il a été noté ci-dessus, en vertu des ordonnances de consentement visant Sylnet et Ouzzan ainsi que Jacky’s et Elkeslassy, les éléments de preuve touchant ces défendeurs qui ont été saisis par application de l’ordonnance Anton Piller peuvent être utilisés dans les deux actions pendantes aux États-Unis. Dans leurs observations écrites sur la présente requête, les demandeurs cherchent à obtenir une réparation similaire à l’égard [traduction] « des éléments de preuve produits par les défendeurs Elmaleh ou obtenus des défendeurs Elmaleh » (c’est-à-dire Elmaleh, Kaytel et Leisure Time).

 

[206]       À cette fin, les demandeurs demandent une dispense de la règle de l’engagement implicite. Cette règle tire son origine du contexte de l’interrogatoire préalable et prévoit que les renseignements obtenus au cours de l’interrogatoire préalable relatif à une procédure donnée sont utilisés exclusivement aux fins de cette procédure : voir la décision Canada c. ICHI Canada Ltd., [1992] 1 C.F. 571 (1re inst.).

 

[207]       Dans la décision Kirkbi AG c. Ritvik Holdings Inc., [2000] A.C.F. n° 1793 (1re inst.) (QL), le juge Francis C. Muldoon a décrit le fondement de la règle de l’engagement implicite au paragraphe 6 : « La règle de lengagement implicite afférente à linterrogatoire préalable vise à protéger linformation privée dont la communication ou la divulgation est imposée par un tribunal et qui naurait pu être obtenue autrement dune manière légitime. » (Non souligné dans l’original.)

 

[208]       Dans la décision Merck & Co. c. Apotex Inc. (1996), 65 C.P.R. (3d) 292 (C.F. 1re inst.), le juge W. Andrew MacKay a conclu que l’engagement implicite s’applique également aux renseignements obtenus par une partie d’une autre partie sous l’autorité d’une ordonnance d’un tribunal.

 

[209]       Les demandeurs soutiennent qu’ils devraient être dispensés de l’application de la règle de l’engagement implicite principalement parce que la présente procédure et les actions en cours aux É.-U. concernent les mêmes parties et les mêmes questions ou des parties et des questions similaires. À l’audience sur la requête, l’avocat des demandeurs a déclaré que les renseignements visés pourraient de toute façon être obtenus sous contrainte judiciaire dans les actions aux         États-Unis et qu’une dispense accordée aux demandeurs de la règle de l’engagement implicite faciliterait donc « la bonne administration de la justice » : c’est simplement [traduction] « une question de moment opportun », a conseillé l’avocat.

 

[210]       À titre subsidiaire, les demandeurs déclarent dans leurs observations écrites que la règle de l’engagement implicite ne limite pas l’utilisation de renseignements « qui, subséquemment, feront partie du dossier public » : ICHI Canada Ltd., précitée.

 

[211]       Dans le contexte de la présente procédure, la règle de l’engagement implicite n’est manifestement pas la seule considération pertinente. L’effet de l’annulation de l’ordonnance Anton Piller contre Kaytel est que les demandeurs n’auraient pas dû obtenir les articles et les renseignements qu’ils ont obtenus par l’effet de l’exécution de l’ordonnance contre Kaytel (voir la décision WIC Premium Television, précitée). Pour ce motif, il serait inéquitable que les demandeurs soient autorisés à utiliser ces articles et ces renseignements dans un autre contexte que celui de la présente procédure, voire même à les utiliser simplement.

 

[212]       Par conséquent, une ordonnance sera rendue enjoignant aux demandeurs de remettre à Kaytel tous les articles (originaux et copies) saisis au cours de l’exécution de l’ordonnance Anton Piller contre Kaytel, sauf, naturellement, les éléments de preuve matérielle déposés auprès de la Cour. De même, l’ordonnance prévoira que les éléments de preuve matérielle déposés devant la Cour et tous les renseignements en relation avec l’exécution de l’ordonnance Anton Piller contre Kaytel (y compris les documents et pièces des affidavits de David Joanisse, Cherif Nicolas et Jacques Bourdeau ainsi que les contre-interrogatoires de M. Joanisse et de M. Bourdeau), sauf dans la mesure nécessaire exposée dans les présents motifs, demeureront confidentiels : voir la décision WIC Premium, précitée, au paragraphe 45. La confidentialité sera appliquée par l’effet des articles 55, 151 et 152 des Règles des Cours fédérales.

