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Date : 20191001


Dossier : IMM‑1346‑19

Référence : 2019 CF 1238

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Toronto (Ontario), le 1er octobre 2019

En présence de monsieur le juge Diner

ENTRE :

DIANYI GAO

demandeur

et

LE MINISTRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE ET DE LA PROTECTION CIVILE

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

[1]  La Cour est saisie d’une demande de contrôle judiciaire concernant une décision par laquelle la Section d’appel de l’immigration [la SAI] a rejeté l’appel de M. Gao contre la mesure de renvoi que la Section de l’immigration [la SI] avait prise contre lui au motif qu’il était interdit de territoire pour fausse déclaration. M. Gao n’a pas contesté la validité de la mesure de renvoi. La seule question soumise à la SAI consistait plutôt à savoir s’il y avait lieu de faire droit à l’appel pour des motifs d’ordre humanitaire. La demande est rejetée pour les motifs suivants.

I.  Le contexte

[2]  M. Gao est un citoyen de la Chine âgé de 69 ans. Ce dernier, son épouse et leur fille ont immigré au Canada en 2007, à titre de membres de la catégorie des investisseurs. Son épouse et sa fille ont obtenu depuis lors la citoyenneté canadienne, et la fille de M. Gao est mariée et a trois enfants – deux fils et une fille – qui sont tous nés au Canada et ont la citoyenneté canadienne.

[3]  M. Gao ne s’est pas conformé à l’obligation de résidence qui exigeait qu’il réside au Canada pendant 730 jours au cours des cinq premières années suivant l’obtention du droit d’établissement. Il a déclaré qu’il avait plutôt passé du temps en Chine pour s’occuper de ses biens, que le gouvernement chinois avait expropriés.

[4]  M. Gao a recouru aux services de New Can Consultants Ltd. [New Can], lui a payé la somme de 3 000 $, a signé un formulaire de demande en blanc et l’a laissé à son consultant en immigration pour qu’il le remplisse. Il a déclaré qu’il savait qu’il n’avait pas cumulé à l’époque les 730 jours de résidence obligatoire. La demande présentée indiquait qu’il avait été absent du Canada pendant 989 jours au cours des cinq années précédentes, alors qu’en réalité son absence avait été d’au moins 1 310 jours. Rien n’indique sur le formulaire de demande que M. Gao était représenté par un consultant.

[5]  M. Gao a tenté d’obtenir sa carte de résident permanent renouvelée en février 2012, et un agent lui a dit qu’il semblait ne pas s’être conformé à l’obligation de résidence. Il a déclaré à l’agent qu’il avait travaillé pour une entreprise canadienne à l’étranger et il a obtenu un délai d’un mois pour fournir une preuve de son emploi à l’étranger. Comme il n’a pas donné suite à la requête, sa demande a été déclarée abandonnée et sa carte de résident permanent n’a pas été renouvelée.

[6]  À ce moment‑là, l’Agence des services frontaliers du Canada [l’ASFC] avait lancé une enquête sur New Can et mis au jour une vaste fraude en matière d’immigration, orchestrée par son propriétaire, Xun « Sunny » Wang, lequel a finalement plaidé coupable à plusieurs infractions et été condamné à sept années d’emprisonnement. Au cours de cette enquête, l’ASFC a aussi relevé des cas de fraude individuelle à l’encontre de clients de New Can, dont des informations relatives au fait que M. Gao avait déclaré des renseignements inexacts sur sa demande de résidence permanente. Je signale en passant qu’il s’agit là de l’une des quatre demandes de contrôle judiciaire qui ont été débattues devant la Cour sur une période de deux semaines en août 2019 et dans le cadre desquelles Sunny Wang avait représenté tous les demandeurs dans les diverses demandes d’immigration visées, et chacune s’est soldée par des conclusions de fausse déclaration. Les trois autres décisions sont les suivantes : Li c Canada (Sécurité publique et Protection civile), 2019 CF 1235 [Li], Yang c Canada (Sécurité publique et Protection civile), 2019 CF 1236 [Yang], et Yang c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2019 CF 1237.

