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Date : 20060116

Dossier : IMM-2866-05

Référence : 2006 CF 30

Ottawa (Ontario), le 16 janvier 2006

EN PRÉSENCE DE MADAME LA JUGE SNIDER

ENTRE :

ARMAN BAUTISTA

demandeur

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

défendeur

MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

LA JUGE SNIDER

[1]         M. Arman Bautista (le demandeur) sollicite le contrôle judiciaire d'une décision par laquelle la Section d'appel de l'immigration (la SAI) de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié a conclu, en date du 8 avril 2005, que l'appel de la mesure de renvoi prise à l'endroit du demandeur était classé et que le sursis de cette mesure de renvoi était révoqué.

[2]         Le demandeur est un citoyen des Philippines qui est entré au Canada en 1994 en tant que résident permanent. Le demandeur a fait l'objet de six déclarations de culpabilité en 1997 et 1998, dont deux ont entraîné des peines d'emprisonnement de deux ans et six mois, dans chacun des cas. Compte tenu de ces deux déclarations de culpabilité et suivant les dispositions de la Loi sur l'immigration, L.R.C. 1985, ch. I-2 (l'ancienne loi), la Section de l'immigration de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié a pris une mesure d'expulsion à l'endroit du demandeur le 23 mai 2000.

[3]         Comme le prévoyait l'ancienne loi, le demandeur a interjeté appel devant la SAI de la mesure d'expulsion prise à son endroit. Après avoir examiné les circonstances applicables au dossier du demandeur, la SAI, dans une ordonnance datée du 29 mai 2001, a prononcé un sursis à la mesure d'expulsion prise à l'endroit du demandeur, en assortissant ce sursis de nombreuses conditions, et a fixé au 14 mai 2005 le contrôle de la décision. Le demandeur a fait l'objet de six nouvelles déclarations de culpabilité entre le 21 mai 2003 et le 8 juillet 2004, pour lesquelles il a été condamné à une amende, à une probation et à des peines d'emprisonnement totalisant moins de six mois.

[4]         Le 28 juin 2002, l'ancienne loi a été abrogée et la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27 (LIPR), est entrée en vigueur. Le 18 mai 2004, le solliciteur général du Canada a présenté une demande visant à faire rejeter l'appel du demandeur et à faire révoquer le sursis de la mesure d'expulsion prise à son endroit.

La décision de la SAI

[5]         Après avoir entendu cette demande le 14 janvier 2005, la SAI a conclu que l'appel du demandeur était classé et que son sursis était révoqué de plein droit. La SAI a conclu que l'article 197, l'article 64 et le paragraphe 68(4) de la LIPR s'appliquaient en raison de « grande criminalité » , c'est-à-dire en raison d'une déclaration de culpabilité punissable par un emprisonnement d'au moins deux ans.

[6]         La SAI s'appuyait sur l'arrêt Medovarski c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2004 CAF 85 (ci-après nommé Medovarski (C.A.F.)), confirmé par [2005] A.C.S. no 31, 2005 CSC 51 (ci-après nommé Medovarski (C.S.C.)), et sur la décision Psyrris c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2004 CF 1443. Étant donné que le demandeur avait fait l'objet d'un sursis au titre de l'ancienne loi et qu'il n'avait pas respecté les conditions de ce sursis en commettant de nouvelles infractions criminelles, l'article 197 de la LIPR s'appliquait et faisait entrer en jeu l'article 64 et le paragraphe 68(4). La SAI a statué que l'article 64 et le paragraphe 68(4) mettaient fin au droit d'appel et au sursis dans les cas où une personne faisant l'objet d'une déclaration de culpabilité recevait une peine d'emprisonnement d'au moins de deux ans. La SAI a souligné que le demandeur avait été condamné à une peine de deux ans et six mois. Par conséquent, la SAI a conclu qu'elle n'avait pas compétence pour accorder un redressement discrétionnaire, c'est-à-dire qu'elle ne pouvait pas examiner les « circonstances particulières de l'espèce » comme elle l'aurait fait suivant l'alinéa 70(1)b) de l'ancienne loi.

Les questions en litige

[7]         La question en litige dans la présente demande est celle de savoir si l'article 197, une disposition transitoire de la LIPR, enlève le droit de continuer l'appel à la SAI lorsque :

  • avant l'entrée en vigueur de la LIPR, la personne avait commis une infraction criminelle qui a entraîné une peine d'emprisonnement d'au moins deux ans;

  • une mesure de renvoi avait été prise en raison de la déclaration de culpabilité;

  • la personne avait, comme le permettaient les dispositions de l'ancienne loi, interjeté appel devant la SAI de la mesure de renvoi prise à son endroit;

  • la SAI, après avoir examiné les circonstances particulières de l'espèce, avait accordé un sursis, assorti de conditions, qui a permis à la personne de demeurer au Canada malgré la déclaration de culpabilité;

  • la personne n'avait pas respecté les conditions du sursis, mais n'avait commis aucune autre infraction criminelle ayant entraîné une peine d'emprisonnement de plus de six mois.

