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Date : 20060623

Dossier : IMM-6272-05

Référence : 2006 CF 800

Ottawa (Ontario), le 23 juin 2006

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE BLAIS

 

ENTRE :

BABUR KIREC

demandeur

 

et

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]   Il s’agit d’une demande de contrôle judiciaire d’une décision d’une agente des visas (l’agente), rendue le 10 août 2005, dans laquelle l’agente rejetait la demande de résidence permanente de M. Babur Kirec (le demandeur). Le rejet de la demande était fondé sur la conclusion que le demandeur était interdit de territoire au Canada, conformément au paragraphe 38(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27 (la Loi), parce qu’il était raisonnable de croire que sa fille risquerait d’entraîner un fardeau excessif pour les services sociaux ou de santé en raison du fait qu’on avait diagnostiqué chez elle une infirmité motrice cérébrale.

 

LES FAITS

[2]   Le demandeur est un citoyen de la Turquie et un résident permanent des États-Unis d’Amérique. Il habite présentement dans l’État de la Floride.

 

[3]   De novembre 2000 à novembre 2003, le demandeur habitait au Canada et travaillait comme programmeur principal de systèmes de télécommunications à Vancouver (Colombie-Britannique). Sa deuxième femme, Nilgun, et ses deux enfants d’un premier mariage l’ont rejoint. Les enfants issus du premier mariage de Nilgun sont aussi venus le rejoindre.

 

[4]   Le 29 avril 2003 ou vers cette date, le demandeur a déposé une demande de résidence permanente dans la catégorie des travailleurs qualifiés. Sa femme et les quatre enfants comptaient comme personnes à charge dans cette demande. La fille cadette, Mine Kirec, qui a seize ans, souffre d’infirmité motrice cérébrale athétoïde.

 

[5]   Le 18 octobre 2004, la Dr Ann Duggan a émis une déclaration médicale qui se lisait comme suit : 

[traduction]

La demanderesse de 15 ans souffre d’infirmité motrice cérébrale athétoïde pathologique. C’est une enfant non verbale qui utilise le mouvement de ses jambes pour dire oui et non. Elle est entièrement dépendante d’une autre personne en ce qui a trait aux soins personnels, y compris son alimentation et sa toilette, et elle a recours à une chaise roulante pour se déplacer (ou à une marchette si elle a l’aide d’une autre personne). Elle reçoit des services d’ergothérapie, d’orthothérapie et de physiothérapie et elle utilise de l’équipement de technologie d’assistance. À l’école, elle est placée dans un environnement d’apprentissage adapté en éducation spécialisée et elle est accompagnée d’un travailleur de soutien.

 

L’infirmité motrice cérébrale de Mme Kirec est telle qu’il est raisonnable de croire qu’elle est permanente. La philosophie sociale du Canada reposant sur un engagement envers l’équité, la participation et l’intégration entière de tous, il existe donc un vaste système d’aide sociale. Présentement, l’infirmité de Mme Kirec la rend admissible à une éducation spécialisée intensive et à un soutien important pour les dispositifs médicaux et l’équipement de technologie d’assistance qui lui sont nécessaires.

 

D’après mon analyse des résultats du présent examen médical et de tous les rapports que j’ai reçus, je conclus qu’il est raisonnable de croire que l’état de santé de Mme Kirec nécessitera certains services dont les coûts dépasseront les coûts moyens par habitant sur une période de cinq ans. Mme Kirec n’est donc pas admissible aux termes de l’alinéa 38(1)c) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés.

 

(Déclaration médicale du 18 octobre 2004, dossier du demandeur à la page 142)

 

[6]   Dans une lettre datée du 23 novembre 2004 (lettre d’équité), on a avisé le demandeur qu’il était possible qu’il ne satisfasse pas aux exigences en matière d’immigration au Canada en raison de l’état de santé de sa fille. On a invité le demandeur à présenter des renseignements supplémentaires au sujet de l’état de santé de sa fille avant qu’un agent prenne une décision définitive quant à la demande de résidence permanente.

