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Date : 20190924


Dossier : T‑2190‑18

Référence : 2019 CF 1224

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 24 septembre 2019

En présence de madame la juge Fuhrer

ENTRE :

AAREN JAGADEESH

demandeur

et

Banque Canadienne Impériale de Commerce (CIBC)

défenderesse

JUGEMENT ET MOTIFS

I.  Introduction

[1]  La Cour est saisie d’une demande de contrôle judiciaire de la décision du 21 novembre 2018 par laquelle la Commission canadienne des droits de la personne (la « Commission » ou la « CCDP ») a rejeté la plainte de discrimination du demandeur contre la Banque Canadienne Impériale de Commerce (la « CIBC ») en application du sous‑alinéa 44(3)b)(i) de la Loi canadienne sur les droits de la personne, LRC 1985, c H‑6 (la « LCDP »). La Commission a décidé que l’examen de la plainte n’était pas justifié et a refusé de renvoyer celle‑ci au Tribunal canadien des droits de la personne.

[2]  Pour les motifs qui suivent, la présente demande de contrôle judiciaire est accueillie et l’affaire est renvoyée à la Commission pour qu’une nouvelle enquête soit menée par un autre enquêteur et pour qu’elle rende une nouvelle décision.

II.  Le contexte

A.  La plainte à la CCDP

[3]  Le 21 avril 2017, le demandeur, M. Jagadeesh, a déposé une plainte auprès de la CCDP. Il alléguait avoir été victime de discrimination de la part de la CIBC en raison de son handicap et de son orientation sexuelle, ce qui a entraîné son congédiement le 10 mai 2016.

(1)  Orientation sexuelle

[4]  M. Jagadeesh a allégué qu’il avait eu une rencontre individuelle le 15 septembre 2015 avec son gestionnaire et chef d’équipe de l’époque, M. Anoop Jayagopal, pour discuter de ses préoccupations médicales et de ses compétences. Pendant la rencontre, M. Jayagopal a dit à M. Jagadeesh qu’à moins qu’il se joigne à leur [traduction] « groupe », il n’y avait [traduction] « aucun espoir » pour lui. M. Jayagopal a expliqué que tous les gestionnaires masculins de son bureau et du siège social étaient soit gais, soit bisexuels, et il a informé M. Jagadeesh que c’était la raison pour laquelle de jeunes employés peu qualifiés étaient promus. Il a indiqué que M. Jagadeesh devait [traduction] « être futé et apprendre ». Il aurait ensuite demandé à M. Jagadeesh ce qu’il pensait de lui. M. Jagadeesh a répondu qu’il le considérait simplement comme son gestionnaire; il était prêt à travailler avec n’importe qui à n’importe quel moment, mais il n’était ni gai ni bisexuel. M. Jayagopal aurait demandé à M. Jagadeesh de ne jamais discuter de leur conversation avec qui que ce soit.

[5]  Selon M. Jagadeesh, la rencontre susmentionnée était la raison principale de la discrimination envers lui, et il a expliqué pourquoi, malgré ses compétences, son expérience et son excellent rendement, on lui a refusé des mesures d’adaptation en milieu de travail pour son handicap et on ne lui a offert aucun autre poste. Il a conclu en déclarant que cela contribuait à augmenter son stress psychologique et à compromettre sa dignité personnelle. M. Jagadeesh a demandé sa réintégration dans un poste convenable qui correspond à ses compétences et à son expérience, avec paiement rétroactif du salaire et des avantages sociaux, ainsi qu’une indemnité pécuniaire.

(2)  Handicap

[6]  M. Jagadeesh a expliqué que son travail consistait à appeler chaque jour de 60 à 70 clients pour leur vendre des produits, ce qui l’obligeait à lire de quatre à six pages d’information sur les produits et des divulgations juridiques. La CIBC a évalué son rendement, et donc sa capacité de recevoir des primes, en mesurant deux paramètres, soit le temps d’attente (le temps entre les appels qui doit être inférieur à 30 secondes) et les objectifs de conformité (les téléphonistes doivent consacrer 96 % et plus du temps de leur quart de travail à effectuer des appels). Il a aussi expliqué qu’en raison de plusieurs mois d’appels sortants continus dans un environnement très stressant, il a commencé à éprouver de graves douleurs à la gorge et aux cordes vocales. M. Jagadeesh a allégué que son médecin de famille (le Dr Greenwood) lui avait recommandé de modifier ses tâches, y compris de s’abstenir de parler au téléphone, pour soulager sa douleur.

[7]  M. Jagadeesh a également allégué que, malgré la recommandation de son propre médecin et malgré ses compétences, son expérience et son excellent rendement, la CIBC a refusé de l’accommoder en lui offrant un autre poste. Son directeur principal lui a plutôt demandé de prendre un congé d’invalidité de courte durée (ICD). La CIBC l’a renvoyé au médecin de l’entreprise, le Dr Brown, qui l’a ensuite renvoyé à un spécialiste, le Dr Hands. Le 29 juin 2015, le Dr Hands a conclu que M. Jagadeesh souffrait de [traduction] « dysphonie de tension musculaire » et a avisé son employeur qu’il avait besoin de mesures d’adaptation, y compris des pauses de santé régulières, pour se rétablir au maximum.

[8]  M. Jagadeesh a affirmé que la CIBC a commencé à faire preuve de discrimination envers lui peu après le diagnostic du spécialiste. Entre autres, son salaire de base a été réduit et il n’a reçu aucune prime à la vente ni prime annuelle dans le cadre de ce système d’évaluation type, car son handicap l’obligeait à prendre des pauses de santé essentielles, ce que ni ses statistiques quotidiennes ni ses gestionnaires n’ont pris en compte.

[9]  M. Jagadeesh a allégué que divers gestionnaires de la CIBC le surveillaient constamment pour s’assurer qu’il ne parlait jamais de son handicap avec ses collègues. M. Jagadeesh a également allégué que ses gestionnaires (MM. Chartier et Kirkwood) avaient désactivé sa carte alors qu’il était encore employé (ce qui coïncidait avec son retour de congé d’ICD), ont menacé de lui imposer des mesures disciplinaires (y compris des réductions de salaire) s’il continuait de prendre des pauses de santé, ont manipulé ses statistiques sur son rendement quotidien, lui ont demandé de signer des lettres d’avertissement et des documents disciplinaires et ont retardé sa paie après qu’il soit revenu à son statut actif après son congé d’ICD.

[10]  M. Jagadeesh a également allégué qu’au moment de son congédiement, la CIBC a informé Service Canada, au moyen de son relevé d’emploi, qu’il avait été congédié avant la fin de la période de probation, et non à titre d’employé à temps plein. Cela signifiait qu’il n’était admissible à aucun programme d’assurance‑emploi de l’Ontario. Il a également allégué que la CIBC ne lui avait jamais donné de lettre de recommandation; il n’a donc pas été en mesure de se trouver un autre emploi malgré ses compétences et son expérience.

[11]  Enfin, M. Jagadeesh a expliqué qu’en raison de son congédiement, il a perdu tous ses avantages sociaux, y compris l’assurance‑maladie, l’assurance‑vie, le régime de retraite, les options d’achat d’actions et les rabais aux employés. Il a ajouté qu’il n’a jamais reçu d’indemnité de départ ni d’indemnité de retraite.

