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Date : 2019-11-01

Dossier : T-1809-18

Référence : 2019 CF 1378

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 1er novembre 2019

En présence de monsieur le juge Campbell

ENTRE :

SAUDI ARABIAN AIRLINES CORP.

demanderesse

et

TRIBUNAL D’APPEL DES

TRANSPORTS DU CANADA ET

OFFICE DES TRANSPORTS DU CANADA

défendeurs

JUGEMENT ET MOTIFS

[1]  La demande dont la Cour est saisie concerne l’exercice par le Tribunal d’appel des transports du Canada (le Tribunal ou TATC) du pouvoir prévu par la loi de donner suite aux plaintes qui lui sont présentées par des entités, comme la demanderesse, en ce qui a trait à une mesure d’exécution prise par l’Office des transports du Canada (l’Office).

I.  Situation factuelle

[2]  Le 21 décembre 2016, l’avion de la demanderesse était censé se rendre de Toronto à Jeddah. Les travailleurs du service au sol de l’aéroport ont commencé à pousser l’avion pour l’éloigner de la porte avant que le commandant de la demanderesse ait donné ses directives à cet égard; en conséquence, le capot du moteur de l’avion a frappé un véhicule de service stationnaire d’Air Canada. Un passager a porté plainte. Le 21 septembre 2017, l’Office a conclu que la demanderesse était responsable du paiement au passager de la somme de 610 $.

[3]  Même si la demanderesse a effectué le paiement conformément à la responsabilité établie, le 20 décembre 2017, l’Office a publié un procès-verbal contre la demanderesse pour un motif incertain. Le 22 février 2018, la demanderesse a déposé une plainte devant le Tribunal. Celui-ci y a donné suite en fixant la tenue d’une audience au 19 septembre 2018. Mentionnons, comme élément clé de la situation, que l’Office a retiré le procès-verbal le 17 septembre 2018.

[4]  Le 18 septembre 2018, la demanderesse a envoyé au Tribunal une lettre lui demandant des directives quant à la façon dont des observations pourraient être présentées dans le but de récupérer les dépens à la suite du retrait. Le 19 septembre 2018, la greffière du Tribunal a remis à la demanderesse une lettre indiquant que le Tribunal n’était plus saisi de l’affaire étant donné que le procès-verbal avait été retiré.

[5]  Le 24 septembre 2018, la demanderesse a envoyé au Tribunal une lettre contestant la position exprimée par ce dernier selon laquelle il n’était plus saisi de l’affaire en conséquence du retrait. Le 27 septembre 2018, le président du Tribunal a remis à la demanderesse une lettre indiquant que le Tribunal n’était plus saisi de l’affaire.

II.  Demande de contrôle judiciaire

[6]  Dans la demande, l’avocat de la demanderesse définit ainsi la décision visée par le contrôle :

[traduction]

 

Dès qu’elle a présenté la demande initiale au TATC [Loi sur le Tribunal d’appel des transports du Canada, LC 2001, c 29], la demanderesse a soutenu que la position de l’Office n’était pas fondée en droit et qu’elle avait l’intention de réclamer les dépens à la conclusion de l’affaire conformément au paragraphe 19(1) de la [Loi sur le TATC]. Le 18 septembre 2018, à la suite du retrait du procès-verbal, la demanderesse a communiqué avec le TATC dans le but d’obtenir des directives en ce qui a trait à la forme que devaient prendre les observations relatives à ces dépens.

Le 19 septembre 2018, au moyen d’une lettre remise par la greffière du TATC, le Tribunal a refusé toute observation concernant les dépens au motif que le TATC n’était plus saisi de l’affaire (la « lettre contestée »).

(Avis de demande de la demanderesse, au paragraphe 1)

[7]  Par conséquent, la demanderesse demande la prise des mesures réparatoires suivantes : un jugement déclaratoire portant que le TATC a illégalement ou irrégulièrement refusé d’exercer sa compétence; un jugement déclaratoire portant que le TATC n’a pas observé un principe de justice naturelle et d’équité procédurale; un jugement déclaratoire portant que le TATC demeure saisi de l’affaire.

[8]  À l’appui de la demande, l’avocat de la demanderesse a souligné, dans le cadre de son argument principal, les problèmes touchant l’équité procédurale et les dépens comme suit :

[traduction]

 

De plus, le paragraphe 180.3(3) de la LTC oblige le membre du Tribunal et, par extension, le Tribunal lui-même à respecter les principes d’équité procédurale et de justice naturelle dans la tenue de la révision.

En ce qui a trait au pouvoir du Tribunal d’adjuger des dépens, l’article 19 de la Loi sur le TATC prévoit ce qui suit :

Dépens

19(1) Le Tribunal peut condamner l’une des parties aux dépens et exiger d’elle le remboursement de toute dépense engagée relativement à l’audience qu’il estime raisonnable dans les cas où :

a) il est saisi d’une affaire pour des raisons frivoles ou vexatoires;

b) le requérant ou l’appelant a, sans motif valable, omis de comparaître;

c) la partie qui a obtenu un ajournement de l’audience lui en avait fait la demande sans préavis suffisant.

[...]

Si la Loi sur le TATC est interprétée de manière à ce que le Tribunal perde sa compétence uniquement en conséquence du retrait, il ne restera aucun recours à la demanderesse pour récupérer ses dépens auprès de l’Office.

(Mémoire des faits et du droit de la demanderesse, par. 15, 16 et 23)

[Non souligné dans l’original.]

III.  Audition de la demande

[9]  À l’audition de la demande présentée en l’espèce, la Cour a demandé d’autres arguments, pour obtenir le contexte essentiel à la prise d’une décision, afin que soient précisés les rôles et responsabilités des personnes qui ont participé à la conduite du Tribunal faisant l’objet du contrôle.

[10]  En réponse à la demande de la Cour, l’avocate du Tribunal, appuyée par celle de l’Office, a présenté d’autres arguments extrêmement détaillés. À l’appui de la formulation de ces arguments, elle a fourni de nombreux documents. Je les ai tous inclus à l’annexe A. Le mémoire supplémentaire du Tribunal commence à la page 26 de cette annexe.

[11]  Les documents pertinents contenus dans le dossier de la demanderesse qui sont cités dans les arguments supplémentaires du Tribunal, mais qui ne sont pas inclus dans son mémoire supplémentaire, figurent à l’annexe B.

[12]  La réponse de l’avocat de la demanderesse aux arguments supplémentaires du Tribunal comprend la déclaration suivante, faite aux paragraphes 14 et 15 :

[traduction]

Si la Cour est convaincue qu’il y a eu manquement à l’équité procédurale, ce qui est suffisant pour justifier que l’affaire soit renvoyée au Tribunal aux fins de (ré)examen, nous souhaiterions néanmoins qu’une décision soit rendue quant à la question de savoir si le paragraphe 19(1) de la Loi sur le TATC continue ou non de conférer au Tribunal le pouvoir d’évaluer les dépens, sans égard au retrait. Étant donné que le Tribunal a déjà tranché cette question, nous prévoyons que l’Office soulèvera cette question dans le cadre de toute réévaluation dont la tenue serait ordonnée.

Si la Cour ne précise pas la compétence du Tribunal à cet égard, toutes les parties pourraient bien se retrouver encore une fois devant la Cour, essentiellement pour se pencher sur la même question de droit fondamentale.

[13]  J’ai beaucoup apprécié la franchise de l’avocat de la demanderesse lorsqu’il a demandé les précisions, et ce, même si le fait de les avoir demandées risque intrinsèquement de produire un résultat qui ne sera peut-être pas favorable, de son point de vue. Je suis d’accord pour dire qu’il est essentiel de préciser la compétence du Tribunal dans le cadre de la décision qui sera rendue à l’égard de la demande en l’espèce.

IV.  Conclusion

[14]  Je conclus que les arguments supplémentaires présentés par le Tribunal sont d’une utilité cruciale, en ce sens qu’ils expliquent la conduite du Tribunal au regard de son contexte législatif. Par conséquent, comme motifs de la décision, j’admets chaque déclaration factuelle figurant dans les arguments du Tribunal ainsi que les conclusions qui y sont exposées. 

[15]  Plus particulièrement, en ce qui a trait au principal argument formulé par l’avocat de la demanderesse concernant l’équité et les dépens, je conclus ce qui suit : l’Office peut, sans préavis, retirer un procès-verbal dont est saisi le Tribunal et, lorsqu’il le fait, le demandeur qui a contesté le procès-verbal n’a aucun droit de recours devant le Tribunal au titre de la Loi sur le Tribunal d’appel des transports du Canada, LC 2001, c 29, de la Loi sur les transports au Canada, LC 1996, c 10, et des Règles du Tribunal d’appel des transports du Canada, DORS/86‑594. Le Tribunal doit être saisi d’un procès-verbal pour avoir compétence pour agir.

[16]  Par conséquent, je conclus que, selon la norme de la décision correcte, le Tribunal a agi de façon appropriée et conformément à la loi. Ainsi, la demande présentée en l’espèce doit être rejetée.

JUGEMENT rendu dans le dossier T-1809-18

LA COUR STATUE que la demande présentée en l’espèce est rejetée. Aucuns dépens ne sont adjugés.

« Douglas R. Campbell »

Juge

Traduction certifiée conforme

Ce 16e jour de janvier 2020

Sandra de Azevedo, LL.B.


Annexe « A »

[TRADUCTION]

No du dossier de la Cour T-1809-18  ID57

 

COUR FÉDÉRALE

ENTRE

SAUDI ARABIAN AIRLINES CORP.

demanderesse

et

TRIBUNAL D’APPEL DES TRANSPORTS DU CANADA

et

OFFICE DES TRANSPORTS DU CANADA

défendeurs

PREMIER ADDENDA AU MÉMOIRE DES FAITS ET DU DROIT DU TRIBUNAL D’APPEL DES TRANSPORTS DU CANADA, DÉFENDEUR

Tribunal d’appel des transports du Canada

Barbara Cuber

Avocate principale p.i.

344, rue Slater, 15étage

Ottawa (Ontario)

K1A 0C2

Téléphone : 343-548-2161

Télécopieur : 613-990-9153


À :

 

La Cour fédérale du Canada et

Ehsan Monfared

Karine Matte

YYZlaw

Office des transports du Canada

100, rue Richmond O.

15, rue Eddy

Bureau 330

Gatineau (Québec)

Toronto (Ontario)  M5H 3K6

K1A0N9

Tél. : 416-681-9300

Tél. : 819-953-2955

Télécopieur : 647-343-9229

Télécopieur : 819-953-9269

Courriel : monfared@yyzlaw.com

Courriel : karine.matte@otc-cta.gc.ca

AVOCAT DE LA DEMANDERESSE

AVOCATE DE L’OFFICE DES TRANSPORTS DU CANADA


 

 

TABLE DES MATIÈRES

3

Affidavit de Sylvie Fournier

Pièce A : Courriel adressé au conseiller daté du 17 septembre 2018  7

Pièce B : Rapport annuel, 2018-2019  9

Pièce C : Rapport annuel, 2017-2018   15

Pièce D : Rapport annuel, 2016-2017  21

Partie IlI : Observations supplémentaires  26

Partie IV : Textes législatifs et jurisprudence  40

Annexe A : Lois et règlements

Annexe B : Jurisprudence


 

[TRADUCTION]

No du dossier de la Cour T-1809-18

COUR FÉDÉRALE

ENTRE :

SAUDI ARABIAN AIRLINES CORP.

demanderesse

et

TRIBUNAL D’APPEL DES TRANSPORTS DU CANADA et
OFFICE DES TRANSPORTS DU CANADA

défendeurs

AFFIDAVIT

FORMULE 80

Je soussignée, Sylvie Fournier, greffière au Tribunal d’appel des transports du Canada, à Gatineau, dans la province de Québec, AFFIRME SOLENNELLEMENT QUE :

1.  Je suis à l’emploi du Tribunal d’appel des transports du Canada (ci-après, le « Tribunal ») depuis le mois de novembre 2008.

2.  De 2010 à 2016, j’ai occupé le poste de greffière adjointe.

3.  Depuis décembre 2016, j’occupe le poste de greffière.

4.  Le Greffe est le premier point de contact pour les personnes et les parties pour ce qui a trait au Tribunal et à ses procédures.

5.  Les communications entre le Tribunal et les personnes et parties sont envoyées à partir et à destination du Greffe.

6.  Le Greffe est responsable, entre autres tâches, d’accuser réception des demandes de révision, de renvoyer les instances en révision au président aux fins d’attribution à un conseiller, de fixer les dates d’audience et de clore les dossiers.

7.  En ma qualité de greffière, j’ai une connaissance directe des mesures prises dans le cadre du dossier no 0-4392-80 du TATC, Saudi Arabian Airlines Corp. c Office des transports du Canada.

8.  Les détails qui suivent portent sur l’administration interne du dossier no 0-4392-80 du TATC et sur les pratiques du Tribunal en ce qui a trait à l’annulation d’audiences qui ne figurent pas encore au dossier de l’instance en révision judiciaire.

9.  Le conseiller du Tribunal commis à la révision était Andrew Wilson.

10.  Le 17 septembre 2018, j’ai reçu de l’Office des transports du Canada le message selon lequel le procès-verbal 17-06204 avait été retiré (voir la pièce L de la demanderesse).

11.  Le 17 septembre 2018, j’ai avisé le conseiller Andrew Wilson que l’audience avait été annulée. Voir le courriel adressé à M. Wilson, joint en tant que pièce A.

12.  J’ai préparé l’avis d’annulation d’audience qui a été donné à Saudi Arabian Airlines Corp. et à l’Office des transports du Canada le 17 septembre 2018 (voir la pièce M de la demanderesse).

13.  Cet avis d’annulation d’audience est rédigé selon un modèle type rempli et remis par le Tribunal lorsqu’une partie communique son retrait après qu’une date d’audience a été fixée, mais avant qu’elle ait lieu.

14.  Dans ses rapports annuels, le Tribunal publie des stratégiques relatives au nombre total d’affaires conclues sans la tenue d’une audience au cours de chaque exercice.

15.  Le rapport annuel de 2018-2019 du Tribunal indique que, au total, 111 affaires ont été conclues sans audience. L’extrait du rapport annuel de 2018-2019 est joint en tant que pièce B.

16.  Relativement aux demandes de révision déposées durant l’exercice 2018-2019, le Tribunal a donné 16 avis d’annulation d’audience.

17.  L’annulation ne découlait dans aucun de ces cas du fait que l’organisme fédéral d’application de la loi avait retiré son procès-verbal.

18.  Au cours de cet exercice, 38 audiences en révision ont eu lieu comme prévu.

19.  Le rapport annuel de 2017-2018 indique que, au total, 97 affaires ont été conclues sans audience. L’extrait du rapport annuel de 2017-2018 est joint en tant que pièce C.

20.  En ce qui concerne les demandes de révision déposées durant l’exercice 2017-2018, le Tribunal a donné 27 avis d’annulation d’audience.

21.  Dans deux de ces cas, l’annulation découlait du fait que l’organisme fédéral d’application de la loi avait retiré son procès-verbal.

22.  Durant cet exercice, 40 audiences en révision du Tribunal ont eu lieu comme prévu.

23.  Par souci de commodité, je note que l’exercice 2017-2018 est celui où la demande de révision a été présentée par Saudi Arabian Airlines relativement au procès-verbal 17-06402.

24.  Le rapport annuel de 2016-2017 indique que, au total, 110 affaires ont été conclues sans audience. L’extrait du rapport annuel de 2016-2017 est joint en tant que pièce D.

25.  En ce qui concerne les demandes de révision déposées durant l’exercice 2016-2017, le Tribunal a donné 29 avis d’annulation d’audience.

26.  Dans trois de ces cas, l’annulation découlait du fait que l’organisme fédéral d’application de la loi avait retiré son procès-verbal.

27.  Durant cet exercice, 43 audiences en révision du Tribunal ont eu lieu comme prévu.

28.  J’ai reçu le message de Saudi Arabian Airlines Corp., daté du 18 septembre 2018, indiquant que la compagnie s’attendait à ce que le Tribunal demeure saisi de l’affaire et demandait au Tribunal de lui fournir des directives précises relativement à la présentation d’observations écrites concernant les dépens (pièce N de la demanderesse).

29.  Je confirme que la lettre qui a été envoyée en réponse à ce message le 19 septembre 2018 a été rédigée par le personnel du Tribunal et qu’elle donnait suite à la demande de renseignements reçue de la demanderesse, qui voulait que des directives lui soient fournies (pièce O de la demanderesse).

30.  Le 24 septembre 2018, j’ai reçu la lettre subséquente de l’avocat de Saudi Arabian Airlines Corp., qui demandait la prise d’une décision définitive relativement à la question de savoir si le Tribunal possède la compétence nécessaire pour adjuger des dépens (pièce P de la demanderesse).

31.  À sa réception, la demande de décision de Saudi Arabian Airlines Corp. a été remise au président par intérim du Tribunal.

Affirmé solennellement devant moi à Ottawa, dans la province de l’Ontario, le 4 octobre 2019.

[Signature]

Commissaire aux affidavits

Shirley Pelizer – No du Barreau de l’Ontario 76038T

[Signature]

Sylvie Fournier

Voici la pièce A mentionnée dans
l’affidavit de Sylvie Fournier affirmé solennellement devant moi à
Ottawa (Ontario)
en ce 4e jour d’octobre 2019

[Signature]

Commissaire aux affidavits pour l’Ontario

Tamarah Nutik

No du Barreau de l’Ontario 50509S


 

[TRADUCTION]

 

Fournier Sylvie

De :  Fournier, Sylvie

Envoyé :   17 septembre 2018 11:44

À :  Wilson, Andrew : TATC

Cc :   Cannon, Mary

Objet :  Audience du 19 septembre 2018 devant le TATC**ANNULATION**

2019 FC 1378 (CanLII)

Zone de Texte: 2019 FC 1378 (CanLII) Monsieur,

 

Veuillez noter que l’audience en révision de Saudi Arabian prévue pour le 19 septembre 2018, à Toronto, a été annulée; l’OTC a retiré son procès-verbal.

Marie-Line communiquera avec vous afin de modifier vos dispositions de déplacements.

Cordialement,

Sylvie Fournier

Greffière

Tribunal d’appel des transports du Canada

333, avenue Laurier Ouest, bureau 1201

Ottawa (Ontario) K1A ONS

sylvie.fournier@tribunal.gc.ca

T : 613-990-9150/ Télécopieur : 613-990-9153

Registrar

Transportation Appeal Tribunal of Canada

333 Laurier Avenue West, Room 1201

Ottawa, Ontario, KlA ONS

sylvie.fournier@tribunal.gc.ca

T: 613-990-9150 / F: 613-990-9153

1


 


Voici la pièce B mentionnée dans l’affidavit de Sylvie Fournier affirmé solennellement devant moi
à Ottawa (Ontario)
en ce 4jour d’octobre 2019

[Signature]

Commissaire aux affidavits pour l’Ontario

Tamarah Nutik

No du Barreau de l’Ontario 50509S


 


 


 


 


 


 

 

 

 


Voici la pièce C mentionnée dans
l’affidavit de Sylvie Fournier affirmé solennellement devant moi à
Ottawa (Ontario)
en ce 4jour d’octobre 2019

 

 

[Signature]

Commissaire aux affidavits pour l’Ontario

Tamarah Nutik

 

No du Barreau de l’Ontario 50509S

 


 


 



 

 



 


Voici la pièce D mentionnée dans
l’affidavit de Sylvie Fournier affirmé solennellement devant moi à
Ottawa (Ontario)
en ce 4jour d’octobre 2019

 

 

[Signature]

Commissaire aux affidavits pour l’Ontario

Tamarah Nutik

 

No du Barreau de l’Ontario 50509S



 



 

 


 



No de dossier de la Cour T-1809-18

COUR FÉDÉRALE

ENTRE :

SAUDI ARABIAN AIRLINES CORP.

demanderesse

et

TRIBUNAL D’APPEL DES TRANSPORTS DU CANADA

et

OFFICE DES TRANSPORTS DU CANADA

défendeurs

PREMIER ADDENDA AU MÉMOIRE DES FAITS ET DU DROIT DU TRIBUNAL D’APPEL DES TRANSPORTS DU CANADA, DÉFENDEUR

  • [1] Conformément à l’ordonnance du juge Campbell rendue le 16 septembre 2019, le Tribunal d’appel des transports du Canada formule les observations supplémentaires qui suivent.

  • [2] Lors de l’audience du 16 septembre, la Cour a attiré l’attention des parties sur le paragraphe 29 des observations de la demanderesse, dans lesquelles cette dernière fait valoir que le défaut de solliciter les commentaires des parties relativement au retrait du procès-verbal par l’Office des transports du Canada ou aux conséquences de ce retrait sur la compétence du Tribunal mine les obligations du Tribunal au titre de la common law et du paragraphe 180.3(3) de la Loi sur les transports au Canada (LTC).

[3]  La Cour a demandé aux parties de commenter l’étendue du devoir d’équité, y compris au sens du paragraphe 180.3(3) de la LTC. De plus, la Cour a soulevé des questions concernant la lettre contestée rédigée par la greffière du Tribunal, le pouvoir qui sous-tend la rédaction de cette lettre et la question de savoir si le président (par intérim) qui a signé la version finale de la lettre du Tribunal était ou non le conseiller commis à la révision.

  • [4] Un affidavit de la greffière du Tribunal est joint aux présentes observations. Cet affidavit a pour but de répondre aux questions factuelles posées par la Cour. Plus précisément, il confirme que le conseiller commis à la révision n’a participé à aucune communication ni pris aucune décision à la suite du retrait du procès-verbal. La lettre de la greffière datée du 19 septembre 2018 constituait une réponse du personnel aux interrogations de la demanderesse au sujet de la transmission au Tribunal d’observations relatives aux dépens. L’affidavit fournit également des détails pertinents sur le rôle de la greffière, les taux de retrait et les annulations d’audience. Ces renseignements sont fournis afin que la Cour puisse acquérir une meilleure compréhension du fonctionnement quotidien et des processus du Tribunal.