 

LA DÉCISION DE L’AGENTE

[7]   L’agente a rejeté la demande de résidence permanente du demandeur parce qu’elle a conclu, conformément au paragraphe 38(1) de la Loi, que sa fille était une personne dont l’état de santé, soit l’infirmité motrice cérébrale athétoïde, risquait vraisemblablement d’entraîner un fardeau excessif pour les services sociaux ou de santé au Canada.

 

LES QUESTIONS EN LITIGE

[8]1.         La lettre d’équité était-elle intrinsèquement viciée?

 

2.         La décision de l’agente des visas était-elle manifestement déraisonnable parce qu’elle ne se fondait pas sur une évaluation des coûts?

 

3.         La Dr Duggan a-t-elle omis de tenir compte de la situation personnelle de la fille du demandeur?

 

4.         Y a-t-il eu manquement à l’équité procédurale parce que le rapport du Dr Wong n’a pas été mentionné dans la lettre d’équité?

 

ANALYSE

[9]   Les dispositions de la Loi applicables à l’affaire sont les suivantes :

42. Emportent, sauf pour le résident permanent ou une personne protégée, interdiction de territoire pour inadmissibilité familiale les faits suivants :

42. A foreign national, other than a protected person, is inadmissible on grounds of an inadmissible family member if

a) l’interdiction de territoire frappant tout membre de sa famille qui l’accompagne ou qui, dans les cas réglementaires, ne l’accompagne pas;

(a) their accompanying family member or, in prescribed circumstances, their non-accompanying family member is inadmissible; or

b) accompagner, pour un membre de sa famille, un interdit de territoire.

 

(b) they are an accompanying family member of an inadmissible person.

 

 

38. (1) Emporte, sauf pour le résident permanent, interdiction de territoire pour motifs sanitaires l’état de santé de l’étranger constituant vraisemblablement un danger pour la santé ou la sécurité publiques ou risquant d’entraîner un fardeau excessif pour les services sociaux ou de santé.

38. (1) A foreign national is inadmissible on health grounds if their health condition

 

(a) is likely to be a danger to public health;

(b) is likely to be a danger to public safety; or

(c) might reasonably be expected to cause excessive demand on health or social services.

 

 

[10]           Les dispositions applicables du Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés, DORS/2002-227 (le Règlement), sont les suivantes :

20. L’agent chargé du contrôle conclut à l’interdiction de territoire de l’étranger pour motifs sanitaires si, à l’issue d’une évaluation, l’agent chargé de l’application des articles 29 à 34 a conclu que l’état de santé de l’étranger constitue vraisemblablement un danger pour la santé ou la sécurité publiques ou risque d’entraîner un fardeau excessif.

20. An officer shall determine that a foreign national is inadmissible on health grounds if an assessment of their health condition has been made by an officer who is responsible for the application of sections 29 to 34 and the officer concluded that the foreign national's health condition is likely to be a danger to public health or public safety or might reasonably be expected to cause excessive demand.

34. Pour décider si l’état de santé de l’étranger risque d’entraîner un fardeau excessif, l’agent tient compte de ce qui suit :

34. Before concluding whether a foreign national's health condition might reasonably be expected to cause excessive demand, an officer who is assessing the foreign national's health condition shall consider

a) tout rapport établi par un spécialiste de la santé ou par un laboratoire médical concernant l’étranger;

(a) any reports made by a health practitioner or medical laboratory with respect to the foreign national; and

b) toute maladie détectée lors de la visite médicale.

(b) any condition identified by the medical examination.

1(1) « fardeau excessif » Se dit :

1(1) “excessive demand” means

a) de toute charge pour les services sociaux ou les services de santé dont le coût prévisible dépasse la moyenne, par habitant au Canada, des dépenses pour les services de santé et pour les services sociaux sur une période de cinq années consécutives suivant la plus récente visite médicale exigée par le présent règlement ou, s’il y a lieu de croire que des dépenses importantes devront probablement être faites après cette période, sur une période d’au plus dix années consécutives;