B.  L’enquête et le rapport de la CCDP

[12]  Le 24 avril 2017, la CCDP a accepté la plainte de M. Jagadeesh pour qu’elle fasse l’objet d’une enquête. L’enquêteuse désignée a mené son enquête du 26 juillet 2017 au 31 juillet 2018. Elle a publié son rapport le 1er août 2018 (le « rapport d’enquête »). Pour préparer le rapport d’enquête, l’enquêteuse a tenu compte de la plainte initiale et des observations supplémentaires de M. Jagadeesh (qu’elle appelle sa [traduction] « contre‑preuve ») et de tous les éléments de preuve documentaires présentés au cours de l’enquête. L’enquêteuse a également interrogé M. Jagadeesh et d’autres employés concernés de la CIBC, à l’exception du gestionnaire de M. Jagadeesh, M. Anoop Jayagopal, qui était en [traduction] « congé prolongé ». Les autres employés interrogés étaient : le Dr David Brown (médecin de la CIBC), M. Alain Chartier (gestionnaire principal de la CIBC), M. Li Kirkwood (gestionnaire principal de la CIBC), Mme Sonia Sahota (chef d’équipe) et Mme Jennifer Savage (partenaire d’affaires des RH).

[13]  L’enquêteuse a pris note des allégations de discrimination de M. Jagadeesh fondées sur son orientation sexuelle, mais a refusé de mener une enquête plus approfondie :

[traduction]

À part ses sentiments à cet égard, le plaignant n’a fourni aucun autre élément de preuve à l’appui de ses allégations selon lesquelles la défenderesse l’a traité de façon discriminatoire dans le cadre de son emploi en raison de son orientation sexuelle. Sans preuve supplémentaire pour étayer les allégations du plaignant à cet égard, je ne peux raisonnablement inférer que le traitement défavorable dont il aurait été victime est lié à son orientation sexuelle.

[14]  L’enquêteuse fait remarquer que, dans sa contre‑preuve, M. Jagadeesh a allégué que des employés moins expérimentés avaient reçu des promotions, des récompenses et des faveurs parce qu’ils avaient été exploités sexuellement et que, pour cette raison, sa candidature n’avait jamais été considérée pour d’autres emplois. L’enquêteuse a conclu qu’elle n’était pas en mesure d’enquêter sur ces allégations, car celles‑ci ne figuraient pas dans son formulaire de plainte : Manfoumbimouity c Canada (Procureur général), 2016 CF 988 [Manfoumbimouity].

[15]  L’enquêteuse a ensuite examiné les allégations de discrimination de M. Jagadeesh fondées sur son handicap. Elle a résumé le parcours professionnel de M. Jagadeesh, puis a poursuivi son analyse et a constaté ce qui suit :

  • - M. Jagadeesh a travaillé comme représentant des services financiers au Centre de contact externe de la CIBC;

  • - M. Jagadeesh a commencé son congé d’ICD le 7 mars 2015. Il a touché 100 % de son salaire jusqu’au 1er mai 2015. Par la suite, il a reçu des prestations à 75 % de son salaire jusqu’à son retour au travail à temps plein. En plus de recevoir des prestations d’ICD, M. Jagadeesh a travaillé à temps partiel;

  • - M. Jagadeesh est retourné au travail à temps plein le 18 septembre 2015;

  • - La CIBC a mis fin à l’emploi de M. Jagadeesh le 9 mai 2016.

[16]  L’enquêteuse a résumé les positions des parties, la preuve des témoins et la preuve documentaire applicable. Elle a conclu que la preuve démontrait que le traitement défavorable avait eu lieu et qu’il était manifestement lié à son handicap. Elle a également conclu que M. Jagadeesh avait indiqué avoir besoin de mesures d’adaptation et énoncé ces besoins, et qu’il avait également collaboré à la recherche de mesures d’adaptation jusqu’en septembre 2015. Elle a souligné que la CIBC avait pris des mesures d’adaptation sous forme de congés et de prestations d’ICD, de micropauses, d’heures réduites et de tâches modifiées, comme l’exigeait la preuve médicale, du 7 mars au 17 septembre 2015. Elle a toutefois conclu que rien ne démontrait que M. Jagadeesh, malgré ses affirmations, avait besoin d’occuper un autre poste avant septembre 2015 comme mesures d’adaptation. Elle a également conclu que M. Jagadeesh avait accepté de prendre un congé d’ICD entre février et septembre 2015. Elle a clairement indiqué que les parties ne s’entendaient pas sur la nature des mesures d’adaptation requises après le retour de M. Jagadeesh au travail à temps plein en septembre 2015. Elle a toutefois conclu que les éléments de preuve médicaux et d’autre nature étayaient la position de la CIBC selon laquelle M. Jagadeesh n’avait pas besoin de mesures d’adaptation pour occuper un emploi à temps plein après septembre 2015. Elle a également constaté que la CIBC était disposée à répondre aux demandes d’accommodement futures tant que M. Jagadeesh fournissait des renseignements supplémentaires à l’appui.

[17]  Après avoir examiné les relevés d’emploi (les « RE ») et les codes informatiques applicables, en plus des positions des parties et de la preuve des témoins, l’enquêteuse a conclu que, bien qu’il y ait eu des erreurs administratives dans les RE liées au congé d’ICD de M. Jagadeesh, ce dernier n’en avait subi aucune conséquence négative. Elle a conclu que la désactivation de sa carte d’identité était également une erreur liée à son congé d’ICD et qu’il avait continué d’être payé à son salaire normal malgré certaines erreurs dans les RE. Elle a conclu que la CIBC avait utilisé le bon code informatique pour le congédiement (c.‑à‑d. le code M), malgré la mention selon laquelle le congédiement avait eu lieu avant la fin de la période de probation.

[18]  L’enquêteuse a ensuite conclu que M. Jagadeesh n’avait fourni aucune preuve précise à l’appui de son allégation selon laquelle la défenderesse avait délibérément omis de consigner son travail [traduction] « non téléphonique », de sorte qu’elle a manipulé ses statistiques sur le rendement, ce qui a donné lieu à des mesures disciplinaires et au congédiement. Elle a plutôt conclu que ce sont les propres actions de M. Jagadeesh (comme son défaut de fournir des codes d’exception à son gestionnaire pour tenir compte du temps passé loin du téléphone) qui ont nui à ses statistiques. Elle a fondé cette conclusion sur les témoignages suivants, qu’elle a résumés dans le rapport d’enquête :

[traduction]

76.  M. Chartier déclare que si les employés fournissent un code d’exception à leur gestionnaire pour tenir compte du temps passé loin du téléphone, ce temps n’a pas d’incidence sur leurs statistiques de conformité (pourcentage du temps pendant lequel la défenderesse exige que les employés soient au téléphone). M. Chartier déclare que si les employés ne fournissent pas de code d’exception à leur gestionnaire pour tenir compte du temps passé loin du téléphone, cela a une incidence sur leurs statistiques de conformité parce que le système de la défenderesse ne prévoit rien pour expliquer pourquoi l’employé n’était pas au téléphone et ne met pas à jour la disponibilité de l’employé à cet égard.