[8]         Dans la demande présentée à la Cour, aucune question n'est soulevée quant aux faits, c'est-à-dire que le demandeur ne conteste pas le fait qu'il n'a pas respecté les conditions de son sursis. La question se résume à savoir quel effet a le moment où est survenue la peine d'emprisonnement de deux ans du demandeur. Selon l'interprétation faite par le demandeur quant aux dispositions pertinentes de la loi, l'article 197 ne s'applique pas lorsque la déclaration de culpabilité a eu lieu avant que la SAI accorde un sursis et, par conséquent, son droit d'appel à la SAI est maintenu. Le défendeur prétend, en fait, qu'il n'est pas pertinent de savoir si la déclaration de culpabilité pour laquelle une peine de deux ans a été infligée au demandeur a eu lieu avant qu'il fasse l'objet d'un sursis; les articles 64 et 197 s'appliquent pour mettre fin à son droit de continuer son appel devant la SAI.

[9]         Les parties reconnaissent que la norme de contrôle à appliquer à la décision de la SAI, qui est une question de droit, est la norme de la décision correcte. Je partage l'opinion des parties. Les questions d'interprétation des lois sont des questions de droit devant faire l'objet d'un contrôle suivant la norme de la décision correcte (Housen c. Nikolaisen, [2002] 2 R.C.S. 235, 2002 CSC 33, au paragraphe 8).

Les dispositions pertinentes

La LIPR

190. La présente loi s'applique, dès l'entrée en vigueur du présent article, aux demandes et procédures présentées ou instruites, ainsi qu'aux autres questions soulevées, dans le cadre de l'ancienne loi avant son entrée en vigueur et pour lesquelles aucune décision n'a été prise.

190. Every application, proceeding or matter under the former Act that is pending or in progress immediately before the coming into force of this section shall be governed by this Act on that coming into force.

192. S'il y a eu dépôt d'une demande d'appel à la Section d'appel de l'immigration, à l'entrée en vigueur du présent article, l'appel est continué sous le régime de l'ancienne loi, par la Section d'appel de l'immigration de la Commission.

192. If a notice of appeal has been filed with the Immigration Appeal Division immediately before the coming into force of this section, the appeal shall be continued under the former Act by the Immigration Appeal Division of the Board.

197. Malgré l'article 192, l'intéressé qui fait l'objet d'un sursis au titre de l'ancienne loi et qui n'a pas respecté les conditions du sursis, est assujetti à la restriction du droit d'appel prévue par l'article 64 de la présente loi, le paragraphe 68(4) lui étant par ailleurs applicable.

197. Despite section 192, if an appellant who has been granted a stay under the former Act breaches a condition of the stay, the appellant shall be subject to the provisions of section 64 and subsection 68(4) of this Act.

64. (1) L'appel ne peut être interjeté par le résident permanent ou l'étranger qui est interdit de territoire pour raison de sécurité ou pour atteinte aux droits humains ou internationaux, grande criminalité ou criminalité organisée, ni par dans le cas de l'étranger, son répondant.

64. (1) No appeal may be made to the Immigration Appeal Division by a foreign national or their sponsor or by a permanent resident if the foreign national or permanent resident has been found to be inadmissible on grounds of security, violating human or international rights, serious criminality or organized criminality.

(2) L'interdiction de territoire pour grande criminalité vise l'infraction punie au Canada par un emprisonnement d'au moins deux ans.

(2) For the purpose of subsection (1), serious criminality must be with respect to a crime that was punished in Canada by a term of imprisonment of at least two years.

68. (4) Le sursis de la mesure de renvoi pour interdiction de territoire pour grande criminalité ou criminalité est révoqué de plein droit si le résident permanent ou l'étranger est reconnu coupable d'une autre infraction mentionnée au paragraphe 36(1), l'appel étant dès lors classé.

68. (4) If the Immigration Appeal Division has stayed a removal order against a permanent resident or a foreign national who was found inadmissible on grounds of serious criminality or criminality, and they are convicted of another offence referred to in subsection 36(1), the stay is cancelled by operation of law and the appeal is terminated.

36. (1) Emportent interdiction de territoire pour grande criminalité les faits suivants :

a) être déclaré coupable au Canada d'une infraction à une loi fédérale punissable d'un emprisonnement maximal d'au moins dix ans ou d'une infraction à une loi fédérale pour laquelle un emprisonnement de plus de six mois est infligé; [...]

36. (1) A permanent resident or a foreign national is inadmissible on grounds of serious criminality for

(a) having been convicted in Canada of an offence under an Act of Parliament punishable by a maximum term of imprisonment of at least 10 years, or of an offence under an Act of Parliament for which a term of imprisonment of more than six months has been imposed; ...

L'analyse

[10]       Il y a au coeur du présent conflit, une question d'interprétation des lois. Très récemment, la Cour suprême du Canada a fourni, au paragraphe 8 de l'arrêt Medovarski (C.S.C.), des directives sur la méthode à adopter à l'égard d'une question étroitement liée :

Les termes de la présente loi, comme ceux de toute autre loi, doivent être interprétés en tenant compte de l'ensemble de l'objet, du texte et du contexte de la disposition en cause : E. A. Driedger, Construction of Statutes (2e éd. 1983), p. 87. Pour déterminer s'il élimine les appels de résidents permanents qui bénéficient d'un sursis d'exécution d'une mesure de renvoi, j'interprète l'art. 196 en tenant compte de l'objet de la LIPR et de ses dispositions transitoires, des versions française et anglaise de cet article, de son contexte législatif ainsi que de la nécessité d'éviter d'arriver à un résultat absurde, illogique ou redondant. Enfin, je vais examiner les craintes que la transition à la nouvelle LIPR soit source d'iniquité pour les appelants.