 

[213]       Cela n’entraîne aucune injustice à l’égard des demandeurs, qui peuvent et devraient se prévaloir du processus d’interrogatoire préalable normal prévu dans les procédures aux États-Unis.

 

[214]       S’agissant des pièces des affidavits d’Elkeslassy et d’Ouzzan, dans la mesure où ils ont été déposés volontairement à l’appui de la position des demandeurs, j’estime que les demandeurs sont libres de les utiliser à leur convenance.

 

[215]       Il reste la question des pièces de l’affidavit déposé par Elmaleh et pour son compte. Elles communiquent des renseignements de nature privée qui, si leur communication n’a pas été directement imposée par l’ordonnance Anton Piller, ont été divulgués pour la défense contre l’ordonnance. En d’autres termes, si les demandeurs n’avaient pas obtenu l’ordonnance Anton Piller, qui doit être annulée à l’égard des « défendeurs Elmaleh », ils n’auraient pas pu obtenir de manière légitime, et n’auraient pas en fait obtenu, les renseignements divulgués dans les pièces de cet affidavit.

 

[216]       Aucune des parties n’a soulevé la question, mais il aurait été à la fois approprié et recommandable, à mon avis, que tous les éléments du dossier – notamment toutes les pièces des affidavits – de la procédure soient déposés avec un caractère confidentiel, conformément à l’article 151 des Règles des Cours fédérales, jusqu’à la décision relative à la présente requête.

 

[217]       Elmaleh, toutefois, ne s’est pas opposé au dépôt public des pièces de son affidavit et n’a pas cherché à obtenir une ordonnance en vertu de l’article 151 des Règles des Cours fédérales. À cet égard, les pièces de l’affidavit d’Elmaleh font donc partie du dossier public de la présente procédure. Cela dit, le présent scénario n’a pas été envisagé, à mon avis, par la juge Reed dans la décision ICHI Canada Ltd., précitée, quand elle a fait référence aux renseignements « qui, subséquemment, feront partie du dossier public ». La juge Reed s’exprimait dans le contexte de la procédure de l’interrogatoire préalable, cas où les renseignements sont produits ultérieurement au procès, et souvent alors en partie seulement.

 

[218]       Néanmoins, bien que les renseignements figurant dans les pièces de l’affidavit d’Elmaleh n’auraient pas été obtenus normalement à la présente étape et n’auraient certainement pas fait partie du dossier public, aucune des parties n’a soulevé un argument qui, à mes yeux, pourrait justifier de restreindre la faculté des demandeurs d’utiliser les renseignements dans un autre contexte que celui de la présente procédure.

 

[219]       Par conséquent, la demande des demandeurs visant une dispense de l’application de la règle de l’engagement implicite à l’égard des renseignements obtenus en liaison avec l’exécution de l’ordonnance Anton Piller contre Kaytel est rejetée.

 

[220]       Les renseignements obtenus au cours de l’exécution de l’ordonnance Anton Piller à l’encontre de Jacky’s et de Sylnet ainsi que les autres pièces des affidavits produits dans la présente procédure ne sont pas visés par la règle de l’engagement implicite.

 

[221]       Si une partie souhaite présenter des observations au sujet des dispositions de confidentialité de l’ordonnance contenue aux présentes, elle peut le faire par écrit dans un délai de 10 jours suivant la publication de l’ordonnance.

 

7.         Les dommages-intérêts

[222]       Dans les documents de leur requête, Elmaleh et Kaytel ont demandé à la Cour de leur accorder des dommages-intérêts à l’encontre des demandeurs, mais je n’ai pas l’intention de le faire. Il a été reconnu à l’audience que des dommages-intérêts sont réclamés dans la demande reconventionnelle des défendeurs. La question de l’attribution de dommages-intérêts en raison de la présente procédure devra être tranchée par le juge qui entendra l’affaire au fond.