77.  M. Chartier déclare qu’après que le gestionnaire de l’équipe du plaignant et lui‑même ont expliqué au plaignant que les codes d’exception pour le temps passé loin du téléphone pour des pauses ont eu des conséquences sur sa paie (c.‑à‑d. que la défenderesse ne l’a pas payé pour ce temps), le plaignant a commencé à ne plus déclarer ces codes à son gestionnaire aussi souvent. Par conséquent, cela a eu une incidence sur les statistiques de conformité du plaignant parce que le système de la défenderesse ne pouvait pas tenir compte du temps passé loin du téléphone.

78.  Mme Sonia Sahota, chef d’équipe, réitère la position de M. Chartier. Mme Sahota affirme que lorsqu’elle a rencontré le plaignant le 15 avril 2016 pour discuter du fait qu’il n’atteignait pas ses objectifs de rendement, le plaignant a indiqué qu’il prenait des micropauses après avoir [traduction] « terminé » les appels et qu’il ne les signalait pas. Mme Sahota affirme que le plaignant a dit qu’il estimait que la défenderesse « lui devait » cela.

[19]  Enfin, l’enquêteuse a réitéré les principaux points soulevés durant l’enquête, à savoir :

  • 1. M. Jagadeesh n’a pas fourni suffisamment d’éléments de preuve à l’appui de ses allégations de discrimination fondée sur son orientation sexuelle pour justifier une enquête supplémentaire.

  • 2. La preuve démontrait que la CIBC avait pris des mesures d’adaptation à l’égard de M. Jagadeesh en raison de son handicap, c’est‑à‑dire qu’il avait bénéficié d’un congé et de prestations d’ICD et que ses tâches avaient été modifiées aussi longtemps que cela avait été médicalement nécessaire.

  • 3. Les différentes erreurs administratives n’ont pas eu de conséquences négatives sur M. Jagadeesh.

  • 4. La preuve ne démontrait pas que les statistiques sur le rendement de M. Jagadeesh avaient été manipulées.

[20]  Les parties ont toutes deux reçu une copie du rapport d’enquête et se sont vu accorder la possibilité d’y répondre.

Les observations en réponse de M. Jagadeesh

[21]  M. Jagadeesh a répondu au rapport d’enquête le 24 août 2018, affirmant qu’il [traduction] « ne souscrivait en aucun cas au rapport, non seulement à l’ensemble du contenu du rapport, mais aussi à la façon dont l’enquêteuse a tenté d’induire l’honorable Commission en erreur ». Dans sa réponse, il a fait expressément référence aux documents mentionnés dans les observations supplémentaires qu’il a présentées en contre‑preuve à l’enquêteuse en marge de la plainte officielle.

(1)  Orientation sexuelle

[22]  M. Jagadeesh a contesté le sommaire en couverture du rapport d’enquête, qui indiquait seulement que le motif de discrimination alléguée était son « handicap ». Il était d’avis que le résumé devait également faire référence à son « orientation sexuelle » compte tenu de son témoignage contre M. Anoop Jayagopal.

[23]  Selon M. Jagadeesh, l’enquêteuse a décidé de ne pas considérer l’« orientation sexuelle » comme un motif valable en ne faisant référence qu’à des renseignements triés sur le volet, ce qui lui a permis de rejeter sa plainte. Selon lui, l’enquêteuse a agi ainsi pour dresser un portait erroné de la situation et rejeter certaines parties de sa plainte. Par exemple, M. Jagadeesh affirme ce qui suit (caractères gras ajoutés) :

[traduction]

B5)  Au point 2 du rapport d’enquête, l’enquêteuse retire toutes les « expressions clés » importantes du point 1 (de ma plainte – rencontre avec mon gestionnaire, M. Jayagopal) liées à l’orientation/l’exploitation sexuelle, aux emplois et aux « promotions » offertes aux employés qui ont très peu de compétences. En tapant seulement « l’essentiel du paragraphe avec des expressions sélectionnées », l’enquêteuse a induit la Commission en erreur. En même temps, l’enquêteuse utilise intelligemment ces « expressions clés » manquantes aux points 5, 6 et 7 du rapport d’enquête pour prétendre faussement qu’elles n’ont jamais existé dans la plainte et qu’il s’agit d’allégations entièrement nouvelles. Incroyable!

[...]

B11)  Comme le montrent les sections A et B (tous les points), l’enquêteuse réussit à se débarrasser de plus de quatre‑vingt‑dix pour cent (90 %) de ma plainte de discrimination en un seul bloc dès la page 2. L’analyse des points à partir de la page 3 devient inutile, puisqu’à partir de là, l’enquêteuse examine seulement une « très petite partie de la discrimination exercée contre moi (demande pour occuper un autre poste) » et, encore une fois, induit la Commission en erreur en limitant la discrimination que j’ai subie jusqu’en septembre 2015 seulement. L’enquêteuse admet que la discrimination contre moi s’est poursuivie jusqu’à ma cessation d’emploi, et « comme dans ma plainte », le harcèlement (de la part de la CIBC) s’est poursuivi même après ma cessation d’emploi. ***Réf. : [F] Enfin, l’enquêteuse rejette l’ensemble de ma plainte, qui était valide, honnête et fondée sur une preuve complète. ***Réf. : [C7 et C8]

[24]  M. Jagadeesh a également contesté le refus de l’enquêteuse d’examiner la question de savoir s’il n’avait pas reçu de promotions ou d’avancement en raison d’une discrimination fondée sur son orientation sexuelle, déclarant que cette question faisait partie de sa plainte et que, par conséquent, elle aurait dû être prise en considération (caractères gras ajoutés) :

[traduction]

B10)  Aux points 5 et 6 du rapport d’enquête, l’enquêteuse combine deux questions importantes de ma plainte et crée des déclarations déroutantes. « Exploitation sexuelle à la CIBC » et « 14 emplois... » Après avoir fait tout le travail trompeur décrit ci‑dessus (dans B5), l’enquêteuse déclare au point 7 du rapport d’enquête qu’il s’agit de nouvelles allégations et qu’elles ne figuraient pas dans la plainte (même si elles sont clairement visibles dans ma plainte)! Compte tenu de cette hypothèse farfelue, l’enquêteuse décide de ne pas traiter de deux questions importantes de ma plainte.

[25]  M. Jagadeesh a en outre expliqué qu’il a fourni des éléments de preuve documentaires supplémentaires dans sa contre‑preuve et a fait valoir que ces éléments de preuve (courriels, lettres, talons de paie, observations sur sa carrière, rapports médicaux et RE) établissaient un lien suffisant entre sa plainte et la discrimination qu’il a subie. M. Jagadeesh a précisé que la discrimination qu’il a décrite dans son formulaire de plainte découlait de la discrimination fondée tant sur son handicap que sur son orientation sexuelle. Par conséquent, l’enquêteuse aurait dû examiner les deux motifs de discrimination allégués. Il a aussi mentionné des pages précises de sa contre‑preuve de 102 pages à titre de preuve. Fait à noter, il n’a pas présenté de nouveau la preuve présentée en contre‑preuve dans sa réponse, mais il a expliqué que la CCDP avait la preuve en sa possession.