(a) a demand on health services or social services for which the anticipated costs would likely exceed average Canadian per capita health services and social services costs over a period of five consecutive years immediately following the most recent medical examination required by these Regulations, unless there is evidence that significant costs are likely to be incurred beyond that period, in which case the period is no more than 10 consecutive years; or

b) de toute charge pour les services sociaux ou les services de santé qui viendrait allonger les listes d’attente actuelles et qui augmenterait le taux de mortalité et de morbidité au Canada vu l’impossibilité d’offrir en temps voulu ces services aux citoyens canadiens ou aux résidents permanents. (excessive demand)

 

(b) a demand on health services or social services that would add to existing waiting lists and would increase the rate of mortality and morbidity in Canada as a result of the denial or delay in the provision of those services to Canadian citizens or permanent residents. (fardeau excessif)

 

 

[11]           Dans l’arrêt Hilewitz c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration); De Jong c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2005] A.C.S. no 58, la Cour suprême du Canada a confirmé qu’il fallait appliquer la décision correcte comme norme de contrôle à l’analyse de la question de savoir si l’agent a commis une erreur en décidant qu’un demandeur risque vraisemblablement d’entraîner un fardeau excessif pour les services sociaux ou de santé, conformément au sous-alinéa 19(1)a)(ii) (maintenant le paragraphe 38(1) de la Loi).

 

1.         La lettre d’équité était-elle intrinsèquement viciée?

 

[12]           Le demandeur soutient que bien qu’une lettre d’équité lui ait été envoyée, elle ne donnait aucun détail au sujet des renseignements sur lesquels la Dr Duggan s’était fondée pour conclure que l’état de santé de Mine Kirec risquait vraisemblablement d’entraîner un fardeau excessif pour les services sociaux ou de santé. Par conséquent, la lettre est viciée parce que le demandeur ne connaît pas le contenu du dossier médical et ne sait pas quels critères ont été appliqués lors de l’évaluation de l’état de santé de Mine Kirec.

 

[13]           Je ne partage pas l’avis du demandeur. Comme le défendeur l’a noté, la lettre d’équité datée du 23 novembre 2004 comprenait les conclusions de la déclaration médicale. En d’autres mots, la lettre soulignait les motifs pour lesquels il avait été conclu que la fille du demandeur était interdite de territoire en raison de son état de santé. La lettre notait que la fille du demandeur était une enfant non verbale, qu’elle dépendait entièrement d’une autre personne en ce qui a trait aux soins personnels et qu’elle avait recours à des services d’ergothérapie, d’orthothérapie et de physiothérapie et à de la technologie d’assistance pour communiquer.

 

[14]           Comme la lettre d’équité soulignait les motifs médicaux d’interdiction de territoire, je conclus qu’elle n’est pas viciée. La lettre donnait bien des détails au sujet des renseignements sur lesquels la Dr Duggan s’était fondée pour conclure que l’état de santé de Mine Kirec risquait vraisemblablement d’entraîner un fardeau excessif pour les services sociaux ou de santé.

 

2.         La décision de l’agente des visas était-elle manifestement déraisonnable parce qu’elle ne se fondait pas sur une évaluation des coûts?

 

[15]           Le demandeur allègue que la déclaration médicale est viciée parce qu’elle ne présentait aucune preuve portant sur les coûts réels qu’entraînerait l’état de santé de sa fille. De plus, il soutient que l’agente des visas a commis une erreur parce qu’elle ne s’est pas renseignée sur les motifs pour lesquels la déclaration médicale ne présentait aucune preuve au sujet des dépenses réelles qui seraient engagées. Le demandeur allègue que la conclusion de l’agente des visas est fondée seulement sur le fait que Mine Kirec souffre d’infirmité motrice cérébrale et non sur une évaluation des coûts qui dépasseraient probablement les coûts moyens par habitant sur une période de cinq ans consécutifs.