 

[223]       La Cour évaluera les dépens comme elle l’aurait fait autrement et tout montant assumé par les défendeurs pour la défense à l’action, y compris celui de la présente procédure, peut à la convenance des défendeurs être inclus dans le montant qu’ils demandent dans la demande reconventionnelle.

 

8.         Les dépens

[224]       Kaytel et Elmaleh cherchent à obtenir leurs dépens sur la base avocat-client. Il est intéressant de noter que les demandeurs ont également demandé leurs dépens sur la même base.

 

[225]       Selon le projet de mémoire de frais élaboré par les demandeurs en conformité avec la colonne III du tarif B, les débours étant exclus, les dépens taxables de Kaytel et d’Elmaleh se situeraient normalement dans la fourchette de 13 000 $ à 20 000 $, selon le nombre d’unités utilisé. La Cour conclut qu’en raison du volume considérable de la documentation et du nombre des affidavits et des contre-interrogatoires, la présence d’un second avocat était raisonnable et appropriée.

 

[226]       Kaytel et Elmaleh ont produit des copies des états de compte de leur avocat qui totalisent environ 127 000 $ en honoraires avant taxes (débours exclus). Cette somme comprendrait normalement les travaux reliés à la défense et à la demande reconventionnelle déposées par les demandeurs.

 

[227]       Je ne suis pas disposée à accorder le plein montant des dépens sur la base avocat-client, mais j’ai décidé, dans l’exercice des pouvoirs discrétionnaires que me confère l’article 400 des Règles des Cours fédérales, considérant tous les facteurs pertinents, qu’il est approprié de fixer les dépens de Kaytel et Elmaleh au montant forfaitaire de 40 000 $, plus les débours et les indemnités des experts.

 

[228]       J’ajouterais qu’Elmaleh a fait clairement connaître, dès le départ, sa position selon laquelle il n’avait pas signé le document [traduction] « Autorisation de reproduction, déclarations et garanties » daté du 5 mai 2004 et selon laquelle il n’y avait pas eu de tentative de falsification de preuve sur le système informatique de Kaytel, en particulier sur le fait que le mot de passe n’avait pas été changé. Les demandeurs n’ont retiré leurs allégations à cet égard qu’après le dépôt des rapports d’expert des défendeurs. À mon avis, ces coûts auraient pu être évités si les questions avaient été examinées plus tôt.


 

ORDONNANCE

 

LA COUR ORDONNE :

 

1.         La requête des demandeurs est rejetée avec dépens. Les dépens d’Elmaleh et de Kaytel sont fixés au montant forfaitaire de 40 000 $, plus les débours taxables et les indemnités de leurs experts.

 

2.         Tous les articles saisis (originaux et copies) au cours de l’exécution de l’ordonnance Anton Piller contre Kaytel, sauf les éléments de preuve matérielle déposés devant la Cour, seront remis à Kaytel et à Elmaleh.

 

3.         Les éléments de preuve matérielle déposés devant la Cour et tous les renseignements reliés à l’exécution de l’ordonnance Anton Piller contre Kaytel, notamment les documents et pièces suivants (y compris leurs pièces d’accompagnement) :

            a) l’affidavit de David Joanisse signé le 25 octobre 2005;

b) l’affidavit de Cherif Nicolas signé le 26 octobre 2005;

c) l’affidavit supplémentaire de David Joanisse signé le 4 novembre 2005;

d) l’affidavit de David Joanisse signé le 7 novembre 2005;

e) l’affidavit de Jacques Bourdeau signé le 9 décembre 2005;

f) l’affidavit de Jacques Bourdeau signé le 24 février 2006;

g) la transcription du contre-interrogatoire de David Joanisse en date du 9 mars 2006;

h) la transcription du contre-interrogatoire de Jacques Bourdeau en date du 10 mars 2006.

            seront conservés au registre dans des enveloppes scellées portant la mention [traduction] « T-1779-05 – Visé par l’ordonnance de confidentialité datée du 10 mai 2006 ». Toutes les copies en la possession des parties seront considérées comme confidentielles au sens des articles 151 et 152 des Règles des Cours fédérales et ne seront pas utilisées par les parties, ni par aucun de leurs représentants notamment, à une autre fin que celle de la présente requête.

 

 

 

« Johanne Gauthier »

Juge

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

 

Christiane Bélanger, LL.L.

