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                                               Date : 19980309

                                         Dossier : IMM-1621-97

OTTAWA (ONTARIO), le lundi 9 mars 1998

EN PRÉSENCE DE : MONSIEUR LE JUGE MacKAY

ENTRE

                     MARY THERESA SANDNAM,

                    SAMUEL INASAND SANDNAM

              ET LE MINEUR NELSON ROHITH SANDNAM,

                                                   requérants,

                              et

      LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION,

                                                       intimé.

          Vu la demande présentée par la requérante en vue d'obtenir le contrôle judiciaire et l'annulation de la décision en date du 26 mars 1997 dans laquelle la section du statut de réfugié, de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié, a conclu que les requérants n'étaient pas des réfugiés au sens de la Convention;

          Après avoir entendu les avocats des parties à Toronto, le 3 mars 1998, date à laquelle le prononcé de la décision a été remis à plus tard, et vu les arguments invoqués;

                          ORDONNANCE

          IL EST ORDONNÉ que la demande soit rejetée.

                                       W. Andrew MacKay    

                                           Juge

Traduction certifiée conforme

Tan, Trinh-viet


                                               Date : 19980309

                                         Dossier : IMM-1621-97

ENTRE

                     MARY THERESA SANDNAM,

                    SAMUEL INASAND SANDNAM

              ET LE MINEUR NELSON ROHITH SANDNAM,

                                                   requérants,

                              et

      LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION,

                                                       intimé.

                    MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE MacKAY

[1]        Il s'agit d'une demande de contrôle judiciaire de la décision en date du 26 mars 1997 dans laquelle la Commission de l'immigration et du statut de réfugié a conclu que les requérants n'étaient pas des réfugiés au sens de la Convention.

[2]        Les requérants sont des Tamouls sri-lankais. Ils sont trois membres d'une famille. Samuel Inasand Sandnam, le père, est né à Colombo et y a vécu la plus grande partie de sa vie. Sa femme, Mary Theresa Sandnam et le fils mineur du couple, Nelson Rohith Sandnam, sont tous deux nés à Jaffna. Les requérants adultes ont vécu à Colombo jusqu'en 1983, puis ils se sont réfugiés à Jaffna à la suite des émeutes anti-tamoules à Colombo. Le père est retourné à Colombo en 1984 alors que sa femme est restée à Jaffna jusqu'en 1987 lorsqu'elle a conclu qu'il était trop dangereux d'y rester, et elle est retournée à Colombo avec leur fils.


[3]        En 1990, deux des parents de Mme Sandnam originaires de Jaffna sont venus passer quelque temps chez la famille à Colombo en route pour chercher de l'emploi à l'étranger. Pendant leur visite, la police a arrêté les deux invités et M. Sandnam. Ce dernier a été libéré après cinq jours lorsque sa mère a versé un pot-de-vin, mais pas avant que la police ne lui ait infligé de mauvais traitements. Par la suite, des voisins cingalais se sont montrés hostiles à l'égard de la famille, et elle a reçu des menaces provenant, semble-t-il, de certains hors-la-loi cingalais. En juillet 1992, M. Sandnam a été de nouveau détenu après l'arrivée de deux autres visiteurs venant de Jaffna, amis de la famille. Encore une fois, il a été malmené par la police avant sa mise en liberté par suite de l'intervention de son employeur. En septembre 1992, il a été arrêté lorsqu'on l'a soupçonné d'avoir vendu des pièces automobiles à des Tigres tamouls. Il a encore une fois été battu et malmené par les autorités avant sa mise en liberté. Par la suite, les requérants se sont enfuis du Sri Lanka pour venir au Canada, où ils ont revendiqué le statut de réfugié au sens de la Convention du fait de leur appartenance à un groupe social, groupe de Tamouls au Sri Lanka principalement. Ils craignent de ne pouvoir trouver refuge à Jaffna et, dans l'éventualité de leur renvoi à Colombo, ils craignent la police, puisqu'ils ne pouvaient justifier leur longue absence du Sri Lanka.

[4]        Après que les requérants eurent quitté le Sri Lanka, la mère de M. Sandnam a été dérangée par la police, qui se renseignait sur les endroits où ils se trouvaient, et qui cherchait à extorquer de l'argent dont elle croyait qu'il pouvait être versé par eux, qui se trouvaient alors au Canada. Ce harcèlement a conduit la mère à se réfugier en Inde.