 

[16]           L’argument du demandeur selon lequel la Dr Duggan a commis une erreur en ne faisant pas une estimation précise du coût des besoins de Mine Kirec en matière de services sociaux ou de santé n’est pas fondé. La Dr Duggan a conclu que Mine Kirec était interdite de territoire parce que ses besoins annuels prévus en matière de services sociaux ou de santé dépassaient largement la moyenne canadienne de 4 057 $ par personne (voir le contre-interrogatoire sur l’affidavit du Dr Waddell, à la page 24). En l’espèce, la Dr Duggan avait reçu des renseignements selon lesquels le ministère de l’Éducation de la Colombie-Britannique prévoyait un financement qui pouvait atteindre 30 000 $ par année pour des étudiants à charge handicapés.

 

[17]           Bien qu’aucun montant précis n’ait été mentionné au sujet des services que Mine Kirec utilisait au sein de la Commission scolaire de Vancouver, qui est financée par l’État, il y avait des preuves attestant qu’elle avait besoin d’un assistant en éducation spécialisée. Cet aspect à lui seul constituerait un fardeau excessif pour les services sociaux parce qu’il dépasserait certainement la limite prévue de 4 057 $. De plus, elle a besoin de services de physiothérapie autant du secteur privé qu’au sein de la Commission scolaire de Vancouver, elle a besoin des services d’ergothérapeutes et d’orthophonistes, et elle a eu recours aux fonds publics pour se procurer un fauteuil roulant.

 

[18]           Bien qu’elle n’ait pas mentionné de montant exact pour tous les services que la fille du demandeur utiliserait probablement, la Dr Duggan pouvait raisonnablement conclure que le coût total dépasserait le coût moyen par personne au Canada sur une période de cinq ans. La preuve en l’espèce démontre sans équivoque que la fille du demandeur a déjà utilisé les services sociaux et de santé du Canada pendant son séjour. Il était raisonnable que la Dr Duggan conclue qu’à son retour au Canada, la fille du demandeur utiliserait à nouveau ces services.

 

[19]           Vu l’affidavit de l’agente des visas et son contre-interrogatoire, je suis convaincu qu’elle n’a relevé aucune erreur dans la déclaration médicale. Par conséquent, je suis convaincu qu’elle a examiné le caractère raisonnable de la déclaration médicale. De plus, l’agente des visas pouvait raisonnablement se fier aux conclusions du rapport de la Dr Duggan selon lesquelles la fille du demandeur risquait vraisemblablement d’entraîner un fardeau excessif en matière de coûts, qui dépasseraient les coûts moyens par personne sur une période de cinq ans consécutifs. L’agente des visas n’a donc pas fondé sa conclusion exclusivement sur le fait que la fille du demandeur souffre d’infirmité motrice cérébrale.

 

3.           La docteure Duggan a-t-elle omis de tenir compte de la situation personnelle de la fille du demandeur?

 

[20]           Le demandeur allègue que les conclusions de la Dr Duggan sont viciées parce qu’elles ne tenaient pas compte de la situation personnelle de la fille du demandeur, surtout en ce qui a trait au niveau de soutien que la famille pourrait lui donner pour lui éviter d’imposer un fardeau excessif aux services sociaux.

 

[21]           Le défendeur soutient qu’il n’est pas clair si l’arrêt Hilewitz, précité, s’applique en l’espèce. Dans cet arrêt, la Cour suprême a tenu compte du fait que la demande de résidence permanente des demandeurs était fondée sur leur fortune personnelle en tant que demandeurs de la catégorie des gens d’affaires. De plus, les demandeurs dans l’arrêt Hilewitz avaient présenté des observations dans lesquelles ils décrivaient comment ils comptaient utiliser leur fortune personnelle en vue d’éviter d’imposer un fardeau excessif aux services sociaux. La Cour suprême a donc conclu qu’elle devait tenir compte du soutien de la famille dans le cadre de l’évaluation de la situation personnelle et de la non-admissibilité des demandeurs pour des raisons médicales. La Cour suprême a énoncé au paragraphe 70 :

Les médecins agréés et les agents des visas avaient l'obligation de tenir compte de tous les éléments pertinents, tant de nature médicale que non médicale, par exemple la disponibilité des services et les besoins prévus à cet égard. Or dans les deux cas, les agents des visas ont commis une erreur en confirmant le refus des médecins agréés de prendre en considération l'incidence possible de la volonté des familles d'apporter leur soutien. En outre, leurs décisions n'étaient pas fondées sur la totalité de l'information disponible, vu leur refus de lire les réponses des familles aux lettres requises par l'équité que leur avaient fait parvenir les médecins agréés.