[7]  Pour en revenir à la présente demande, une lettre d’équité procédurale a été envoyée à M. Gao au sujet de sa fausse déclaration. En réponse à cette lettre, un avocat a reconnu que M. Gao ne s’était pas acquitté de l’obligation de résidence, mais il a expliqué que ce dernier avait une mauvaise connaissance de l’anglais et qu’il avait compté sur le consultant pour remplir sa demande sans qu’il la passe en revue.

[8]  Un rapport prévu à l’article 44 a été établi en juin 2017. L’agent a conclu que M. Gao avait fait une fausse déclaration quant à son nombre de jours d’absence du Canada, ce qui était contraire à l’alinéa 40(1)a) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 [la LIPR]. Il a conclu en outre qu’il les motifs d’ordre humanitaire n’étaient pas suffisants pour surmonter la gravité de l’allégation.

[9]  L’affaire a été renvoyée en vue d’une enquête, dans le cadre de laquelle la SI a confirmé l’interdiction de territoire et pris une mesure d’exclusion contre M. Gao. Ce dernier a porté l’affaire en appel devant la SAI pour des motifs CH uniquement, et c’est la décision de la SAI qui fait l’objet de la présente demande de contrôle judiciaire.

II.  La décision faisant l’objet du présent contrôle

[10]  La SAI a rejeté l’appel de M. Gao, concluant que la fausse déclaration que ce dernier avait faite était grave et qu’il avait, à tout le moins, fait preuve d’un aveuglement volontairement quant aux renseignements consignés dans sa demande de résidence permanente. Tout en reconnaissant que M. Gao regrettait son geste, elle a conclu que celui‑ci ne saisissait « pas vraiment la gravité des fausses déclarations et du rôle qu’il [avait] pu y jouer » et que ses excuses « découlaient de son regret de s’être fait prendre et non pas d’une compréhension des conséquences que [pouvaient] avoir sur le système d’immigration canadien les pratiques illégales de consultants sans scrupules ».

[11]  La SAI a fait remarquer que M. Gao avait indiqué sur la demande que ses absences du Canada entre les mois de mai 2009 et d’avril 2010 étaient dues à des « raisons liées à la santé de ses parents », mais qu’il avait aussi déclaré à un agent qu’il travaillait pour une entreprise canadienne à l’étranger et que c’était là l’une des raisons pour lesquelles il ne s’était pas conformé à l’obligation de résidence. La SAI a de plus signalé qu’il n’avait soulevé ni l’une ni l’autre de ces raisons dans le témoignage qu’il avait livré à l’audience. Il avait plutôt déclaré qu’il se sentait obligé d’être en Chine pour régler des problèmes liés à l’expropriation des biens qu’il possédait dans ce pays. La SAI a conclu que M. Gao avait eu la possibilité de signaler la malhonnêteté de son consultant s’il avait été bel et bien victime de ce dernier, mais qu’il n’avait pas expliqué la situation à l’agent enquêteur en 2012. Elle a fait remarquer qu’il avait plutôt déclaré à l’agent qu’il travaillait pour une entreprise canadienne en Chine, un fait pour lequel il n’avait fourni aucune preuve.

[12]  La SAI a également trouvé « troublant » que M. Gao se soit rendu aux États‑Unis muni d’un passeport chinois annulé après avoir déclaré qu’il l’avait perdu et s’en être fait délivrer un nouveau, signalant que « le caractère vague du témoignage de l’appelant et les contradictions n’aid[aient] pas l’appelant dans sa demande de mesures spéciales ».