[5]        Selon la conclusion du tribunal de la SSR qui a examiné la revendication du statut de réfugié présentée par les requérants, il n'était pas persuadé qu'il était raisonnablement ou sérieusement possible qu'ils soient persécutés à Colombo dans l'éventualité de leur retour. En fait, il n'était pas convaincu qu'il existait plus qu'une simple possibilité de persécution dans l'éventualité de leur renvoi. Selon le tribunal, les arrestations de M. Sandnam en 1992 étaient des incidents isolés.

[6]        Le tribunal a conclu qu'il n'existait pas de preuve que M. Sandnam était un partisan présumé des Tigres. Il a été libéré inconditionnellement en 1992 après sa dernière arrestation, et sa libération ne découlait pas de l'intervention de sa famille, ni de son employeur et ni du versement de pots-de-vin. De plus, puisqu'il était membre de la grande collectivité tamoule de Colombo, établie de longue date, le tribunal croyait que les requérants n'auraient aucune difficulté à obtenir des documents d'identité et des documents de leur séjour au Canada, et que leurs amis témoigneraient de leur statut de Tamouls de Colombo.

[7]        L'avocat des requérants a relevé de nombreuses erreurs commises par le tribunal. Parmi celles-ci, les plus importantes portent sur le fait que, allègue-t-on, le tribunal a mal interprété le fondement de la revendication, considérant celle-ci comme découlant d'incidents isolés en 1992, et qu'il n'a pas tenu compte de la preuve de l'intérêt continu que les autorités avaient dans la poursuite du requérant adulte même si la famille avait quitté le Sri Lanka.

[8]        Pour ce qui est de la première erreur, il est allégué que le tribunal a commis une erreur de droit par son défaut de saisir la nature de la revendication comme celle reposant sur la crainte née des arrestations de 1990 et plus tard de 1992, qui démontraient qu'il était considéré comme suspect et sujet à détention à n'importe quel moment. Il est vrai que la décision de la Commission ne fait pas expressément état de l'arrestation de 1990, mais qu'elle porte principalement sur les deux arrestations de 1992, qui ont en fin de compte amené les requérants à quitter le Sri Lanka. Néanmoins, pour chacune de ces arrestations, le requérant en connaissait le motif. Sa libération sans condition à la troisième occasion en septembre 1992 est un motif invoqué par le tribunal pour conclure qu'il n'était pas convaincu que les revendicateurs étaient des présumés partisans des LTTE lorsqu'ils ont quitté le Sri Lanka. L'avocat des requérants conteste cette conclusion, mais celle-ci ne me semble pas irrationnelle et elle étaye l'appréciation par le tribunal du fondement de la revendication. Le simple fait pour le tribunal de reconnaître effectivement que, d'après la preuve, le requérant adulte faisait constamment l'objet de soupçons, de harcèlement et de détention ne signifie pas que le tribunal n'a pas compris la revendication présentée. Compte tenu des faits dont il disposait, le tribunal a conclu, raisonnablement à mon avis, qu'il n'existait pas plus qu'une simple possibilité que les revendicateurs soient persécutés par la police dans l'éventualité de leur retour à Colombo.

[9]        Pour ce qui est de la deuxième question, il est vrai que le tribunal n'a nullement fait mention de l'intérêt qu'avaient les autorités à poursuivre les requérants après qu'ils eurent quitté le Sri Lanka. Dans d'autres cas, lorsqu'il en existe une preuve claire, particulièrement lorsqu'il existe un intérêt continu jusqu'au moment de l'audition, il a été jugé que l'omission par le tribunal d'apprécier cet élément de preuve constituait un motif d'annulation de sa décision. En l'espèce, la preuve est rare quant aux circonstances qui ont suivi leur départ du Sri Lanka. Le FRP du requérant adulte comprend ce qui suit :

[TRADUCTION] Ma mère n'est pas non plus épargnée. La police Kotahena a commencé à la presser de livrer moi-même et ma famille. Certains membres de cette police ont dérangé ma mère âgée, demandant de l'argent provenant de moi au Canada. Pour échapper aux troubles infligés par la police, ma vieille mère s'est réfugiée à Madras en 1993. Comme la situation de Colombo va de mal en pis, elle n'est pas disposée à retourner au Sri Lanka quelles que soient les circonstances.