[11]       Dans l'arrêt Medovarski (C.S.C.), précité, la Cour suprême a conclu que l'article 196 de la LIPR mettait fin au droit d'un intéressé d'interjeter appel de la mesure de renvoi prise pour raison de grande criminalité. Le demandeur souligne que la demande présentée à la Cour se rapporte à une disposition transitoire différente de la LIPR - précisément l'article 197 - et que l'interprétation correcte de l'article 196 n'a pas été établie par l'arrêt Medovarski (C.S.C.). Je conviens que la question précise soumise à la Cour n'a pas été traitée par la Cour suprême. Cependant, l'article 197, comme l'article 196, fait partie d'un ensemble plus large de dispositions transitoires qui sont comprises dans la LIPR et qui traitent de grande criminalité. Ainsi, les principes et la méthode utilisés par la Cour suprême dans son analyse sont utiles et sont directement pertinents. Par conséquent, je vais adopter une méthode similaire en appliquant les conclusions de la Cour suprême lorsqu'elles sont applicables.

L'objet de la LIPR et ses dispositions transitoires

[12]       Dans l'arrêt Medovarski (C.S.C.), précité, la première étape de l'analyse de la Cour suprême était un examen de l'objet des dispositions transitoires applicables de la LIPR. En faisant cet examen, Mme la juge en chef McLachlin, qui rédigeait l'opinion unanime de la Cour suprême, a fait des commentaires de nature générale qui ne se limitaient pas à une interprétation de l'article 196. À partir du paragraphe 9, la juge en chef McLachlin a déclaré ce qui suit :

¶ 9             La LIPR comporte une série de dispositions destinées à faciliter le renvoi de résidents permanents qui se sont livrés à des activités de grande criminalité. Cette intention se dégage des objectifs de la LIPR, des dispositions de la LIPR applicables aux résidents permanents et des audiences qui ont précédé l'adoption de la LIPR.

¶ 10           Les objectifs explicites de la LIPR révèlent une intention de donner priorité à la sécurité. Pour réaliser cet objectif, il faut empêcher l'entrée au Canada des demandeurs ayant un casier judiciaire et renvoyer ceux qui ont un tel casier, et insister sur l'obligation des résidents permanents de se conformer à la loi pendant qu'ils sont au Canada. Cela représente un changement d'orientation par rapport à la loi précédente, qui accordait plus d'importance à l'intégration des demandeurs qu'à la sécurité : voir, par exemple, l'al. 3(1)i) LIPR comparativement à l'al. 3j) de l'ancienne Loi; l'al. 3(1)e) LIPR comparativement à l'al. 3d) de l'ancienne Loi; l'al. 3(1)h) LIPR comparativement à l'al. 3i) de l'ancienne Loi. Considérés collectivement, les objectifs de la LIPR et de ses dispositions relatives aux résidents permanents traduisent la ferme volonté de traiter les criminels et les menaces à la sécurité avec moins de clémence que le faisait l'ancienne Loi.

¶ 11           Conformément à ces objectifs, la LIPR crée un nouveau régime par lequel la peine d'emprisonnement de plus de six mois emporte interdiction de territoire : al. 36(1)a) LIPR. La personne condamnée à une peine d'emprisonnement de plus de deux ans ne peut pas interjeter appel d'une mesure de renvoi la visant : art. 64 LIPR. Les dispositions autorisant le contrôle judiciaire atténuent le caractère définitif de ces dispositions, tout comme le font les appels fondés sur des motifs d'ordre humanitaire et l'évaluation du risque préalable à un renvoi. Toutefois, la Loi est claire : un emprisonnement de plus de six mois emporte interdiction de territoire; un emprisonnement de plus de deux ans emporte interdiction d'appel.

¶ 12           Lorsqu'elle a déposé la LIPR, la ministre a souligné énergiquement que les dispositions comme l'art. 64 avaient pour objet de retirer aux grands criminels le droit d'interjeter appel. Elle a dit souhaiter [traduction] « que l'on renvoie le plus rapidement possible [...] les personnes qui constituent un risque pour la sécurité du Canada » .

¶ 13           En résumé, les dispositions de la LIPR et les commentaires de la ministre indiquent que l'adoption de la LIPR, et de l'art. 64 en particulier, visait à renvoyer diligemment du pays les criminels condamnés à une peine d'emprisonnement de plus de six mois. Étant donné que l'art. 196 renvoie expressément à l'art. 64 (privant du droit d'appel les grands criminels), il semble que les dispositions transitoires devraient être interprétées à la lumière de ces objectifs législatifs.

[13]       Ces paragraphes mentionnent l'intention générale du législateur d'adopter un régime de lois qui de façon efficace renvoient les criminels qui ont été condamnés à des peines pour « grande criminalité » . Dans ce régime, le législateur a inclus l'article 64 qui empêche que des appels soient interjetés à la SAI dans de tels cas. L'article 197 renvoie à l'article 64 et, comme la Cour suprême a fait dans l'arrêt Medovarski (C.S.C.), précité, à l'égard de l'article 196, l'article 197 devrait être interprété en fonction des objectifs de la loi.