  • [5] Les questions d’équité procédurale soulevées par la demanderesse sont vastes. Toutefois, les mesures procédurales prises par le Tribunal, par l’entremise de son personnel et de son président, découlaient d’un cadre législatif spécialisé qui prévoit des procédures particulières pour le Tribunal. La compréhension du Tribunal des exigences et des limites de ce cadre a éclairé ses actes. Les éléments suivants versés au dossier de l’instance en témoignent : la signification d’un avis d’annulation d’audience et la fermeture du dossier de révision du Tribunal; la communication transmise à la demanderesse par la greffière le 19 septembre 2018; et la décision subséquente rendue par le président le 27 septembre 2018.

L’INSTANCE EN RÉVISION ET LA PÉRIODE POSTÉRIEURE À LA FERMETURE DU DOSSIER DE RÉVISION

  • [6] Le Tribunal considère qu’il y a deux périodes distinctes en l’espèce.

  • [7] La première période a été celle de l’instance en révision, qui a commencé par une demande de révision du procès-verbal 17-06204 déposée le 1er mars 2018. À cette étape, le dossier de révision a été ouvert; un conseiller a été commis à la révision; et une audience a été fixée. Cette étape a pris fin au moment où le procès-verbal a été retiré; l’avis d’annulation d’audience a été signifié, et le dossier du Tribunal a été fermé.

  • [8] Durant la deuxième période, le Greffe a reçu une demande de renseignements de la demanderesse et, à la suite de la réponse de la greffière, une demande de décision. Cette demande a été transmise au moyen d’une lettre datée du 24 septembre 2018. Elle demandait expressément une décision officielle quant à la question de savoir si le Tribunal possède ou non la compétence nécessaire pour adjuger des dépens, conformément à l’alinéa 19(1)a) de la Loi sur le Tribunal d’appel des transports du Canada [1] (la Loi sur le TATC).La réponse à cette demande a été envoyée par le président du Tribunal le 27 septembre 2018 [2] .

  • [9] Les pouvoirs conférés au Tribunal et le cadre juridique permettant de donner suite à la demande de révision et à la demande de décision officielle quant à la compétence du Tribunal ne sont pas les mêmes sous le régime de la Loi sur le Tribunal d’appel des transports du Canada, des Règles du Tribunal des transports du Canada et de la Loi sur les transports au Canada.

LA DEMANDE DE RÉVISION RELATIVEMENT À UNE SANCTION ADMINISTRATIVE PÉCUNIAIRE AU SENS DE LA LTC

  • [10] Le 1er mars 2018, la demanderesse a présenté une demande pour que la sanction administrative pécuniaire contenue dans le procès-verbal 17-06204 fasse l’objet d’une révision par le Tribunal. L’article 12 de la Loi sur le TATC [3] et les articles 180.3 à 180.6 de la LTC [4] établissent la procédure à suivre pour la révision de ce procès-verbal.

  • [11] La portée des révisions est limitée par la loi. Le paragraphe 2(3) de la Loi sur le TATC porte sur la compétence particulière du Tribunal en ce qui a trait aux requêtes en révision et aux appels portant sur les sanctions administratives pécuniaires prévues aux articles 177 à 181 de la LTC et dans d’autres lois régissant les transports.

  • [12] Le paragraphe 180.3(1) de la LTC énonce que le destinataire d’un procès-verbal qui veut faire réviser les faits reprochés ou le montant de la sanction peut déposer une requête auprès du Tribunal.

  • [13] Conformément au paragraphe 180.3(2) de la LTC, après réception de la requête en révision des faits reprochés contenus dans le procès-verbal, le Tribunal fixe la date et le lieu de l’audience et en avise par écrit le ministre et l’intéressé.

  • [14] Conformément au paragraphe 180.3(3) de la LTC, dans le cadre de l’audience en révision concernant les faits reprochés, le membre du Tribunal commis à l’affaire accorde aux parties la possibilité de présenter leurs éléments de preuve et leurs observations, conformément aux principes de l’équité procédurale et de la justice naturelle. Encore une fois, une audience en révision vise à permettre la révision des faits et du montant de la sanction administrative pécuniaire, conformément au paragraphe 180.3(1).

  • [15] Le Tribunal interprète les obligations en matière d’équité procédurale établies au paragraphe 180.3(3) comme découlant de l’audience en soi. Les audiences de vive voix sont le principal volet, et presque toujours le seul, de l’instance en révision au titre de la LTC. Dans de rares circonstances, les parties soulèvent des questions préliminaires par écrit avant la tenue de l’audience. Toutefois, comme dans le cas de toutes les sanctions administratives pécuniaires faisant l’objet d’une révision par le Tribunal, les éléments de preuve et les observations sur le fond ne sont présentés que le jour de l’audience.

  • [16] Le rôle central de l’audience dans le processus de révision se reflète dans le libellé de l’instrument habilitant. Le paragraphe 180.3(3), qui énonce les droits des parties à l’équité procédurale, vient appuyer l’interprétation du Tribunal. Il mentionne explicitement que ces droits sont accordés « à l’audience » :

180.3(3) À l’audience, le membre du Tribunal commis à l’affaire accorde au ministre et à l’intéressé la·possibilité de présenter leurs éléments de preuve et leurs observations, conformément aux principes de l’équité procédurale et de la justice naturelle.

  • [17] Qui plus est, selon la version française du paragraphe 180.3(5) de la LTC, l’intéressé n’est pas tenu de témoigner à l’audience, et ce droit est lié à la tenue d’une audience :

180.3(5) L’intéressé n’est pas tenu de témoigner à l’audience.

  • [18] Cette disposition a donné lieu à la pratique de longue date du Tribunal consistant à ouvrir le dossier contenant les éléments de preuve uniquement le jour de l’audience, et pas avant. Il vaut la peine de mentionner que, dans ce contexte législatif, le rôle central des audiences dans le processus de révision du Tribunal éclaire également la compréhension de ce dernier de son pouvoir d’adjuger des dépens, lequel — encore une fois — est explicitement lié aux audiences, comme le prévoit l’article 19 de la Loi sur le TATC.

  • [19] Enfin, le pouvoir décisionnel que l’article 180.5 confère aux membres chargés de la révision est limité. Le membre peut décider qu’il n’y a pas eu contravention, ou bien qu’il y a eu contravention. Dans le deuxième cas, il fixe le montant de la sanction. Cette décision ne peut être rendue qu’« après l’audition des parties » ou « at the conclusion of the review ».

  • [20] Le Tribunal reconnaît que les obligations en matière d’équité procédurale ne découlent pas que de la loi. Toutefois, dans la mesure où la question dont la Cour est saisie concerne la portée de ce devoir au titre du paragraphe 180.3(3) de la LTC, le Tribunal soutient que cette disposition se rapporte aux audiences et qu’elle est liée à la révision de fond d’une sanction administrative pécuniaire et doit être interprétée dans son contexte.

  • [21] Pour cette raison, le Tribunal n’interprète pas les obligations imposées par la loi au membre commis à la révision comme s’étendant nécessairement au retrait d’une affaire et à d’autres situations, et ce, parce qu’il est d’avis qu’il perd la compétence dans les cas de retrait.

  • [22] En l’espèce, le Tribunal a cru comprendre qu’il avait perdu la compétence pour examiner la demande de révision présentée par la demanderesse quand le procès-verbal a été retiré. Le Tribunal l’avait déjà dit dans la décision Guardian Eagle Co., où un ensemble de faits semblables a soulevé la même question de compétence, que le Tribunal a examinée et à laquelle il a répondu ce qui suit :

La compétence du Tribunal est énoncée aux paragraphes 2(2) et (3) de la Loi sur le TATC. Le paragraphe 2(3) octroie la compétence concernant « des requêtes en révision et des appels portant sur les sanctions administratives pécuniaires prévues aux articles 177 à 181 de la Loi sur les transports au Canada... » Je suis d’accord avec la position de l’Office consistant à dire que cette disposition limite la compétence du Tribunal aux audiences qui déterminent si une violation alléguée dans un procès-verbal émis en vertu de l’article 180 de la LTC a, ou non, eu lieu et si la sanction pécuniaire imposée est appropriée compte tenu des circonstances. Le fondement de l’audience est le procès-verbal et, si le procès-verbal est retiré, ce fondement disparaît et le Tribunal n’a plus compétence dans l’affaire [5] .

  • [23] Dans cette décision, le Tribunal a conclu que son pouvoir d’adjuger des dépens en conséquence d’un retrait « n’est pas indépendan[t] et doit être interprété [...] comme une compétence adjointe de la compétence octroyée au Tribunal en vertu des lois citées dans l’article 2 de la Loi sur le TATC [6]  ». Examinant le libellé de l’article 19 de la Loi sur le TATC, le Tribunal a conclu que « l’article 19 de la Loi sur le TATC ne peut s’appliquer qu’aux cas où le Tribunal a compétence dans l’affaire. Comme observé ci-dessus, le Tribunal n’a pas de compétence une fois que le procès-verbal est retiré et, par conséquent, il ne peut pas statuer sur les dépens [7] . »

  • [24] Dans le cas du dossier no 0-4392 du TATC, le Tribunal s’est acquitté de son obligation légale prévue au paragraphe 180.3(2) le 30 mai 2018 en fixant une date d’audience pour la révision des faits reprochés et du montant de la sanction [8] . À cette fin, un membre a été commis à la révision [9] .

  • [25] Toutefois, aucune audience n’a eu lieu dans cette affaire, car la contravention alléguée et le montant de la sanction n’ont pas fait l’objet d’une révision, et aucun élément de preuve ni aucune observation n’ont été présentés au Tribunal. Celui-ci a cru comprendre que sa compétence pour procéder à la révision des faits reprochés n’existait plus en l’absence du procès-verbal.

  • [26] Comme aucune audience en révision n’a été tenue et comme le procès-verbal a été retiré, aucune décision n’a été rendue par le membre commis à la révision, aucun élément de preuve n’a été présenté à ce dernier, aucune décision pouvant influer directement ou indirectement sur le bien-fondé de l’affaire n’a été rendue, et aucune mesure procédurale n’a été prise. Par conséquent, en l’espèce, le Tribunal souscrit aux conclusions tirées dans l’arrêt Newfoundland (Treasury Board) [10] , selon lesquelles le conseiller affecté à l’audience en révision n’était pas saisi de l’affaire.

  • [27] À la suite de la réception du retrait, la greffière a avisé le conseiller commis à la révision de l’annulation de l’audience [11] . La greffière a ensuite signifié son avis d’annulation d’audience aux parties et a fermé le dossier du Tribunal relativement à la révision [12] . L’avis d’annulation est rédigé selon un modèle type, et sa signification est une pratique établie. Cette pratique est apparue en réaction au grand nombre de retraits de dossiers du Tribunal, avant et après qu’une audience a été fixée.

  • [28] Plus précisément, le rapport annuel du Tribunal montre que, en 2018-2019, au total, 111 affaires ont été retirées [13] . Seize avis d’annulation ont été signifiés, et 38 audiences en révision ont été tenues [14] .

  • [29] Le rapport annuel du Tribunal montre que, en 2017-2018, au total, 97 affaires ont été retirées [15] . Vingt-sept avis d’annulation d’audience ont été signifiés, et 40 audiences en révision ont été tenues [16] .

  • [30] Le rapport annuel du Tribunal montre que, en 2016-2017, au total, 110 affaires ont été retirées [17] . Vingt-neuf avis d’annulation d’audience ont été signifiés, et 43 audiences en révision ont été tenues [18] .

  • [31] Dans la grande majorité des cas, ces retraits sont effectués par les demandeurs mêmes, et non par l’organisme fédéral d’application de la loi [19] .

  • [32] Ainsi, l’annulation d’audiences et la fermeture subséquente de dossiers du Tribunal sont pratiques courantes au Tribunal. La procédure connexe est traitée comme une affaire administrative [20] par la greffière du Tribunal.

  • [33] Selon l’interprétation du Tribunal, le conseiller commis à la révision cesse d’être saisi d’une affaire dans les situations comme celle qui a été décrite plus haut. Si la Cour interprète la loi différemment, le Tribunal lui demande ses consignes pour l’établissement du moment à partir duquel le conseiller commis à la révision cesse d’être saisi de l’affaire sous le régime de la loi. Le Tribunal demande également des consignes pour ce qui est de savoir si un autre conseiller du Tribunal peut statuer sur une requête en dépens lorsqu’aucun élément de preuve n’a été recueilli ou qu’aucune décision n’a été rendue relativement à une audience.


 

LES DEMANDES PRÉSENTÉES PAR LA DEMANDERESSE APRÈS QUE L’INSTANCE EN RÉVISION A PRIS FIN

  • [34] Le bureau du Greffe a reçu le message de Saudi Arabian Airfines daté du 18 septembre 2018. La demanderesse pensait que le Tribunal resterait saisi de l’affaire et lui demandait des directives précises en ce qui a trait à la présentation d’observations écrites concernant les dépens (pièce N de la demanderesse).

  • [35] Du point de vue du Tribunal, lorsque cette demande de renseignements a été présentée, l’instance en révision avait déjà pris fin, et le dossier avait déjà été fermé.

  • [36] Le Greffe est le premier point de contact pour les parties et les personnes qui souhaitent communiquer avec le Tribunal, et il répond régulièrement à des demandes de renseignements [21] .

  • [37] Le 19 septembre 2018, la greffière a fourni les renseignements demandés par la demanderesse en ce qui concerne les dépens et a expliqué que l’affaire était close : la greffière a déclaré que le Tribunal n’était plus saisi de l’affaire, contrairement à ce à quoi s’attendait la demanderesse. Cette communication de la greffière n’était pas une décision du Tribunal, mais une réponse à la demande adressée par la demanderesse à la greffière dans le but d’obtenir [traduction] « des directives précises de la part du Tribunal en ce qui a trait au processus à suivre pour présenter des observations écrites concernant les dépens [22]  ».

  • [38] Toutefois, en l’espèce, la demanderesse a fait valoir qu’elle interprétait la communication comme s’il s’agissait du [traduction] « point de vue de la greffière, selon lequel, en conséquence, le TATC n’est pas en mesure d’accepter des observations », pas d’une décision du Tribunal, alors qu’elle avait demandé une décision officielle à l’égard de la question [23] . Le Tribunal soutient respectueusement que cette demande et la réponse devraient prises en compte par la Cour.

  • [39]

2019 CF 1378 (CanLII)

Zone de Texte: 2019 CF 1378 (CanLII) Le 24 septembre 2018, après avoir reçu la lettre de la greffière, la demanderesse a demandé une décision quant à la question de savoir si le Tribunal demeurait saisi de l’affaire ou non. Après réception de cette demande de décision, celle-ci a été fournie au président du Tribunal.

  • [40] Conformément à l’article 4 de la Loi sur le TATC, le président exerce ses fonctions à temps plein au Tribunal :

4 Le gouverneur en conseil désigne, parmi les conseillers, le président et le vice-président. Ceux-ci doivent exercer leurs fonctions à temps plein.

  • [41] Le président est donc autorisé à rendre des décisions et des décisions procédurales.

  • [42] En vertu de l’article 5 de la Loi sur le TATC, le président assure la direction du Tribunal et en contrôle les activités. Il est notamment chargé de la répartition des affaires et du travail entre les conseillers et de l’administration du Tribunal. Le paragraphe 5(1) de la Loi sur le TATC est ainsi libellé :

5(1) Le président assure la direction du Tribunal et en contrôle les activités. Il est notamment chargé :

  • a) de la répartition des affaires et du travail entre les conseillers et, le cas échéant, de la constitution et de la présidence des comités;

  • b) de la conduite des travaux du Tribunal et de son administration.

  • [43] En l’espèce, le président était habilité à se charger lui-même de répondre à la demande de décision présentée par la demanderesse le 24 septembre 2018.


 

  • [44] Enfin, en vertu de l’article 11, le président détermine les dates, les heures et les lieux où le Tribunal siégera pour exercer ses attributions :

11 Le Tribunal siège, au Canada, aux dates, heures et lieux que le président estime nécessaires à l’exercice de ses attributions.

  • [45] Par conséquent, le Tribunal fait valoir que, quand la demanderesse a demandé une décision en ce qui a trait à la question de la compétence, la loi conférait au président le pouvoir de décider si une séance était nécessaire. Le président était autorisé par la loi à s’attribuer l’affaire et à répondre à la demande présentée par la demanderesse.

  • [46] Lorsqu’une question procédurale qui n’est prévue ni dans la Loi sur le TATC ni dans aucune autre des lois mentionnées aux paragraphes 2(2) et 2(3) de cette loi est soulevée, les articles 4 et 10 des Règles du Tribunal d’appel des transports du Canada (les Règles) s’appliquent. Le Tribunal est d’avis que la lettre de la demanderesse datée du 24 septembre ne s’inscrivait pas dans le cadre d’une instance en révision, mais était plutôt visée par les articles 4 et 10 des Règles [24] .

  • [47] Les articles 4 et 10 des Règles du Tribunal offrent à celui-ci la marge de manœuvre nécessaire pour prendre des mesures dans le but de répondre à des questions procédurales ou à des demandes.

  • [48] L’article 4 prévoit que, lorsqu’une question de procédure n’est prévue par aucune des lois applicables, le Tribunal peut prendre les mesures qu’il juge nécessaires pour trancher la question efficacement, complètement et équitablement.

  • [49] L’article 10 des Règles du Tribunal s’applique à toute demande visant l’obtention d’un redressement déposée auprès du Tribunal, autre qu’une requête en révision ou un appel. Le paragraphe 10(1.1) des Règles énonce que la demande doit être faite par écrit et déposée auprès du Tribunal, sauf si, de l’avis de celui-ci, les circonstances justifient qu’elle soit présentée autrement. Selon les paragraphes 10(3) et (4), le Tribunal a une certaine souplesse pour décider si des observations sont requises.


 

  • [50] Conformément aux pouvoirs conférés au président par la loi, et comme aucune audience n’avait été tenue pour la révision du procès-verbal 17-06204 et qu’aucun témoignage susceptible d’influer directement ou indirectement sur le fond de l’affaire n’avait été entendu, le Tribunal a cru comprendre que le président ou un autre conseiller pouvait statuer sur la demande datée du 24 septembre 2018 [25] .

  • [51] Le 27 septembre 2018, le président a statué sur la demande en reconnaissant la correspondance de la demanderesse du 24 septembre 2018, en mentionnant la lettre de la greffière du 19 septembre et en confirmant que le Tribunal n’était plus saisi de l’affaire.

  • [52] Le Tribunal reconnaît qu’aucun échange d’arguments n’a été demandé en ce qui a trait à la question qui nous occupe. Même s’il s’en remet à la Cour pour qu’elle décide si cela constituait un manquement à l’équité procédurale, comme la Cour a posé la question aux parties, le Tribunal soutient que les circonstances de l’affaire étaient particulières.

  • [53] Le fait que les tribunaux sont maîtres de leur propre procédure est bien établi en droit [26] . La Cour fédérale a reconnu expressément que le Tribunal est autorisé par l’article 18 de la Loi sur TATC à régir sa pratique et sa procédure au moyen de ses règles procédurales et à diriger le déroulement de l’instance [27] . Le Tribunal souligne que, dans certains cas, comme en ce qui a trait aux questions de compétence, les cours de révision tiennent compte de l’équité générale du résultat ainsi que du caractère correct des conclusions relatives à la compétence dans l’examen de la décision d’un président relativement à une question de compétence lorsqu’on n’a pas demandé aux parties de formuler des observations [28] .


 

  • [54] La question que la demanderesse a posée au Tribunal portait sur la compétence. À la lumière de son interprétation de la loi, de ses pratiques établies depuis longtemps et de la décision Guardian Eagle qu’il a déjà rendue concernant la question de la compétence, le Tribual a décidé que suffisamment d’information avait été présentée pour qu’une réponse puisse être donnée à la demanderesse.

  • [55] Par conséquent, le président du Tribunal a examiné et admis la demande et les motifs fournis par la demanderesse et a statué sur la demande dans le cadre d’une décision rendue conformément aux pouvoirs que lui confère la Loi sur TATC et selon le Tribunal, conformément aux Règles, qui lui accordent la souplesse pour agir comme il l’a fait.

DÉPENS

  • [54] Si la Cour décide d’examiner la demande de dépens de la demanderesse, le Tribunal demande la possibilité de formuler des observations à l’audience sur cette question.

  • [55] Le Tribunal mentionne qu’il a participé à l’instance avec la permission préalable du protonotaire de la Cour, et que tout acte du Tribunal qui aurait entraîné un manquement au devoir d’équité procédurale découlait de son interprétation de sa compétence aux termes de la loi et constituait une erreur, mais ne résulte pas d’une quelconque inconduite ou mauvaise foi.

LE TOUT SOUMIS RESPECTUEUSEMENT


Ce 4e jour d’octobre 2019.

