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                                                                                                                                 Date : 20040908

                                                                                                                    Dossier : IMM-6482-03

                                                                                                                Référence : 2004 CF 1229

ENTRE :

                                                          SARDAR MUHAMMAD

                                                                                                                                           demandeur

                                                                             et

                         LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

                                                                                                                                             défendeur

                                    MOTIFS DE L'ORDONNANCE INTÉRIMAIRE

LE JUGE PHELAN

[1]                Il s'agit ici des motifs d'une ordonnance intérimaire autorisant le demandeur à déposer un affidavit de son ancienne avocate quant à la réception d'une lettre et de pièces jointes provenant de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié (la Commission). Vu l'ordonnance intérimaire, je n'examinerai pas le fond de la demande de contrôle judiciaire avant que la question intérimaire ait été réglée.

[2]                Le demandeur a d'abord déposé une demande d'asile au motif qu'il craignait avec raison d'être persécuté ou d'être en danger au Pakistan du fait de sa religion chiite et de son appartenance à l'organisation politique et religieuse Tahreek Jafferia Pakistan (TJP).


[3]                L'identité du demandeur comme chiite et comme membre de la TJP était au coeur de la décision de la Commission. La Commission avait reçu une lettre du secrétaire de la TJP qui affirmait que deux lettres de recommandation d'un bureau local de la TJP étaient de la [traduction] « pure fiction » .

[4]                Le demandeur a expliqué ce retournement de situation en disant que la SSP avait intercepté le véritable rapport du secrétaire de la TJP et lui avait substitué un faux. Cette explication ne cadrait pas avec d'autres éléments de la preuve documentaire. Le demandeur n'a pas pu concilier les éléments contradictoires de la preuve documentaire et il a fourni encore une autre explication.

[5]                Après l'audience, la Commission a reçu une lettre en date du 28 mai 2003 apparemment du secrétaire de la TJP qui confirmait que le demandeur était chiite. La Commission a jugé la lettre pertinente et l'a classée comme pièce S-4.

[6]                La Commission avait aussi reçu, le 10 août 2002, un courriel provenant apparemment de la TJP et adressé au personnel de la recherche de la Commission. En raison de ce qu'on a qualifié de manque d'attention, ce courriel n'a pas été communiqué à l'avocate. Le courriel était une confirmation que la lettre du bureau local de la TJP (celle que la SSP avait apparemment volée et remplacée) était une lettre de recommandation en faveur du demandeur et qu'elle était [traduction] « authentique » . Le courriel a aussi été classé comme pièce au dossier.

[7]                Par conséquent, le demandeur avait alors deux documents qui confirmaient qu'il était bien membre de la TJP et un document qui était apparemment un faux produit par la SSP, l'organisation rivale de la TJP.


[8]                La Commission a ordonné que ces deux pièces (la lettre du 28 mai 2003 et le courriel du 10 août 2002) soient envoyés à l'avocate du demandeur et elle l'a invitée à présenter des observations. La Commission n'a reçu aucune observation.

[9]                La Commission a décidé de rejeter la demande. Elle avait des doutes quant à l'authenticité tant du courriel du 10 août 2002 que de la lettre du 28 mai 2003. La Commission entretenait par ailleurs des doutes relativement à la preuve présentée par le demandeur et, finalement, elle a conclu qu'il n'était ni un chiite ni un membre de la TPJ.

[10]            Devant la Cour, le demandeur a déposé un affidavit dans lequel il donnait sa version des faits. Le passage essentiel se trouve à l'alinéa 10g), où il affirme que ni son avocate ni lui n'ont jamais vu les documents datés du 28 mai 2003 et du 10 août 2002. Il n'est pas étonnant que le demandeur n'en ait pas reçu copie, puisqu'il n'a jamais été désigné comme destinataire. Le libellé est important :

[traduction] Ni mon avocate ni moi n'avons jamais vu l'information de la TJP en date du 28 mai 2003 et du 10 août 2002 communiquée directement à la Commission par Naqvi à partir du Pakistant, corroborant l'information fournie à la Commission le 2 juin 2002 et datée du 28 mai 2003.