[26]  M. Jagadeesh a également allégué qu’il avait entendu des collègues discuter ouvertement de [traduction] « SEXE pour obtenir une promotion, [de] SEXE pour obtenir des prix et de la reconnaissance, [de] SEXE pour obtenir des faveurs, etc. », mais il n’était pas attentif avant sa rencontre avec son gestionnaire, M. Jayagopal. De l’avis de M. Jagadeesh, de nombreux employés, surtout les moins expérimentés, sont exploités sexuellement par les cadres supérieurs et les gestionnaires.

(2)  Handicap

[27]  M. Jagadeesh a contesté les conclusions de l’enquêteuse concernant l’absence de discrimination fondée sur son handicap. Il a commencé par expliquer en détail que la CIBC n’avait pas tenu compte de sa candidature pour plusieurs autres postes pour lesquels il croyait être qualifié en raison, selon lui, de son handicap. Il a fait état des courriels dans sa contre‑preuve qui, selon lui, démontraient que la justification de la CIBC pour ne pas l’embaucher était fondée sur des renseignements erronés (c.‑à‑d. qu’il n’était pas admissible comme candidat interne, alors qu’il l’était). Il a allégué que ces erreurs avaient été commises intentionnellement dans ses RE en raison d’une discrimination envers lui. Il a soutenu que l’enquêteuse a commis une erreur en ne tenant pas compte du fait qu’il n’avait pas été embauché pour d’autres postes dans les circonstances, car cette question avait été abordée dans sa plainte initiale :

[traduction]

E3)  Maintenant, l’enquêteuse « contredit mes allégations dans ma plainte initiale, ainsi que la défenderesse CIBC » et affirme que la société n’a jamais inclus 14 emplois postulés et qu’il s’agit d’une nouvelle allégation. C’est ainsi que l’enquêteuse manque de sincérité et induit en erreur la CCDP ainsi que les lecteurs du rapport.

[28]  M. Jagadeesh a répété que les pratiques de travail de la CIBC sont responsables de son handicap, que les différents médecins ont recommandé des mesures d’adaptation et que ses gestionnaires ont plutôt manipulé ses statistiques de rendement en ne tenant pas compte de la nécessité de ces mesures d’adaptation. Il a aussi réitéré les répercussions que son congédiement a eues sur sa vie et les réparations qu’il a demandées.

C.  Les observations en réponse de la CIBC

[29]  Le 21 septembre 2018, la CIBC a répondu au rapport d’enquête et aux observations en réponse de M. Jagadeesh. La CIBC a fait valoir que l’enquêteuse n’avait aucune raison d’induire la Commission en erreur et que M. Jagadeesh n’avait fourni aucune preuve du contraire. La CIBC a accepté la conclusion de l’enquêteuse selon laquelle rien n’établissait un lien entre le traitement défavorable qu’il aurait subi et son orientation sexuelle. Par conséquent, la CIBC a convenu que l’enquêteuse n’était pas tenue de mener une enquête plus exhaustive à ce sujet.

[30]  La CIBC a également convenu que l’enquêteuse avait correctement exclu, au motif qu’elles ne figuraient pas dans la plainte initiale, les allégations de M. Jagadeesh selon lesquelles : (1) les employés étaient exploités sexuellement en échange de promotions, de récompenses, de reconnaissance ou de faveurs; et (2) la CIBC n’a pas tenu compte de la candidature de M. Jagadeesh pour d’autres postes. De plus, la CIBC a fait valoir que, même si on concluait que ces questions faisaient partie de la plainte initiale, M. Jagadeesh n’avait fourni aucune preuve démontrant que sa candidature n’avait pas été prise en considération pour d’autres postes en raison d’une discrimination envers lui. La CIBC a plutôt soutenu que M. Jagadeesh n’était tout simplement pas qualifié et qu’il s’agissait d’une autre explication raisonnable.

III.  La décision faisant l’objet du contrôle

[31]  Le 21 novembre 2018, la Commission a informé M. Jagadeesh de sa décision au moyen d’une lettre :

[traduction]

Avant de rendre sa décision, la Commission a examiné le rapport qui vous avait été communiqué précédemment ainsi que les observations déposées en réponse au rapport. Après avoir examiné ces renseignements, la Commission a décidé, en application du sous‑alinéa 44(3)b)(i) de la Loi canadienne sur les droits de la personne, de rejeter la plainte au motif que, compte tenu des circonstances relatives à la plainte, l’examen de celle‑ci n’est pas justifié.

[32]  La Commission n’a fourni aucun autre motif et a déclaré que [traduction] « le dossier de cette affaire est maintenant clos ».

IV.  Les questions en litige

  • A. Question préliminaire : L’affidavit de M. Jagadeesh est‑il admissible?

  • B. Quelle est la norme de contrôle applicable?

  • C. L’enquête et la décision de la CCDP étaient‑elles équitables sur le plan procédural?

  • D. La décision de la CCDP était‑elle raisonnable?

V.  Les dispositions applicables

[33]  La discrimination fondée sur l’orientation sexuelle et la déficience sont deux motifs de distinction illicite : Loi canadienne sur les droits de la personne, LRC 1985, c H‑6 [la LCDP], par. 3(1).

[34]  Il est discriminatoire d’utiliser des moyens directs ou indirects pour défavoriser un employé en cours d’emploi : LCDP, al. 7b).

[35]  Toute personne qui a des motifs raisonnables de croire qu’une personne a commis un acte discriminatoire peut déposer une plainte devant la CCDP : LCDP, par. 40(1).

[36]  La Commission statue sur toute plainte dont elle est saisie, à moins qu’elle n’estime qu’elle relève de l’un des motifs exclus : LCDP, par. 41(1).

[37]  L’enquêteur doit fournir un rapport résumant les résultats de son enquête. C’est aussi ce qu’on appelle communément le « rapport fondé sur les articles 40 et 41 » : LCDP, par. 44(1).

[38]  La Commission peut rejeter une plainte si elle estime que l’examen de celle‑ci n’est pas justifié : LCDP, sous‑al. 44(3)b)(i).

VI.  Analyse

A.  L’affidavit de M. Jagadeesh est‑il admissible?

[39]  M. Jagadeesh a déposé un affidavit daté du 6 février 2019 avec sa demande de contrôle judiciaire. Dans son affidavit, il clarifie la portée de sa plainte à la Commission, et il réitère et explique plus en détail les motifs et le contexte de sa plainte. Il soutient en outre que l’enquêteuse et, par conséquent, le rapport d’enquête, étaient biaisés et que la Commission n’a pas examiné la totalité de sa demande et des éléments de preuve à l’appui.

[40]  Il joint également plusieurs pièces documentaires, notamment :

  • a) la lettre du Dr Brown;

  • b) le courriel de vérification préalable à l’emploi de la CIBC;

  • c) les courriels de septembre 2015 entre M. Jagadeesh et la CIBC;

  • d) le dernier talon de paie de M. Jagadeesh;

  • e) une copie de la lettre d’avertissement secondaire de la CIBC;

  • f) la lettre de congédiement de M. Jagadeesh;

  • g) les relevés d’emploi remis à M. Jagadeesh par la CIBC.