Barbara Cuber

Avocate principale p.i

Tribunal d’appel des transports du Canada

344, rue Slater, 15étage

Ottawa (Ontario)  K1A 0C2

Téléphone : 343-548-2161

Télécopieur : 613-990-9153

Avocate du défendeur


PARTIE V : TEXTES LÉGISLATIFS ET JURISPRUDENCE

  1. TEXTES LÉGISLATIFS

    1. Loi sur les transports au Canada, LC 1996, c 10

    2. Loi sur le Tribunal d’appel des transports du Canada, LC 2001, c 29

    3. Règles du Tribunal d’appel des transports du Canada, DORS/86-594

  2. JURISPRUDENCE

  1. Bertram c Canada (Procureur général), dossier de la Cour fédérale no T‑468-14

  2. Guardian Eagle Co. c Ministre des Transports, dossier du TATC no H3814-80

  3. Newfoundland (Treasury Board) c Newfoundland and Labrador Assn. of Public and Private Employees, (2004) N.J. no 325

  4. Prassad c Canada (MEI), [1989] 1 RCS 560

  5. Sahyoun c British Columbia (Employment and Assistance Appeal Tribunal), 2016 BCCA 312


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ANNEXE A : LOIS ET RÈGLEMENTS


 

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ANNEXE B : JURISPRUDENCE


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Date : 20141031

Dossier : T-468-14

Ottawa (Ontario), le 31 octobre 2014

En présence de monsieur le juge Annis

ENTRE :

ROSS WILLIAM BERTRAM

demandeur

et

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA
ET LE MINISTRE DES TRANSPORTS
DU CANADA

défendeurs

JUGEMENT

VU la demande de contrôle judiciaire présentée en vertu de l’article 18.1 de la Loi sur les Cours fédérales, LRC 1985, c F-7, concernant une décision rendue par le Tribunal d’appel des transports du Canada (le Tribunal), qui, en raison de la doctrine du caractère théorique, a refusé d’instruire la demande de révision du demandeur relativement à une décision concernant l’octroi d’un permis de pilotage sous le régime de l’article 7.1 de la Loi sur l’aéronautique, LRC 1985, c A-2 [la Loi];

APRÈS AVOIR TENU COMPTE DE tous les documents soumis par les parties et des observations écrites et orales de celles-ci;

 

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ET APRÈS AVOIR TENU COMPTE des faits suivants :

  1. Le demandeur est pilote d’hélicoptère et inspecteur de la sécurité de l’Aviation civile à Transports Canada (TC);

  2. Le 19 septembre 2012, un pilote vérificateur agréé (PVA) a soumis le demandeur à un Contrôle de compétence pilote (CCP) et à une épreuve de qualification de vol aux instruments, et ce dernier a obtenu un « échec » à l’évaluation de quatre facteurs de l’épreuve du volet du CCP;

  3. Le 21 septembre 2012, le demandeur va subi de nouveau le CCP et l’a réussi;

  4. Le 2 novembre 2012, le demandeur a demandé une révision par le tribunal de l’évaluation du 19 septembre 2012 du CCP; il contestait la compétence du PVA, et non les normes applicables à ce contrôle;

  5. Le 13 novembre 2012, le demandeur a reçu un autocollant de confirmation de licence pour le renouvellement de sa qualification de vol aux instruments, laquelle était valide du 1er novembre 2012 au 1er octobre 2014 (la licence du 1er novembre 2012).

  6. En mai 2013 ou un peu avant, le demandeur a amorcé, à l’étranger, le processus de qualification pour pouvoir piloter un nouvel aéronef; il a ainsi obtenu une nouvelle licence pour piloter l’autre aéronef (les pilotes sont qualifiés pour utiliser un type d’aéronef seulement à la fois);

  7. Le 22 mai 2013 ou vers cette date, la ministre a délivré — ce qui est maintenant reconnu comme une erreur — une nouvelle licence pour le même aéronef que permettait de piloter la licence du 1er novembre 2012. Le demandeur ne pilotait plus cet aéronef, car il suivait le

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processus de qualification pour le pilotage d’un nouvel aéronef. La date d’échéance qui figurait sur cette nouvelle licence (le 1er mai 2013) était déjà passée;

  1. Le 19 juin 2013, TC a informé le demandeur du fait que le CCP du 19 septembre 2012 avait été déclaré non valide par le ministre au motif qu’il n’avait pas été effectué conformément au Manuel du pilote vérificateur agréé et que la mention d’échec du demandeur au CCP serait donc retirée de son dossier;

  2. Le 9 juillet 2013, le ministre des Transports (le ministre) a proposé une requête en irrecevabilité au motif que le Tribunal ne possède pas la compétence pour entendre l’affaire et, subsidiairement, que l’affaire était théorique;

  3. Le 16 juillet 2013, le demandeur a écrit au Tribunal pour l’aviser qu’il souhaitait soulever une nouvelle question afin de [traduction] « contester l’annulation de l’évaluation valide au titre des règles de vol aux instruments », relativement à la licence délivrée à tort le 22 mai 2013 ou vers cette date (« la question du 22 mai 2013 »);

  4. Le demandeur et le ministre ont présenté leurs observations écrites à l’appui de la requête, et l’affaire a été tranchée en fonction de ces observations;

  5. Le 15 janvier 2014, le Tribunal a conclu qu’il possédait la compétence nécessaire pour procéder à la révision du CCP, puisqu’il s’agissait d’une décision ministérielle, mais a refusé d’instruire l’affaire au motif que la question était théorique, que le CCP avait déjà été déclaré non valide par le ministre et que la question du 22 mai 2013 n’était pas liée à l’évaluation du CCP;

  ET APRÈS AVOIR TENU COMPTE du fait que la question suivante est soulevée en l’espèce :

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  1. La conseillère a-t-elle commis une erreur en concluant que l’affaire était théorique?

ET APRÈS AVOIR TENU COMPTE du fait que la norme de contrôle applicable est celle de la décision raisonnable (Dunsmuir c Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9, [2008] 1 RCS 1990, par. 57 et 62; Canada (Procureur général) c Annon, 2013 CF 5, 424 FTR 239, par. 13 à 17);

ET APRÈS AVOIR TENU COMPTE du fait que la compétence du Tribunal en l’espèce était limitée à déterminer si la décision selon laquelle le demandeur avait cessé de posséder les qualifications nécessaires à la délivrance de sa licence était appropriée et à soit confirmer la décision du ministre, soit renvoyer l’affaire à ce dernier aux fins de réexamen (article 7.1 de la Loi);

ET APRÈS AVOIR TENU COMPTE du fait qu’en vertu de l’article 18 de sa loi habilitante, la Loi sur le Tribunal d’appel des transports du Canada, LC 2001, c 29, le tribunal peut régir sa propre pratique et la procédure des affaires portées devant lui et qu’il a le « pouvoir inhérent de diriger le déroulement de l’instance » (Butterfield c Canada (Procureur général), 2006 CF 894, 297 FTR 34, par. 59);

ET APRÈS AVOIR TENU COMPTE du fait que le CCP du 12 septembre 2012 a été invalidé par le ministre pour des raisons tenant essentiellement au fait que l’examinateur n’avait pas le droit de mener l’épreuve contestée et que la mention d’échec avait été déclarée non valide aux dossiers pertinents;

ET APRÈS AVOIR TENU COMPTE du fait que le demandeur conteste la modification apportée au dossier, car celle-ci venait préciser non pas qu’il n’avait pas échoué à l’épreuve, mais plutôt que l’épreuve qu’il avait échouée n’était pas valide,

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contrairement à son attente que le dossier soit modifié de manière à préciser qu’il avait réussi l’épreuve;

ET APRÈS AVOIR TENU COMPTE du fait qu’un renvoi au décideur ne ferait que rendre le réexamen aux fins d’une nouvelle décision sans but pratique, du fait que la décision exigée par le demandeur qui viendrait effacer toute mention de l’échec à l’épreuve avait déjà été invalidée, que la modification des dossiers demandée par ce dernier n’était pas considérablement différente de celles qui avaient été apportées au dossier et que le demandeur n’a subi aucun préjudice ni aucune perte de statut, qu’aucun problème lié aux politiques publiques n’est soulevé et qu’il était par conséquent raisonnable de la part du Tribunal d’exercer son pouvoir discrétionnaire pour refuser d’instruire l’affaire, car la question est sans portée pratique;

ET APRÈS AVOIR TENU COMPTE du fait que la question de la nouvelle délivrance, par erreur, semble-t-il, en mai 2013, de la licence portant pour date d’échéance le 1er mai 2013 était une question distincte qui n’était pas liée à la compétence du Tribunal, laquelle était limitée à l’évaluation de la question de savoir si le volet échoué du CCP était ou non le résultat d’une application appropriée des normes et n’entraînait aucun préjudice important pour le demandeur, le Tribunal avait le pouvoir discrétionnaire de refuser de se pencher sur cette question;

ET APRÈS AVOIR TENU COMPTE du fait qu’il n’y a eu aucun manquement à l’équité procédurale dans le cadre de l’instruction de la requête;

ET APRÈS AVOIR CONCLU que la décision appartient « aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit » et qu’elle est justifiée par des motifs qui sont intelligibles et transparents (Dunsmuir, par. 47 et 53);


 

Page : 6

LA COUR ORDONNE que la demande de contrôle judiciaire soit rejetée sans dépens.

 

« Peter Annis »

Juge


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V.  Dossier no H-3814-80 (TATC)

VI.  Dossier no 10-05159 (MdT)

TRIBUNAL D'APPEL DES TRANSPORTS DU CANADA

ENTRE :

Guardian Eagle Co.

appelant(e)

- et -

Ministre des transports

intimé(e)

VII. LÉGISLATION :


l’article 19 de la Loi sur le Tribunal d’appel des transports du Canada, L.C. 2001, ch. 29

Décision interlocutoire Elizabeth MacNab


Décision : le 16 janvier 2014

Référence : Guardian Eagle Co. c. Office des transports du Canada, 2014 TATCF 4 (décision interlocutoire)

[Traduction française officielle] Entendue par voie d'observations écrites

VIII.  DÉCISION RELATIVE À LA DEMANDE DE DÉPENS DE LA REQUÉRANTE

Arrêt : J'estime que le Tribunal n'a pas compétence pour examiner l'adjudication des dépens après qu'un procès-verbal, émis en vertu de l'article 180 de la Loi sur les transports au Canada, a été retiré.

I.  HISTORIQUE

  • [1] Le 5 juillet 2011, l'Office des transports du Canada (Office) a émis un procès-verbal à la requérante, Guardian Eagle Co., alléguant qu'elle exploitait un service aérien sans la licence requise par l'alinéa 57a) de la Loi sur les transports au Canada, L.C. 1996, ch. 10 (LTC). Le procès-verbal imposait une sanction pécuniaire de 30 000 $, qui a plus tard été réduite à 10 000 $ du fait du retrait des chefs d'accusation B, D, E et F. La requérante a demandé une révision de l'affaire par le Tribunal d'appel des transports du Canada (Tribunal), et après de nombreuxretards, une audience a été programmée pour les 2 et 3 octobre 2013. Le 16 septembre 2013, l'Office a retiré le procès-verbal. Le 24 septembre 2013, la requérante a écrit au Tribunal, affirmant qu'il n'acceptait pas le retrait du procès-verbal et qu'il demandait des dépens dans cette affaire, au motif que le procès-verbal initial était frivole et vexatoire.

  • [2] Le Tribunal a demandé aux deux parties de lui faire part d'observations écrites sur l'affaire, comprenant notamment des représentations relatives à la compétence du Tribunalpour entendre une demande de dépens après le retrait duprocès-verbal.

  • [3] Le paragraphe 19(1) de la Loi sur le Tribunal d'appel des transports du Canada,L.C. 2001, ch. 29 (Loi sur le TATC), est libellé comme suit:

II.  LOI

19. (1) Le Tribunal peut condamner l'une des parties aux dépens et exiger d'elle le remboursement de toute dépense engagée relativement à l'audience qu'il estime raisonnable dans les cas où :

  • a) il est saisi d'une affaire pour des raisons frivoles ouvexatoires;

  • b) La requérante ou l'appelant a, sans motif valable, omis decomparaître;

  • c) la partie qui a obtenu un ajournement de l'audience lui en avait fait la demande sanspréavis suffisant.

III.  ARGUMENTS

  1. Requérante

  • [4] La requérante a exposé sa position dans la lettre du 24 septembre 2013. Son représentant a fait valoir qu'une bureaucratie devrait être traitée selon des normes plus strictes qu'un requérant, étant donné que les normes assouplies du processus du Tribunal sont destinées à permettre aux titulaires de documents de participer sans être nécessairement représenté. Il a souligné que la requérante avait maintenu de façon constante sa position suivant laquelle toute violation ayant eu lieu avait été commise par d'autres personnes et que, lors d'une réuniond'avril 2013, la requérante avait indiqué qu'elle demanderait les dépens à la conclusion del'audience.

  • [5] Le représentant de la requérante a fait valoir que tous les critères relatifs à l'allocation de dépens énoncés à l'article 19 de la Loi sur le TATC avaient été remplis. L'émission du procès- verbal était frivole et vexatoire puisque les preuves démontrent que la requérante n'exploitaitpas, en réalité, l'aéronef concerné. Le retrait, deux semaines avant la date de l'audience, a été effectué sans préavis suffisant vis-à-vis du Tribunal et la justification de ce retrait, c'est-à-dire le manque de disponibilité des témoins, n'était pas un faitnouveau.

  • [6] Le 25 octobre 2013, le représentant de la requérante a écrit au Tribunal affirmantqu'il n'avait plus de compétence pour faire des représentations au nom de son client, mais qu'il ne retirait pas ses représentations faites par lepassé.

  1. Intimé

  • [7] Le 2 octobre 2013, l'Office a écrit au Tribunal, contestant les allégations de mauvaisefoi et d'abus d'autorité énoncées dans la demande de la requérante datée du 24 septembre 2013. La position de l'Office était que, sur la base des faits tels qu'elle les énonçait, y compris les ententes contractuelles avec les services aériens, il était évident que la requérante exploitait un service aérien au sens entendu par la LTC, même si elle n'exploitait pas l'aéronef. De plus, les retards dans la programmation d'une audience n'étaient pas dus à l'Office. Enfin, un facteur de la décision du retrait du procès-verbal était l'incapacité d'assigner un témoin à comparaître, bien que des tentatives diligentes pour ce faire furent entreprises durant l'été avec pour résultat que, pour continuer, l'Office devrait demander un ajournement. Compte tenu du temps et des dépens associés à une telle demande et du temps écoulé depuis la violation alléguée, et la conformité actuelle de la requérante, la décision fut prise de retirer leprocès-verbal.

  • [8] De plus, l'Office a observé qu'aucun des critères relatifs à l'allocation des dépens énoncés au paragraphe 19(1) de la Loi sur le TATC n'avaient été remplis. Le procès-verbal n'était ni frivole ni vexatoire au sens où l'entend l'alinéa 19(1)a) puisqu'il existait une preuve documentaire appuyant l'allégation que la requérante exploitait un service aérien. L'alinéa 19(1)b) s'applique seulement à la partie qui a demandé la révision. L'alinéa 19(1)c) se fonde sur une demande d'ajournement faite sans préavis suffisant au Tribunal, or aucune demande d'ajournement n'a été faite. De plus, le Tribunal a énoncé ses attentes en matière de préavis suffisant relativement à un règlement dans son Avis aux parties, demandant un préavis de cinq jours, ou d'au moins deux jours, dans la mesure du possible — de sorte qu'il dispose d'un temps suffisant pour annuler son hébergement et éviter des frais de service. Le préavis de retrait a été donné deux semaines avant la date del'audience.

  • [9] Le 29 octobre 2013, l'Office a fourni des documents supplémentaires, en réponse à la demande d'observations du Tribunal, concernant sa compétence pour entendre une demande de dépens après le retrait du procès-verbal. L'Office a allégué que les pouvoirs du Tribunal se limitent à ceux cités dans les articles 177 à 181 de la LTC qui énoncent la compétence pour imposer une sanction administrative pécuniaire aux moyens d'un procès-verbal, la capacité de demander une révision et les pouvoirs du Tribunal relativement à cette même révision. Par conséquent, il fait valoir qu'une fois le procès-verbal retiré, le Tribunal n'a pas de compétence sur cette question. L'observation se fonde sur deux cas dans lesquels il a été soutenu que le pouvoir d'un tribunal judiciaire ou quasi judiciaire lui est octroyé par la loi et que si le fondement de ce pouvoir, une plainte, venait à être retiré, ce tribunal n'avait plus compétence dans cette affaire. Ceci a été décidé par la Cour fédérale du Canada dans McKeown c. Banque Royale du Canada, [2001] 3 C.F. 139, relativement au retrait des plaintes conformément à la partie III du Code canadien du travail, et par la Cour d'appel fédérale dans Canada (Procureur général) c.Lebreux, 178 N.R. 1, relativement au retrait des griefs conformément à la Loi sur les relations de travail dans la fonctionpublique.

  • [10] L'Office a aussi fait valoir que la demande contenue dans la lettre de la requérante du 24 septembre 2013 se limitait à une demande de dépens. Aucune demande n'a été faite relativement à une décision établissant si la contravention avait eu lieu ou si la pénalité était justifiée. Mêmesi le Tribunal avait compétence pour ordonner des dépens après le retrait d'un avis, il nepourrait faire cela que si, après une révision, il estimait que l'un des critères énoncés dans le paragraphe 19(1) de la Loi sur le TATC était rempli.

  • [11] L'Office a également fait remarquer que la requérante, en suggérant que le Tribunal devrait exiger une justification avant de consentir au retrait du procès-verbal d'une manière analogue aux cours, suggère en fait que le Tribunal devrait trouver dans ses lois dominantes la compétence pour exiger une justification et condamner une partie aux dépens lorsqu'un avis est retiré. Il est observé que ce point de vue ne peut être soutenu en l'absence d'un pouvoir statutaire exprès. Bien que les cours et certains tribunaux administratifs puissent condamner une partie aux dépens quand une affaire qui leur est présentée est retirée, tels dépens sont attribués sur la base de la compétence pour ce faire énoncée dans la loi dominante ou les règles établies en vertu de la compétence conférée par cetteloi.

  • [12] Enfin, l'Office a répété les points énoncés dans sa lettre du 2 octobre 2013, qui faisait valoir que même si le Tribunal avait la capacité d'imposer des dépens, aucun des critèresénoncés au paragraphe 19(1) de la Loi sur le TATC n'avaient étéremplis.

  • [13] La requérante a invité le Tribunal à traiter l'Office selon des normes plus strictes que la requérante et à estimer que l'Office ne devrait pas être autorisé à retirer unilatéralement son procès-verbal. Sa demande réelle, cependant, consistait à instituer un processus qui autoriseraitla requérante à recouvrer ses dépens sur la base que les trois situations décrites dans le paragraphe 19(1) de la Loi sur le TATC avaient été remplies. L'Office a répondu que puisque le procès- verbal avait été retiré, le Tribunal n'avait plus de compétence dans cette affaire, mais même si c'était le cas, cette compétence se limiterait aux circonstances énoncées dans le paragraphe 19(1) de la Loi sur le TATC, qui ne s'appliquent pas à cetteaffaire.

  • [14] Les tribunaux administratifs sont créés par les lois qui les gouvernent. En dehors de la compétence conférée par ces lois, ils n'ont pas la capacité de statuer. La compétence du Tribunal est énoncée aux paragraphes 2(2) et (3) de la Loi sur le TATC. Le paragraphe 2(3) octroie la compétence concernant « des requêtes en révision et des appels portant sur les sanctions administratives pécuniaires prévues aux articles 177 à 181 de la Loi sur les transports au Canada... » Je suis d'accord avec la position de l'Office consistant à dire que cette disposition limite la compétence du Tribunal aux audiences qui déterminent si une violation alléguée dans un procès-verbal émis en vertu de l'article 180 de la LTC a, ou non, eu lieu et si la sanction pécuniaire imposée est appropriée compte tenu des circonstances. Le fondement de l'audienceest le procès-verbal et, si le procès-verbal est retiré, ce fondement disparaît et le Tribunal n'a plus compétence dansl'affaire.

  • [15] Le paragraphe 19(1) de la Loi sur le TATC établit une autre compétence du Tribunal; une compétence limitée d'imposition de dépens dans certaines circonstances spécifiées. Le Tribunala constamment soutenu, dernièrement dans Kipke c. Canada (Ministre des Transports), 2013 TATCF 13 (appel), n° de dossier TATC C-3449-33, que la compétence pour condamner une partie aux dépens se limitait aux situations énoncées dans ce paragraphe. Cette compétence, cependant, n'est pas indépendante et doit être interprétée comme une compétence adjointe dela compétence octroyée au Tribunal en vertu des lois citées dans l'article 2 de la Loi sur le TATC. Les alinéas 19(1)b) et c) sont fondés sur des situations dans lesquelles il y a une audience ou une audience ajournée, et l'alinéa a) est fondé sur une situation dans laquelle le Tribunal est « saisi d'une affaire pour des raisons frivoles ou vexatoires ». Sur la base de cette formulation, l'article 19 de la Loi sur le TATC ne peut s'appliquer qu'aux cas où le Tribunal a compétence dans l'affaire. Comme observé ci-dessus, le Tribunal n'a pas de compétence une fois que le procès- verbal est retiré et, par conséquent, il ne peut pas statuer sur les dépens.

  • [16] Bien que je juge que le Tribunal n'a pas compétence pour statuer sur les dépens danscette affaire, par souci de clarté, je ferais observer qu'en tout état de cause, si le Tribunal était compétent dans cette question, il n'aurait aucune base sur laquelle statuer sur les dépens compte tenu des circonstances énoncées dans les documents qui m'ont été présentés. Malgré l'indisponibilité de preuves avérées, sur la base des documents qui m'ont été présentés, il semble qu'une question réelle soit posée quant au fait que la requérante exploite, ou non, un service aérien et, par conséquent, il ne peut être dit que l'Office agissait pour des raisons frivoles ou vexatoires en émettant le procès-verbal. Le procès-verbal a été retiré deux semaines avant l'audience et, dans la mesure où le retrait est analogue à un ajournement, cette période a été jugée suffisante par le Tribunal dans d'autres circonstances. Sur ce point, je remarque que l'exigence décrite à l'alinéa 19(1)c) est une demande avec « préavis suffisant », et il revient au Tribunal de décider si cette exigence a été remplie. De même, même si le retrait était analogue à une omission de comparaître à une audience comme le prévoit l'alinéa 19(1)b), cet alinéa ne s'applique qu'à la partie qui a fait la demande derévision.

  • [17] J'estime que le Tribunal n'a pas compétence pour examiner l'adjudication des dépens après qu'un procès-verbal, émis en vertu de l'article 180 de la Loi sur les transports au Canada, a étéretiré.

IV.  DISCUSSION ET ANALYSE

V.  DÉCISION

Le 16 janvier 2014

(Original signé)

Me Elizabeth MacNab

Conseillère


ONGLET

 

3

 

TAB

 

 


[traduction]

Newfoundland (Treasury Board) c Newfoundland and Labrador Assn. of Public and Private Employees, [2004] N.J. no 325

Jugements de Terre-Neuve-et-Labrador

Cour suprême de Terre-Neuve-et-Labrador — Cour d’appel
Le juge en chef Wells et les juges Roberts et Mercer

Instruction : 19 mai 2004

Jugement : 29 septembre 2004

Dossier : 03/24

 

[2004] N.J. no 325   2004 NLCA 58  245 D.LR. (4th) 234  241 Nfld. & P.E.I.R. 13
20 Admin. L.R. (4th) 17 /  134 A.C.W.S. (3d) 89

 

Entre Sa Majesté la Reine du Chef de Terre-Neuve-et-Labrador, représentée par le Conseil du Trésor, et la Newfoundland and Labrador Health and Community Services Association, au nom des St. John’s Regional Health and Community Services (appelant), et la Newfoundland and Labrador Association of Public and Private Employees (Paul Walsh) (intimé).