L'aperçu du régime de la LIPR

[14]       Il est utile d'examiner la façon selon laquelle, suivant la LIPR, sont traités les résidents permanents qui ont fait l'objet de déclarations de culpabilité. Suivant le régime actuel de la LIPR, un étranger qui est interdit de territoire en raison d'une infraction punissable d'une peine d'emprisonnement maximal d'au moins dix ans et pour laquelle une peine d'emprisonnement de deux ans et plus a été infligée n'a pas le droit d'interjeter appel à la SAI (paragraphe 36(1) et article 64). Par conséquent, cet étranger n'aurait pas le droit d'obtenir de la SAI un sursis prévu par la loi comme l'énonce l'article 68 de la LIPR. Il faut mentionner que, même si la définition de grande criminalité inclut une peine de six mois ou plus (le paragraphe 36(1)), dans le cas de grande criminalité, le droit d'appel n'est retiré que si la peine infligée est de plus de deux ans (paragraphe 64(2)).

[15]       Un autre aspect du régime de la LIPR est prévu à l'article 68, qui traite de la compétence de la SAI d'ordonner des sursis à des mesures de renvoi. Le paragraphe 68(4) a pour effet de révoquer le sursis et de classer l'appel d'un étranger : (a) qui a fait l'objet d'une interdiction de territoire pour grande criminalité ou criminalité; (b) qui fait l'objet d'un sursis quant à sa mesure de renvoi; (c) qui est déclaré coupable d'une autre infraction mentionnée au paragraphe 36(1).

[16]       Par conséquent, suivant les dispositions de la LIPR, un étranger qui satisfait aux critères de l'article 64 ou du paragraphe 68(4) n'aura pas le droit d'invoquer devant la SAI des circonstances exceptionnelles. C'est ce qui se passe indépendamment de la situation personnelle de l'individu et indépendamment du moment où ont eu lieu les déclarations de culpabilité.

[17]       En juin 2002, lorsque la LIPR est entrée en vigueur, il y avait de nombreux résidents permanents qui étaient soumis aux dispositions relatives au sursis contenues dans l'ancienne loi. C'est-à-dire que malgré des mesures de renvoi valides, la SAI avait, suivant l'alinéa 70(1)b) de l'ancienne loi, examiné les « circonstances particulières de l'espèce » et, suivant le paragraphe 73(1) et le paragraphe 74(2) de l'ancienne loi, avait ordonné de surseoir à l'exécution de la mesure de renvoi aux conditions fixées par la SAI qui réexamine le cas en tant que de besoin. Les mesures de renvoi pouvaient résulter de déclarations de culpabilité pour des infractions pouvant être punissables d'un emprisonnement maximal égal ou supérieur à dix ans (alinéa 19(1)c) de l'ancienne Loi.). À des fins d'illustration, examinons les exemples suivants de trois individus qui auraient pu faire l'objet de mesures de renvoi et de sursis suivant l'ancienne loi :

  • Le résident permanent A a été déclaré coupable d'une infraction punissable d'un emprisonnement maximal égal ou supérieur à dix ans et il a été condamné à une peine d'emprisonnement de trois mois. Le résident A aurait pu faire l'objet d'une mesure de renvoi et d'un sursis par la SAI. Toutefois, l'infraction commise par le résident A, si elle était examinée suivant la LIPR, ne satisferait pas au critère de grande criminalité prévu par le paragraphe 36(1) ou à la peine minimale de deux ans prévue par l'article 64 qui aurait mis fin à son droit d'appel.

  • Le résident permanent B a fait l'objet d'une mesure de renvoi fondée sur une infraction punissable d'un emprisonnement égal ou supérieur à dix ans et il a été condamné à une peine de huit mois. Si son dossier était examiné suivant la LIPR, le résident B satisferait au critère de grande criminalité prévu au paragraphe 36(1), mais il ne serait pas mis fin automatiquement à son droit d'appel suivant l'article 64.

  • Le résident permanent C a été déclaré coupable d'une infraction punissable d'un emprisonnement maximal égal ou supérieur à dix ans et il a été condamné à une peine d'emprisonnement de plus de deux ans. Suivant la LIPR, sa criminalité constituerait de la grande criminalité selon ce qui est énoncé au paragraphe 36(1) et, compte tenu de la peine d'emprisonnement de deux ans, il n'aurait pas le droit d'interjeter appel à la SAI (paragraphe 64(1)). La situation du demandeur est visée par la description du résident permanent C.

[18]       En résumé, la catégorie de personnes faisant l'objet de sursis suivant l'ancienne loi inclut, en étant plus large, les personnes qui seraient visées soit par l'article 64, soit par le paragraphe 36(1) de la LIPR, soit par les deux.

Le libellé de l'article 197

[19]       L'étape suivante de l'analyse consiste à analyser le libellé de l'article 197. Que signifient les mots « l'intéressé [...] est assujetti à la restriction du droit d'appel prévue par l'article 64 de la présente loi, le paragraphe 68(4) lui étant par ailleurs applicable » ?