[11]            Le défendeur a répondu en produisant l'affidavit d'un technicien juridique du ministère de la Justice auquel étaient jointes la lettre d'envoi de la Commission adressée à l'avocate qui représentait alors le demandeur, les deux pièces en cause et une copie de l'écran « Entrée du courrier à expédier » . Le défendeur voulait ainsi prouver que la Commission avait envoyé les documents en question à l'avocate du demandeur inscrite au dossier.

[12]            Ce qui manque dans toute cette documentation, c'est la preuve que, d'une façon ou d'une autre, l'avocate du demandeur avait reçu les documents.


[13]            Le demandeur a déposé une réponse supplémentaire, mais il n'a pas déposé de déclaration de son ancienne avocate.

[14]            On peut soutenir que le demandeur n'a pas réussi à prouver que son ancienne avocate n'a pas reçu les documents et que, par conséquent, cela suffit pour décider l'affaire.

[15]            L'avocat du demandeur allègue maintenant qu'il faut supposer que le demandeur a communiqué avec son ancienne avocate avant de faire la déclaration de l'alinéa 10g). La Cour ne peut pas faire de telles suppositions sur une affaire de cette importance.

[16]            Les conséquences pour le demandeur de ne pas avoir reçu les documents et de n'avoir pas répondu sont si graves, soit le rejet de sa demande d'asile, que je suis disposé à donner au demandeur la possibilité de fournir la seule preuve de non-réception qu'il vaille la peine de fournir, soit une déclaration de son ancienne avocate.

[17]            Pour ces motifs, je décernerai une ordonnance intérimaire.

                                                                                                                           « Michael L. Phelan »          

     Juge

Traduction certifiée conforme

Jacques Deschênes


                                                             COUR FÉDÉRALE

                                              AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                         IMM-6482-03

INTITULÉ :                                        SARDAR MUHAMMAD

c.

MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

LIEU DE L'AUDIENCE :                  TORONTO (ONTARIO)

DATE DE L'AUDIENCE :                LE MERCREDI 4 AOÛT 2004

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

INTÉRIMAIRE :                               LE JUGE PHELAN

DATE DES MOTIFS :                       LE 8 SEPTEMBRE 2004

COMPARUTIONS :

Robert I. Blanshay                                 POUR LE DEMANDEUR

Pamela Larmondin                                 POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Robert I. Blanshay

Toronto (Ontario)                                  POUR LE DEMANDEUR

Morris Rosenberg

Sous-procureur général du Canada

Ottawa (Ontario)                                   POUR LE DÉFENDEUR


                                                                                                                                 Date : 20040908

                                                                                                                    Dossier : IMM-6482-03

OTTAWA (ONTARIO), LE 8 SEPTEMBRE 2004

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE PHELAN

ENTRE :

                                                          SARDAR MUHAMMAD

                                                                                                                                           demandeur

                                                                             et

                         LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

                                                                                                                                             défendeur

                                                 ORDONNANCE INTÉRIMAIRE

LA COUR ORDONNE :

1.          Dans les trente (30) jours de la présente ordonnance, le demandeur doit déposer à la Cour et signifier au défendeur et à la Commission de l'immigration et du statut de réfugié un affidavit de son ancienne avocate, L. Gozlan, confirmant qu'elle n'a pas reçu la lettre de Glenn Ng de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié en date du 11 juin 2003 et les pièces qui y étaient jointes, ou, si elle l'a reçue, donnant une explication détaillée quant à sa réception.

2.          Si l'affidavit en question est déposé, la Cour examinera quelles autres étapes seront appropriées dans les circonstances.


3.          D'ici l'expiration du délai de 30 jours, aucune mesure ne devra être prise relativement à l'exécution de la décision de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié sans l'autorisation de la Cour.

          « Michael L. Phelan »          

Juge

Traduction certifiée conforme

Jacques Deschênes

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