 

(61 paragraphes)

Résumé de l’affaire

Tribunaux — Juges — Pouvoirs ou compétence — Respect de jugements ou d’ordonnances — Compétence — Effet du défaut de compétence.

 

Décision préliminaire quant à la question de savoir si un juge des requêtes possédait ou non la compétence nécessaire pour exclure quatre affidavits déposés par l’employeur appelant et deux affidavits déposés par le syndicat intimé. L’intimé, M. Walsh, a formulé un grief concernant son congédiement par son employeur parce qu’il avait eu des relations sexuelles avec une patiente dans un centre de désintoxication où il travaillait à titre de préposé. Un arbitre a conclu que l’employeur avait un motif valable d’imposer une mesure disciplinaire et a réduit la sanction à une suspension de un an sans perte d’ancienneté. L’arbitrage n’a pas été transcrit, mais l’arbitre a rédigé des notes. L’employeur a présenté une demande de contrôle judiciaire. Les parties ont produit des affidavits contradictoires, lesquels ont été déposés par les personnes qui les avaient représentées à l’arbitrage, concernant les déclarations des témoins devant l’arbitre. Le premier juge des requêtes a décidé que les notes de l’arbitre faisaient partie du dossier. Le deuxième a conclu que l’erreur faisant l’objet de la plainte en l’espèce était exposée de façon suffisante dans le seul dossier.

ARRÊT : Le deuxième juge des requêtes n’avait pas compétence pour exclure les affidavits.

La décision était entachée de nullité. Le règlement du problème découlant des affidavits contradictoires était essentiel pour le contrôle judiciaire demandé concernant la décision arbitrale. La décision concernant les documents dont devait tenir compte le juge chargé du contrôle judiciaire à des fins d’équité et de justice aurait eu une incidence sur le processus décisionnel et sur la décision de fond à rendre. Le premier juge a été saisi de l’affaire parce qu’il avait instruit la demande interlocutoire concernant les notes de l’arbitre et qu’il avait statué sur cette demande. Si la décision du deuxième juge avait été maintenue lorsque le premier juge a été saisi de l’affaire, celle-ci aurait nui au pouvoir discrétionnaire du juge chargé du contrôle judiciaire ainsi qu’à l’intégrité de l’audience.

Lois, règlements et règles cités

Arbitration Act, R.S.N.L. 1990, ch. A-14.

Judicature Act, R.S.N.L. 1990, ch. J-4, s.-al. 2c)(iii), art. 27 et 29 et par. 29(1) et 29(2).

Newfoundland Rules of Court, articles 1, 29.09, 29.18, 46, 46.03, 46.09 et 46.10 et paragraphes 14.24(1), 29.09(1) et 46.03(1).

Avocats

Avocat de l’appelant : Augustus Lilly, c.r.

Avocate de l’intimé : Stephanie Newell

[Note de l’arrêtiste : Un arrêt rectificatif a été publié par la Cour le 8 octobre 2004; les corrections ont été apportées au texte, et l’arrêt rectificatif est annexé au présent document.]

Motifs du jugement rendu par le juge en chef Wells, avec l’accord des juges Roberts et Mercer.

LE JUGE EN CHEF WELLS

  • 1 L’appel interjeté en l’espèce concerne une décision rendue dans le cadre de l’une des trois instances interlocutoires tenues relativement à des affaires découlant d’une demande introductive d’instance visant le contrôle judiciaire d’une décision arbitrale. Dans le cas de la première des demandes interlocutoires, le juge Barry a rendu une décision selon laquelle les notes de l’arbitre faisaient partie du dossier présenté à la Cour. Certes, la deuxième demande interlocutoire est présentée, mais elle ne porte pas à conséquence. Dans le cas de la troisième demande interlocutoire (celle qui fait l’objet du présent appel), le juge Thompson a rendu une décision qui a entraîné l’exclusion de quatre affidavits présentés par l’appelant et de deux affidavits présentés par l’intimé. Les avocats des parties ont affirmé s’entendre sur le fait qu’au moment de l’audience concernant leurs demandes interlocutoires respectives, ni le juge Barry ni le juge Thompson n’étaient considérés comme étant saisis des questions soulevées dans la demande introductive d’instance visant le contrôle judiciaire et que la question de la compétence n’avait été abordée à aucune des deux audiences.

  • 2 Avant la présentation des arguments de vive voix, la Cour a soulevé auprès des avocats la question de savoir si le juge Thompson avait compétence pour décider, relativement à une demande interlocutoire, quels éléments de preuve seraient recevables ou non avant l’instruction par le juge de la demande introductive d’instance, s’il n’était pas ce juge. Cette question en a soulevé une autre visant à savoir si la décision faisant l’objet de l’appel pouvait être entachée de nullité. Les avocats ont convenu que ces questions devaient être tranchées d’abord. Après un ajournement de quelques semaines, les avocats ont soumis des mémoires et présenté des arguments. Ils ont demandé que la Cour statue sur ces questions avant d’entendre les arguments sur le fond de l’appel.

Faits contextuels

  • 3 Les faits contextuels sont exposés de façon commode dans les paragraphes 2 à 9 de la décision interlocutoire du juge Barry1. Les voici :


 

[traduction]

  • [2] Paul Walsh a formulé un grief concernant son congédiement par le St. Johns Regional Health and Community Services Board parce qu’il avait eu des relations sexuelles avec une patiente dans un centre de désintoxication où il travaillait à titre de préposé.

  • [3] Un arbitre siégeant seul a conclu que l’employeur avait un motif valable d’imposer des mesures disciplinaires. Toutefois, l’arbitre a réduit la sanction à une année de suspension sans perte d’ancienneté.

  • [4] L’[appelant] demande le contrôle judiciaire de cette décision, notamment au motif que la décision arbitrale était manifestement déraisonnable parce qu’aucun des éléments de preuve présentés ne pourrait, d’un point de vue raisonnable, justifier une réduction de la sanction.

  • [5] Lors de l’arbitrage, les parties ont accepté ce qui suit :

« Que l’arbitre rédigerait des notes, lesquelles prévaudraient en cas de conflit. »

  • [6] L’arbitre a enregistré l’instance. À la suite de la réception de la décision arbitrale, les avocats de l’[appelant] ont demandé à l’arbitre de conserver les enregistrements de l’instance et de permettre à l’[appelant] d’en obtenir des copies aux fins de la rédaction d’une transcription. L’arbitre a répondu que les enregistrements étaient destinés à son usage personnel et qu’ils n’avaient pas été conservés. Il a ajouté que les parties auraient dû demander des services de transcription, si une transcription était nécessaire.

  • [7] L’[appelant] a ensuite demandé une copie des notes de l’arbitre. Ce dernier a répondu qu’il avait rédigé ses notes à la main, qu’il avait utilisé des abréviations et sa propre forme de sténographie et qu’elles ne pourraient donc être utiles à personne d’autre qu’à lui-même. L’arbitre a également soulevé la question de savoir si ses notes faisaient partie du dossier et a proposé, si les deux parties n’arrivaient pas à s’entendre, que l’affaire soit portée devant la Cour afin que des directives soient formulées.

  • [8] L’avocate du plaignant a ensuite avisé l’[appelant] du fait que l’[intimé] ne souscrivait pas à l’opinion selon laquelle les notes de l’arbitre faisaient partie du dossier.

  • [9] Les parties ont présenté des affidavits contradictoires, lesquels ont été déposés par les personnes qui les avaient représentées lors de l’arbitrage, concernant les déclarations des témoins devant l’arbitre.

Instances antérieures

  • 4 Le 14 mars 2000, l’appelant a présenté la demande introductive d’instance visant le contrôle judiciaire de la décision arbitrale. Cette demande indiquait que le contrôle était demandé parce que l’arbitre avait outrepassé sa compétence en rendant une décision manifestement déraisonnable notamment pour les motifs suivants :

    • a) Aucun élément de preuve n’a été présenté à l’appui de la décision de réintégrer l’employé, ou, de façon subsidiaire, les éléments de preuve ne permettaient pas, de façon raisonnable, d’appuyer la décision de réintégration.

[...] 

e)  Aucun élément de preuve n’a été présenté pour établir ce qui suit ou, à titre subsidiaire, aucun élément de preuve qui, d’un point de vue raisonnable, aurait établi ces faits n’a été présenté : [une liste exposant cinq constatations des faits contestées suit.]

La demande introductive d’instance était fondée sur l’affidavit habituel attestant les faits exposés dans la demande et auquel étaient joints, en tant que pièces, la décision arbitrale et les éléments de preuve documentaire présentés à l’arbitre. Cet affidavit avait été souscrit par Geoff CWilliams, qui avait présenté les arguments de l’appelant lors de l’audience en arbitrage.

  • 5 À la même date, l’appelant a également présenté une demande interlocutoire afin que soit rendue une ordonnance portant que les notes de l’arbitre font partie du dossier et enjoignant à l’arbitre de fournir, à la Cour et aux parties, une copie de ses notes et une transcription dactylographiée de ces notes. La demande était fondée sur un deuxième affidavit de Geoff C. Williams, auquel étaient joints certains échanges écrits entre les avocats de l’appelant et de l’intimé.

  • 6 Les affidavits « contradictoires » mentionnés au paragraphe 9 de la décision du juge Barry ont été déposés plus tard. L’un était un troisième affidavit de Geoff C. Williams, et l’autre était le premier affidavit de Thomas Hanlon, qui avait présenté les arguments de l’intimé lors de l’audience en arbitrage. Le troisième affidavit de M. Williams contestait les conclusions de l’arbitre quant à la question de savoir si le témoignage rendu à l’audience avait porté sur certaines questions et, plus particulièrement, sur le contenu du témoignage présenté par un psychiatre, le Dr John Angel. Le premier affidavit de M. Hanlon contenait des déclarations concernant les conclusions de l’arbitre relativement à la preuve présentée et répondait aux affirmations contestées dans le troisième affidavit de M. Williams concernant la présence ou l’absence de preuve à l’appui de certaines conclusions de l’arbitre.

  • 7 La demande interlocutoire a été instruite devant le juge Barry le 29 mai 2000. Le 21 juillet 2000, il a rendu une décision écrite contenant, entre autres, les passages suivants :

[traduction]

[1]  Cette demande soulève la question de savoir si les notes d’un arbitre devraient être prises en compte par la Cour pour déterminer si la preuve était suffisante pour appuyer la décision arbitrale.

[10]  À titre préliminaire, l’employeur demande à la Cour de décider si les notes de l’arbitre font partie du dossier dont elle peut tenir compte pour décider si la preuve est suffisante.

  • [23] Sans égard au fait que cette approche devrait être adoptée dans tous les cas, je crois que le fait que les parties ont accepté que l’arbitre rédige des notes, lesquelles auraient préséance en cas de conflit, constitue un motif suffisant pour conclure que les notes font partie du dossier.

  • [24] En outre, même si les notes ne faisaient pas partie du dossier, elles pourraient tout de même être d’une utilité suffisante au moment d’évaluer les déclarations des témoins pour justifier leur admission en preuve dans le cadre du contrôle judiciaire [...] En l’espèce, l’employeur a fourni un motif pour remettre en question les déclarations consignées dans l’affidavit du représentant de la NAPE lors de l’arbitrage, c’est-à-dire l’affidavit contradictoire du représentant de l’employeur.

[27]  En l’espèce, afin qu’il soit possible de mieux régler le problème découlant des affidavits contradictoires des représentants présentés au Tribunal, je crois que l’équité et la justice requièrent que la Cour tienne compte des notes de l’arbitre.

[28] Les notes de l’arbitre font partie du dossier. Même si ce n’était pas le cas, elles constitueraient un document pertinent qui pourrait être utile pour évaluer les témoignages présentés devant l’arbitre et devraient donc être prises en compte par la Cour.

  • 8 Le 31 juillet 2001, l’appelant a présenté deux autres affidavits : un quatrième affidavit2 de Geoff C. Williams et un affidavit de Paula M. Schumph, qui avaient rédigé des notes au nom de l’appelant pendant au moins une partie de l’instance en arbitrage. Les deux affidavits fournissaient des renseignements désignés comme étant des notes, rédigées par les souscripteurs d’affidavit, concernant le témoignage présenté par le Dr Angel devant l’arbitre.

  • 9 Un peu plus d’un an plus tard, l’appelant a présenté une autre demande interlocutoire décrivant l’historique de l’instance et visant l’établissement d’une date d’audience sur le fond de la demande introductive d’instance. Par ailleurs, cette demande interlocutoire : (i) précisait que l’avocate de l’intimé avait mentionné qu’une demande visant à faire annuler le quatrième affidavit de M. Williams et l’affidavit de Mme Schumph serait fort probablement présentée; (ii) visait l’obtention d’une ordonnance portant que si une demande d’annulation des affidavits était présentée, elle serait instruite le même jour que l’audience sur le fond de la demande introductive d’instance, mais avant celle-ci. Cette demande interlocutoire était fondée sur un affidavit type de l’avocate.

  • 10 Le 9 janvier 2003, l’intimé a présenté une demande interlocutoire afin qu’il soit ordonné que les troisième et quatrième affidavits de M. Williams et l’affidavit de Mme Schumph soient [traduction] « exclus par la Cour, dans le cadre de l’examen du fond de la demande de contrôle judiciaire ou autrement » et que les affidavits « soient exclus et ne fassent pas partie du dossier de l’instance judiciaire ». Cette demande était fondée sur le deuxième affidavit de Thomas Hanlon confirmant les renseignements contenus dans la demande, laquelle était en grande partie un récit des événements survenus entre les parties depuis la date de la demande introductive d’instance, qui découlaient de cette demande.

  • 11 Cette demande interlocutoire a été instruite par le juge Thompson, qui a ordonné que tous les affidavits présentés, sauf le premier affidavit de M. Williams, lequel était fondé sur la demande introductive d’instance, soient annulés. Dans le premier paragraphe de ses motifs de décision3, le juge Thompson a décrit ainsi ce qui lui avait été demandé de faire :

[traduction]

2019 FC 1378 (CanLII)

Zone de Texte: 2019 FC 1378 (CanLII)   [1]  Avant que soit examinée une demande de contrôle judiciaire présentée par le plaignant concernant la décision consensuelle d’un arbitre, conformément à la compétence conférée à la Cour par la Arbitration Act et à sa compétence autrement inhérente, le défendeur a demandé qu’il soit ordonné que deux affidavits de Geoff Williams, dont un a été souscrit le 26 juillet 2001 et l’autre, le 30 juillet 2001, et un affidavit de Paula Schumph fait le 30 juillet 2001, soient exclus et ne fassent pas partie du dossier de la demande de contrôle judiciaire.

[Non souligné dans l’original.]

On retrouve ensuite, entre autres, les paragraphes suivants :

[traduction]

[19]  L’[appelant] demande que le dossier de contrôle judiciaire soit complété par des témoignages rendus par des personnes qui représentent l’une des parties à l’arbitrage concernant le contenu de leurs notes et, à la lumière de leurs notes et de leurs souvenirs, ce qu’elles croient qu’étaient ces témoignages.

[20]  Si le dossier doit être complété par le témoignage de personnes représentant une partie, l’[intimé] est d’avis que le témoignage d’autres preneurs de notes devrait être reçu et que la permission de procéder à un contre-interrogatoire devrait être accordée. Il faudrait aussi réentendre le témoignage du psychiatre, lequel, selon l’[appelant], qui n’étayerait pas la conclusion de l’arbitre.

  • [63] [...] L’étendue de l’enquête et la recevabilité de la preuve à l’appui de l’allégation devraient être limitées à ce qui est nécessaire dans les circonstances afin de permettre à la Cour de comprendre les dimensions du problème et de l’exposer. Une fois que la Cour aura conclu que la dimension du problème est compréhensible sans qu’il soit nécessaire de procéder à une enquête plus poussée, l’enquête devrait prendre fin.

  • [64] Je suis d’avis que la Cour, grâce à sa compétence inhérente relativement au contrôle judiciaire d’un arbitrage consensuel, peut autoriser, par déduction nécessaire, la réception de renseignements externes au dossier, mais dans les situations limitées et aux fins limitées mentionnées, et ce devrait être à la lumière d’un examen au cas par cas des circonstances particulières présentées. La Cour pourrait devoir interrompre cette enquête, si la déférence accordée à l’arbitre l’emporte sur l’obligation de poursuivre l’enquête judiciaire.

  • [65] Vu l’examen qui précède, je conclus ce qui suit :

[...]

3.  Si les parties ont expressément accepté de façon contractuelle que d’autres éléments fassent partie du dossier, et le juge Barry a conclu dans le présent contrôle judiciaire que ces éléments comprenaient les notes de l’arbitre, lesquelles seraient incluses expressément à des fins de règlement en cas de conflit, ces notes peuvent être ajoutées au dossier.

[66]   Dans un cas comme celui qui nous occupe, où la constatation des faits était liée et avait trait à un témoignage présenté à l’audience et que ce témoignage avait été abordé d’une certaine manière par l’arbitre dans l’exercice de ce pouvoir consensuel, aucune enquête n’est justifiée. L’erreur faisant l’objet de la plainte en l’espèce ressort suffisamment dans le cadre du contrôle judiciaire à la lumière du dossier uniquement et des constatations de faits et des notes limitées de l’arbitre qu’il contient, ainsi que de l’application des principes et des conclusions tirées par l’arbitre [...] Les auteurs des affidavits contestent ce qu’a pu être ce témoignage. Il est impossible d’affirmer que celui-ci ne permet pas d’appuyer les conclusions. Le témoignage ne fait pas fi de la question.


 

................................................................................................................................... [Non souligné dans l’original.]

Appel et questions préliminaires en litige

  • 12

2019 FC 1378 (CanLII)

Zone de Texte: 2019 FC 1378 (CanLII) L’appelant a demandé et obtenu la permission d’interjeter appel de la décision du juge Thompson. À la date fixée pour l’audition de l’appel, la Cour a soulevé auprès des avocats des parties la question de savoir si le juge Thompson avait la compétence nécessaire pour rendre sa décision et, s’il n’avait pas compétence, si cette décision était entachée de nullité. Cette question préliminaire est la seule question à trancher en l’espèce. Je ne formule aucun commentaire quant au bien-fondé de l’appel concernant la décision du juge Thompson.

  • 13 Les parties soulignées de l’extrait de la décision du juge Thompson, cité au paragraphe 11, précité, montre que le juge Thompson n’a fait aucune interprétation erronée quant à l’importance de la question qu’il devait trancher : que les affidavits contestés [traduction] « [...] soient exclus et ne fassent pas partie du dossier de la demande de contrôle judiciaire »; « [...] que le dossier du contrôle judiciaire soit complété par des témoignages rendus par des personnes [...] »; et, si cela se produisait, « [...] que le témoignage d’autres preneurs de notes [soit] reçu et que la permission de procéder à un contre-interrogatoire [soit] accordée, ainsi que de réentendre le témoignage du psychiatre,soit accordée [...] ». Le juge Thompson a également reconnu que les affidavits dont l’annulation est demandée [traduction] « [...] contestent ce qu’a pu être ce témoignage ». Manifestement, les décisions demandées au juge Thompson sont fondamentales, peut-être même cruciales, pour la décision que doit rendre le juge chargé du contrôle judiciaire quant à la question de savoir si la décision arbitrale devrait être cassée au motif que l’arbitre a outrepassé sa compétence et rendu une décision manifestement déraisonnable pour les raisons suivantes :

- Aucun élément de preuve n’a été présenté à l’appui de la décision de réintégrer l’employé, ou, de façon subsidiaire, les éléments de preuve ne permettaient pas, de façon raisonnable, d’appuyer la décision de réintégration.

- Aucun élément de preuve n’a été présenté pour établir les constatations des faits contestées, ou, à titre subsidiaire, aucun élément de preuve qui, de façon raisonnable, aurait établi ces faits n’a été présenté.

  • 14 Néanmoins, le juge Thompson a notamment conclu ceci :

[TRADUCTION]

Dans la mesure où les parties ont expressément accepté de façon contractuelle que d’autres éléments fassent partie du dossier, et le juge Barry a conclu dans le présent contrôle judiciaire que ces éléments comprenaient les notes de l’arbitre, [...] ces notes peuvent être ajoutées au dossier[;]

Dans un cas comme celui qui nous occupe, où la constatation des faits était liée et avait trait à un témoignage [...] et que ce témoignage avait été abordé d’une certaine manière par l’arbitre [...], aucune enquête n’est justifiée[;]

L’erreur faisant l’objet de la plainte en l’espèce est exposée de façon suffisante dans le cadre du contrôle judiciaire à la lumière du seul dossier et des constatations de faits [...] qu’il contient[;]

Il est impossible d’affirmer que la preuve ne permet pas d’appuyer les conclusions.

[Non souligné dans l’original.]

  • 15 Lejuge Thompson a ensuite rendu l’ordonnance suivante :

[traduction] Les affidavits visés par la demande et tous les autres affidavits présentés en l’espèce, à l’exception de celui de deux pages sur lequel se fonde la demande introductive d’instance, souscrit par Geoff C. Williams le 13 mars 2000, doivent être exclus du dossier [...]

Il convient de souligner que cette ordonnance a pour effet d’exclure non seulement les troisième et quatrième affidavits de M. Williams ainsi que l’affidavit de Mme Schumph, comme il était demandé dans la demande interlocutoire, mais aussi le deuxième affidavit de M. Williams et le premier affidavit de M. Hanlon, lesquels fournissaient les éléments de preuve et d’autres renseignements sur lesquels le juge Barry s’était fondé pour rendre son ordonnance. En outre, elle excluait le deuxième affidavit de M. Hanlon, sur lequel était fondée la demande interlocutoire instruite par le juge Thompson.

  • 16 Pour statuer sur la question préliminaire en litige, la Cour pourrait devoir répondre aux questions suivantes :

  1. Le juge Barry était-il saisi de la demande introductive d’instance en raison des questions qu’il avait examinées et la décision qu’il avait rendue?