 

[22]           Le défendeur fait valoir que le soutien de la famille ne devrait pas être examiné en l’espèce parce que le demandeur demande la résidence permanente dans la catégorie des travailleurs qualifiés et non dans la catégorie des gens d’affaires. Indépendamment de cet argument du défendeur, je dois répondre à une question plus pressante, soit le fait que le demandeur n’a présenté aucune observation quant à la façon dont le soutien de la famille pourrait compenser le fardeau excessif qui serait imposé aux services sociaux.

 

[23]           Dans l’affaire Newton-Juliard c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) 2006 CF 177, la juge Danielle Tremblay-Lamer a noté que dans l’arrêt Hilewitz, précité, les deux familles de demandeurs avaient exprimé leur intention d’inscrire leurs enfants à des écoles privées offrant une éducation spécialisée. De plus, M. Hilewitz avait aussi exprimé l’intention d’acquérir une entreprise qui procurerait un emploi à son fils, ce qui éliminerait la nécessité de recourir à la formation professionnelle. La juge Tremblay-Lamer a affirmé au paragraphe 24 :

Au moment où ils ont présenté leur demande, les familles Hilewitz et de Jong avaient toutes deux exprimé leur intention d'inscrire leurs enfants à des écoles privées offrant une éducation spécialisée, ce qui rendait peu probable le recours aux services financés par l'État. M. Hilewitz a également exprimé l'intention d'acquérir une entreprise qui procurerait un emploi à son fils, ce qui éliminerait la nécessité de recourir à la formation professionnelle. Dans l'affaire Hilewitz, l'agente des visas elle-même a reconnu qu'il était « très improbable » que la famille Hilewitz ait recours à des services financés par l'État. En l'espèce, contrairement aux affaires précitées, la demanderesse a inscrit sa fille dans une école publique dès son arrivée au Canada. Quant aux services requis dans le futur, contrairement dans les cas Hilewitz et de Jong, jamais la demanderesse n'a invoqué qu'elle entendait faire appel au système d'éducation privé.

 

[24]           La juge Tremblay-Lamer fait une distinction entre l’affaire Hilewitz et l’affaire Newton‑Juliard en notant que la demanderesse dans l’affaire Newton‑Juliard utilisait les services sociaux publics et qu’elle n’avait exprimé aucune intention contraire. La juge Tremblay‑Lamer a donc conclu, en fonction de la preuve dont elle était saisie, que la demanderesse imposerait un fardeau excessif aux services sociaux.

 

[25]           Dans l’affaire Khan c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2002] 2 C.F. 413, la Cour d’appel a fait la déclaration suivante au paragraphe 23 au sujet de l’invitation à déposer des observations en ce qui a trait au fardeau excessif :

 

Nombreux sont les précédents qui permettent d'affirmer que, si la lettre de seconde chance ne renferme pas une invitation explicite à produire des éléments nouveaux sur la question du fardeau excessif, cela ne signifie pas pour autant que le demandeur de visa se voit refuser le droit à une possibilité raisonnable de répondre aux préoccupations en la matière, quand bien même la lettre l'invite-t-elle expressément à produire des éléments nouveaux sur les conclusions médicales : Hussain c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) (1996), 35 Imm. L.R. (2d) 865 (C.F. 1re inst.), au paragraphe 21; Yogeswaran c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) (1997), 129 F.T.R. 151 (C.F. 1re inst.), aux paragraphes 4 à 6; Ma c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) (1998), 140 F.T.R. 311 (C.F. 1re inst.), aux paragraphes 15 à 17; Koudriachov c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) (1999), 175 F.T.R. 138 (C.F. 1re inst.), au paragraphe 34.

