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Date : 19980930


Dossier : IMM-4922-98

ENTRE :

     FELIX TURSIO AMAYA,

     demandeur,

     - et -

     LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

     ET DE L'IMMIGRATION,

     défendeur.

     MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE ROULEAU

[1]      J'ai été saisi de la présente demande de sursis à l'exécution d'une ordonnance d'expulsion rendue contre le demandeur, le lundi 28 septembre 1998, à Vancouver (C.-B.).

[2]      Les motifs de la demande ont été modifiés peu après le début de l'audience; le paragraphe 1 de ces motifs se lit maintenant comme suit :

         [TRADUCTION]                 
                 constitue une cause défendable, la demande principale par laquelle le demandeur sollicite l'autorisation de présenter une demande de contrôle judiciaire de la décision dans laquelle le défendeur a refusé de divulguer les pièces relatives à l'" opinion de danger pour le public " émise précédemment et de proroger le délai de présentation des arguments;                 

[3]      Citoyen du Salvador, le demandeur a été admis au Canada en 1989 à titre de résident permanent qui, conformément à la Loi sur l'immigration, s'est vu reconnaître le statut de réfugié au sens de la Convention. Entre janvier 1991 et mars 1996, les cours provinciales de la Colombie-Britannique l'ont, à neuf reprises, déclaré coupable principalement de possession et de trafic de stupéfiants en contravention de la Loi sur les stupéfiants.

[4]      En juillet 1994, après enquête, on a considéré que le demandeur était visé par le sous-alinéa 27(1)d)ii) de la Loi sur l'immigration, étant donné ses déclarations de culpabilité antérieures. Par la suite, on a ordonné son expulsion du Canada. L'appel de cette ordonnance a été rejeté en octobre 1996. En décembre 1996, le demandeur a reçu, par voie de signification, des documents l'informant qu'Immigration Canada solliciterait du ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration une opinion selon laquelle il constituait un danger pour le public, conformément au paragraphe 53(1) de la Loi sur l'immigration. En janvier 1997, à Vancouver, un avocat a fait valoir des arguments au nom du demandeur. En mars 1997, le ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration a décidé que le demandeur constituait un danger pour le public au Canada, conformément à l'alinéa 53(1)d) de la Loi sur l'immigration. Le demandeur n'a pas demandé l'autorisation d'engager une procédure de contrôle judiciaire de l'opinion de danger émise au mois de mars 1997. Après son arrestation au mois d'avril 1997, le demandeur a été expulsé du Canada vers le Salvador.

[5]      Le 2 septembre 1998, les autorités de l'Immigration à Vancouver ont appris que le demandeur était de retour au Canada. Le 8 septembre 1998, le demandeur a été arrêté. Par la suite, on a décidé qu'il était revenu au Canada, contrairement à l'article 55 de la Loi sur l'immigration. Après son arrestation, le demandeur aurait voulu revendiquer à nouveau le statut de réfugié. Cela lui a été refusé, étant donné qu'en décembre 1989, il s'était déjà vu reconnaître le statut de réfugié au sens de la Convention, conformément à la Loi. Le demandeur est resté en détention puisque l'arbitre a décidé qu'il constituait un danger pour le public et qu'il était peu probable qu'il se présente aux fins de son renvoi, s'il était remis en liberté. Étant donné qu'il est revenu au Canada sans l'autorisation du ministre, le demandeur a été frappé d'une mesure d'interdiction de séjour conditionnelle. Par la suite, on lui a envoyé une lettre pour l'informer du maintien en vigueur de l'opinion du ministre selon laquelle il " constituait un danger pour le public " et pour l'inviter à soumettre ses arguments dans les 15 jours suivant la réception de la lettre.


[6]      L'avocat du demandeur a alors demandé que les renseignements sur lesquels le ministre s'est fondé, au mois de mars 1997, pour émettre son opinion de danger pour le public, soient mis à sa disposition. Les autorités de l'Immigration l'ont avisé que l'opinion du ministre du mois de mars 1997 était toujours en vigueur, mais ils l'ont invité à faire valoir ses arguments. Les responsables de l'immigration l'ont informé qu'ils n'avaient pas l'intention de proroger le délai de présentation des arguments du demandeur en ce qui a trait à l'allégation suivant laquelle ce dernier ne constituerait plus un danger pour le public. Ils l'ont en outre informé que les pièces soumises au ministre au mois de mars 1997 avaient également été mises à la disposition du demandeur à la même époque; le seul document auquel ce dernier à eu accès est un sommaire préparé à l'origine en vue d'être soumis au ministre, avant que celui-ci ne présente son opinion.