[13]  La SAI a reconnu que M. Gao s’était établi « quelque peu » au Canada et elle a fait état de sa présence accrue au pays depuis 2014. Elle a également jugé que sa présence constante était dans l’intérêt supérieur de ses petits‑enfants, car, lorsqu’il se trouvait au Canada, il vivait chez sa famille canadienne et aidait à prendre soin des petits‑enfants. Toutefois, la SAI a aussi conclu qu’il y avait eu une solution « jugée acceptable » lorsqu’il était absent et n’était pas en mesure d’aider, et il y avait peu de preuves que les mesures de rechange prises pour la garde des enfants ne pourraient pas se poursuivre dans l’avenir.

[14]  Dans l’ensemble, la SAI a conclu que les facteurs favorables n’étaient pas suffisamment convaincants pour surmonter la gravité de la fausse déclaration.

III.  Les questions en litige et la norme de contrôle applicable

[15]  M. Gao fait valoir que la SAI a commis une erreur déraisonnable dans son évaluation des motifs d’ordre humanitaire. C’est la norme de contrôle de la décision raisonnable qui s’applique (Liu c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2019 CF 184, au par. 19; Yang, au par. 9). Selon cette norme, le rôle de la Cour n’est pas de soupeser à nouveau chacun des divers facteurs d’ordre humanitaire que la SAI a pris en considération ou de substituer sa propre appréciation de l’affaire (Hammo c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2019 CF 983, au par. 27). Il ne s’agit pas non plus d’une chasse au trésor, phrase par phrase, à la recherche d’une erreur (Syndicat canadien des communications, de l’énergie et du papier, section locale 30 c Pâtes et Papier Irving, Ltée, 2013 CSC 34, au par. 54). Il est plutôt question de décider si la décision est justifiée, transparente et intelligible et si elle appartient aux issues raisonnables (voir Dunsmuir c Nouveau‑Brunswick, 2008 CSC 9, au par. 47).

IV.  L’analyse

A.  Le cadre juridique

[16]  La Cour a jugé que l’alinéa 40(1)a) de la LIPR a pour objet de « décourager les fausses déclarations et de protéger l’intégrité du processus de l’immigration » (Sayedi c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2012 CF 420, au par. 24). De plus, le devoir de franchise auquel un demandeur est soumis « est un principe prépondérant » de la LIPR (Sidhu c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2019 CAF 169, au par. 70). Cependant, la SAI peut exercer son pouvoir discrétionnaire pour faire droit à un appel relatif à une interdiction de territoire pour fausse déclaration si elle est persuadée que, en tenant compte de l’intérêt supérieur d’un enfant directement touché par la décision, les motifs d’ordre humanitaire sont suffisants pour justifier, vu les autres circonstances de l’affaire, la prise de mesures spéciales (LIPR, alinéa 67(1)c)).

[17]  Lorsqu’elle procède à une analyse relative aux motifs d’ordre humanitaire, la SAI se doit de prendre en considération les facteurs énoncés dans la décision Ribic (Ribic c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1985] D.S.A.I. no 4 (Commission d’appel de l’immigration)). Plus précisément, dans les affaires en matière de fausses déclarations où les motifs d’ordre humanitaires sont invoqués, ces facteurs comprennent la gravité de la fausse déclaration, les remords du demandeur, la durée de la période qu’il a passée au Canada, son degré d’établissement, la famille qu’il a au Canada et l’effet que le renvoi aurait sur cette famille, l’intérêt supérieur d’un enfant directement touché par la décision, le soutien dont bénéficie le demandeur au sein de sa famille et dans la collectivité, de même que l’importance des difficultés que lui causerait son renvoi du Canada (Canada (Citoyenneté et Immigration) c Li, 2017 CF 805, aux par. 21 et 22). L’octroi de mesures spéciales en vertu de l’alinéa 67(1)c) est un geste exceptionnel et discrétionnaire.

B.  La décision de la SAI est‑elle raisonnable?

[18]  M. Gao fait valoir que la SAI a fait abstraction d’éléments de preuve et qu’elle s’est fondée sur des facteurs non pertinents pour évaluer la fausse déclaration, les remords, le degré d’établissement, les difficultés et l’intérêt supérieur des enfants, et que ces erreurs ont donné lieu à un exercice déraisonnable du pouvoir discrétionnaire que prévoit l’alinéa 67(1)c) de la LIPR. J’examine chacun de ces facteurs à tour de rôle ci‑après.