[20]       Le demandeur fait valoir que, étant donné que sa condamnation à une peine d'emprisonnement de deux ans a été prononcée avant l'entrée en vigueur de la LIPR et étant donné qu'il fait l'objet d'un sursis par la SAI, l'article 197 ne s'applique pas à lui. Selon ce que je comprends de ses prétentions, le demandeur s'appuie sur deux arguments principaux se rapportant au sens des mots utilisés à l'article 197 :

  • étant donné que l'article 197 ne mentionne pas explicitement qu'il est mis fin à un appel interjeté devant la SAI, l'article 197 ne peut pas signifier qu'il est mis fin à une instance qui a fait l'objet d'un sursis;

  • le demandeur doit satisfaire aux critères de l'article 64 et du paragraphe 68(4) pour que l'article 197 s'applique pour mettre fin à l'appel devant la SAI et, selon les faits se rapportant à son affaire, le paragraphe 68(4) ne s'applique pas à lui.

[21]       Je vais traiter de chacune de ces prétentions.

L'absence de mention explicite selon laquelle il est mis fin à l'appel devant la SAI

[22]       Comme il a été mentionné dans l'arrêt Medovarski (C.S.C.), au paragraphe 37, l'octroi d'un sursis suivant l'ancienne loi n'était « qu'une mesure temporaire » . La SAI conservait un pouvoir de contrôle et l'appel à la SAI ne pouvait être « tranché ou clos que lorsqu'il était accueilli ou rejeté » .

[23]       Le demandeur prétend que l'article 197, puisqu'il n'inclut pas des mots qui établiraient explicitement qu'il est mis fin à un appel en instance devant la SAI, ne peut pas s'appliquer pour mettre fin à l'appel d'un demandeur qui a fait l'objet d'un sursis en 2001. Il prétend que, par conséquent, ses droits d'appel qui sont nés en 2001 après qu'il a fait l'objet d'un sursis ne sont pas éteints. Au soutien de cette interprétation de l'article 197, le demandeur renvoie à l'utilisation explicite à l'article 196 des mots qui énoncent qu' « il est mis fin à l'affaire portée en appel » . En rédigeant l'article 197, le législateur aurait pu prévoir qu'il était mis fin à l'appel, mais il ne l'a pas fait. Par conséquent, le demandeur fait valoir que le sens ordinaire des mots utilisés à l'article 197 ne vise pas sa situation; ce n'est que si le paragraphe 68(4) s'applique (ce qui n'est pas le cas en l'espèce) qu'il est mis fin au sursis et à l'appel.

[24]       Le demandeur, par cet argument, adopte un point de vue très limité et étroit à l'égard de la tâche qui consiste à interpréter les lois. Le demandeur voudrait que je conclus, de l'omission d'un mot, que le contraire est vrai.

[25]       À mon avis, on ne peut pas adopter un point de vue si unique de l'article 197. Cet article doit plutôt être lu et interprété dans son contexte. Essentiellement, les articles 190, 192 et 197 s'appliquent ensemble pour définir les droits des personnes qui ont interjeté des appels devant la SAI avant l'entrée en vigueur de la LIPR et dont les appels n'ont pas été tranchés de façon définitive (Singh c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2005 CAF 417, au paragraphe 39). Lorsqu'elles sont lues dans l'ordre, chacune de ces dispositions transitoires couvre un groupe de personnes progressivement plus petit. L'article 190 prévoit que la LIPR, plutôt que l'ancienne loi, s'applique à tous ceux qui ont des procédures présentées ou instruites dans le cadre de l'ancienne loi. L'article 192 crée un groupe de ces individus auxquels la LIPR ne s'applique pas et permet qu'un appel soit continué sous le régime de l'ancienne loi. Finalement, l'article 197 choisit un plus petit groupe d'individus et impose l'application de l'article 64 et du paragraphe 68(4) de la LIPR à des individus choisis dans le groupe visé à l'article 192.

[26]       Ainsi, par définition, le groupe de personnes auxquelles l'article 197 s'applique inclut seulement des personnes dont les appels sont continués ou, dit autrement, dont les appels n'ont pas été tranchés de façon définitive. Lorsque le mot « continué » est utilisé pour s'appliquer au groupe de personnes défini par l'article 192, il s'ensuit logiquement que l'effet de créer un groupe spécial aux fins de l'article 197, en utilisant les mots « malgré l'article 192 » , est de mettre fin à leurs appels.

[27]       Pour que les appels se continuent jusqu'à ce que soit rendue une décision définitive, la SAI doit conserver sa compétence. Autrement dit, les intéressés doivent continuer à avoir un droit d'appel. Cependant, si le droit d'appel devait être perdu, comme le prévoit l'article 64, l'appel doit être rejeté en raison de l'absence de compétence. Par conséquent, je conclus que le meilleur sens à donner à ces dispositions est que, lorsqu'un intéressé satisfait aux critères énoncés aux articles 197 et 64, l'article 197 s'appliquerait pour mettre fin à l'appel encore en instance.

[28]       À mon avis, il s'agit de la seule interprétation qui donne effet à l'ensemble des articles 190, 192 et 197. Le législateur aurait pu utiliser à l'article 197 un langage qui aurait pu rendre plus clair ce résultat, mais je ne crois pas que son omission de le faire change le sens logique des dispositions en question.