 

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                        T-1779-05

 

INTITULÉ :                                       John Stagliano, Inc. et al.

                                                            c.

Alain Elmaleh et al.

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 Ottawa (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               Le 19 avril 2006

Observations complémentaires en date du 24 avril 2006

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE

ET ORDONNANCE :                       La juge Gauthier

 

DATE DES MOTIFS

ET DE L’ORDONNANCE :             Le 10 mai 2006

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

M. George Karayannides                                                          POUR LES DEMANDEURS

M. Mark Edward Davis

 

M. Serge Segal                                                                         POUR LES DÉFENDEURS

M. Maxime Bourret

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Heenan Blaikie LLP                                                                  POUR LES DEMANDEURS

Toronto (Ontario)

 

 

Segal, Laforest                                                                         POUR LES DÉFENDEURS

Montréal (Québec)

 

 



[1] Affaire n° CV05-6769 WMB (JTLx), entre le demandeur John Stagliano, Inc. et les défendeurs; affaire n° CV05-6711 WMB (JTLx), entre les demandeurs Jules Jordan Video, Inc. et Ashley Gasper et les défendeurs.

[2] Diadem n’a produit aucun dossier attestant des reproductions en 2002. Ouzzan a déclaré qu’Elmaleh l’avait approché et avait approché Sylnet [traduction] « en août 2003 ou vers cette période » au sujet de la reproduction des DVD Evil Angel et Jules Jordan. Il soutient n’avoir jamais servi d’intermédiaire dans la reproduction de ces titres avant ou après cette période.

 

[3] Des autocollants apposés aux matrices de pressage que Diadem aurait utilisées, allègue-t-on, pour la reproduction des DVD et sur lesquels sont imprimés les mots « Sylnet Distribution » portent en impression les dates de juillet et août 2005.

 

[4] Elmaleh a déclaré avoir approché Sylnet en août 2003 ou vers cette date, mais l’avoir fait au sujet de la conversion de titres VHS (à l’égard desquels Elmaleh avait acquis les droits de distribution au Canada) en format DVD et au sujet de la reproduction de DVD déjà reproduits par l’entremise de Sylnet et sur lesquels Kaytel était en rupture de stock.

 

[5]Plus tard, Brunet a déclaré que Diadem avait commencé à traiter directement avec Kaytel [traduction] « vers le printemps de 2004 ».

 

[6] Plus tard, Brunet a déclaré qu’il s’agissait de titres défectueux sur lesquels Diadem avait seulement réalisé des tests. À l’audience sur la présente requête, les demandeurs ont reconnu qu’il était [traduction] « hors de tout doute » que Brunet n’avait pas vendu 64 000 exemplaires de ces titres à Kaytel (cependant, voir ci-dessous le paragraphe 26).

 

[7] S’agissant de ces chiffres (dont Ouzzan a déclaré dans son premier affidavit qu’il les [traduction] « attribuait au hasard » à chaque DVD qu’Elmaleh lui fournissait dans le cadre de la prétendue [traduction] « commande spéciale »), Elmaleh a déclaré dans son premier affidavit que Kaytel n’utilise ces numéros à quatre chiffres que pour son stock de VHS alors que son stock de DVD porte des numéros à cinq chiffres.

 

[8] De manière contradictoire, Ouzzan a déclaré au sujet de la prétendue [traduction] « commande spéciale » d’Elmaleh qu’il envoyait les bandes originales à MMS pour la production des [traduction] « matrices de pressage ».

 

[9] Elmaleh a indiqué que quatre-vingt pour cent du chiffre d’affaires de Kaytel concernaient la reproduction d’œuvres sous licence. Dans le cours de ce commerce, Kaytel a signé des formulaires de « Droits de propriété intellectuelle (DPI) » indiquant le nom de l’œuvre (ainsi que le titre du signataire pour le compte de Kaytel) (voir la pièce A du premier affidavit d’Ouzzan).

 

[10] Elmaleh nie catégoriquement avoir jamais commandé ou reçu quoi que ce soit au nom de Transworld. Il n’y a pas d’élément de preuve concernant la constitution en personne morale de Transworld et les demandeurs ont reconnu n’avoir effectué aucune recherche à ce sujet. Aucun élément de preuve documentaire n’établit qu’Elmaleh participait à ce type d’opérations. Il a été convenu à l’audience sur la présente requête que la Cour devrait présumer pour l’instant que tout paiement ou chèque reçu de Transworld n’avait pas été signé par Elmaleh ni par aucun membre du personnel de Kaytel.