1)  La gravité de la fausse déclaration

[19]  M. Gao fait valoir que la SAI a commis une erreur en qualifiant sa fausse déclaration de grave. Il soutient plus précisément que la SAI n’a pas tenu compte de sa vulnérabilité en tant que personne ayant une connaissance minime de l’anglais, parallèlement à des problèmes de santé et à des litiges en matière de biens qui perdurent en Chine. Par ailleurs, selon lui, la SAI a fait abstraction du fait qu’il n’avait jamais réellement reçu une carte de résident permanent à la suite de la demande que New Can a présentée; il n’a donc pas réellement tiré avantage de la fausse déclaration. Enfin, il affirme que la SAI a omis de tenir compte du fait qu’il n’avait pas joué un rôle actif dans le stratagème frauduleux.

[20]  Malgré les observations des plus éclairées de la part de l’avocat de M. Gao, je ne relève aucune erreur susceptible de contrôle dans l’analyse de la SAI quant à la gravité de la fausse déclaration. La SAI a pris en compte la situation de M. Gao, mais elle a également reconnu qu’il lui incombait d’exercer le pouvoir discrétionnaire prévu à l’alinéa 67(1)c) d’une manière qui préservait l’intégrité du régime d’immigration.

[21]  De plus, comme il est mentionné au paragraphe 22 de la décision Li, le fait de savoir si une fausse déclaration est délibérée ou innocente est l’un des nombreux facteurs dont la SAI peut tenir compte dans la détermination de son degré de gravité. La fausse déclaration que M. Gao a faite était au cœur de sa demande de carte de résident permanent, c’est‑à‑dire le temps qu’il avait passé au Canada. La SAI a fait remarquer que M. Gao était au courant de cette exigence, mais qu’il ne l’avait pas remplie au moment où il avait signé la demande en blanc et n’avait rien fait d’autre pour traiter de la question quand il avait eu la possibilité de [traduction« dire toute la vérité » à l’agent enquêteur. La SAI a conclu que M. Gao avait fait preuve, à tout le moins, d’aveuglement volontaire dans sa conduite. Compte tenu de l’insouciance téméraire ou délibérée de M. Gao à l’égard de son obligation de franchise, ainsi que de l’importance de l’obligation de résidence, la SAI a, selon moi, qualifié avec raison la fausse déclaration de grave.

2)  Les remords

[22]  M. Gao fait valoir que la SAI a déraisonnablement atténué le poids de ses remords en omettant de tenir compte de la conduite qu’il avait eue à la suite de la fausse déclaration, conduite qui, soutient‑il, montre qu’il a tiré des leçons de son erreur et que ses remords sont sincères.

[23]  La SAI a pris acte des remords que M. Gao a exprimés, et elle a également tenu compte de sa conduite avant l’audience. Le tribunal a toutefois conclu qu’il avait eu plusieurs occasions de s’acquitter de son obligation de franchise, mais qu’il ne l’avait fait qu’après avoir reçu une lettre d’équité procédurale. Elle a également conclu qu’à l’audience M. Gao avait persisté à se considérer comme une victime de New Can, et qu’une part de son témoignage avait été vague et contradictoire. Selon mon interprétation de la preuve, il était donc raisonnable que la SAI accorde un poids réduit aux remords de M. Gao.

3)  Le degré d’établissement au Canada

[24]  M. Gao soutient que la conclusion que la SAI a tirée sur son degré d’établissement fait abstraction d’éléments de preuve pertinents, dont son emploi comme travailleur de la construction pendant quelques mois au Canada en 2007, les liens entretenus avec deux églises au Canada ainsi qu’un investissement immobilier important au Canada.