[41]  Les contrôles judiciaires se limitent habituellement aux documents versés au dossier dont dispose le décideur : Association des universités et collèges du Canada c Canadian Copyright Licensing Agency (Access Copyright), 2012 CAF 22 [Association des universités et collèges], au par. 19; Bernard c Canada (Agence du revenu), 2015 CAF 263, au par. 17. Il existe toutefois des exceptions lorsque les documents aident la Cour à comprendre les circonstances générales du contrôle judiciaire, lorsqu’ils sont pertinents pour une question d’équité procédurale ou de justice naturelle, ou lorsque les documents soulignent une absence totale de preuve devant le décideur au moment de rendre sa propre décision : Association des universités et collèges, précité, au par. 20.

[42]  J’estime que le contenu de l’affidavit de M. Jagadeesh ne correspond à aucune des catégories exceptionnelles susmentionnées. M. Jagadeesh considère son affidavit comme un moyen supplémentaire de présenter des observations. Toutefois, étant donné que la CCDP a adopté le rapport d’enquête (parfois aussi appelé rapport fondé sur les articles 40 et 41) comme s’il s’agissait de ses propres motifs et que l’enquêteuse disposait des pièces, j’admets les pièces, mais seulement dans la mesure nécessaire pour examiner l’exhaustivité et le caractère raisonnable sous‑jacents des conclusions de l’enquêteuse.

B.  Quelle est la norme de contrôle applicable?

(1)  Les observations de M. Jagadeesh

[43]  M. Jagadeesh soutient qu’il y a huit questions à examiner, qu’il divise en deux catégories. La catégorie 1 est assujettie à la norme de la décision correcte. Il s’agit notamment d’examiner la question de savoir si : a) l’enquête a été équitable sur le plan procédural; b) l’enquête n’était pas biaisée; c) la Commission n’a pas tenu compte de la partialité de l’enquêteuse; d) la Commission était biaisée simplement en faisant sien le rapport d’enquête; e) et f) la Commission a commis une erreur de droit et a agi à l’encontre de la loi. La catégorie 2 est assujettie à la norme de la décision raisonnable. Il s’agit notamment d’examiner la question de savoir si : g) l’enquêteuse et la Commission ont fondé leurs décisions sur des conclusions erronées de fait ou mixtes de fait et de droit, ou si elles ont tiré des inférences déraisonnables; et h) la Commission a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée.

(2)  Les observations de la CIBC

[44]  La CIBC affirme que la norme de contrôle applicable pour évaluer la décision de la CCDP de procéder ou non à un examen est celle de la décision raisonnable. La CIBC explique que le rôle de la Commission est comparable à celui d’un juge qui préside une enquête préliminaire : Cooper c Canada (Commission des droits de la personne), [1996] 3 RCS 854, au par. 53; Tutty c Canada (Procureur général), 2011 CF 57 [Tutty], au par. 12. La CIBC explique en outre que la Commission dispose d’un vaste pouvoir discrétionnaire pour déterminer si une enquête plus poussée est justifiée : Halifax (Regional Municipality) c Nouvelle‑Écosse (Human Rights Commission), 2012 CSC 10, aux par. 19-21; Keith c Canada (Service correctionnel), 2012 CAF 117, au par. 43; Hughes c Canada (Procureur général), 2010 CF 837 [Hughes], au par. 33.

[45]  La CIBC convient que les questions d’équité procédurale et de partialité doivent faire l’objet d’un contrôle selon la norme de la décision correcte, mais soutient qu’elles doivent être évaluées en fonction du contexte de la procédure elle‑même : Best c Canada (Procureur général), 2011 CF 71, au par. 16.

(3)  Analyse

[46]  Les questions relatives à l’équité procédurale doivent être examinées selon la norme de la décision correcte : Canada (Citoyenneté et Immigration) c Khosa, 2009 CSC 12, aux par. 43-45; Établissement de Mission c Khela, 2014 CSC 24, au par. 79. Les parties ont droit à un processus juste et neutre. Dans le contexte des plaintes à la CCDP, cela signifie que la norme de la décision correcte s’applique lorsqu’on évalue l’exhaustivité (soit que tous les éléments de preuve manifestement cruciaux sont pris en compte) et la neutralité (c.‑à‑d. aucune partialité) du rapport d’enquête, ainsi que de la décision définitive de la CCDP : Sketchley c Canada (Procureur général), 2005 CAF 404 [Sketchley], au par. 37; Tutty, précitée, au par. 14; Carroll c Canada (PG), 2015 CF 287 [Carroll], aux par. 69-70.

[47]  La décision de la Commission de rejeter la plainte est assujettie à la norme de la décision raisonnable : Ritchie c Canada (PG), 2017 CAF 114, au par. 16. Le caractère adéquat des motifs n’est pas un motif justifiant à lui seul d’annuler ou d’infirmer la décision, dans la mesure où les motifs permettent à la Cour de comprendre pourquoi la Commission a rendu la décision qu’elle a rendue : Newfoundland and Labrador Nurses’ Union c Terre‑Neuve‑et‑Labrador (Conseil du Trésor), 2011 CSC 62 [NL Nurses], au par. 14. Dans le contexte des plaintes déposées à la CCDP, les rapports fondés sur les articles 40 et 41 sont réputés faire partie de la décision définitive et, à ce titre, font partie des motifs : Sketchley, précité, au par. 37.

C.  L’enquête et la décision de la CCDP étaient‑elles équitables sur le plan procédural?

(1)  Les observations de M. Jagadeesh

Les erreurs de l’enquêteuse

[48]  M. Jagadeesh allègue que l’enquêteuse n’a pas tenu compte d’éléments de preuve cruciaux liés à la discrimination fondée sur son orientation sexuelle et son handicap lorsqu’elle a rédigé le rapport fondé sur les articles 40 et 41. Il fait référence aux divers éléments de preuve qu’il a présentés, y compris les courriels et les RE. Il affirme en outre que l’enquêteuse n’a pas vérifié s’il n’avait pas reçu d’autres offres d’emploi en raison de cette discrimination fondée sur les deux motifs.

[49]  M. Jagadeesh allègue également que l’enquêteuse a fait preuve de partialité dans son rapport fondé sur les articles 40 et 41. Il affirme qu’elle a intentionnellement supprimé des expressions clés concernant ses allégations liées à son orientation sexuelle et à son handicap pour justifier sa fausse déclaration selon laquelle elles n’ont jamais existé dans la plainte. Il affirme en outre qu’elle a considéré à tort que sa volonté de prendre un congé d’ICD signifiait qu’il ne [traduction] « contestait » pas l’ICD et qu’il demandait à voir le médecin d’entreprise de la CIBC. De plus, elle a qualifié à tort les fausses inscriptions faites par la CIBC dans ses RE d’[traduction] « erreurs administratives ».

Les erreurs de la Commission

[50]  M. Jagadeesh affirme que la Commission n’a jamais examiné ses éléments de preuve. Il explique que dans ses observations en réponse, il s’était dit préoccupé par le fait que l’enquêteuse n’avait pas fait enquête sur son allégation relative à son orientation sexuelle et sur le fait qu’il n’avait pas passé d’entrevue pour d’autres postes. Or, la Commission n’a pas fait de suivi à ce sujet et a plutôt adopté le rapport fondé sur les articles 40 et 41 à sa face même, sans donner d’explication : Carroll, précitée, aux par. 62-63, 69-70, 81; Peterkin c Toronto Dominion Bank of Canada TD Canada Trust, 2019 CF 579 [Peterkin], au par. 28.