L'utilisation du mot « and » dans la version anglaise de l'article 197

[29]       Le demandeur met en évidence l'utilisation de la conjonction « and » dans la version anglaise de l'article 197. Il prétend que l'article, en prévoyant que l'intéressé est « subject to the provisions of section 64 and subsection 68(4) of the Act » , prévoit que l'intéressé doit satisfaire aux exigences des deux dispositions. C'est-à-dire que l'article 197 ne serait applicable pour révoquer un sursis que dans les cas où :

  1. un intéressé a fait l'objet d'un sursis au titre de l'ancienne loi et n'a pas respecté les conditions de ce sursis;

  1. l'intéressé a été déclaré coupable d'une infraction qui satisfait au critère de grande criminalité énoncé au paragraphe 64(2) (une peine d'emprisonnement d'au moins deux ans);

  1. depuis qu'il a fait l'objet d'un sursis, l'intéressé a été déclaré coupable d'une infraction qui satisfait au critère énoncé au paragraphe 68(4), soit une infraction mentionnée au paragraphe 36(1) de la LIPR (punissable d'un emprisonnement maximal d'au moins dix ans pour laquelle une peine d'emprisonnement de plus de six mois a été infligée).

[30]       Dans le cas du demandeur, il a été satisfait seulement aux deux premiers facteurs; les peines d'emprisonnement infligées depuis qu'il a fait l'objet du sursis ne satisfont pas au critère préliminaire énoncé au paragraphe 36(1) de la LIPR. Il prétend que son sursis serait automatiquement annulé et qu'il serait mis fin à son appel si les infractions qu'il a commises depuis 2001 étaient des infractions pour lesquelles des peines d'emprisonnement maximal d'au moins dix ans avaient pu être infligées et qu'il avait fait l'objet d'une peine d'emprisonnement d'au moins six mois. Selon le demandeur, cela signifie que l'article 197 ne s'applique pas à lui et que la SAI conserve le pouvoir d'examiner « les circonstances particulières » de son affaire.

[31]       Premièrement, je suis d'accord avec le demandeur lorsqu'il prétend que le paragraphe 68(4) ne s'applique pas à son affaire. Les articles 62 et 69 de la LIPR prévoient un cadre dans lequel la SAI peut entendre des appels, y compris des appels à l'égard de mesures de renvoi. L'article 68 traite expressément de sursis d'une mesure de renvoi. Le paragraphe 68(4) s'applique seulement pour révoquer le sursis accordé suivant le paragraphe 68(1) si l'étranger est déclaré coupable d'une autre infraction mentionnée à l'alinéa 36(1)a). Aucune des déclarations de culpabilité du demandeur survenues après qu'il a fait l'objet d'un sursis ne se rapportait à des infractions punissables d'une peine d'emprisonnement maximal d'au moins dix ans ou pour lesquelles une peine d'emprisonnement de six mois a été infligée. Par conséquent, ces infractions et déclarations de culpabilité ne satisfont pas au critère préliminaire de « grande criminalité » énoncé à l'alinéa 36(1)a), et le paragraphe 68(4) n'a, selon les faits de la présente affaire, aucune application.

[32]       Malgré cette conclusion, l'argumentation d'ensemble du demandeur ne peut être retenue que s'il a raison lorsqu'il prétend que les exigences énoncées à l'article 197 ne sont respectées que si tant l'article 64 que le paragraphe 68(4) doivent s'appliquer à lui. Pour les motifs ci-après énoncés, je n'accepte pas cette interprétation, que ce soit quant aux mots précis utilisés à l'article 197 ou que ce soit lorsque la disposition est lue en ayant en tête les principes d'interprétation des lois.

[33]       Je note d'abord que l'article 197 n'énonce pas directement qu'il est mis fin à l'appel si les conditions de l'article 64 et du paragraphe 68(4) sont remplies. Si la disposition avait été ainsi rédigée, l'argument du demandeur aurait pu avoir un certain fondement. Plutôt, les mots utilisés dans la disposition portent sur les personnes qui sont incluses dans un groupe particulier. Notamment, l'article 197 s'applique à « un intéressé qui fait l'objet d'un sursis au titre de l'ancienne loi et qui n'a pas respecté les conditions du sursis » . La disposition, comme elle est rédigée, ne déclenche pas l'application de l'article 64 et du paragraphe 68(4); le déclenchement est le non-respect d'un sursis. L'article 197 prévoit que si un intéressé ne respecte pas une condition du sursis, l'article 64 et le paragraphe 68(4) s'appliqueront. Une interprétation raisonnable à cet égard est que, une fois que la SAI conclut que les conditions d'un sursis n'ont pas été respectées, la SAI doit examiner l'un et l'autre de l'article 64 et du paragraphe 68(4) pour établir si l'une ou l'autre de ces dispositions est applicable. Je ne déclare pas que les deux dispositions doivent s'appliquer. Le fait qu'une de ces dispositions ne s'applique pas à un intéressé ne signifie pas automatiquement que l'article 197 n'est pas applicable. Selon une signification simple de l'article 197, l'article 64 et le paragraphe 68(4) s'appliquent tous deux au demandeur. Si seul l'article 64 s'applique aux faits, cet article sera déterminant et retirera au demandeur son droit d'appel. Comme il a été mentionné précédemment, l'effet, dans la présente affaire, est une décision définitive quant à l'appel devant la SAI qui avait été interjeté en 2000.