 

[11] Comme il ressort de la déclaration de Brunet, les DVD dont on allègue qu’ils avaient été reproduits par Diadem pour Transworld et envoyés à Kaytel portaient un numéro à quatre chiffres sans le préfixe « KT ».

 

[12] Chris Norman (voir le paragraphe 25 ci-dessous) a déclaré par la suite en contre-interrogatoire que Software Entertainment Ltd. était l’un des distributeurs canadiens licenciés des demandeurs titulaires d’une autorisation de reproduction. Dans son premier affidavit, Elmaleh a affirmé que Kaytel avait acheté de manière licite 30 000 DVD de Software Entertainment Ltd., dont environ 12 000 étaient des titres appartenant aux demandeurs.

 

[13] Précédemment dans sa déclaration, Brunet a fait mention de la reproduction de 12 (au paragraphe 25), de 47 (aux paragraphes 27 et 28), de 5 (au paragraphe 37) et de 8 (au paragraphe 38) titres énumérés.

 

[14] Aucun de ces dossiers n’a été produit et, comme il est indiqué à la note 6 ci-dessus, Brunet a déclaré en               contre-interrogatoire que Diadem n’avait fait que réaliser des tests sur ces titres.

 

[15] Aucun exemplaire des DVD retournés n’a été déposé comme pièce justificative à l’appui de la position des demandeurs.

 

[16] Aucun des quatre DVD qu’on prétend de contrefaçon présentés à la Cour dans le cadre de la requête ne porte d’impression d’un [traduction] « gris terne » rappelant ce collant et Norman a confirmé par la suite que le distributeur canadien licencié actuel des demandeurs n’avait jamais [traduction] « apposé de collants en feuille-or sur le produit EA », à sa connaissance.

 

[17] Norman a plus tard déclaré que la [traduction] « version canadienne » des films des demandeurs [traduction] « pouvait être enregistrée en format DVD-5 ».

 

[18] Norman a expliqué plus tard que [traduction] « le produit piraté était une copie de la version américaine » qui, selon les indications de l’avocat à l’audience de la requête, a une durée d’environ 200 minutes alors que le produit canadien sous licence en a une de 75 minutes. On ne voit pas trop comment les exemplaires  en format DVD-5 de capacité [traduction] « inférieure » produits par Diadem pouvaient comprendre, comme il le faut semble-t-il, le matériel d’une version américaine significativement plus longue.

 

[19] Il n’était pas clair pour la Cour qu’[traduction] « il manqu[ait] [… ] divers contenus » aux DVD EVIL ANGEL présentés qu’on prétend contrefaisants (voir le paragraphe 90 et les paragraphes suivants ci-dessous) et que les systèmes de menus interactifs [traduction] « ne fonctionn[ai]ent pas ».

 

[20] Kaytel est fondamentalement un grossiste (voir le paragraphe 178 ci-dessous).

 

[21] Aucun de ces exemplaires contrefaisants n’a été produit comme pièce.

 

[22] Voir la note 17 ci-dessus.

 

[23] À l’audience sur la présente requête, l’avocat des demandeurs a reconnu qu’aucun élément de preuve ne corroborait l’allégation de blanchiment d’argent visant Elmaleh.

 

[24] À l’audience sur la requête, l’avocat des demandeurs a reconnu que rien n’établit que M. Elmaleh ou l’une de ses sociétés est titulaire de comptes extraterritoriaux.

 

[25] Les demandeurs ont ensuite retiré cette allégation et la Cour accepte le témoignage de l’expert qui établit que ce document ne porte pas la signature d’Elmaleh.

 

[26] Voir la note 10 ci-dessus. L’ordonnance Anton Piller n’a pas été signifiée à Transworld ni exécutée contre elle.

 

[27] Comme l’atteste l’affidavit d’Angus T. MacKinnon.