(2)  Les observations de la CIBC

[51]  La CIBC soutient que l’enquêteuse a mené une enquête exhaustive. Elle fait valoir que la Commission dispose d’une vaste latitude dans la façon dont elle mène ses enquêtes et que la perfection n’est pas requise : Ritchie c Canada (PG), précité, au par. 30. Seules les questions fondamentales doivent faire l’objet d’une enquête; l’enquêteur n’a pas à tout mentionner : Georgoulas c Canada (PG), 2018 CF 652, au par. 87. Cela signifie que la Cour devrait faire preuve de retenue à l’égard de l’enquête, sauf lorsque les parties peuvent démontrer que l’enquêteur a fait des erreurs à ce point fondamentales que les observations complémentaires des parties ne suffisent pas à y remédier : Hughes, précitée, aux par. 33-34. La CIBC soutient que cela ne s’est pas produit en l’espèce.

[52]  Selon la CIBC, les arguments de M. Jagadeesh en matière d’équité procédurale concernent le défaut de la CCDP de faire enquête sur : a) son allégation de discrimination fondée sur son orientation sexuelle; et b) la question de savoir si la discrimination fondée sur l’un ou l’autre des motifs a empêché M. Jagadeesh de se voir offrir l’un des 17 emplois auxquels il a postulé. La CIBC fait valoir que l’enquêteuse a tenu compte du point a), mais a conclu qu’il n’y avait pas suffisamment d’éléments de preuve pour fonder l’allégation. Sans le lien nécessaire, l’enquêteuse n’était pas tenue d’examiner plus à fond la demande : Hartjes c Canada (PG), 2008 CF 830, au par. 23. Toutefois, la CIBC soutient que l’enquêteuse a enquêté sur les allégations de M. Jagadeesh relatives à son handicap, mais qu’elle a conclu que rien ne démontrait qu’il y avait eu des conséquences négatives, comme l’exige la LCDP. La CIBC soutient en outre que M. Jagadeesh n’a pas soulevé le point b) et que, par conséquent, la Commission n’était pas tenue d’enquêter sur ces allégations : Manfoumbimouity, précitée, au par. 19. La CIBC fait remarquer l’utilisation par M. Jagadeesh de rubriques dans sa plainte (comme [traduction] « 4. Les gestionnaires de la CIBC étaient au courant de la discrimination exercée contre moi » à la deuxième page de l’exposé), et elle fait valoir que la rubrique [TRADUCTION] « Compétences » (à la troisième page de l’exposé) ne démontre pas clairement qu’il a mentionné ces 17 emplois dans sa plainte. La CIBC soutient toutefois que, même si la Cour conclut que l’enquêteuse a commis une erreur en ne tenant pas compte de ce motif, cette erreur n’était pas à ce point fondamentale que des observations complémentaires ne peuvent y remédier. La CIBC soutient en outre que M. Jagadeesh a soulevé les mêmes questions et les mêmes observations en réponse au rapport d’enquête que celles qu’il a soulevées dans la demande de contrôle judiciaire.

[53]  La CIBC soutient que l’enquêteuse a mené une enquête neutre. Vu la nature non décisionnelle des responsabilités de la Commission, la norme d’impartialité se limite à la question de savoir si l’enquêteuse a mené son enquête avec un esprit fermé : Hughes, précitée, au par. 23. La CIBC affirme que M. Jagadeesh n’a fourni aucune preuve à l’appui de ses allégations de partialité. De plus, l’enquêteuse a accordé à M. Jagadeesh le bénéfice du doute malgré l’absence de preuve dans plusieurs cas. Autrement dit, ce n’est pas tant que l’enquêteuse n’a pas examiné les questions, mais plutôt qu’elle était d’avis qu’il n’y avait pas suffisamment d’éléments de preuve à l’appui. Par exemple, rien ne démontrait que M. Jagadeesh avait d’une quelconque façon souffert des erreurs administratives commises par la CIBC sur ses RE.

(3)  Analyse

[54]  Le juge Mosley a récemment commenté l’obligation d’équité procédurale dans le cadre du processus initial de traitement des plaintes de la CCDP : Pedroso c WestJet Airlines, 2019 CF 878 [Pedroso], aux par. 28-30 :

[28]  Le demandeur comprend mal le processus d’évaluation des plaintes de la Commission. Suivant ce processus, qui est énoncé dans la LCDP, l’enquêteur doit prendre connaissance de tous les documents soumis, et la Commission examine le rapport produit par l’enquêteur au terme de son enquête. Sera considérée comme étant rigoureuse l’enquête qui n’est pas manifestement déficiente et qui n’a omis aucune preuve manifestement importante : Slattery c Canada (Commission des droits de la personne), 1994 CanLII 3463 (CF), [1994] 2 CF 574, aux p. 600 et 605, 73 FTR 161 (1re inst.) [Slattery].

[29]  En l’espèce, l’enquêteuse a interrogé les personnes liées au dossier, y compris celles qui étaient présentes à la foire de recrutement. Dans son rapport, elle fait état de son évaluation du processus d’embauche de la défenderesse et, plus particulièrement, du cas de la candidature du demandeur.

[30]  L’enquête n’a pas à être parfaite; la Commission doit concilier les intérêts respectifs du demandeur et de la défenderesse en matière d’équité procédurale et celui de la Commission à « préserver un système qui fonctionne et soit efficace sur le plan administratif » : Slattery, précité, à la p. 600; Wong c Canada (Travaux publics et Services gouvernementaux), 2017 CF 633 (CanLII), au par. 40; Tahmourpour c Canada (Solliciteur général), 2005 CAF 113 (CanLII), au par. 39. La LCDP n’impose pas à la Commission l’obligation de recevoir et d’examiner tous les documents d’origine et les observations d’un demandeur lorsqu’elle doit décider s’il y a lieu de rejeter la plainte.

[55]  Étant donné que la Commission, lorsqu’elle décide d’adopter ou non le rapport d’enquête, n’est pas tenue d’examiner les éléments de preuve sous‑jacents présentés à l’enquêteur (contrairement à ce qu’affirme M. Jagadeesh), les observations de la CIBC étaient axées sur l’exhaustivité et l’équité de l’enquête, ainsi que sur le caractère raisonnable du rapport d’enquête lui‑même.

[56]  Toutefois, ces observations ne tiennent pas compte de la portée du processus de traitement des plaintes dans son ensemble. Avant de rendre une décision définitive, la Commission examine non seulement le rapport fondé sur les articles 40 et 41, mais aussi les observations des parties en réponse au rapport. Dans la décision Carroll, le juge Mosley explique que, par conséquent, en vertu de ses obligations en matière d’équité procédurale, la Commission doit examiner les observations fournies en réponse par les parties : Carroll, précitée, aux par. 68‑70, 77-78 (caractères gras ajoutés) :

[68]  Deux clarifications s’imposent. Premièrement, la loi indique sans équivoque que les enquêteurs agissant pour le compte de la Commission doivent mener leurs enquêtes de la manière que nous venons d’expliquer. Cependant, il est courant que les plaignants présentent des observations en réponse aux rapports des enquêteurs, que la Commission examinera avant de rendre une décision définitive. L’exigence d’enquête complète vise‑t‑elle la Commission à ce stade de la procédure, l’obligeant donc à tenir dûment compte de ces observations avant de rendre une décision?