[25]  Je ne suis pas d’accord. Il n’est pas nécessaire que la SAI, dans ses motifs, fasse référence à la totalité des éléments de preuve présentés, ou des détails qui y sont inclus, pour arriver à sa conclusion. En l’espèce, la SAI a reconnu que M. Gao possédait quatre biens résidentiels au Canada, qu’il avait travaillé au Canada [traduction] « pendant une courte période » après son arrivée, et qu’il avait quelques amis au Canada qui avaient fourni des lettres d’appui. La SAI a conclu que la présence de M. Gao au Canada s’était intensifiée au cours des dernières années et elle a conclu en fin de compte qu’il s’était établi d’une certaine façon au pays. En bref, la SAI n’a rien relevé de remarquable quant au degré d’établissement de M. Gao et elle était parfaitement justifiée d’arriver à la conclusion qu’elle a tirée sur ce facteur.

4)  Les difficultés

[26]  M. Gao soutient que la SAI a conclu de manière déraisonnable qu’il ne ferait pas face à des difficultés en Chine, faisant abstraction de la possibilité que son état de santé puisse s’aggraver et l’empêche de revenir au Canada de façon permanente après l’interdiction de cinq ans.

[27]  Une fois de plus, la SAI a examiné de manière intelligible et justifiable le facteur des difficultés, dont l’état de santé de M. Gao. Elle a reconnu, par exemple, que les problèmes cardiaques sont une source d’inquiétude à mesure que les gens vieillissent, mais que M. Gao paraissait stable. Elle a aussi mentionné que ce dernier avait reçu dans le passé des soins médicaux en Chine et qu’il n’y avait aucune preuve que ceux‑ci étaient insuffisants. Elle a également traité de la possibilité que son état s’aggrave, de sorte qu’il n’aurait pas le droit d’entrer au Canada dans cinq ans, mais elle a jugé qu’il s’agissait là d’une situation conjecturale. Je suis d’avis que l’analyse de la SAI sur ce facteur est complète et transparente.

5)  L’intérêt supérieur des enfants

[28]  Quand des enfants sont en cause, leur intérêt supérieur est un facteur central. La SAI se doit d’être « réceptive, attentive et sensible » à l’intérêt supérieur d’un enfant touché par sa décision. Cet intérêt supérieur doit être bien identifié et défini, se voir accorder un poids considérable et être examiné avec beaucoup d’attention eu égard à l’ensemble de la preuve (Phan c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2019 CF 435, aux par. 21 et 22, citant Kanthasamy c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2015 CSC 61).

[29]  M. Gao soutient que la SAI a omis d’examiner les [traduction« conséquences uniques et personnelles » que son renvoi aurait sur ses petits‑enfants âgés de trois ans, de sept ans et de neuf ans, respectivement (Tisson c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2015 CF 944, au par. 19). En particulier, il fait valoir qu’il était déraisonnable de présumer que des soins de garde professionnels pouvaient remplacer les soins qu’il prodiguait lui‑même, compte tenu du lien affectif étroit formé avec ses petits‑enfants.

[30]  Je conclus cependant que la SAI a été réceptive, attentive et sensible à l’intérêt supérieur des trois petits‑enfants, un aspect dont la SAI a traité au paragraphe 27 de sa décision :