 

[26]           En l’espèce, la fille du demandeur utilise les services sociaux du Canada depuis longtemps. De plus, le demandeur n’a jamais présenté d’observations attestant que sa fille n’entraînerait pas de fardeau excessif pour de tels services si la famille quittait les États-Unis pour le Canada. Il est clair que l’agente des visas a tenu compte de la situation personnelle de la fille du demandeur. L’agente des visas n’a donc pas commis d’erreur en rejetant la demande de résidence permanente du demandeur en raison de l’interdiction de territoire de sa fille pour des raisons médicales.

 

4.         Y a-t-il eu manquement à l’équité procédurale parce que le rapport du Dr Wong n’a pas été mentionné dans la lettre d’équité?

 

[27]           Le demandeur soutient que la Dr Duggan était la personne qui a rendu la décision au sujet de l’interdiction de territoire pour des raisons médicales et qui a préparé la déclaration médicale. Depuis, elle est en congé de maternité et c’est le Dr Waddel qui a présenté en l’espèce un affidavit qui décrivait la procédure que la Dr Duggan avait suivie pour en arriver à la conclusion de l’interdiction de territoire pour des raisons médicales. Le Dr Waddel a fondé son affidavit sur les notes prise par la Dr Duggan au sujet du dossier.

 

[28]           Le demandeur soutient qu’il y a eu manquement à l’équité procédurale parce que la lettre d’équité ne faisait pas mention de la preuve médicale contradictoire qui avait été présentée à la Dr Duggan, et que l’agente des visas n’avait pas été avisée de l’existence de cette preuve. Le docteur désigné à New York, le Dr Wong, a présenté aux Services médicaux aux fins d’immigration un rapport médical qui contredisait l’évaluation de la Dr Duggan. Il a été impossible de communiquer avec la Dr Duggan et il est donc impossible de déterminer avec certitude si elle a tenu compte de ce rapport. Au cours du contre-interrogatoire sur son affidavit, le Dr Waddel a expliqué que c’est la norme pour le médecin de tenir compte de tous les renseignements médicaux.

 

[29]            L’agente des visas n’a pas commis d’erreur en ne présentant pas au demandeur le rapport du Dr Wong, qui concluait que l’état de santé de Mine pouvait être traité sans qu’il soit nécessaire d’avoir recours aux services sociaux. Comme le défendeur l’a fait remarquer, le demandeur était au courant des renseignements sur lesquels le Dr Wong s’était fondé – soit que la fille du demandeur est en fauteuil roulant, que son corps est flasque et qu’elle n’a pas besoin de médicaments – et qu’on avait d’ailleurs transmis ces renseignements au demandeur. Au vu du rapport du Dr Wong, la Dr Duggan a conclu qu’il était nécessaire d’obtenir plus de renseignements avant de tirer une conclusion définitive au sujet de l’admissibilité. Avant que cette décision soit rendue, un résumé des renseignements sur lesquels elle s’était fondée a été préparé et transmis au demandeur pour qu’il puisse y répondre. Le principe d’équité a été respecté.

 

[30]           L’avocat du défendeur énonce la question suivante pour la certification :

[traduction]

Le médecin ou l’agent des visas a-t-il l’obligation de préciser dans la lettre d’équité le coût des services sociaux ou de santé prévus?

 

À mon avis, la Loi et le Règlement parlent d’eux-mêmes et répondent à cette question. Par conséquent, la question du défendeur n’est pas une question de portée générale et elle ne sera pas certifiée.


JUGEMENT

 

 

            La demande de contrôle judiciaire est rejetée.

 

 

 

« Pierre Blais »

Juge

 

Traduction certifiée conforme

Evelyne Swenne, traductrice


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

DOSSIER :                                        IMM-6272-05

 

INTITULÉ :                                       Babur Kirec c. MCI

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 Vancouver (C.-B.)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               Le 25 mai 2006

 

MOTIFS DU JUGEMENT :            LE JUGE BLAIS

 

DATE DES MOTIFS :                      Le 23 juin 2006

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Bruce J. Harwood

 

POUR LE DEMANDEUR

Sandra Weafer

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Watson Goepel Maledy LLP

 

POUR LE DEMANDEUR

John H. Sims, c.r.

Sous-procureur général

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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