  2. Si le juge Barry était saisi de l’affaire, quel est l’effet de la décision subséquente rendue par le juge Thompson?

  3. Si le juge Barry n’est pas saisi de la demande introductive d’instance, le juge Thompson a-t-il été saisi de l’affaire?

  4. Si le juge Thompson est saisi de l’affaire, a-t-il commis une erreur de droit en établissant essentiellement le résultat de la demande introductive d’instance avant que les parties aient été entendues, à la suite de sa conclusion selon laquelle « Il est impossible d’affirmer que la preuve ne permet pas d’appuyer les conclusions »?

  5. Si ni le juge Barry ni le juge Thompson n’est saisi de la demande introductive d’instance, quel est l’effet de leurs décisions sur les conclusions que devra tirer le juge chargé du contrôle judiciaire au moment de l’audition de la demande introductive d’instance?

  • 17 Selon la réponse aux deux premières questions, il pourrait être inutile de répondre à une partie ou à l’ensemble des autres questions. Pour répondre aux deux premières questions, la Cour devra d’abord établir le droit applicable en ce qui concerne le moment où un juge devient saisi d’une affaire de cette nature et les circonstances dans lesquelles un autre juge peut exercer sa compétence dans une instance dont un autre juge est saisi, ainsi que la mesure dans laquelle il peut le faire.

Droit applicable

a) Common law

  • 18 En l’espèce, il ne serait pas inapproprié que je formule le même commentaire que celui du juge d’appel Martin de la Cour d’appel de l’Ontario, dans l’arrêt R. c Hatten (1978), 39 C.C.C. (2d) 281, à la page 289 :

[traduction] Ni les efforts déployés par l’avocat, ni les recherches de la Cour n’ont mené à la découverte d’une décision rendue au Canada ou dans le Commonwealth qui porte sur la question précise soulevée dans cette partie de l’appel.

[Non souligné dans l’original.]

Cette observation semble pour l’essentiel être aussi valable aujourd’hui qu’elle l’était quand le juge d’appel Martin l’a rédigée en 1978. Toutefois, certaines autres décisions ont été rendues dans lesquelles des questions semblables ont été examinées et des principes ont été établis.

  • 19 Dans l’arrêt Hatton, la Cour avait affaire à une situation où, lors du procès d’un homme accusé de viol, le jury avait été constitué, et le sort de l’accusé avait été confié au jury. À ce moment-là, le juge qui présidait l’audience s’est récusé lui-même parce qu’il connaissait un des témoins de la Couronne. Un autre juge a poursuivi le procès, et la Couronne et la défense ont affirmé n’avoir aucune objection. En appel, après la déclaration de culpabilité, l’appelant a fait valoir qu’il n’existait aucune compétence pour remplacer des juges après le début du procès. Ce motif d’appel a été rejeté, parce qu’aucune preuve présentée et qu’aucune décision n’était susceptible d’influer sur l’intégrité du procès. Dans l’arrêt, le juge d’appel Martin a rédigé ce qui suit, à la page 292 :

[TRADUCTION] L’objection pratique principale au remplacement de juges en cours de procès tient au fait que, si le remplacement a lieu après la déposition des témoins, le juge devant qui le procès se poursuit est privé de la possibilité d’observer le comportement des témoins et, comme le jury a droit à l’aide du juge de première instance, l’intégrité du procès est touchée. En outre, si des décisions ont été prises par le juge devant qui l’instance a commencé, ces décisions pourraient faire obstacle au pouvoir discrétionnaire du juge devant qui l’instance se poursuit.

[Non souligné dans l’original.]

À la page 293, il a expliqué sa décision dans le commentaire suivant :

[TRADUCTION] [...] Même si, dans un sens officiel, le procès était sans aucun doute commencé au moment où le sort de l’appelant a été confié au jury, l’établissement de sa culpabilité ou de son innocence n’a commencé qu’une fois que la preuve a été présentée.

  • 20 Dans W.(R). c British Columbia (Superintendent of Family and Child Services), [1991] B.C.J. no 562 (B.C.S.C.) (QL), la Cour avait affaire à une situation où trois pièces prenant la forme d’avis d’audience avaient été présentées et où l’affaire avait été reportée à une date ultérieure. À cette date, un autre juge de la cour provinciale a rendu une décision relativement à la garde d’un enfant. À la suite d’une demande de contrôle judiciaire, le juge Drossas s’est demandé si le premier juge était :

[TRADUCTION] [...] saisi de l’audience, de sorte que la Cour a perdu sa compétence au moment où la suite de l’audience ajournée a été confiée à un autre juge de la Cour.

Après examen de l’arrêt Hatten et d’un certain nombre d’autres décisions, le juge Drossas a conclu ce qui suit à la page 10 :

[TRADUCTION]

[...] la simple présentation d’éléments de preuve de fond n’a pas en soi eu pour conséquence de faire en sorte qu’un juge soit saisi de l’affaire. Il faut quelque chose de plus. Il faut d’abord qu’un seuil relatif au « caractère satisfaisant » des éléments de preuve de fond soit atteint avant qu’un juge soit « saisi » de l’affaire.

Par conséquent, il existe une distinction entre le commencement du procès et le fait d’être « saisi » de l’affaire, de sorte qu’il faut plus qu’un simple commencement pour qu’un juge soit saisi d’une affaire. Dans l’arrêt R. c Hatten, la considération directrice, pour ne pas dire le principe, établissant le moment où un juge est saisi d’une affaire tenait au fait que, après le commencement du procès, un stade serait atteint où la validité et l’intégrité d’un procès juste et équitable seraient compromises si le même juge ne poursuivait pas l’instance jusqu’à sa conclusion.

À mon avis, le problème exposé se règle et se résume ainsi : lorsqu’un juge reçoit suffisamment d’éléments de preuve de fond, que suffisamment d’observations sont faites ou que suffisamment de décisions sur le fond sont prises — bref, lorsqu’assez d’éléments ont été présentés —, de sorte que la poursuite de l’audience ou du procès devant un autre juge remplaçant mettrait en péril ou compromettrait la validité et l’intégrité d’une audience ou d’un procès juste et équitable, le juge est effectivement saisi de l’affaire. À ce moment-là, tout remplacement par un autre juge en l’absence de dispositions législatives habilitantes, comme le paragraphe 19(3) de la Loi, se solderait par une perte de compétence.

Ce qui constitue des éléments de preuve, des observations ou des décisions sur le fond suffisants dépend, selon le cas, de la nature et de l’étendue des éléments de preuve ou des observations reçus par la Cour et des décisions prises.

Sans tenter de fixer la limite des catégories de stades où le seuil est atteint, car des situations différentes se présenteront sans doute, il est évident que le seuil est atteint au moment où des témoins sont appelés à comparaître, car le juge entreprend d’emblée une observation et une évaluation de la crédibilité, du caractère correct et du poids associés à leur témoignage (voir l’obiter dictum du lord juge Scrutton, p. 134). La situation ne serait pas aussi critique si des éléments de preuve étaient présentés sous la forme d’affidavits, d’une commission ou de pièces, mais, selon leur nature et leur étendue et le fait que des observations ont été faites ou non concernant ceux-ci, un stade pourrait être atteint où un juge est effectivement saisi de l’affaire. En outre, les décisions techniques ou concernant des questions non litigieuses, surtout lorsqu’elles ont fait l’objet d’un consentement, pourraient ne pas être suffisantes pour qu’un juge se retrouve saisi de l’affaire, mais il en est autrement lorsque des questions de fond ou en litige ont fait l’objet d’une décision. Comme il a déjà été mentionné, les catégories ne sont pas fermées, et l’atteinte du seuil dépend, selon le cas, de ce dont dispose le juge.

[Non souligné dans l’original.]

  • 21 Même si rien ne montre que la Cour a tenu compte de la décision W.(R.), la Cour d’appel de l’Île-du-Prince-Édouard a adopté une approche semblable dans l’arrêt Doyle cDoyle (2002), 216 Nfld. & P.E.I.R. 301. Dans cette affaire, le dossier montrait que le premier juge était d’avis qu’« il ne s’était occupé que provisoirement de l’affaire et ne se considérait pas comme étant saisi de l’instance en modification dans son ensemble ». Aux paragraphes 17 à 21, la juge d’appel Webber a écrit ce qui suit au nom de la Cour :

[traduction]

En outre, tout comme il qui n’avait aucun pouvoir pour rendre une ordonnance provisoire modifiant l’ordonnance existante, le premier juge ne pouvait pas trancher provisoirement la question du changement important, puis laisser une autre audience sur la question à un autre juge. Comme aucun processus provisoire n’est prévu par la loi, une fois qu’une audience a commencé, le juge devant qui elle a commencé est saisi de l’affaire, sauf s’il n’a reçu aucun élément de preuve et/ou n’a pris aucune décision. Il semble que le premier juge n’a reçu que des éléments de preuve sous forme d’affidavits (quoique nous n’ayons pas reçu de transcription complète de l’instance devant le premier juge). Toutefois, il a manifestement conclu qu’un changement important était survenu dans les circonstances. Cette conclusion est tout à fait essentielle pour l’audience en modification dans son ensemble [...]

[...] Le raisonnement du juge pour parvenir à la conclusion est un élément essentiel du processus d’analyse requis à l’égard d’une demande de modification. Ainsi, l’intégrité du processus serait nécessairement minée si un juge concluait qu’un changement important est survenu et qu’un deuxième juge terminait l’audience en modification. Cette incidence compte parmi les principaux critères permettant d’établir si un juge est saisi d’une affaire. En l’espèce, l’intégrité du processus était ainsi menacée, et le premier juge était donc saisi de l’affaire.

[...]

La décision concernant un changement important survenu dans les circonstances n’a pas été portée en appel devant la Cour; par conséquent, nous n’en sommes pas saisis. Toutefois, le deuxième juge ne pouvait pas obtenir la compétence nécessaire en adoptant la conclusion du premier juge ou en prétendant arriver à la même conclusion. Le premier juge était saisi de l’affaire et, en conséquence, la deuxième audience est nulle.

[Non souligné dans l’original.]

  • 22 Ces points de vue correspondent également à ceux qui sont exprimés dans les précédents cités par l’avocat de l’appelant. Même si, dans ces affaires ayant fait jurisprudence, les tribunaux devaient trancher des questions un peu différentes de celles dont nous sommes saisis, les décisions ont été rendues dans le contexte de demandes préliminaires visant à exclure certains éléments de preuve sous forme d’affidavits. À la page 714 de l’arrêt R. c Corbett, [1988] 1 R.C.S. 670, le juge LaForest a écrit que « [b]ien entendu, les questions de la pertinence et de l’exclusion relèvent de la compétence du juge du procès ». Même s’il était en dissidence, la majorité ne désapprouvait pas cette proposition.

  • 23 Au paragraphe 11 de l’arrêt M. (C. L.) c W. (D.G.), [2004] A.J. no 329, 2004 ABCA 112, la juge d’appel Papemy a rédigé ce qui suit :

[traduction] De plus, il ne convient pas, à cette étape de l’instance, d’exclure les éléments de preuve sous forme d’affidavits qui sont contestés. Au moment de trancher la question de fond, la Cour aura la possibilité de tenir compte de ces éléments de preuve dans leur contexte approprié et de vérifier s’il existe un fondement approprié pour leur exclusion.

2019 CF 1378 (CanLII)

Zone de Texte: 2019 CF 1378 (CanLII) L’avocat de l’appelant a également cité des précédents de l’Ontario portant sur le même sujet (voir 876502 Ontario Inc. c I.F. Propco Holdings (Ontario) 10 Ltd. (1997), 37 O.R. (3d) 70 (Ont. Ct. Gen. Div.); Stanley c Davies, [1999] O.J. no  634 (Ont. Div. Ct.) (QL); Masters' Association of Ontario c Ontario (Attorney General) , [2001) O.J . no  1444 (Ont. Div. Ct.) (QL) et Zeitler c lnmet Mining Corp., [2001] O . J. no 5022 (Ont. Sup. Ct. J.) (QL).

  • 24 En outre, je suis d’avis qu’une approche comme celle qui a été adoptée dans les arrêts Hatton, W. (R.)et Doyle est la seule qui correspond à la règle contre les attaques indirectes. Selon cette règle, une ordonnance rendue par un tribunal ayant compétence pour la rendre ne peut pas être attaquée dans le cadre d’une autre instance que celle dont l’objet précis est l’infirmation, la modification ou l’annulation de l’ordonnance ou du jugement. Si un autre juge ou d’autres juges pouvaient trancher certaines questions dans le cadre d’instances interlocutoires, dans tout appel de la décision rendue à l’issue de la première instance, les décisions rendues par un ou plusieurs autres juges à l’issue d’instances interlocutoires, découlant de cette première instance, ne seraient pas assujetties à un contrôle parce qu’il s’agirait d’une attaque indirecte contre des décisions rendues par ces autres juges.

  • 25 Le fondement de cette règle a été expliqué par le juge Mclntyre, à la page 599 de l’arrêtWilson c La Reine, [1983] 2 R.C.S. 594, où il a rédigé ce qui suit :

En Cour d’appel du Manitoba, le juge Monnin a affirmé :

[TRADUCTION] Le dossier d’une cour supérieure doit être considéré comme la vérité absolue tant qu’il n’a pas été infirmé.

Je suis d’accord avec cette affirmation. Selon un principe fondamental établi depuis longtemps, une ordonnance rendue par une cour compétente est valide, concluante et a force exécutoire, à moins dêtre infirmée en appel ou légalement annulée. De plus, la jurisprudence établit très clairement qu’une telle ordonnance ne peut faire l’objet d’une attaque indirecte; l’attaque indirecte peut être décrite comme une attaque dans le cadre de procédures autres que celles visant précisément à obtenir l’infirmation, la modification ou l’annulation de l’ordonnance ou du jugement [...]

À la page 604, il a poursuivi ainsi :

Les arrêts déjà cités ainsi que la jurisprudence qui y est mentionnée confirment la règle bien établie et fondamentalement importante sur laquelle la Cour dappel du Manitoba sest fondée en l’espèce. Cette règle porte qu’une ordonnance d’une cour, qui n’a été ni annulée ni modifiée en appel, ne peut faire lobjet dune attaque indirecte et doit être appliquée intégralement.

  • 26 La question a de nouveau été portée devant la Cour suprême dans l’arrêt R. c Litchfield, [1993] 4 R.C.S. 333. Aux pages 347 à 349, le juge lacobucci a écrit ce qui suit au nom de six des sept juges de la cour :

Nul ne conteste que le ministère public n’aurait pas pu en appeler de l’ordonnance de division et de séparation des chefs d’accusation avant le procès. Toutefois, il s’agit, en l’espèce, de déterminer s’il peut en appeler de cette ordonnance dans le cadre de l’appel qu’il a interjeté contre l’acquittement de l’intimé.

La réponse à cette question n’est pas simple. En l’espèce, l’ordonnance de division et de séparation des chefs d’accusation n’a pas été rendue par le juge du procès. Elle l’a été par un juge de cour supérieure à la suite d’une requête antérieure au procès. À première vue, il ne peut être interjeté appel de l’ordonnance en tant que partie de l’acquittement de l’intimé sans violer la règle interdisant les attaques indirectes. D’après cette règle, « une ordonnance rendue par une cour compétente » ne peut faire l’objet d’une attaque « dans le cadre de procédures autres que celles visant précisément à obtenir l’infirmation, la modification ou l’annulation de l’ordonnance ou du jugement » (Wilson c. La Reine, [1983] 2 R.C.S. 594, le juge McIntyre, à la p. 599). L’absence de compétence qui permettrait de passer outre à la règle interdisant les attaques indirectes serait l’absence de capacité du Tribunal de rendre le type d’ordonnance en cause, comme ce serait le cas, par exemple, d’une cour provinciale qui n’est pas habilitée à décerner des injonctions. Toutefois, la règle interdisant les attaques indirectes s’applique si un juge, qui siège en qualité de membre d’un Tribunal habilité à rendre le type pertinent d’ordonnance, exerce cette compétence de manière erronée. Voir notamment les affaires B.C. (A.G.) c. Mount Currie Indian Band (1991), 54 B.C.L.R. (2d) 129 (C.S.), à la p. 141, et R. c. Pastro (1988), 42 C.C.C. (3d) 485 (C.A. Sask.), le juge en chef Bayda, aux p. 498 et 499. Une telle ordonnance est définitive et a force exécutoire tant qu’elle n’est pas annulée en appel.

La règle interdisant les attaques indirectes a été confirmée de nouveau à maintes reprises par notre Cour, notamment dans les arrêts R. c. Meltzer, [1989] 1 R.C.S. 1764, R. c. Garofoli, [1990] 2 R.C.S. 1421, et Canada (Commission des droits de la personne) c. Taylor, [1990] 3 R.C.S. 892, le juge McLachlin, à la p. 973, citant R. J. Sharpe, Injunctions and Specific Performance (1983).

Le procès de l’intimé n’aurait pas été une procédure visant précisément à obtenir l’infirmation, la modification ou l’annulation de l’ordonnance de division et de séparation des chefs d’accusation. C’est pourquoi, si on applique strictement la règle interdisant les attaques indirectes, le juge du procès n’aurait pas été habilité à examiner cette ordonnance. Par conséquent, si l’ordonnance de division et de séparation des chefs d’accusation avait été rendue au procès, on n’aurait pas commis d’erreur de droit susceptible de justifier un appel contre le verdict prononcé à l’issue de ce procès. Il en résulterait que ni la Cour d’appel ni notre Cour n’auraient compétence pour examiner, et encore moins pour annuler, l’ordonnance de division et de séparation des chefs d’accusation.

[Non souligné dans l’original.]

  • b) Dispositions législatives portant sur la question

  • 27 Dans la demande introductive d’instance, le demandeur sollicite une ordonnance [traduction] « [...] concernant les pouvoirs de la Cour au titre de la Arbitration Act et d’autres lois, ainsi qu’au titre de sa compétence inhérente [...] Aucune disposition de la Arbitration Act, RSNL 1990, c A-14 ne porte directement sur la question en litige. Par conséquent, il n’est pas nécessaire de tenir compte précisément des dispositions de cette loi en l’espèce.

  • 28 Les dispositions de la Judicature Act, RSNL 1990, c J-4, n’ont pas été expressément soulevées par les avocats, ni dans leur mémoire, ni dans leur plaidoirie. Au moins une disposition semble porter directement sur la question. Par conséquent, la Cour doit se demander si cette disposition permettrait à des juges distincts de trancher divers aspects d’une instance, comme cela a été le cas en l’espèce. L’article 29 est ainsi libellé :

[traduction]
29.  (1) Si un juge est absent ou malade, que le poste est devenu vacant ou que le juge ne peut siéger pour une autre raison et qu’il est urgent de poursuivre l’instance, un autre juge peut siéger en remplacement du juge en question afin d’instruire une instance instruite en partie par ce juge ou de statuer sur celle-ci.

(2) Les éléments de preuve qui ont été obtenus par un juge avant son remplacement au titre du paragraphe (1) peuvent être utilisés par le juge qui siège en application du paragraphe (1).

  • 29 Cet article permet expressément à un autre juge de siéger [traduction] « si un juge est absent ou malade, que le poste est devenu vacant ou le juge ne peut siéger pour une autre raison et qu’il est urgent de poursuivre l’instance [...] ». À mon avis, ce libellé ne confère pas le pouvoir de remplacer un juge dans n’importe quelles circonstances. Il permet à un juge de siéger à la place d’un autre si l’une des situations prévues existe. Selon mon interprétation, cela signifie qu’il faut faire la preuve de l’existence de l’une des circonstances limitées dans lesquelles le remplacement peut avoir lieu avant qu’un juge puisse instruire une affaire en remplacement d’un autre qui en est saisi.

  • 30 Une disposition législative semblable a été examinée dans la décision W. (R.). Dans cette affaire, la Cour interprétait et appliquait une disposition législative qui prévoyait expressément la poursuite d’une instance par un autre juge ayant la compétence nécessaire, si le juge initial était [traduction] « incapable d’instruire la suite de l’instance sur la même question ». Toutefois, il a été soutenu que la disposition ne s’appliquait pas [traduction] « si, le jour et à l’endroit où la continuation était prévue, le juge qui est saisi de l’audience est incapable d’instruire l’affaire simplement parce que, selon son tableau de service, il est ailleurs ». La Cour a convenu du fait qu’il fallait quelque chose de plus pour respecter le critère prévu par cette disposition législative. À la page 3, le juge Drossos a formulé l’observation suivante :

[traduction]

2019 FC 1378 (CanLII)

Zone de Texte: 2019 FC 1378 (CanLII)   Sans tenter de limiter les facteurs, il faut quelque chose de plus, de l’ordre d’une incapacité invalidante, comme une maladie grave du juge, ou un obstacle juridique qui survient, comme un conflit d’intérêts et des facteurs de cette nature.

Je souscris à cette conclusion et suis d’avis qu’elle s’applique à l’article 29.

  • 31 Par conséquent, l’article 29 ne peut pas être interprété comme conférant à un juge de première instance la compétence générale de tirer des conclusions, dans le cadre d’une demande interlocutoire préliminaire distincte, quant à ce qui pourrait constituer ou non le dossier à prendre en compte ou quant aux affidavits qui pourraient être présentés ou non, dans une instance dont un autre juge de première instance est ou pourrait devenir saisi. La compétence ne peut exister que si l’existence d’une situation prévue au paragraphe 29(1) est démontrée.

  • c) Dispositions réglementaires portant sur la question

  • 32 Certaines dispositions des Rules of the Supreme Court, 1986, (les Règles) prises au titre des dispositions de la Judicature Act, portent au moins indirectement sur la question de la recevabilité des éléments de preuve soumis sous la forme d’affidavits à l’audience relative au contrôle judiciaire. Les articles 29.09 et 29.18 font partie des règles générales relatives à l’instruction de demandes. Ils figurent sous la rubrique « Rule 29 » (article 29 des Règles) « Applications » (demandes) et ils sont ainsi libellés :

[traduction]

29.09(1) À l’audience, des éléments de preuve peuvent être présentés :

  • a) au moyen d’un affidavit ou par déclaration solennelle faite conformément à l’article 48 des Règles;

  • b) par une déclaration de faits acceptée par écrit par toutes les parties;

  • c) avec la permission de la Cour, par tout témoin en personne;

  • d) au moyen de tout élément de preuve obtenu au préalable et recevable en vertu de la disposition applicable.