[7]      L'avocat du demandeur a prétendu qu'une prorogation de délai de présentation de ses arguments au-delà des 15 jours applicables aurait dû lui être accordée et que tous les documents mis à la disposition du ministre avant que ce dernier ne rende sa décision, soit entre décembre 1996 et janvier 1997, devraient être produits de nouveau, de façon à ce qu'il soit mieux en mesure de préparer la cause. L'avocat soutient qu'il s'agit là de motifs suffisants pour accueillir la demande de sursis, étant donné que le demandeur et lui-même ne possédaient pas les renseignements nécessaires à la préparation d'arguments appropriés, et que cela équivaut à un déni de justice naturelle.

[8]      L'avocat du demandeur a, par la suite, expliqué que son client ne connaissait ni l'espagnol ni l'anglais, appartenait à une communauté autochtone du Salvador et parlait un dialecte. En outre, a-t-il ajouté, par suite de conversations avec le demandeur, il est arrivé à la conclusion que ce dernier était arriéré et éprouvait de la difficulté à comprendre les directives qui lui étaient adressées. Il soutient que le demandeur est susceptible de subir un préjudice irréparable, du fait que ce dernier a déjà obtenu le statut de réfugié en 1989 et que la situation au Salvador ne s'est guère améliorée. En ce qui a trait à la prépondérance des inconvénients, malgré qu'il soit admis que le ministre a l'obligation légale de mettre en application les ordonnances de renvoi, il lui est loisible de pencher du côté du demandeur, compte tenu des risques que court ce dernier au Salvador et du fait qu'une expulsion retardée ne devrait pas présenter d'inconvénients pour le ministre.

[9]      Pour sa part, l'avocat du défendeur est d'avis que le sursis ne devrait pas être accordé; que le ministre a décidé que le demandeur constituait un danger pour le public et que cette opinion est toujours en vigueur; et que le demandeur a été expulsé légalement et qu'il est revenu au Canada illégalement.

[10]      Selon l'avocat du défendeur, le fait de n'avoir accordé aucune prorogation de délai et le défaut d'avoir donné accès aux documents soumis au ministre en 1996 ne portent pas un coup fatal au point de vue du ministre.

[11]      Il convient de souligner que le maintien en vigueur de l'opinion du ministre, le refus de procéder à l'audition d'une nouvelle revendication du statut de réfugié de même que l'actuelle interdiction de séjour n'ont pas été contestés.

[12]      Le demandeur a été expulsé en avril 1997 et il est revenu au Canada pendant le mois d'août 1998. Bien que, dans son affidavit, il prétende s'être tenu caché au Salvador, le demandeur n'a fourni aucun élément de preuve montrant qu'il avait fait l'objet de menaces; il n'a pas non plus convaincu la Cour qu'il était en danger pendant ses 15 mois de résidence dans son pays d'origine.

[13]      À mon avis, l'avocat du demandeur n'avait pas besoin des documents soumis au ministre en 1996, pour préparer ses arguments visant à convaincre le ministre de réviser son opinion. Il incombait au demandeur de convaincre le ministre de tout changement important de sa conduite ou de son style de vie.

[14]      La prépondérance des inconvénients favorise clairement le ministre. L'avocat du demandeur peut faire valoir ses arguments même si M. Amaya se trouve à l'extérieur du pays.

[15]      Le ministre est tenu envers les citoyens canadiens de les protéger des réfugiés censés représenter un danger pour le public. En fait, il les protège des personnes qui violent les lois d'un pays qui leur a gratuitement donné asile.

[16]      La demande de sursis est rejetée.

                             (Signé) " P. Rouleau "

                                 Juge

Vancouver (Colombie-Britannique)

Le 30 septembre 1998

Traduction certifiée conforme

Julie Boulanger, LL.M.

     SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE DE LA COUR FÉDÉRALE

     AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DATE DE L'AUDIENCE :          le 28 septembre 1998
NO DU GREFFE :                  IMM-4922-98
INTITULÉ DE LA CAUSE :          FELIX TURSIO AMAYA
                         c.
                         LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE
                         L'IMMIGRATION
LIEU DE L'AUDIENCE :          Vancouver (C.-B.)

MOTIFS DE L'ORDONNANCE DU JUGE ROULEAU

en date du 30 septembre 1998

ONT COMPARU :

     M. Vance Golding          pour le demandeur

     Mme Lori-Jane Turner      pour le défendeur

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

     M. Vance Golding          pour le demandeur
     Rankin & Bond

     2e étage

     157, rue Alexander

     Vancouver (C.-B.)

     V6A 1B8

     Morris Rosenberg          pour le défendeur

     Sous-procureur général

     du Canada


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