 

[28] Bien que Norman ait plus tard confirmé que les demandeurs étaient présents chez Kaytel et avaient amené un camion pour prendre les biens saisis, les [traduction] « éléments » saisis dont fait mention l’affidavit de M. Joanisse (énumérés dans les notes de l’huissier annexées à l’affidavit) ne comprenaient que cinq articles ».

[29] M. Joanisse a déclaré dans son premier affidavit qu’Elmaleh avait dit que les casiers de rangement servaient à l’exportation de produits aux É.-U. et que le casier vide avait été vidé quelques jours auparavant. Cependant, dans son affidavit supplémentaire, M. Joanisse a attribué ces observations à Alain Richer, chef d’entrepôt de Kaytel.

 

[30] Par la suite, lors du contre-interrogatoire de Gasper, il y a eu de la confusion sur l’endroit exact chez Kaytel où le DVD « Feeding Frenzy 2 » avait été trouvé et sur la personne qui l’avait trouvé. Gasper a déclaré avoir identifié le DVD à ce moment comme étant un [traduction] « DVD copié […] [p]arce que l’emballage, l’emballage était copié au laser, la maquette, la jaquette insérée du DVD ». Elmaleh a soulevé la possibilité que le DVD puisse avoir été un coup monté et son avocat a laissé entendre que le [traduction] « vidéo [du système de surveillance de Kaytel] le montrait », mais la Cour tire une conclusion négative du fait qu’aucun vidéo de cette nature n’a été produit. La Cour accepte que le DVD a été effectivement trouvé chez Kaytel.

 

[31] Malgré l’allégation portant que Jacky’s était une coquille sous le contrôle complet d’Elmaleh, les demandeurs ont signifié un consentement approprié à l’ordonnance.

 

[32] Au cours de son contre-interrogatoire, Elmaleh a déposé une copie du bail des casiers de rangement. Elle porte en effet la signature de la femme d’Elmaleh, mais est datée du 31 janvier 2005.

 

[33] Voir le paragraphe 24 ci-dessus.

 

 

[34] Les demandeurs n’ont pas contesté le fait que Kaytel avait acheté licitement des titres leur appartenant auprès de leurs distributeurs canadiens licenciés.

 

[35] Présentés comme pièces annexées à cet affidavit et à l’affidavit supplémentaire d’Elmaleh déposé le 16 décembre 2005.

 

[36] Elmaleh nie la chose. Voir la note 4 ci-dessus.

 

[37] Comme on l’a mentionné, cela contredit le souvenir que Brunet en a. Voir la note 8 ci-dessus.

 

[38] Elmaleh conteste les bordereaux d’expédition reliés à cette opération alléguée au motif que les poids qui y sont indiqués ne correspondent pas au poids qui, à son avis, devrait correspondre au contenu allégué. De même, l’un des bordereaux d’expédition mentionne [traduction] « vingt (20) DVDR destinés à servir d’échantillons pour l’évaluation des consommateurs ».

[39] Un grand nombre de ces courriels ne comportent pas les réponses d’Elmaleh, qui a déclaré ne pas se souvenir de les avoir reçus.

 

[40] Ouzzan a déclaré que le prix de la [traduction] « commande spéciale » de Kaytel était de 0,80 $ le DVD. Cependant, le prix facturé par Diadem à Sylnet était de 0,885 $. Elmaleh prétend qu’il n’a jamais payé moins que 0,93 $ (sauf pour la répétition de vieilles commandes). Elmaleh a contesté la véracité de ces documents en s’appuyant sur les incohérences dans les dates contenues dans les lignes d’ouverture des télécopies. La réponse d’Ouzzan était que [traduction] « la télécopieuse de Diadem n’était pas réglée, semble-t-il, pour refléter la bonne date d’envoi des télécopies ».

 

[41] Deux de ces DVD ont été fournis à la Cour, à sa demande, à l’audience sur la présente requête. Le troisième DVD a été rendu disponible à la Cour après l’audience sur  la requête, comme la Cour l’avait demandé et comme il avait été convenu à l’audience.

 

[42] Ces DVD n’ont pas été fournis à la Cour. De même, Gasper n’a pas indiqué s’ils portaient des numéros « KT » ou l’un des autres codes mentionnés dans l’affidavit de Brunet. Contre-interrogé, il a dit qu’ils provenaient tous du même [traduction] « lot ». On ne sait pas clairement si ce « lot » inclut les DVD énumérés aux alinéas 21 e), g) et i) de son affidavit.