(2) Si, à l’audience, les faits sont ou pourraient être contestés, la Cour peut, à l’audience ou avant celle-ci, ordonner que la demande soit instruite à la lumière des témoignages de vive voix, seuls ou assortis de toute autre forme d’éléments de preuve, et elle peut donner d’autres directives qu’elle considère comme justes relativement à toute procédure préalable à l’audience et à l’audition de la demande.

29.18  Ces dispositions, sous réserve de toute modification nécessaire, s’appliquent à toute demande.

[Non souligné dans l’original.]

  • 33 Compte tenu de l’emploi des termes [traduction] « ces dispositions » et du sens qui leur est donné à l’article 1 des Règles, l’article 29.18 des Règles requiert que soit envisagée la possibilité que les dispositions d’autres articles soient applicables en l’espèce. Voici les autres articles qui pourraient avoir une incidence sur la recevabilité des éléments de preuve présentés sous forme d’affidavits à l’audition de la demande introductive d’instance et de la demande interlocutoire qui en découle, laquelle nous intéresse en l’espèce :

    [traduction]

46.03  (1) La Cour peut, au moyen d’une ordonnance, permettre :

a) que tout fait soit prouvé par affidavit;

b) que l’affidavit de tout témoin soit lu au procès, et si la Cour ne rend pas une autre ordonnance, le souscripteur d’affidavit ne doit pas être soumis à un contre-interrogatoire et n’a pas besoin d’assister au procès.

2019 FC 1378 (CanLII)

Zone de Texte: 2019 FC 1378 (CanLII) Au procès, la Cour peut rendre une ordonnance prévoyant la méthode à employer pour prouver tout fait ou document ou pour soumettre tout élément de preuve s’il semble que l’ordonnance peut être rendue sans risque, eu égard aux intérêts de la justice.

46.10  Une ordonnance rendue au titre des dispositions qui précèdent, y compris dans le cadre d’un appel, peut être révoquée ou modifiée par une ordonnance subséquente rendue par la Cour au procès ou avant celui-ci, et pourvu que ces conditions soient justes.

[Non souligné dans l’original.]

  • 34 Le paragraphe 29.09(1) des Règles confère clairement à la Cour (laquelle, sous le régime de la Judicature Act5 et des Règles, comprend tout juge exerçant le pouvoir de la Cour en salle d’audience ou en chambre) le pouvoir d’autoriser la présentation d’éléments de preuve au moyen d’un affidavit. Le paragraphe 46.03(1) des Règles prévoit la même chose, mais au moyen d’un libellé légèrement différent.

  • 35 L’article 46.09 des Règles (lequel, en vertu de l’article 29.18 des Règles, s’applique à l’instruction d’une demande, habilite la Cour, au procès, à rendre une ordonnance « prévoyant la méthode à employer pour prouver tout fait ». L’article 46.10 des Règles prévoit qu’une telle ordonnance [traduction] « peut être révoquée ou modifiée par une ordonnance subséquente rendue par la Cour ». Si l’approche adoptée dans les arrêts Hatton, W. (R.) et Doyle n’est pas suivie, l’application de ces règles pourrait semer le chaos au chapitre de la preuve dans le cadre de toute instance. Le juge qui instruit l’affaire ne serait pas en mesure d’exercer le pouvoir discrétionnaire qui lui est conféré par les articles 29.09, 46.03 et 46.09 des Règles pour ce qui est de savoir quels éléments de preuve sont recevables parce qu’un autre juge, dans le cadre d’une instance interlocutoire antérieure, a pu rendre une ordonnance empêchant l’utilisation de l’affidavit ou d’affidavits donnés, ou bien, si le juge a exercé ce pouvoir discrétionnaire, il exercerait une compétence en matière d’appel à l’égard d’un autre juge de première instance grâce à l’exercice du pouvoir conféré par l’article 46.10 des Règles de révoquer ou de modifier une ordonnance antérieure rendue par la Cour. L’article 46.10 des Règles ne peut être appliqué rationnellement que dans une situation où l’approche décrite dans les arrêts Hatton, W. (R.) et Doyle est adoptée dans le but d’établir si un juge devient saisi d’une affaire.

  • 36 Une approche un peu différente a été adoptée par la Cour d’appel du Manitoba dans l’arrêt CAE Aircraft Lut c Canadian Commercial Corp. (1994), 95 Man.R. (2d) 101. Dans cette affaire, la question de savoir si un juge qui avait déjà tranché une question de préclusion, laquelle avait également été tranchée par la Cour d’appel, était saisi des autres questions à trancher dans l’affaire. Un juge de la Cour du Banc de la Reine a conclu que le premier juge n’était pas devenu saisi des autres questions en litige parce qu’il avait tranché la question de la préclusion. Il a tenu compte de l’approche adoptée dans la décision W. (R.), mais a conclu que le premier juge n’avait pas [traduction] « franchi le seuil ». En appel, le juge en chef Scott a souscrit à cette conclusion, mais pour d’autres raisons. Au paragraphe 19, il a statué ce qui suit :

[traduction] À mon avis, la procédure légaliste et formelle suivie en l’espèce pour établir si le juge Wright était obligé d’instruire l’affaire n’était tout simplement pas nécessaire. À première vue, l’affectation de juges relève du juge en chef, conformément à la loi et à la tradition. En effet, l’attribution de causes est l’une des plus importantes fonctions d’un juge en chef.

Le juge en chef Scott a conclu que la question de la préclusion était distincte de la principale question en litige et que le premier juge, dans les motifs de son jugement, [traduction] « met en évidence le fait qu’il a limité ses commentaires aux éléments de preuve dont il disposait ». Il se pourrait bien que des dispositions législatives du Manitoba ou des règles de la Cour permettent ou exigent l’adoption de cette approche. Toutefois, comme ni la loi ni les règles ne prévoient de pouvoirs précis, à mon avis, l’approche adoptée par le juge en chef Scott serait, dans le cadre normal, incompatible avec la règle contre l’attaque indirecte mentionnée plus haut. Cette règle n’a pas été soulevée dans l’arrêt CAE, probablement parce que la Cour d’appel avait déjà tranché séparément la question de la préclusion. Si cela n’avait pas été le cas, la règle contre l’attaque indirecte aurait nécessité des appels distincts de la décision de chaque juge et empêché qu’il soit statué sur l’affaire en entier dans le cadre d’un appel ou de l’autre, sauf si ces appels avaient eu lieu durant la même période et avaient été regroupés, en supposant que les règles permettaient de le faire.

  • 37

2019 FC 1378 (CanLII)

Zone de Texte: 2019 FC 1378 (CanLII) L’avocate de l’intimé cite plusieurs décisions de la Cour fédérale. Toutefois, elles portent principalement sur le choix du moment de l’audition d’une demande visant à exclure un élément de preuve présenté sous la forme d’un affidavit. Dans l’ensemble, elles énoncent que, dans le cadre normal, ces demandes ne devraient pas être présentés avant l’audience. Les décisions reconnaissent également que, dans certaines circonstances, il pourrait être approprié de procéder ainsi. L’avocate de l’intimé reconnaît avec beaucoup de justesse ce qui suit, dans le mémoire de son client :

[traduction] En ce qui concerne le contrôle judiciaire et, plus particulièrement, la présentation d’affidavits supplémentaires, la jurisprudence appuie le fait que cette décision devrait être prise par le juge « saisi » ou chargé du contrôle judiciaire.

Elle cite la décision Walker c Randall (1999), 173 F.T.R. 161, comme précédent faisant autorité relativement à cette proposition. Dans cette affaire, la Cour a conclu que le moment approprié pour présenter une requête visant à exclure des affidavits était au début de l’audition du contrôle judiciaire. Toutefois, au sujet de cette question, le juge Teitelbaum a écrit ce qui suit au paragraphe 28 :

Je suis d’accord avec les commentaires émis à la fois par le juge Muldoon et par le protonotaire Hargrave. Je suis convaincu que la question de l’à-propos d’un (des) affidavit(s) au soutien d’une demande de contrôle judiciaire doit être tranchée par le juge qui préside l’audition du contrôle judiciaire de la demande puisque l’(les) affidavit(s) fait (font) partie intégrante de la demande de contrôle judiciaire.

Je souscris à cette conclusion.

  • d) Conclusions quant au droit concernant :

    • (i) les situations où un juge devient saisi d’une affaire.

  • 38 À la lumière de l’évaluation qui précède, je conclus qu’aucune disposition de la Judicature Act n’établit précisément le moment auquel un juge devient saisi d’une instance, ou les circonstances dans lesquelles il le devient. Néanmoins, selon les instruments habilitants, il est évident que le simple commencement d’une instance devant un juge n’est pas suffisant. Si seules des mesures procédurales sont prises pour faciliter la gestion ordonnée des processus judiciaires et que toute décision prise ne mine pas l’intégrité du procès, le juge n’est pas saisi de l’affaire, même si, comme dans les affaires W. (R.) et Hatten, le procès peut avoir commencé d’un point de vue formel.

  • 39 Il existe des exceptions à l’approche fondée sur la common law exigeant qu’une instance, ainsi que toutes les procédures en découlant, soit instruite et tranchée par le même juge. Selon l’article 29 de la Judicature Act, un autre juge peut siéger si le juge est absent du tribunal ou malade, si le poste est vacant, ou bien si le juge ne peut siéger pour une autre raison et qu’il est urgent de poursuivre l’instance. Il n’est pas nécessaire que je décide, aux fins de l’appel, si l’emploi de cette disposition exigerait l’établissement d’une urgence dans chacune des situations énoncées expressément, ou seulement si le juge ne peut siéger pour « une autre raison », et je refuse de le faire. Pour qu’il puisse être statué sur l’appel, il suffit de décider qu’il faudrait que le dossier montre que ces facteurs ont été pris en compte et qu’il a été conclu que l’un d’eux s’appliquait, si l’article doit être invoqué pour appuyer le fait qu’un autre juge a obtenu compétence.

  • 40 Conformément à l’approche adoptée dans les arrêts Hatton, W. (R.) et Doyle, je conclus qu’un juge devient saisi de l’affaire lorsque ses actes au moment de prendre connaissance des éléments de preuve ou de prendre des décisions ont le potentiel de miner l’intégrité du procès ou de l’audience équitables et complets auxquels les parties ont droit, si ce juge n’est pas celui qui instruira le procès ou tiendra l’audience. Conformément à l’arrêt Hatton rendu par le juge d’appel Martin, il s’agit notamment de toute décision qui [traduction] « pourrai[t] faire obstacle au pouvoir discrétionnaire du juge devant qui l’instance se poursuit ». J’affirmerais, dans des termes simples, que la norme correspond aux situations où un juge reçoit des éléments de preuve ou prend une décision qui pourraient influer directement ou indirectement sur la décision de fond ou sur le processus décisionnel relatif à la décision de fond qui doit être rendue par le juge qui est saisi, ou qui deviendra saisi, de l’affaire.

  • (ii) les circonstances où un autre juge peut exercer sa compétence dans une instance dont un autre juge est saisi, ainsi que la mesure dans laquelle il peut le faire.

 

  • 41 Comme il a été souligné plus haut, l’article 29 de la Judicature Act prévoit expressément certaines situations dans lesquelles un juge qui n’est pas saisi d’une instance peut obtenir la compétence nécessaire, même si un autre juge est saisi de l’affaire. Le paragraphe (2) de cette disposition confère explicitement au juge remplaçant le pouvoir discrétionnaire d’utiliser ou non les éléments de preuve reçus par le premier juge. Il ne confère pas explicitement le pouvoir de modifier ou de révoquer les décisions prises par le premier juge. En l’espèce, il n’est pas nécessaire de se demander si l’article 46.10 des Règles permettrait à un juge remplaçant de révoquer ou de modifier une ordonnance rendue antérieurement au titre de l’une des dispositions de l’article 46 des Règles, dans les situations où l’article 29 des Règles s’applique. Cette question devra être tranchée dans le cadre d’une autre instance. Aux fins de la présente décision, il suffit d’établir la mesure dans laquelle un autre juge pourrait exercer toute compétence dans le cadre d’une instance dont un autre juge est saisi, dans une situation où aucune autorisation législative particulière n’est invoquée, comme en l’espèce.

  • 42 À la page 3 de la décision W.(R.), le juge Drossos a formulé l’observation suivante : [traduction« [...] si le juge qui est saisi de l’affaire ne se présente pas, conformément à l’ajournement, à la date à laquelle l’audience doit reprendre, un autre juge de la Cour aurait la possibilité d’ajourner l’audience, mais pas de la poursuivre [...] ». Je souscris à cette observation. L’approche a également été adoptée dans la décision Blitz cBlitz, [2002] B.C.J. no 874, 2002 BCSC 633. Dans cette décision, après avoir cité les extraits de l’arrêt W.(R.) exposés au paragraphe 20, précité, la juge Kirkpatrick a formulé, au paragraphe 41, l’observation suivante :

[traduction] [...] Fait le plus important, si un autre juge est saisi de l’affaire et qu’aucune ordonnance n’est rendue ni aucune directive donnée au titre du paragraphe 64(10) des Règles, un deuxième juge n’a pas la compétence nécessaire pour rendre des ordonnances sur le fond, lesquelles devraient être rendues par le juge qui a reçu les éléments de preuve, qui a effectué les constatations de faits et qui a tiré des conclusions quant à la crédibilité des témoins.

[Non souligné dans l’original.]

Manifestement, cette interprétation accorde à un juge non saisi de l’affaire la marge de manœuvre nécessaire pour rendre une ordonnance ou donner une directive qui ne concerne pas une question de fond.

  • 43 Les ajournements, les questions procédurales courantes et peut-être d’autres questions ne portant pas sur le fond entraînent des décisions ou des jugements dont la nature fait qu’ils ne pourraient pas influer directement ou indirectement sur l’ultime résultat de l’affaire. À mon avis, les décisions rendues par un juge non saisi d’une affaire doivent être limitées à ces aspects mineurs, bien que nécessaires, qui ne touchent pas le fond et qui ne pourraient pas avoir d’incidence directe ou indirecte sur la décision de fond ou sur le processus décisionnel relatif à la décision de fond à rendre dans l’affaire (voir aussi les arrêts Doyle [précité] et Reid c Duming (1987), 78 N.S.R (2d) 12 (N.S.C.A.))

Analyse

De la première question en litige : Le juge Barry était-il saisi de la demande introductive d’instance en raison des questions qu’il avait examinées et de la décision qu’il avait rendue?

  • 44 En l’espèce, le but de la demande introductive d’instance était de faire casser la décision de l’arbitre parce que les éléments de preuve dont disposait ce dernier ne pouvaient pas appuyer sa décision de réintégrer M. Walsh et qu’aucun élément de preuve n’appuyait de nombreuses constatations factuelles particulières qu’avait faites l’arbitre. Il serait impossible de répondre à ces questions sans que le juge ayant compétence en matière de contrôle judiciaire décide d’abord quels documents devraient, en vertu de la loi et dans les circonstances de l’affaire, être pris en compte par la Cour dans le cadre du processus décisionnel. Il faudrait ainsi qu’une décision soit rendue quant à la question de savoir si, dans les circonstances de l’espèce, comme il est mentionné dans certaines parties des deux derniers affidavits exclus, les notes de l’arbitre peuvent ou devraient être prises en compte par la Cour. Les extraits des paragraphes 1 et 10 de la décision du juge Barry cités au paragraphe 7, précité, montrent que ce sont précisément les questions qu’il tranchait dans le cadre de la demande interlocutoire.

  • 45 Selon les paragraphes 24 et 27 de la décision du juge Barry, également cités au paragraphe 7 des présents motifs, après avoir conclu que l’appelant avait fourni un motif pour que le témoignage soit remis en question, le juge Barry a décidé que, [traduction] « afin qu’il soit possible de mieux régler le problème découlant des affidavits contradictoires [...], l’équité et la justice requièrent que la Cour tienne compte des notes de l’arbitre ». Le règlement du problème découlant des affidavits contradictoires est essentiel au contrôle judiciaire demandé de la décision arbitrale. La décision concernant les documents dont doit tenir compte le juge chargé du contrôle judiciaire à des fins d’équité et de justice aurait eu une incidence sur le processus décisionnel et sur la décision de fond à rendre. Ainsi, le juge Barry a rendu une décision qui pouvait influer directement ou indirectement sur le résultat de la demande introductive d’instance visant le contrôle judiciaire. Il s’agissait à tout le moins d’une décision qui, pour reprendre les mots du juge d’appel Martin, [traduction] « pourrai[t] faire obstacle au pouvoir discrétionnaire du juge devant qui l’instance se poursuit ». Concernant les principes adoptés plus haut, je conclus que le juge Barry est devenu saisi de l’affaire parce qu’il a instruit et tranché, de la manière dont il l’a fait, la demande interlocutoire qui découlait de cette demande introductive d’instance.

  • 46 Manifestement, la situation aurait été différente si le juge Barry s’était seulement fait demander d’ordonner à l’arbitre de faire produire une transcription dactylographiée de ses notes et de les rendre accessibles à la Cour et aux parties, ou s’il avait ainsi limité son ordonnance. Cette décision n’aurait influé que sur l’administration du processus. Les décisions quant à ce que devrait contenir le dossier de contrôle judiciaire et à la nature des documents qui doivent être examinés par souci d’équité et de justice devraient encore être rendues par le juge chargé du contrôle judiciaire. En rendant sa décision, le juge Barry a tranché des questions qui ne peuvent l’être adéquatement que par le juge saisi du contrôle judiciaire, de façon à préserver l’intégrité de ce contrôle, dans le cadre d’une audience juste et équitable. Ainsi, le juge Barry est devenu saisi de l’affaire.

De la deuxième question en litige : Si le juge Barry était saisi de l’affaire, quel est l’effet de la décision subséquente rendue par le juge Thompson?

  • 47 Les avocats des parties ont avisé la Cour que ni les parties ni la Cour ne considéraient, à l’époque, que le juge Thompson était saisi de la demande introductive d’instance visant le contrôle judiciaire. À cet égard, il suffit que la Cour fasse simplement observer que, dans une telle situation, ni la présentation de la demande, ni le fait que les parties ont plaidé leur cause sans aborder la question de la compétence, ni la décision du juge d’instruire et de trancher l’affaire ne découle d’une mesure appropriée à prendre, que le juge Barry ait été saisi de l’affaire ou non. À l’exception possible d’une demande visant à exclure un acte de procédure ou un document pour l’un des motifs prévus au paragraphe 14.24(1)6 des Règles, les dispositions législatives mentionnées plus haut montrent clairement que le juge d’un tribunal supérieur ne peut pas exercer sa compétence pour statuer sur les éléments de preuve qui seront recevables ou qui devraient être pris en compte dans une affaire dont un autre juge d’un tribunal supérieur est ou deviendra saisi. Ce serait comme si un juge d’un tribunal supérieur en supervisait un autre. Le caractère inacceptable d’une telle situation est évident au point qu’il ne requiert aucun autre commentaire.

  • 48 Le dossier ne contient rien qui précise si, dans la deuxième demande interlocutoire de l’appelant visant à ce que, si l’intimé soulevait une question concernant l’exclusion des affidavits, elle [traduction] « soit instruite le même jour que l’audience sur le fond de la demande introductive d’instance, mais avant celle-ci », la requête a été prise en compte et, le cas échéant, comment il a été statué sur celle-ci. Le dossier ne montre pas que, quand l’affaire a été instruite par le juge Thompson, la question de la compétence a fait l’objet d’arguments des avocats ou été examinée par le juge. Personne ne s’est demandé si l’article 29 de la Judicature Act devait être invoqué afin de permettre au juge Thompson d’exercer sa compétence. Ainsi, cette disposition ne peut pas être invoquée ex post facto pour appuyer le fait que le juge Thompson a obtenu la compétence nécessaire.

  • 49 Dans son mémoire, l’intimé demande à la Cour de traiter le fait que le juge Thompson a obtenu compétence comme une irrégularité, pas comme un acte entaché de nullité, et de permettre le maintien de la décision parce qu’aucun préjudice n’est causé aux deux parties et en raison du coût lié à la reprise de l’instruction des questions en litige devant le juge chargé du contrôle judiciaire. La Cour n’a aucun pouvoir discrétionnaire lui permettant de rendre une telle ordonnance. Les constatations du juge Thompson exposées au paragraphe 11 des présents motifs, et ses conclusions exposées au paragraphe 14 des présents motifs, sont des constatations et conclusions particulières qui sont essentielles pour les décisions rendues par le juge chargé du contrôle judiciaire dans le processus complet d’instruction de la demande de contrôle judiciaire concernant la décision arbitrale. Manifestement, le pouvoir discrétionnaire du juge chargé du contrôle judiciaire serait miné, et l’intégrité de l’audience, qui doit être juste et équitable, serait compromise si la décision du juge Thompson était maintenue, alors qu’un autre juge est ou deviendra saisi de l’affaire. Non seulement le fait de permettre son maintien serait préjudiciable pour l’appelant, mais une telle décision serait aussi susceptible de déconsidérer l’administration de la justice, car elle serait très incompatible avec l’évaluation qui précède du droit applicable.

  • 50 À l’audience d’appel, l’avocate de l’intimé a fini par reconnaître qu’il n’aurait pas fallu demander au juge Thompson de poursuivre l’instance et qu’il n’aurait pas dû poursuivre l’instance comme il l’a fait, s’il n’était pas saisi du contrôle judiciaire et qu’il n’allait pas le devenir. Néanmoins, les avocats des deux parties font valoir que la décision ne devrait pas être considérée comme étant nulle. Ils font plutôt valoir qu’elle devrait simplement être cassée au motif que, en procédant ainsi, le juge Thompson a commis une erreur de droit. Aucun des avocats n’a cité de jurisprudence à l’appui de la proposition. Les recherches de la Cour n’ont pas permis de trouver de précédent faisant manifestement autorité. Toutefois, c’est peut-être plus une question de sémantique que de fond.