Les textes français et anglais

[34]       Même si j'ai tort et s'il y a une ambiguïté dans la version anglaise de l'article 197, cette ambiguïté est clarifiée dans la version française. Par souci de commodité, j'énonce une fois de plus cette disposition dans les deux langues, en soulignant chacune des portions pertinentes :

197. Malgré l'article 192, l'intéressé qui fait l'objet d'un sursis au titre de l'ancienne loi et qui n'a pas respecté les conditions du sursis, est assujetti à la restriction du droit d'appel prévue par l'article 64 de la présente loi, le paragraphe 68(4) lui étant par ailleurs applicable.

197. Despite section 192, if an appellant who has been granted a stay under the former Act breaches a condition of the stay, the appellant shall be subject to the provisions of section 64 and subsection 68(4) of this Act.

[35]       Le texte français montre que, lorsque l'article 197 renvoie à l'article 64, c'est parce que l'article 64 empêche qu'un appel soit interjeté. Traduite approximativement, la version française du texte assujettit l'intéressé à la restriction du droit d'appel prévue par l'article 64. Dans la version française, le mot « et » n'est pas utilisé. Plutôt, le texte utilise une expression différente, « lui étant par ailleurs applicable » , lorsqu'il traite du paragraphe 68(4). Cette phrase se traduit approximativement par la phrase « moreover, section 68(4) is otherwise applicable to the appellant » . Dans la version française, l'article 64 et le paragraphe 68(4) peuvent s'appliquer séparément et l'application de l'article 64 n'est pas subordonnée à l'application du paragraphe 68(4).

[36]       Lorsqu'on analyse les principes d'interprétation française et anglaise des lois, comme ils sont décrits par la Cour suprême du Canada dans l'arrêt Medovarski (C.S.C.), précité, aux paragraphes 25 et 26, la version la plus claire, la moins ambiguë et la plus restrictive est la version française. De plus, à mon avis, cette interprétation est également compatible avec l'objet des dispositions transitoires (traité précédemment et ci-après). Ainsi, le sens commun qui devrait être attribué à l'article 197 ne requiert pas que l'article 64 et le paragraphe 68(4) soient tous deux applicables; le mot « and » dans la version anglaise ne devrait pas être interprété de la manière suggérée par le demandeur.

Autres considérations

[37]       Il existe deux autres raisons convaincantes qui appuient l'interprétation précédemment mentionnée. Premièrement, l'interprétation que fait le demandeur de l'article 197 entraînerait que l'article 64 n'aurait pas d'objet applicable sous le régime de l'article 197. Comme la Cour suprême a expliqué dans l'arrêt Medovarski (C.S.C.), dans le contexte de l'article 196, précité, au paragraphe 31, le régime de l'article 197 devrait être interprété de façon à éviter des dispositions redondantes, absurdes ou dépourvues de sens. Si un intéressé devait dans tous les cas satisfaire aux critères de l'article 64 et du paragraphe 68(4) pour que l'article 197 s'applique, alors dans tous les cas le paragraphe 68(4) serait suffisant pour retirer à l'intéressé son droit d'appel et pour révoquer son sursis. Le fait d'inclure l'article 64 dans le régime de l'article 197 aurait un effet redondant.

[38]       Deuxièmement, l'interprétation que fait le demandeur de l'article 197 entraînerait pour lui un avantage qui a été enlevé à d'autres dans des situations similaires. Si nous interprétons l'article 197 comme le demandeur nous incite à le faire, il aurait encore, malgré la déclaration de culpabilité dont il a fait l'objet avant son sursis et pour laquelle une peine de deux ans a été infligée, un droit d'appel à la SAI alors que le résident permanent C (précédemment mentionné) n'aurait pas ce droit. Sa situation serait nettement différente de celle d'un étranger possédant un dossier criminel identique pour lequel une mesure de renvoi a été prise après le 28 juin 2002.

[39]       Les individus qui ont fait l'objet d'un sursis au titre de l'ancienne loi dont les infractions criminelles satisferaient, aujourd'hui, au critère de l'article 64 de la LIPR sont dans une situation spéciale et avantageuse en comparaison avec celle des ressortissants étrangers dont les situations sont examinées suivant la LIPR. Il m'apparaît que le législateur, lorsqu'il a rédigé les dispositions transitoires, a accordé un privilège aux étrangers qui faisaient l'objet d'un sursis au titre de l'ancienne loi. La disposition transitoire de l'article 197, cependant, établit également clairement que, dans l'éventualité où les conditions du sursis ne sont pas respectées, l'étranger serait traité comme tout autre étranger. Précisément, le droit d'appel à la SAI serait retiré dans les cas où une peine d'au moins deux ans avait été infligée.

[40]       De ce point de vue, le sens logique de l'article 197 est que le législateur a retiré au demandeur le droit d'interjeter appel à la SAI. Le droit est éteint qu'il y ait ou non un appel en instance à la SAI, plaçant ainsi le demandeur exactement dans la même situation que celle de tout autre étranger dans la situation du résident permanent C. Les dispositions transitoires fournissent une situation avantageuse seulement aux étrangers déclarés coupables qui continuent de respecter les conditions de leur sursis. Le non-respect du sursis enlève le privilège du traitement spécial accordé par les dispositions transitoires.