 

[43] Elmaleh a déclaré sous serment avoir vendu dans la pratique normale de son commerce plusieurs milliers de DVD EVIL ANGEL tant aux États-Unis qu’en Europe, qu’il avait acquis, a-t-il déclaré, de distributeurs autorisés au Canada et en Europe. Des éléments de preuve ont été produits à l’appui de ces allégations.

 

[44] Par la suite, en contre-interrogatoire, Brunet a reconnu n’avoir fait aucune vérification de ce point avec Mme Charbonneau. Le document télécopié ne porte pas de ligne d’ouverture imprimée. Elmaleh a déclaré que Kaytel n’avait jamais télécopié ce document à Diadem en mai 2004 et il a produit la facture de son fournisseur de service visant les télécopies envoyées ce mois-là.

 

[45] Kaytel a déposé le rapport d’un expert, Robert Castonguay, vice-président et directeur national de Forensic Technology Services chez KMPG, qui conteste les déclarations de Bourdeau au sujet de la [traduction] « falsification de preuve » relative au système informatique de Kaytel.

[46] Elmaleh a déclaré que ce film avait été acheté légalement du distributeur canadien licencié des demandeurs. Elmaleh a produit un exemplaire de la facture du distributeur, qui fait mention du titre du film.

 

[47] Il semble que les autorités provinciales autorisent préalablement la vente de ces films. Elmaleh a indiqué dans un contexte différent avoir inscrit plusieurs milliers de titres auprès des autorités provinciales.

[48] Il y a peu d’éléments de preuve sur l’usage de cette marque de commerce au Canada. Dans son affidavit, Norman a simplement fait référence au fait que les [traduction] « [v]entes annuelles des Productions EA au Canada en 2004 étaient d’environ 400 000,00 $US ».

 

[49] La Cour s’interroge notamment sur l’authenticité de la facture n° 028 de Jacky’s mentionnée au paragraphe 33 de l’affidavit de Norman. Norman a reconnu que cette facture, qu’Elmaleh allègue être un faux, est le [traduction] « seul cas dont il ait eu directement connaissance » de ventes faites par Kaytel en Californie.

[50] Au cours de son contre-interrogatoire, Gasper a indiqué qu’il n’avait aucune idée du nombre de retours dans les dernières années (de 2002 à 2005) et, dans sa réponse au sujet d’un engagement sur cette question, il a noté qu’il n’avait accès qu’à des renseignements partiels à ce sujet. Il a déclaré que ces renseignements pouvaient [traduction] « être connus d’Evil Angel ».

 

[51] Il faut noter que les divers titres dans ce paragraphe comprennent aussi une référence à un numéro à quatre chiffres portant le préfixe « BID ». Ce code n’est expliqué nulle part et il n’y a pas d’élément de preuve établissant qu’il peut être relié à une commande passée pour l’un ou l’autre des défendeurs.

 

[52] Quand on lui a demandé si les demandeurs allèguent que Kaytel et Elmaleh vendent toujours ces produits de contrefaçon, Gasper a simplement répondu [traduction] « c’est possible ».

 

[53] Ouzzan a déclaré qu’Elmaleh lui avait dit, [traduction] « [v]ers la fin de 2003 », qu’Elmaleh  « avait maintenant une relation avec un presseur aux États-Unis […] et qu’à partir de maintenant, il lui enverrait tous ses travaux de reproduction ». Toutefois, il est clairement établi qu’au moment où Elmaleh et Kaytel ont cessé d’utiliser Sylnet, c’était en vue de faire affaire directement avec Diadem en réponse à la demande de Brunet lui-même.

54 Gasper a pris l’engagement de déposer les états financiers pertinents, mais ne l’a pas fait, peut-on penser, en raison d’une question de confidentialité.

 

 

[55] Il n’y a pas d’élément de preuve direct sur la durée de la version européenne de ces films, mais il semble n’y avoir aucune censure en place susceptible d’entraîner une version abrégée. Il n’y a donc aucune raison de croire que ces films ne sont pas identiques à la version américaine.

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