  • 51 Même si le juge d’une cour supérieure possède une compétence inhérente ainsi qu’une compétence conférée par diverses lois, il existe des limites. Ce fait a été reconnu très tôt relativement à un juge de la Cour suprême du Canada. Dans l’arrêt Re Sproule (1886), 12 R.C.S. 140, un bref d’habeas corpus avait été délivré par un juge de la Cour. En appel devant la Cour siégeant au complet, il avait été conclu que la loi ne faisait pas en sorte que chacun des juges de la Cour suprême du Canada forme un tribunal. Il a été conclu que le bref avait une valeur nulle. À la page 242, le juge Taschereau a rédigé ce qui suit :

[traduction] [...] Lorsque, comme en l’espèce, un juge ayant une compétence limitée exerce un pouvoir qui ne lui appartient pas, la décision ou les mesures qu’il prend n’ont aucun effet et ne créent pas la nécessité de se pourvoir en appel (Attorney General c Hotham)7. Une instance ainsi intentée est complètement entachée de nullité et considérée comme nulle et non avenue.

  • 52 La Cour a tiré une conclusion semblable dans l’arrêt R. cO’Leary (1991), 97 Nfld. & P.E.I.R. 314. Certes, la Cour devait trancher un appel interjeté contre une décision d’un juge d’une Cour provinciale, et non un juge d’un Tribunal supérieur. Néanmoins, elle a traité l’affaire comme un appel interjeté contre une décision d’une cour d’archives et n’a pas procédé à un contrôle judiciaire. La situation et le principe sont expliqués clairement dans les commentaires formulés par le juge d’appel Gushue, aux paragraphes 11 et 12, où il a écrit ce qui suit :

  [traduction]

  • (11) Autrement dit, un juge d’une Cour provinciale particulière n’obtient aucune compétence pour agir à titre de Tribunal de première instance relativement à une infraction punissable par mise en accusation et, ainsi, pour examiner l’infraction reprochée tant que l’accusé n’a pas opté pour un procès devant une cour provinciale. Il s’ensuit que, s’il n’a aucune compétence pour agir à titre de Tribunal de première instance, il n’a ni la compétence ni le pouvoir nécessaire pour rejeter l’accusation.

  • (12) Il s’agit de la position adoptée en l’espèce. Le juge LeBlanc possédait une certaine compétence à l’égard de l’intimé, mais aucune à l’égard de l’infraction reprochée. Par conséquent, il ne pouvait pas la rejeter et il est évident que sa décision de le faire était entachée de nullité.

  • 53 Bien entendu, une conclusion semblable a été tirée dans l’arrêt Doyle. Au paragraphe 21 de cet arrêt, le juge d’appel Webber a écrit ce qui suit :

[traduction] La décision concernant un changement important survenu dans les circonstances n’a pas été portée en appel devant la Cour; par conséquent, nous n’en sommes pas saisis. Toutefois, le deuxième juge ne pouvait pas obtenir la compétence nécessaire en adoptant la conclusion du premier juge ou en prétendant arriver à la même conclusion. Le premier juge était saisi de l’affaire et, en conséquence, la deuxième audience est nulle.

Il est à supposer que, si l’audience était entachée de nullité, toute ordonnance qui en découle est également entachée de nullité.

  • 54 Par contre, l’arrêt Canadian Transport (U.K.) Ltd. cAlsbury, [1953] 1 D.L.R. 385 (B.C.C.A.) contient des commentaires selon lesquels une ordonnance d’un tribunal supérieur n’est jamais nulle. À la page 406 de cet arrêt, le juge d’appel Sydney Smith a écrit ce qui suit :

[traduction] Les appelants ont attaqué l’ordonnance du juge en chef pour de nombreux motifs, dont j’examinerai les principaux :

On a dabord soutenu que linjonction du juge Clyne était entachée de nullité, qu’on pouvait l’ignorer impunément et qu’elle ne pouvait donner lieu à des procédures pour outrage au tribunal [...]

À cela on répond de manière générale que l’ordonnance d’une cour supérieure n’est jamais entachée de nullité; si erronée ou si irrégulière qu’elle puisse être, elle a quand même force exécutoire, elle ne peut être attaquée indirectement et a plein effet tant qu’elle n’est pas infirmée en appel. C’est ce que semble établir la jurisprudence citée par le substitut du procureur général [jurisprudence citée]. À cette jurisprudence générale, on peut ajouter la série d’arrêts plus précis établissant qu’une injonction, si erronée soit-elle, doit être respectée jusqu’à ce qu’elle soit annulée [...]

[Non souligné dans l’original.]

  • 55 Même si la Cour suprême du Canada a rejeté8 l’appel, elle l’a fait sans aborder directement l’énoncé selon lequel [traduction] « [...] l’ordonnance d’une cour supérieure n’est jamais entachée de nullité [...] ». Un examen des autres commentaires formulés par le juge d’appel Sidney Smith me mène à la conclusion que la signification réelle de l’énoncé est qu’une ordonnance d’une cour supérieure ne doit jamais être traitée comme étant entachée de nullité, sauf s’il est établi qu’elle l’est par la cour ayant compétence en matière d’appel dans l’affaire et tant que ce n’aura pas été le cas. En plus du contexte dans lequel l’énoncé cité ci-dessus a été formulé, d’autres commentaires du juge d’appel Sydney Smith qui m’amènent à tirer cette conclusion figurent à la page 408. Il s’agit notamment des suivants :

[traduction]

Mais, pour revenir à l’objection selon laquelle l’ordonnance d’injonction était nulle (ce qui signifie qu’elle a été rendue par un juge qui ne possédait pas la compétence nécessaire pour le faire) parce qu’elle était fondée sur des éléments de preuve inadéquats et non recevables : l’idée selon laquelle la suffisance des éléments de preuve est liée à la compétence est entièrement nouvelle et contraire au principe applicable. Ce serait le cas même s’il était question d’un tribunal inférieur.

Ensuite, l’appelante a affirmé que l’injonction était nulle parce qu’elle allait plus loin que ce qui était permis par la Trade-Unions Act et parce qu’elle ne respectait pas la Laws Declaratory Act, R.S.B.C. 1948, c 179, qui régit les injonctions ex parte. Cet argument selon lequel un tribunal, et plus particulièrement une cour supérieure, agit sans compétence lorsqu’il commet une erreur dans une affaire de droit législatif, semble manifestement être contraire à la jurisprudence et au principe applicable [...]

[...] En principe, il semble évident que les erreurs qu’un tribunal commet relativement aux textes législatifs constituent des erreurs comme celles qu’il commet en common law. Sinon, il en résulterait des situations impossibles. Il y a toujours place pour le doute quant au sens de la loi et quant à savoir si les faits d’une affaire donnée la font relever d’une loi. Les parties recourent aux tribunaux pour découvrir quels sont leurs droits. Mais si un jugement était entaché de nullité chaque fois que le juge commet une erreur relativement à un texte législatif, le recours aux tribunaux serait inutile.

[...] Tous ces précédents montrent que le juge Clyne a commis une erreur et que son injonction aurait peut-être pu être annulée si un appel avait été interjeté à son égard; toutefois, ils n’indiquent pas qu’il convient de traiter son ordonnance comme si elle était nulle et de ne pas en tenir compte.

  • 56 Dans l’arrêt Wilson, le juge Mclntyre a cité l’extrait de la page 406 de l’arrêt du juge d’appel Sidney Smith dans l’arrêt Canadlan Transport, que j’ai reproduit au paragraphe précédent. À la page 601 de l’arrêt Wilson, le juge Mclntyre a également cité l’extrait suivant de la décision du juge d’appel Bird, tiré de la page 418 de l’arrêt Canadian Transport :

[traduction] Il sagit en l’espèce d’une ordonnance d’une cour d’archives supérieure, qui, jusqu’à ce qu’elle soit annulée ou modifiée en appel, est décisive et a force exécutoire pour tous. Une telle ordonnance ne peut être considérée comme entachée de nullité.

[Non souligné dans l’original.]

  • 57 Compte tenu du fait que la Cour, dans l’arrêt Wilson, se penchait principalement sur la règle contre l’attaque indirecte, il est raisonnable de conclure qu’elle n’adoptait pas le point de vue selon lequel, même en appel, une décision d’un tribunal supérieur ne peut pas être considérée comme étant entachée de nullité. Les commentaires du juge d’appel Mclntyre, reproduits au paragraphe 25 des présents motifs, montrent incontestablement que ce n’est pas le cas. Plus particulièrement, je mentionnerais l’expression de son approbation du commentaire formulé par le juge Monnin, selon lequel :

[traduction] Le dossier d’une cour supérieure doit être considéré comme la vérité absolue tant qu’il n’a pas été infirmé.

et son propre commentaire :

[...] l’attaque indirecte peut être décrite comme une attaque dans le cadre de procédures autres que celles visant précisément à obtenir l’infirmation, la modification ou l’annulation de l’ordonnance ou du jugement [...]

[Non souligné dans l’original.]

Ce dernier commentaire est une reconnaissance du fait qu’une décision faisant l’objet d’un appel peut non seulement être infirmée (ce qui, je présume, englobe aussi le fait d’être cassée) ou modifiée; elle peut aussi être annulée. Une décision faisant l’objet d’un appel ne peut être infirmée ou modifiée que si elle contient une erreur de droit qui le justifierait. Si, au lieu d’une erreur de droit, un défaut de compétence est constaté, il n’y a aucun examen du fondement juridique. La décision peut être correcte en droit, mais elle ne peut pas être maintenue, non pas parce que son contenu était erroné en droit, mais parce que le décideur n’avait pas la compétence nécessaire pour la rendre. Dans ces situations, la décision ne peut être cassée qu’en raison du fait que, comme elle a été rendue sans la compétence nécessaire, elle est entachée de nullité. Cette conclusion se reflète clairement dans les décisions rendues en appel dans les arrêts Doyle, O’Leary et Reid c Duming, entre d’autres.

  • 58 Comme il a été décidé dans la décision W. (R.), lorsqu’un juge est saisi d’une instance, tout remplacement par un autre juge, qui devra trancher des questions de fond, mais qui ne dispose pas des pouvoirs légaux nécessaires, entraîne une perte de compétence. Comme le juge Barry était saisi de l’affaire, son remplacement par le juge Thompson, dans une situation qui n’était pas expressément prévue par la loi, a entraîné une perte de compétence. Même si le fondement juridique des conclusions du juge Thompson n’a pas été examiné et que, par conséquent, il n’a pas été conclu que ces conclusions sont erronées en droit, le maintien de sa décision ne peut pas être permis. Un examen de l’incidence de la décision du juge Thompson sur le jugement rendu par le juge Barry montre la logique de cette position en l’espèce. Comme il a été souligné plus haut, les éléments fondamentaux de la décision du juge Barry, qui a établi que « les notes de l’arbitre font partie du dossier [...] » et « devraient donc être prises en compte par la Cour », étaient le troisième affidavit de M. Williams et le premier de M. Hanlon, lesquels devaient être « [...] exclus du dossier », selon la décision du juge Thompson. En outre, le juge Barry, ou tout autre juge qui pourrait devenir saisi du contrôle judiciaire, pourrait bien conclure non seulement que ces affidavits devraient être recevables, mais qu’ils pourraient être essentiels au bon déroulement du contrôle judiciaire. Si la décision du juge Thompson ne peut pas être infirmée ou modifiée parce qu’elle n’a pas été déclarée erronée en droit, elle ne peut être cassée que parce qu’elle est entachée de nullité. Ce doit être le résultat en l’espèce.

Des autres questions en litige

  • 59 Vu ma décision selon laquelle le juge Barry était saisi de la demande introductive d’instance en raison de la décision qu’il a rendue et que, par conséquent, la décision du juge Thompson doit être cassée parce qu’elle est entachée de nullité, il est inutile de trancher les autres questions énoncées plus haut.

Conclusion

  • 60 Pour les motifs exposés, l’appel est accueilli. La Cour ordonne : (1) que la décision du juge Thompson soit cassée parce qu’elle est entachée de nullité, et qu’elle soit déclarée inopérante; (2) que le juge Barry soit saisi de la demande introductive d’instance et de toutes les instances qui en découlent, sauf si un autre juge devient saisi de l’affaire conformément à la loi.

  • 61 Comme il semble que les deux parties sont responsables, du moins, dans une certaine mesure, des circonstances à l’origine de la présente décision, chaque partie assumera ses propres dépens liés à la demande interlocutoire présentée au juge Thompson et à l’appel.

LE JUGE EN CHEF WELLS

LE JUGE D’APPEL ROBERTS : — Je souscris au jugement.

LE JUGE D’APPEL MERCER : — Je souscris au jugement.

2019 FC 1378 (CanLII)

Zone de Texte: 2019 FC 1378 (CanLII) ARRÊT RECTIFICATIF

Date de publication : 8 octobre 2004.

Au paragraphe [11] de la page 6, le paragraphe cité portant le numéro [65] n’a pas été placé dans le bon ordre, par inadvertance. Il devrait figurer entre les paragraphes cités [64] et [66].

LE JUGE EN CHEF WELLS

LE JUGE D’APPEL ROBERTS : — Je souscris à la rectification.

LE JUGE D’APPEL MERCER : — Je souscris à la rectification.

  • 1 (2000), 195 Nfld& PEIR 330 (NLTD)

  • 2 lncorrectement intitulé « Affidavit no2 deGeoff C. Williams »

  • 3 (2003), 222 Nfld & PEIR 336

  • 4 Coleshill c Manchester, [1928] 1 KB776.

  • 5 Voir le sous-alinéa 2c(ii) et l’article 27.

  • 6 a) Il ne révèle aucun motif de poursuite ou de défense raisonnable; b) il est faux, scandaleux, frivole ou vexatoire; c) il pourrait causer un préjudice ou de l’embarras ou un retard relativement à l’instruction équitable de l’instance; d) il constitue autrement un abus du processus judiciaire [...]

  • 7 (1827), 3 Russ. 413.

  • 8 [1953] 2 DLR785.

Fin du document


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[traduction]

COUR D’APPEL DE LA COLOMBIE-BRITANNIQUE

Référence :   Sahyoun c Colombie-Britannique

(Employment and Assistance Appeal Tribunal),

2019 FC 1378 (CanLII)

Zone de Texte: 2019 FC 1378 (CanLII) 2016 BCCA 312

2016 BCCA 312 (CanLII)

Zone de Texte: 2016 BCCA 312 (CanLII) Date : 20160715

Dossier : CA42733

Entre :

Dr Nabil Riad Sahyoun

appelant

(requérant)

et

Employment and Assistance Appeal Tribunal de la Colombie-Britannique,
ministre du Développement social et de l’Innovation sociale de la Colombie‑Britannique et Procureur général de la Colombie-Britannique

Intimés

(intimés)

Devant :  Monsieur le juge Frankel

Monsieur le juge Harris

Monsieur le juge Goepel

En appel d’une ordonnance de la Cour suprême de la Colombie-Britannique, datée du 25 mars 2015 (Sahyoun c British Columbia (Employment and Assistance Appeal Tribunal), 2015 BCSC 456, dossier du greffe de Vancouver S146526).

L’appelant comparaissant en personne :      Dr Nabil Riad Sahyoun

Avocate de l’intimé      N. Iyer

Employment and Assistance Appeal Tribunal

de la Colombie-Britannique:

Avocat des intimés,       K. Evans

Ministre du Développement social et de

l’Innovation sociale de la Colombie-Britannique

et Procureur général de la Colombie-Britannique :

Lieu et date de l’audience :     Vancouver (Colombie-Britannique)

Le 21 avril 2016

Lieu et date du jugement :    Vancouver (Colombie-Britannique)

  Le 15 juillet 2016


 

Sahyoun c. Colombie-Britannique (Employment and Assistance Appeal Tribunal)

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2019 FC 1378 (CanLII)

Zone de Texte: 2019 FC 1378 (CanLII) Motifs rédigés par :

2016 BCCA 312 (CanLII)

Zone de Texte: 2016 BCCA 312 (CanLII) Monsieur le juge Goepel

Y ont souscrit :

Monsieur le juge Frankel

Monsieur le juge Harris


 

Sahyoun c. Colombie-Britannique (Employment and Assistance Appeal Tribunal)

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Résumé

Après que certaines prestations lui ont été refusées au titre de la Employment and Assistance Act, l’appelant a interjeté appel, sans succès, devant le Employment and Assistance Appeal Tribunal, et sa demande de contrôle judiciaire du rejet de cet appel a été refusée. Le Ministère intimé a refusé de revoir sa décision, et le Tribunal a conclu que la Loi ne confère pas à l’appelant le droit d’interjeter appel de ce refus. La juge en cabinet a maintenu la décision du Tribunal. Arrêt : l’appel est rejeté. Le droit au réexamen prévu dans la Loi ne s’applique qu’à certaines catégories de décisions — pas à un refus de revoir une décision. Le défaut du Tribunal de donner à l’appelant un avis et la possibilité de présenter des observations concernant la compétence, à la lumière de toutes les circonstances, n’a pas entraîné de résultats injustes.

Motifs du jugement rendu par le juge Goepel

INTRODUCTION

  • [1] Le présent appel est le dernier chapitre de la longue tentative de l’appelant en vue d’obtenir certains avantages au titre de laEmploymentandAssistanceAct,S.B.C.2002,c 40 (la « EA Act »), et du Employment and Assistance Regulation, B.C. Reg. 263/2002 (le « EARegulation »).

  • [2] L’appelant a commencé par demander des prestations aux mois de septembre 2010 et janvier 2011. Quand la demande a été refusée par le ministère du Développement social et de l’Innovation sociale (le « Ministère »), l’appelant a interjeté appel, sans succès, devant le Employment and Assistance Appeal Tribunal (le « Tribunal »). Il a ensuite amorcé une procédure de contrôle judiciaire pour contester la décision du Tribunal. Cette procédure a été rejetée à la Cour suprême (Sahyoun c British Columbia (Employment and Assistance Appeal Tribunal), 2012 BCSC 1306) (Sahyoun 1) et par notre Cour(SahyouncBritishColumbia(EmploymentandAssistanceAppealTribunal), 2014 BCCA 86) (l’appel Sahyoun).

  • [3] À la suite de la publication des motifs de l’appel Sahyoun, l’appelant a tenté de faire revoir les décisions du Ministère. Après que celui-ci eut refusé de le faire, l’appelant a interjeté appel devant le Tribunal. La présidente du Tribunal a refusé d’instruire l’appel proposé, soutenant qu’il ne visait pas une décision pouvant faire l’objet d’un appel sous le régime de la EA Act. La juge Holmes a rejeté une demande de contrôle judiciaire. Ses motifs sont répertoriés sous 2015 BCSC 456.


 

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  • [4] L’appelant interjette maintenant appel du rejet de sa demande de contrôle judiciaire. La principale question en litige concerne la portée des droits d’appel devant le Tribunal conférés à l’appelant. L’appel soulève également une question d’équité procédurale.

  • [5] Pour les motifs qui suivent, je rejette l’appel.

CONTEXTE

  • [6] Le contexte du présent litige a été bien décrit dans les motifs de la juge en cabinet Stromberg-Stein, plus tard juge à la Cour d’appel, dans la décision Sahyoun 1 et dans ceux du juge d’appel Low dans l’appel Sahyoun. Je ne répéterai pas leurs jugements autrement que dans la mesure nécessaire pour mettre le présent appel dans son contexte.

  • [7] L’appelant et son épouse ont touché de l’aide sociale sous divers régimes législatifs provinciaux de 1986 jusqu’au 10 novembre 2010, date à laquelle l’appelant a atteint l’âge de 65 ans. À ce moment-là, son épouse et lui ont commencé à toucher une aide fédérale au revenu.

  • [8] Dès le mois de septembre 2010, l’appelant a demandé au Ministère de le désigner en tant que « personne ayant des obstacles à l’emploi multiples et persistants » (« POMP ») au sens de l’article 2 du EA Regulation et de lui verser des prestations pour « services médicaux seulement » (« SMS ») au titre des articles 66.1 et 67 du EA Regulation. Après que le Ministère eut refusé ces demandes, l’appelant a demandé qu’elles soient réexaminées et a ensuite exercé ses droits d’appel devant le Tribunal.

  • [9] Le 10 mai 2011, le Tribunal a rejeté l’appel de l’appelant concernant le refus par le Ministère de sa demande de statut de POMP, et, le 12 janvier 2012, il a rejeté son appel concernant le refus par le Ministère de sa demande de prestations pour SMS, (collectivement, les « décisions initiales »). L’appelant a demandé le contrôle judiciaire des décisions initiales, et les requêtes ont été instruites ensemble.


 

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  • [10] À l’appui de ses requêtes de contrôle judiciaire, l’appelant a demandé à présenter des éléments de preuve (les « nouveaux éléments de preuve ») dont le Tribunal ne disposait pas au moment où il avait rendu les décisions initiales. L’appelant a affirmé qu’il avait découvert les nouveaux éléments de preuve dans son domicile en mars 2012 et en mai 2012, soit après que le Tribunal eut rendu les décisions initiales.

  • [11] Dans la décision Sahyoun1, la juge Stromberg-Steina refusé de tenir compte des nouveaux éléments de preuve et a rejeté les requêtes de l’appelant.

  • [12] Le 6 mars 2014, dans l’appel Sahyoun, la présente Cour a rejeté l’appel de l’appelant. Ce faisant, le juge d’appel Low a déclaré ce qui suit :

[traduction]  [35] Aucun des deux appels n’est fondé. L’appelant a tenté de convaincre le Ministère d’antidater une désignation qui n’avait jamais été accordée à l’appelant auparavant, même par inférence. Ce dernier n’a pas fourni les renseignements médicaux nécessaires. Il a interprété dans des jugements passés des désignations qui n’ont tout simplement pas été attribuées. Il ne répondait pas aux critères législatifs et réglementaires. Il a présenté ses demandes de façon très tardive, une fois qu’il n’était plus admissible, même s’il avait fourni les renseignements médicaux nécessaires à l’appui. Les décisions du Ministère concernant les questions soulevées par l’appelant étaient raisonnables, et on ne peut faire valoir que la décision de l’un ou l’autre des tribunaux était manifestement déraisonnable. La juge en cabinet n’a pas commis d’erreur.