La jurisprudence pertinente

[41]       La question du sens de l'article 197 et celle de son interaction avec l'article 64 ont été examinées à au moins trois reprises par la Cour. Dans les décisions Psyrris c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2004 CF 1443, et Avalos c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [2005] A.C.F. no 1035, la Cour a examiné des situations dont les faits étaient très similaires. Notamment, la décision de la SAI dans chacune de ces affaires était fondée sur l'application de l'article 64 et non sur celle du paragraphe 68(4). Dans chacune de ces affaires, la Cour a conclu que la SAI n'avait pas commis une erreur en refusant d'exercer son pouvoir discrétionnaire. Cependant, il ne semble pas que les arguments qui ont été soulevés devant la Cour dans la présente demande avaient été soulevés devant les juges des requêtes. Par conséquent, bien que je souscrive au résultat dans les deux affaires, ces dernières n'intéressent pas directement la présente affaire.

[42]       La dernière décision, et la plus pertinente, est la décision Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) c. Hyde, [2005] A.C.F. no 1178; 2005 CF 950. Les faits de cette affaire sont très similaires à ceux de la présente affaire. M. Hyde n'avait pas respecté les conditions de son sursis, mais le paragraphe 68(4) ne s'appliquait pas selon les faits de l'affaire. La SAI a conclu que, étant donné que le paragraphe 68(4) ne s'appliquait pas à M. Hyde, le sursis n'était pas révoqué de plein droit. La Cour a maintenu la décision de la SAI. Après avoir examiné la décision Hyde, je conclus que je ne peux souscrire à l'analyse et à la conclusion de mon collègue, pour deux raisons principales, à savoir :

  1. Depuis que cette décision a été rendue, la Cour suprême du Canada a énoncé des principes qui ont une application directe quant à l'interprétation de l'article 197 et qui pourraient modifier l'analyse effectuée dans la décision Hyde (arrêt Medovarski (C.S.C.), précité).

  1. La Cour dans la décision Hyde n'a pas examiné la version française de l'article 197 en tenant compte des commentaires faits par la Cour suprême dans l'arrêt Medovarski (C.S.C.), précité, à l'égard de l'interprétation des lois bilingues.

Conclusion

[43]       En résumé, je conclus que la SAI a interprété correctement l'article 197. Étant donné :

(a)     que le demandeur n'a pas respecté les conditions de son sursis;

(b)    qu'il est interdit de territoire au Canada pour grande criminalité à l'égard d'un acte criminel punissable au Canada par un emprisonnement d'au moins deux ans;

la SAI n'a pas compétence pour examiner l'appel interjeté par le demandeur. Le fait que les déclarations de culpabilité dont le demandeur a fait l'objet après son sursis ne satisfassent pas au critère préliminaire énoncé au paragraphe 68(4) de la LIPR n'est pas pertinent. Il est suffisant que le demandeur satisfasse au critère préliminaire énoncé à l'article 64.

[44]       Je crois que la présente affaire est une affaire appropriée pour certifier une question, comme cela a été fait dans la décison Hyde, précitée. Par conséquent, je suis disposée à certifier la question de portée générale suivante :

Dans le cas où un résident permanent :

(a) a commis une infraction punissable d'un emprisonnement maximal d'au moins dix ans pour laquelle une peine d'au moins deux ans a été infligée;

(b) est interdit de territoire et fait l'objet d'une mesure de renvoi au titre de l'ancienne loi;

(c) a fait l'objet d'un sursis par la SAI au titre de l'ancienne loi;

(d) n'a pas respecté les conditions de son sursis, mais n'a pas été déclaré coupable d'une infraction qui satisferait au critère préliminaire énoncé au paragraphe 68(4) de la LIPR;

l'article 197 s'applique-t-il pour mettre fin à son appel à la SAI?

ORDONNANCE

            LA COUR ORDONNE :

  1. La demande de contrôle judiciaire est rejetée.

  1. La question suivante est certifiée :

Dans le cas où un résident permanent :

(a) a commis une infraction punissable d'un emprisonnement maximal d'au moins dix ans pour laquelle une peine d'au moins deux ans a été infligée;

(b) est interdit de territoire et fait l'objet d'une mesure de renvoi au titre de l'ancienne loi;

(c) a fait l'objet d'un sursis par la SAI au titre de l'ancienne loi;

(d) n'a pas respecté les conditions de son sursis, mais n'a pas été déclaré coupable d'une infraction qui satisferait au critère préliminaire énoncé au paragraphe 68(4) de la LIPR;

l'article 197 s'applique-t-il pour mettre fin à son appel à la SAI?

« Judith A. Snider

______________________________

Juge

Traduction certifiée conforme

Danièle Laberge, LL.L.


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                         IMM-2866-05

INTITULÉ :                                        ARMAN BAUTISTA

                                                            c.

                                                            LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

LIEU DE L'AUDIENCE :                  EDMONTON (ALBERTA)

DATE DE L'AUDIENCE :                LE 6 DÉCEMBRE 2005

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

ET ORDONNANCE :                        LA JUGE SNIDER

DATE DES MOTIFS :                       LE 16 JANVIER 2006

COMPARUTIONS :

Shirish Chotalia

POUR LE DEMANDEUR

Brad Hardstaff

POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Pundit & Chotalia

Edmonton (Alberta)

POUR LE DEMANDEUR

John H. Sims, c.r.

Sous-procureur général du Canada

Ottawa (Ontario)

POUR LE DÉFENDEUR

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