L’appelant a précisé qu’il aide sa fille et son gendre à prendre soin de leurs enfants et qu’il consacre du temps à ses petits‑enfants dans le cadre de plusieurs activités. Je suis consciente qu’il est dans l’intérêt supérieur des petits‑enfants que leur grand‑père reste au Canada et passe du temps avec eux. Je comprends également que l’appelant n’a qu’un enfant (sa fille) et que sa fille souhaite qu’il demeure proche de sa famille. Toutefois, à mon avis, ces facteurs ne pèsent pas assez lourd face à la gravité des fausses déclarations. Les petits‑enfants passent du temps avec l’épouse de l’appelant et leurs grands‑parents paternels aussi. La fille de l’appelant et son gendre ont tous deux été élevés et ont grandi en Chine; ils parlent tous deux le mandarin. Le gendre de l’appelant est propriétaire d’une maison dans la vallée du bas Fraser, où vivent les enfants et où le gendre gagne un revenu important qui lui permet de subvenir aux besoins de sa famille. Bien que les enfants risquent de s’ennuyer de leur grand‑père, ils se sont rendus en Chine dans le passé pour visiter et à certains endroits aux États‑Unis pour y passer des vacances avec l’appelant. Rien ne porte à croire que ces voyages aux États‑Unis permettant à l’appelant de passer des vacances avec sa fille et ses petits‑enfants ne pourraient pas se répéter. De surcroît, rien ne montre qu’ils ne pourraient pas rester en communication par téléphone ou en ligne.

[31]  Il s’agit là d’une conclusion raisonnable de la part du tribunal, et elle concorde avec d’autres affaires dans lesquelles le grand‑parent n’était pas le principal fournisseur des soins (voir la décision Li, au par. 36). En fait, bien que M. Gao aide sa fille et son gendre à prendre soin de ses petits‑enfants à certains égards, il n’est pas leur principal fournisseur de soins et rien ne permet de conclure qu’il n’y a pas d’autres moyens d’assurer la garde des enfants. Une séparation entre un enfant et un membre de sa famille élargie est certes difficile, et il s’agit là d’une difficulté qui est inhérente quand les membres d’une même famille résident dans deux pays éloignés, tels que le Canada et la Chine. Mais cette difficulté reconnue à elle seule ne rend pas déraisonnable le refus d’accorder une dispense fondée sur des motifs d’ordre humanitaire (Khaira c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2018 CF 950, au par. 25).

[32]  Comme l’illustre l’extrait qui précède, la SAI a accordé au facteur de l’intérêt supérieur des enfants un poids favorable, concluant qu’il serait dans l’intérêt supérieur des petits‑enfants que M. Gao reste au Canada. Indépendamment de cette conclusion, il lui était loisible de conclure, comme elle l’a fait, que ce facteur n’était pas suffisamment convaincant pour l’emporter sur les autres.

V.  Conclusion

[33]  Après avoir examiné la décision de la SAI ainsi que toutes les conclusions principales à la lumière des arguments présentés, je conclus que la SAI a évalué de manière équilibrée les facteurs liés aux motifs d’ordre humanitaires. Essentiellement, M. Gao n’est pas d’accord avec la manière dont la SAI les a soupesés et il est insatisfait de la façon dont elle a formulé certaines parties de sa décision. Cependant, ni ce désaccord ni cette insatisfaction ne font en sorte que cette décision est déraisonnable. La demande de contrôle judiciaire est donc rejetée, sans question certifiée et sans ordonnance quant aux dépens.


JUGEMENT dans le dossier IMM‑1346‑19

LA COUR ORDONNE :

  1. La présente demande de contrôle judiciaire est rejetée.

  2. Aucune question à certifier n’a été débattue, et je conviens qu’il ne s’en pose aucune.

  3. Aucuns dépens ne sont adjugés.

« Alan S. Diner »

Juge

Traduction certifiée conforme

Ce 16e jour d’octobre 2019

Maxime Deslippes


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM‑1346‑19

 

INTITULÉ :

DIANYI GAO c LE MINISTRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE ET DE LA PROTECTION CIVILE

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Vancouver (COLOMBIE‑BRITANNIQUE)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 21 août 2019

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

LE JUGE DINER

 

DATE DES MOTIFS :

LE 1er OctobrE 2019

 

COMPARUTIONS :

Andrew Z. Wlodyka

 

POUR LE DEMANDEUR

 

Matt Huculak

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Direction Legal LLP

Avocats

Vancouver (Colombie‑Britannique)

 

POUR LE DEMANDEUR

 

Procureur général du Canada

Vancouver (Colombie‑Britannique)

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

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