[69]  À mon avis, oui. Comme l’a expliqué la Cour d’appel dans l’arrêt Sketchley CAF, précité, au paragraphe 37, la raison pour laquelle la Commission peut s’appuyer sur le rapport d’un enquêteur pour justifier sa propre décision est que :

[...] aux fins d’une décision de la Commission en conformité avec le paragraphe 44(3) de la Loi, l’enquêteur n’est pas qu’un simple témoin indépendant devant la Commission [...] L’enquêteur [...] mène l’enquête en tant que prolongement de la Commission. [renvois omis]

[70]  Comme les devoirs procéduraux se rapportent au prolongement de la Commission, on ne saurait nier qu’ils visent aussi la Commission dans son ensemble. L’idée qu’un enquêteur doive effectuer un examen complet, mais que la Commission puisse ensuite ne pas être astreinte à la même obligation est tout à fait contre‑intuitive et risquerait d’entraver la bonne application de la Loi. Il faut accepter que les plaignants doivent être traités équitablement tout au long du processus décisionnel, d’autant plus qu’ils sont autorisés à présenter des observations, dont la teneur peut varier, à différents stades de ce processus. L’exigence quant à l’examen complet, qui est maintenue après le dépôt du rapport de l’enquêteur, garantit que chaque observation du plaignant recevra l’attention qu’elle mérite.

[...]

[77]  Dans l’affaire qui nous occupe et d’autres semblables, on ne conclura pas à un manquement à l’équité procédurale simplement parce que la Commission a fourni des motifs inadéquats, c’est‑à‑dire succincts ou qui ne renvoient pas dûment à certains éléments de preuve. Il y a manquement à l’équité procédurale lorsqu’il est clair que la Commission (ou son enquêteur) ne tient pas compte des observations du plaignant.

[78]  Des motifs qui ne renvoient pas aux observations du plaignant peuvent constituer une preuve qu’elles n’ont pas été prises en considération. Cependant, le manquement procédural procède du fait que le décideur n’a pas tenu compte des observations, et non qu’il a rendu des motifs de piètre qualité. Cette lacune procédurale peut être prouvée par d’autres moyens, quoique le renvoi aux motifs soit probablement la méthode la plus facile dans la plupart des cas. En tout état de cause, cette distinction importante entre la procédure et la forme permet à la Cour de concilier les arrêts Sketchley CAF et Newfoundland Nurses.

[57]  Dans l’affaire Carroll, la demanderesse a allégué, dans ses observations en réponse, que « le rapport indique à tort que la plainte ne soulevait pas la question de savoir si la directive est discriminatoire. En fait, le premier paragraphe de la plainte mentionne la directive » : Carroll, précitée, au par. 19. Appliquant ce qui précède, le juge Mosley a conclu que la Commission avait manqué à son obligation d’équité procédurale en adoptant simplement les conclusions du rapport fondé sur les articles 40 et 41 sans se pencher sur les observations fournies en réponse par la demanderesse : Carroll, précitée, au par. 79 :

[79]  S’agissant des faits de la présente affaire, la demanderesse a prouvé son allégation selon laquelle il y avait eu manquement à l’équité procédurale. Le rapport de l’enquêteur, qui constitue également les motifs de la Commission, illustre de manière convaincante que ses diverses observations n’ont pas été prises en considération.

[58]  De même, dans la décision Peterkin, précitée, notre Cour a conclu que la Commission n’avait pas examiné en profondeur la plainte de la demanderesse parce qu’elle n’avait mentionné aucun des éléments de preuve « manifestement importants » à l’appui de sa plainte qui figuraient dans ses observations en réponse. Le juge Campbell a conclu que cette preuve, consistant en son témoignage concernant le traitement différent qu’elle avait subi, touchait « au cœur de sa plainte » et qu’en ne la traitant pas, la Commission avait commis une erreur : Peterkin, précitée, aux par. 27-28.

[59]  En l’espèce, le rapport fondé sur les articles 40 et 41 indique expressément (au bas de la page 2 de 14, au paragraphe 7 numéroté) que l’enquêteuse n’a pas examiné si M. Jagadeesh n’avait pas reçu de promotion ou d’entrevue pour d’autres postes en raison de son orientation sexuelle ou de son handicap, car à son avis, il s’agissait de nouvelles allégations :

[traduction]

Dans son formulaire de plainte, le plaignant ne fait pas référence à l’exploitation sexuelle alléguée des employés et au fait qu’ils sont subséquemment promus à sa place, ou que la défenderesse n’a pas tenu compte de sa candidature pour 14 postes après le 23 juin 2015. L’enquêteuse ne se penchera donc pas sur ces allégations dans le contexte de la présente plainte.

Elle a plutôt cherché à savoir si M. Jagadeesh avait besoin de mesures d’adaptation sous la forme d’un autre poste, ce qui, d’après sa conclusion, n’était pas le cas.

[60]  Dans ses observations en réponse, M. Jagadeesh a soutenu que ces éléments faisaient partie de sa plainte initiale et a affirmé que l’enquêteuse avait commis une erreur en concluant qu’ils n’en faisaient pas partie ou qu’ils étaient nouveaux. À son avis, les passages suivants de sa plainte initiale (sous la rubrique [traduction] « Les brefs détails sont décrits ci‑dessous » et les sous‑rubriques indiquées ci‑dessous) démontrent la portée de la plainte :

[traduction]

1. Mon gestionnaire/chef d’équipe (M. Anoop Jayagopal)

[...] à moins de joindre leur « groupe », il n’y a AUCUN espoir pour moi. Il m’a demandé de regarder autour de moi et de voir comment tous ces jeunes qui ont très peu de compétences sont promus. Il m’a demandé d’être « futé et d’apprendre » [...] Même si je n’y ai pas pensé à ce moment‑là et que je l’ai pris à la légère, plus tard, j’ai pensé que c’était peut‑être la principale raison de tous mes problèmes et de la discrimination à la CIBC.

2. La CIBC m’a refusé des mesures d’adaptation en milieu de travail

La CIBC a refusé de m’offrir tout autre poste, même au centre d’appels où je travaillais, même si j’avais une « expérience canadienne » de plus de 10 ans dans l’environnement de haute technologie des centres d’appels canadiens.

[...]

4. Les gestionnaires de la CIBC étaient au courant de la discrimination exercée contre moi

[...]

[voir « Compétences » ci‑dessous]

[...]

[Compétences]

J’avais postulé 17 emplois différents au sein de l’entreprise sur le site Web de la CIBC et tenu mes gestionnaires au courant. Mes gestionnaires et le personnel des RH avaient directement accès à mon profil sur le site Web des RH.