Dans l'affidavit qu'il a déposé à l'appui de sa demande d'autorisation et de contrôle judiciaire, le requérant adulte déclare que [TRADUCTION] « ...J'ai quitté le Sri Lanka parce que je craignais d'être persécuté par la police, et que la police dérangeait ma mère et ma soeur pour qu'elles me livrent après ma fuite. »

[10]       Il n'existait aucune autre preuve que la police s'intéressait aux requérants après qu'ils furent partis du Sri Lanka. La preuve susmentionnée se rapportait à des événements qui s'étaient produits au plus tard en 1993, quelque quatre ans avant l'audition tenue devant le tribunal. À mon avis, dans les circonstances de l'espèce, l'omission par la Commission de faire état dans sa décision de l'intérêt que les autorités avaient à poursuivre les requérants, après qu'ils eurent quitté le Sri Lanka, ne constitue pas une erreur qui justifierait que la Cour intervienne.

[11]       L'avocat des requérants a relevé plusieurs autres erreurs qui auraient été commises par le tribunal dans sa décision. Je me permets de dire que la plupart de ces erreurs reposent sur des conclusions tirées de la décision du tribunal et non sur celles que ce dernier a formulées. Par exemple, la décision fait mention de la preuve documentaire témoignant de ce que les Tamouls s'exposaient au harcèlement, et même à la persécution, au cours des contrôles de sécurité exercés par les autorités sri-lankaises à Colombo, mais le tribunal a noté qu'il n'était pas convaincu qu'il existait plus qu'une simple possibilité que ces revendicateurs soient persécutés par la police, ou par la collectivité cingalaise, dans l'éventualité de leur retour au Sri Lanka. À mon avis, le tribunal n'a pas généralement présumé que les Tamouls de Colombo n'avaient jamais été persécutés, comme le laisse entendre l'argumentation présentée pour le compte des requérants.

[12]       La décision du tribunal s'appuie effectivement et dans une grande mesure sur le fait que les revendicateurs avaient vécu à Colombo comme unité familiale pendant environ cinq ans avant leur départ du pays en 1992, que le revendicateur et son père sont nés à Colombo et appartiennent à une grande collectivité tamoule établie de longue date, que les requérants y ont des amis et obtiendraient des documents justifiant leur prétention à l'identité de Tamouls de Colombo qui n'ont pas vécu dans le nord depuis 1987 dans le cas de la mère et du jeune fils, et indubitablement pendant plus longtemps dans le cas du revendicateur adulte. Ce dernier a reconnu qu'il croyait pouvoir obtenir de nouveaux passeports sans difficulté, et le tribunal n'a trouvé aucune raison pour laquelle sa famille devrait retourner à Colombo sans être munie de documents d'identité suffisants, qui minimiseraient les difficultés à leur arrivée dans cette ville, difficultés qu'ils prétendaient craindre.

[13]       Dans toutes les circonstances, compte tenu des éléments de preuve dont disposait le tribunal, je conclus que sa décision n'est pas déraisonnable et se trouve étayée par les éléments de preuve. Je ne suis pas persuadé que le tribunal ait commis une erreur de droit ni qu'il ait été prouvé qu'il y avait lieu pour la Cour d'intervenir.

[14]       Pour ces motifs, la présente demande de contrôle judiciaire est rejetée.

                                           W. Andrew MacKay   

                                                     Juge

OTTAWA (Ontario)

Le 9 mars 1998

Traduction certifiée conforme

Tan, Trinh-viet


                    COUR FÉDÉRALE DU CANADA

                 SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

           AVOCATS ET PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER

No DU GREFFE :IMM-1621-97

INTITULÉ DE LA CAUSE :Mary Theresa Sandnam et al. c. M.C.I.

LIEU DE L'AUDIENCE :Toronto (Ontario)

DATE DE L'AUDIENCE :Le 3 mars 1998

MOTIFS DE L'ORDONNANCE PAR :       le juge MacKay

EN DATE DU9 mars 1998

ONT COMPARU :

Raoul Boulakia                        pour les requérants

                              

Kevin Lunney                     pour l'intimé

PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER:

Raoul Boulakia                        pour les requérants

Toronto (Ontario)

George Thomson

Sous-procureur général du Canada

                                pour l'intimé

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