[61]  Le formulaire de plainte de M. Jagadeesh n’est pas organisé aussi clairement qu’il aurait pu l’être et, pour cette raison, l’enquêteuse aurait raisonnablement pu mal interpréter la portée initiale de la plainte. Après que la Cour ait examiné la plainte initiale dans le contexte des observations fournies en réponse par M. Jagadeesh, il est clair que ce dernier a allégué dans sa plainte initiale qu’il n’avait pas été embauché pour d’autres postes en raison d’une discrimination fondée sur son orientation sexuelle ou son handicap. Classer ces allégations sous la rubrique [traduction] « Compétences », un titre qu’il a créé, ne les met pas à l’abri de l’examen de la CCDP. De plus, à la première page du formulaire de plainte, M. Jagadeesh a coché les cases « orientation sexuelle » et « déficience (ou handicap) » comme motifs pour lesquels il croit que la CIBC a fait preuve de discrimination envers lui. Par conséquent, ces allégations auraient dû être traitées par la Commission, étant donné qu’elle est tenue d’examiner non seulement le rapport fondé sur les articles 40 et 41, mais aussi les observations en réponse. La Commission ne l’a pas fait et a plutôt adopté les conclusions du rapport fondé sur les articles 40 et 41 sans autre motif. Ce faisant, la Commission, à mon sens, a commis la même erreur que celle commise dans les décisions Carroll et Peterkin, précitées.

[62]  La CIBC fait valoir que le défaut de l’enquêteuse de faire enquête sur ces motifs n’était pas à ce point fondamental qu’il n’était pas possible d’y remédier en présentant des observations complémentaires : Sketchley, précité, au par. 38. Bien que cela puisse être vrai, il est clair que ce défaut n’a pas été corrigé par des observations complémentaires, puisque la Commission ne s’est pas du tout penchée sur les observations de M. Jagadeesh ni sur sa preuve. Bien qu’elle ait eu une deuxième occasion d’examiner les éléments de preuve de M. Jagadeesh et de justifier convenablement son refus d’enquêter sur la plainte ou d’y donner suite, la Commission est demeurée silencieuse et a adopté en tous points le rapport trop limitatif de l’enquêteuse. Cette façon de procéder a entraîné un manquement à l’équité procédurale.

[63]  De plus, il convient de souligner que la Commission n’a examiné aucun des éléments de preuve de M. Jagadeesh, se fondant plutôt exclusivement sur le résumé de ces éléments de preuve effectué par l’enquêteuse. Cela est évident, car la Commission, bien qu’elle ait reconnu les allégations de manquement à l’équité procédurale et à la justice naturelle dans l’avis de demande de M. Jagadeesh, a refusé de verser la contre‑preuve de M. Jagadeesh au dossier certifié du tribunal, alléguant que le décideur ne l’avait pas à sa disposition et qu’elle était donc à l’abri d’un contrôle. Comme il en a été question dans la décision Pedrosa, précitée, la Commission n’est pas obligée de tenir compte de tous les éléments de preuve sous‑jacents présentés à l’enquêteur lorsqu’elle examine le rapport fondé sur les articles 40 et 41 et rend une décision. À mon avis, toutefois, la présente affaire se distingue de la décision Pedrosa, précitée, parce que M. Jagadeesh a explicitement fait référence à des parties de cette preuve, qu’il n’a pas présentée de nouveau en supposant qu’elle était déjà en la possession de la CCDP, dans ses observations en réponse pour étayer ses allégations selon lesquelles l’enquête n’était pas exhaustive. M. Jagadeesh ne demandait pas à la Commission de reprendre l’enquête; il renvoyait plutôt directement à certaines parties de ses observations en réponse que l’enquêteuse avait mal interprétées ou dont elle avait fait abstraction, et il a demandé à la Commission d’en tenir compte. Dans de telles circonstances, lorsque le demandeur allègue que le rapport de l’enquêteuse est trop limitatif et renvoie à des éléments de preuve déjà fournis pour étayer cette allégation, la Commission est tenue d’examiner les éléments de preuve. Le défaut de le faire prouve là encore que son examen des observations présentées par le demandeur en réponse au rapport n’était pas exhaustif.

[64]  Par conséquent, il faut répondre par la négative à la question de savoir si l’enquête et la décision de la CCDP étaient équitables sur le plan procédural.

D.  La décision de la CCDP était‑elle raisonnable

[65]  Comme la Cour a conclu qu’une erreur susceptible de contrôle a été commise dans la décision de la Commission et dans l’enquête sous‑jacente, il n’est pas nécessaire d’examiner cette question.

VII.  Conclusion

[66]  Comme la Commission n’a pas examiné de façon exhaustive les motifs de la plainte de M. Jagadeesh, j’accueille la demande de contrôle judiciaire. La décision faisant l’objet du contrôle est annulée et l’affaire est renvoyée à la Commission pour qu’une nouvelle enquête sur la plainte de M. Jagadeesh soit menée par un autre enquêteur et pour qu’elle rende une nouvelle décision fondée sur l’ensemble du dossier. Les dépens sont adjugés en faveur du demandeur.

VIII.  Le montant des dépens

[67]  Les parties ont présenté de brèves observations sur les dépens à l’audience orale. M. Jagadeesh demande au moins 438,10 $ pour couvrir ses débours directs. Compte tenu de la présomption selon laquelle les perdants paient, la CIBC demande des frais d’indemnisation partiels estimés à 5 000 $. Vu la divergence de leurs positions de départ respectives, les parties ont 30 jours à compter de la date du présent jugement pour s’entendre sur les dépens et pour informer la Cour du montant convenu ou, à défaut d’accord, pour présenter par écrit des observations supplémentaires d’au plus cinq pages. Une ordonnance sur le montant des dépens à adjuger au demandeur suivra en fonction de l’entente conclue entre les parties ou de leurs observations écrites sur les dépens.


JUGEMENT dans le dossier T‑2190‑18

LA COUR ORDONNE ce qui suit :

  1. La demande de contrôle judiciaire est accueillie et la décision de la CCDP du 21 novembre 2018 est annulée.

  2. L’affaire est renvoyée à la Commission pour qu’une nouvelle enquête soit menée par un autre enquêteur et pour qu’elle rende une nouvelle décision fondée sur l’ensemble du dossier.

  3. Les dépens sont adjugés en faveur du demandeur. Les parties ont 30 jours à compter de la date du présent jugement pour s’entendre sur les dépens et pour informer la Cour du montant convenu ou, à défaut d’accord, pour présenter par écrit des observations supplémentaires d’au plus cinq pages; une ordonnance sur le montant des dépens à adjuger au demandeur suivra en fonction de l’entente conclue entre les parties ou de leurs observations écrites sur les dépens.

« Janet M. Fuhrer »

Juge

Traduction certifiée conforme

Ce 23e jour d’octobre 2019.

Mylène Boudreau, traductrice


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

T‑2190‑18

 

INTITULÉ :

AAREN JAGADEESH c Banque Canadienne Impériale de Commerce (CIBC)

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 18 Septembre 2019

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

LA juge FUHRER

 

DATE DU JUGEMENT ET DES MOTIFS :

LE 24 SEPTEMBre 2019

 

COMPARUTIONS :

Aaren Jagadeesh

 

pour le demandeur

(POUR SON PROPRE COMPTE)

 

Elisha Jamieson‑Davies

 

POUR LA DÉFENDERESSE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Procureur général du Canada Toronto (Ontario)

 

POUR LA DÉFENDERESSE

 

 

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