  • [13] Le lendemain de la date à laquelle la Cour a rejeté son appel, l’appelant a écrit au Ministère et demandé que les décisions initiales soient revues. Dans sa lettre, l’appelant mentionnait les nouveaux éléments de preuve qu’il avait découverts dans son domicile en mars 2012 et en mai 2012. Il affirme que le Tribunal ne disposait pas de ces documents au moment où il a rendu les décisions initiales, mais qu’il avait présenté les documents à la Cour suprême et à la Cour d’appel lors des contrôles judiciaires des décisions initiales.

  • [14] Au moyen d’une lettre datée du 26 mars 2014, un représentant du Ministère a avisé l’appelant, en réponse à sa demande, que le Ministère ne reverrait pas les décisions initiales.

  • [15] Le 29 mai 2014, l’appelant a demandé un réexamen de ce refus. La demande de réexamen a été refusée le 11 juin 2014, au motif que, conformément à l’article 17 de la EA Act,le Ministère ne peut réexaminer que les décisions qui entraînent un refus ou une réduction de l’aide au revenu ou un arrêt des versements. Comme le refus de revoir les décisions initiales n’entraînait pas de refus ou de réduction de l’aide au revenu ni d’arrêt des versements, le Ministère n’avait pas la possibilité de réexaminer ce refus.

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  • [16] Le 19 juin 2014, l’appelant a interjeté appel devant le Tribunal.

  • [17] Le 25 juin 2014, la présidente du Tribunal a écrit à l’appelant pour l’aviser du fait que le Tribunal n’avait pas la compétence pour procéder à l’appel. Dans sa lettre, elle a mentionné ce qui suit :

[traduction] La décision du Ministère de refuser de revoir les décisions et de procéder à un nouveau réexamen n’a pas entraîné de refus ou de réduction de l’aide ou d’un supplément ni d’arrêt du versement de cette aide ou de ce supplément au titre des alinéas 17(1)a) à d). Par conséquent, le Tribunal ne possède pas la compétence nécessaire pour procéder à l’appel, et votre dossier est maintenant fermé.

  • [18] Avant de rendre sa décision, la présidente n’a pas avisé, contrairement aux pratiques et procédures du Tribunal, les parties par écrit du fait que l’affaire semblait outrepasser la compétence du Tribunal. Elle ne les a pas invitées à formuler des observations concernant la question de savoir si l’affaire relevait ou non de la compétence du Tribunal.

CADRE LÉGISLATIF

  • [19] Les dispositions législatives applicables en l’espèce se trouvent aux articles 17, 18, 19 et 19.1 et au paragraphe 20(2) de la EA Act, à l’article 58 de la Administrative Tribunals Act, S.B.C. 2004 c 45, et à l’alinéa 3.2d) des pratiques et procédures du Tribunal.

  • [20] Le Tribunal est établi en vertu de l’article 19 de la EA Act pour l’instruction d’appels interjetés contre des décisions du Ministère relativement à des réexamens. Les articles 17 et 18 de la EAActénoncent les situations dans lesquelles un appel peut être interjeté. Ces articles sont ainsi libellés :

[traduction]

Droits de réexamen et d’appel

  • 17 (1) [traduction] Sous réserve des dispositions de l’article 18, une personne peut demander au ministre de réexaminer les décisions suivantes rendues au titre de la Loi :

    • a) une décision qui entraîne un refus de fournir une aide au revenu, une aide en cas de difficulté ou un supplément à la personne ou à un membre de son unité familiale;

    • b) une décision qui entraîne un arrêt du versement de l’aide au revenu ou d’un supplément fourni à la personne ou à un membre de son unité familiale;

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  • c) une décision qui entraîne une réduction de l’aide au revenu ou d’un supplément fourni à la personne ou à un membre de son unité familiale;

  • d) une décision concernant le montant d’un supplément fourni à la personne ou à un membre de son unité familiale, si ce montant est inférieur à la somme la moins élevée des suivantes :

    • (i) le montant maximal du supplément au titre du règlement;

    • (ii) le coût lié à la façon appropriée la moins coûteuse de fournir le supplément;

  • e) une décision concernant les conditions d’un régime d’emploi visé à l’article 9 [régime d’emploi].

  • (2) La présentation de la demande au titre du paragraphe (1) et le réexamen de la décision doivent se faire conformément à toutes règles et au délai prévus par règlement.

  • (3) Sous réserve d’une disposition réglementaire visée au paragraphe (5) et des dispositions du paragraphe 9(7) [régime d’emploi], de l’article 18 et du paragraphe 27(2) [trop-perçus], une personne qui est insatisfaite du résultat d’une demande de réexamen présentée conformément aux alinéas (1)a) à d) peut interjeter appel de la décision qui découle de la demande adressée au Tribunal.

  • (4) Le droit d’appel conféré sous le régime du paragraphe (3) est assujetti aux délais et aux autres exigences énoncés dans la Loi et dans le règlement.

  • (5) Le lieutenant-gouverneur en conseil peut désigner par règlement :

  • a) des catégories de suppléments qui ne peuvent pas faire l’objet d’un appel devant le tribunal;

  • b) des situations dans lesquelles une décision de refuser le versement d’une aide au revenu, d’une aide en cas de difficulté ou d’un supplément ne peut faire l’objet d’un appel devant le tribunal.

Aucun appel d’une décision fondée sur les mêmes circonstances

  • 18 Si une personne présente une nouvelle demande d’aide au revenu, d’aide en cas de difficulté ou de supplément après

    • a) que l’admissibilité de l’unité familiale de la personne à l’aide au revenu, à l’aide en cas de difficulté ou au supplément a été établie au titre de la Loi;

    • b) b) qu’un droit d’appel au titre du paragraphe 17(3) a été exercé relativement à la décision énoncée à l’alinéa a);

    • c) c) que la décision du Tribunal relativement à l’appel énoncé à l’alinéa b) a été mise en œuvre;

il n’existe aucun droit de réexamen ou d’appel à l’égard de la deuxième demande ou d’une demande subséquente, sauf si les circonstances pertinentes pour la décision énoncée à l’alinéa a) ont changé.

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  • [21] Les paragraphes 24(6) et (7) de la EAActcontiennent une disposition fortement privative. Conformément à l’article 19.1 de la EAAct,l’article 58 de l’AdministrativeTribunalsAct,S.B.C.2004ch. 45,s’applique au Tribunal. Cet article est ainsi libellé :

[traduction]

Norme d’examen et disposition privative

  • 58 (1) Si la loi sous le régime de laquelle la demande est présentée contient ou englobe une disposition privative relative aux tribunaux, le Tribunal doit être considéré comme un expert en matière de tout ce qui relève de sa compétence exclusive.

  • (2) Dans le cadre d’une instance de contrôle judiciaire relative aux tribunaux experts au sens du paragraphe (1) :

  • a) une constatation des faits ou du droit ou un exercice du pouvoir discrétionnaire par le Tribunal relativement à une affaire qui relève de sa compétence exclusive ne doit pas être entravé, sauf s’il est manifestement déraisonnable;

  • b) les questions portant sur l’application des règles de la common law que sont la justice naturelle et l’équité procédurale doivent être tranchées eu égard au fait de savoir si, à la lumière de toutes les circonstances, le Tribunal a agi de façon équitable;

  • c) dans le cas de toutes les affaires autres que celles qui sont énoncées aux alinéas a) et b), la norme d’examen applicable aux décisions du Tribunal est celle de la décision correcte.

  • (3) Aux fins de l’alinéa 2a), une décision discrétionnaire est manifestement déraisonnable si le pouvoir discrétionnaire :

a)   est exercé de façon arbitraire ou de mauvaise foi;

  • b) est exercé à une fin inappropriée;

  • c) est entièrement ou principalement fondé sur des facteurs non pertinents;

  • d) ne tient pas compte des exigences législatives.

  • [22] Les pratiques et procédures du Tribunal sont établies par la présidente au titre du paragraphe 20(2) de la EAAct.Ces pratiques et procédures doivent être suivies durant le processus d’appel, sous réserve de toute situation qui justifierait que les exigences qu’elles prévoient ne soient pas respectées. L’article 3.2 prévoit un mécanisme de présélection des appels servant à évaluer si l’appel est présenté sous la forme prévue et dans le délai prévu et s’il relève de la compétence du Tribunal. L’alinéa 3.2d) concerne les appels liés à des affaires sortant du champ de compétence du Tribunal. En ce qui concerne ces appels, les pratiques et procédures prévoient ce qui suit :

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(i)  Si l’appel est lié à une affaire qui semble sortir du champ de compétence du Tribunal, celui-ci en avisera les parties par écrit.

(ii)  Le Tribunal peut inviter les parties à formuler des observations sur sa compétence. Le président du Tribunal décidera ensuite, à la lumière de toute observation reçue, si l’appel relève de la compétence du Tribunal et avisera les parties par écrit de la décision.

DÉCISION RELATIVE AU CONTRÔLE JUDICIAIRE

  • [23] Dans ses motifs, la juge en cabinet a d’abord conclu que la décision de la présidente était fondée sur son interprétation des dispositions de la loi habilitante du Tribunal. Par conséquent, la norme de contrôle applicable au titre des paragraphes 58(1) et (2) de l’Administrative Tribunals Act était celle de la décision manifestement déraisonnable.

  • [24] La juge en cabinet a ensuite examiné les nouveaux éléments de preuve. Elle a déclaré qu’ils ne pouvaient pas aider le Dr Sahyoun à réfuter la conclusion tirée par le Tribunal dans les décisions initiales.

  • [25] Après avoir examiné les nouveaux éléments de preuve, la juge en cabinet s’est demandé si la décision de la présidente de refuser d’instruire l’appel était manifestement déraisonnable. Cette question supposait une interprétation de l’article 17 de la EA Act, qui établit la compétence du Tribunal pour instruire des appels. La juge en cabinet a conclu que la décision de la présidente n’était pas manifestement déraisonnable et a expliqué ce qui suit aux paragraphes 14 et 15 de ses motifs :

[traduction]
[14] La décision de la présidente constitue plutôt une conclusion fondée sur son interprétation de la loi habilitante, selon laquelle les demandes du Dr Sahyoun ont été tranchées de façon péremptoire dans le cadre de l’instance qui a commencé par les décisions initiales et s’est poursuivie jusqu’à l’arrêt Sahyoun (BCCA) et que ce dernier n’avait pas accès aux possibilités de réexamen ou d’appel prévues aux articles 17 et 18 de la Loi. Le droit prévu à l’article 17 de la Loi ne s’applique qu’aux catégories de décisions énoncées, et la présidente était manifestement d’avis que le refus de revoir les décisions initiales n’appartenait pas à ces catégories. Le refus de revoir ces décisions ne constituait pas une décision qui avait entraîné le refus d’un statut ou d’une aide; il s’agissait plutôt d’un refus de revoir les refus qui avaient été effectués et maintenus des années plus tôt.

[15] Il convenait de faire preuve de retenue à l’égard de l’interprétation que la présidente a faite de la Loi. Sa décision n’était pas manifestement déraisonnable.

  • [26] La juge en cabinet a ensuite examiné puis rejeté l’argument de l’appelant selon lequel l’article 18 de la EAActlui permettait de présenter sa demande de réexamen et, par conséquent, d’interjeter appel, car les nouveaux éléments de preuve donnaient lieu à un changement dans les circonstances.

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Elle a affirmé que les circonstances n’avaient pas changé, puisque les nouveaux éléments de preuve présentés par l’appelant ne faisaient que renforcer des positions qui avaient déjà été rejetées dans les décisions initiales et dont le rejet avait été maintenu dans le cadre de l’instance de contrôle judiciaire précédente.

  • [27] La juge en cabinet a ensuite examiné les conséquences du défaut de la présidente de suivre les pratiques et procédures du Tribunal en avisant les parties et en les invitant à formuler des observations sur la question de la compétence. Elle a conclu que, dans les circonstances de l’affaire, il n’y avait rien à gagner à remettre l’affaire à la présidente afin qu’un avis soit donné aux parties. À cet égard, elle a déclaré que la présidente n’était pas du tout obligée d’inviter les parties à formuler des observations concernant la compétence du Tribunal d’instruire l’appel. Quoi qu’il en soit, même si le Tribunal avait instruit l’appel, celui-ci était voué à l’échec parce que les nouveaux éléments de preuve ne pouvaient pas aider l’appelant pour les motifs qu’elle avait donnés.

QUESTIONS EN LITIGE DANS L’APPEL

  • [28] Il y a deux questions en litige. La première concerne la décision de la présidente portant que le Tribunal ne possédait pas la compétence nécessaire pour instruire l’appel. La deuxième consiste à savoir si le fait que la présidente n’a pas suivi les pratiques et procédures du Tribunal a rendu la décision inéquitable.

ANALYSE

  • [29] La norme de contrôle est énoncée à l’article 58 de la AdministrativeTribunalsAct. Par conséquent, les conclusions de fait ou de droit ou l’exercice par le Tribunal de son pouvoir discrétionnaire ne doivent pas être entravés, sauf si ces conclusions ou l’exercice du pouvoir sont manifestement déraisonnables. Les questions portant sur l’application des règles de la common law que sont la justice naturelle et l’équité procédurale doivent être tranchées eu égard à la question de savoir si, à la lumière de toutes les circonstances, le Tribunal a agi de façon équitable.

  • [30] Les possibilités de réexamen ou d’appel figurent aux articles 17 ou 18 de la EA Act. À la lumière de son interprétation de la loi habilitante, la présidente a conclu que la demande de l’appelant avait été tranchée de façon péremptoire dans le cadre de l’instance qui avait commencé par les décisions initiales et qui avait abouti aux contrôles judiciaires infructueux de ces décisions. Par conséquent, l’appelant ne pouvait pas se prévaloir des possibilités de réexamen ou d’appel prévues aux articles 17 ou 18 de la EA Act.

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  • [31] Pour que l’appel soit accueilli, l’appelant doit établir que la décision de la présidente était manifestement déraisonnable. Il faut faire preuve de retenue à l’égard de l’interprétation par cette dernière de sa loi habilitante. Je n’arrive à trouver aucune erreur dans l’analyse de la juge en cabinet. Je souscris à sa conclusion selon laquelle la décision de la présidente n’était pas manifestement déraisonnable. Je ne retiens pas ce motif d’appel.

  • [32] En ce qui concerne la question de l’équité procédurale, il est évident que la présidente n’a pas suivi les pratiques et procédures du Tribunal. Ces pratiques et procédures exigeaient que le Tribunal avise les parties par écrit si l’affaire semblait sortir du champ de compétence du Tribunal et, dans ces situations, le tribunal peut inviter les parties à formuler des observations au sujet de sa compétence. En l’espèce, aucun avis n’a été donné avant que la décision soit rendue.

  • [33] Ce n’est toutefois pas tout. Les questions touchant la justice naturelle et l’équité procédurale doivent être tranchées eu égard à la question de savoir si, à la lumière de toutes les circonstances, le Tribunal a agi de façon équitable. Comme j’admets, sans trancher la question, que le défaut d’aviser les parties et de les inviter à formuler des observations constituait un manquement à la justice naturelle, j’estime qu’il ne serait pas approprié en l’espèce de renvoyer l’affaire au Tribunal. De mon point de vue, la décision de la présidente, selon laquelle le Tribunal ne possédait pas la compétence nécessaire pour instruire les appels, était non seulement manifestement raisonnable, mais aussi correcte. Le droit au réexamen prévu à l’article 17 ne s’applique qu’aux catégories de décisions énoncées, pas au refus de revoir une décision. Compte tenu de ces circonstances, je souscris à l’opinion de la juge en cabinet selon laquelle il n’y aurait rien à gagner à renvoyer l’affaire à la présidente afin qu’elle invite les parties à formuler des observations concernant la compétence du Tribunal. Les actes de la présidente n’ont pas entraîné de résultat inéquitable.

  • [34] Je ne retiens pas ce motif d’appel.

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  • [35] Par souci d’exhaustivité, je devrais souligner que, dans ses observations, l’appelant a consacré un certain temps à tenter de nous convaincre que les décisions initiales étaient erronées et qu’il avait droit aux prestations qu’il demande depuis le moment où il a présenté sa demande introductive d’instance, en septembre 2010. Il ne nous incombe pas en l’espèce de décider si les décisions initiales étaient correctes, et il ne serait pas approprié que nous donnions notre opinion sur cette question.

  • [36] En conséquence, je rejetterais l’appel.

« Monsieur le juge Goepel »

Je suis d’accord.

« Monsieur le juge Frankel »

Je suis d’accord.

« Monsieur le juge Harris »


ANNEXE B

INDEX

  • § Pièce J, affidavit de Joanne Rodriguez, dossier de la demanderesse

  • § Pièce M, affidavit de Joanne Rodriguez, dossier de la demanderesse

  • § Pièce N, affidavit de Joanne Rodriguez, dossier de la demanderesse

  • § Pièce P, affidavit de Joanne Rodriguez, dossier de la demanderesse

  • § Pièce Q, affidavit de Joanne Rodriguez, dossier de la demanderesse


Voici la pièce J mentionnée dans l’affidavit de

Joanne Rodriguez fait sous serment

(ou solennellement) devant moi à Toronto (Ontario)

en ce 19jour de décembre 2018.

 

[Signature]

Commissaire aux affidavits p.i. pour l’Ontario

Daniel Attard

Avocat

No du Barreau du Haut-Canada 35355T



Voici la pièce M mentionnée dans l’affidavit de

Joanne Rodriguez fait sous serment

(ou solennellement) devant moi à Toronto (Ontario)

en ce 19jour de décembre 2018.

 

[Signature]

Commissaire aux affidavits p.i. pour l’Ontario

Daniel Attard

Avocat

No du Barreau du Haut-Canada 35355T



 


Voici la pièce N mentionnée dans l’affidavit de

Joanne Rodriguez fait sous serment

(ou solennellement) devant moi à Toronto (Ontario)

en ce 19jour de décembre 2018.

 

[Signature]

Commissaire aux affidavits p.i. pour l’Ontario

Daniel Attard

Avocat

No du Barreau du Haut-Canada 35355T


[traduction]

Ehsan T. Monfared

De :      Ehsan T. Monfared

Envoyé :       18 septembre 2018 13:12

À :      Cannon, Mary

Cc :       Karine Matte; [caviardé]; Sylvie Fournier

      [caviardé]

Objet :    Avis d’annulation — dossier du TATC no O-4392-80

Madame,

Je vous remercie pour l’avis d’annulation. Malgré l’annulation de l’audience, nous nous attendons à ce que le Tribunal reste saisi de l’affaire. Par conséquent, conformément au paragraphe 19(1) de la Loi sur le Tribunal d’appel des transports du Canada, LC 2001, c. 29, nous avons l’intention de présenter au Tribunal des observations concernant les dépens engagés dans le cadre de ce processus.

Nous croyons pouvoir le faire au moyen d’observations écrites et d’une preuve par affidavit, au lieu d’exiger une comparution en personne. Nous prévoyons que ces observations pourront être fournies à l’Office des transports du Canada et au Tribunal dans un délai de deux semaines. Nous serions reconnaissants si vous pouviez nous faire part de toute directive particulière que le Tribunal pourrait nous donner en ce qui a trait au processus de présentation de ces observations écrites concernant les dépens.

Merci.

Ehsan T. Monfared

100, rue Richmond Ouest, bureau 330, Toronto (Ontario)  M5H 3K6

Tél. : 416-681-9300 Cell. : 647-236-0500 Téléc. : 647-343-9229

YYZ law

DROIT DE L’AVIATION ET DES VOYAGES

AVIS DE CONFIDENTIALITÉ : Les documents joints à la présente transmission par courriel contiennent des renseignements confidentiels appartenant à l’expéditeur, lesquels sont protégés par le secret professionnel de l’avocat. Les renseignements sont destinés à l’usage exclusif de la personne ou de l’entité nommée ci-dessus. Si vous n’êtes pas le destinataire désigné, vous êtes avisé par la présente qu’il est strictement interdit de communiquer, de copier ou de distribuer le contenu de ces renseignements ou de prendre des mesures fondées sur ceux-ci. Si vous avez reçu le courriel par erreur, veuillez nous en aviser immédiatement. Merci.


 

 

 

[traduction]

 

De :  Cannon, Mary

Envoyé :   17 septembre 2018 12:34

À :  Ehsan T. Mohfared

Cc :   Karine Matte; Sylvie Fournier

Objet :  Avis d’annulation — dossier du TATC no O-4392-80

Monsieur,

Objet : Saudi Arabian Airlines c Office des transports du Canada, no de dossier du TATC O-4392-80

Vous trouverez en pièce jointe l’avis d’annulation de l’affaire susmentionnée.

Cordialement,

Mary Cannon

Greffière adjointe

Tribunal d’appel des transports du Canada

333, avenue Laurier Ouest, bureau 1201

Ottawa (Ontario)  K1A 0N5

marycannon@tribunal.gc.ca

T : 613-991-2537 / Télécopieur : 613-990-9153

Mary Cannon

Deputy Registrar

Transportation Appeal Tribunal of Canada

333, Laurier Avenue West, Room 1201

Ottawa, Ontario  K1A 0N5

marycannon@tribunal.gc.ca

T : 613-991-2537 / F : 613-990-9153


Voici la pièce P mentionnée dans l’affidavit de

Joanne Rodriguez fait sous serment

(ou solennellement) devant moi à Toronto (Ontario)

en ce 19jour de décembre 2018.

 

[Signature]

Commissaire aux affidavits p.i. pour l’Ontario

Daniel Attard

Avocat

No du Barreau du Haut-Canada 35355T


 

YYZ law

DROIT DE L’AVIATION ET DES VOYAGES

[traduction]

100, rue Richmond O., bureau 330

Toronto (Ont.)  M5H 3K6

Canada

Tél. : 416-681-9500

Télécopieur : 647-343-9229

Le 24 septembre 2018

ENVOYÉ PAR COURRIEL

Mme Sylvie Fournier

Greffière

Tribunal d’appel des transports du Canada

333, avenue Laurier Ouest, bureau 1201

Ottawa (Ontario)  K1A 0N5

Madame,

Objet : Saudi Arabian Airlines c. Office des transports du Canada No de dossier du TATC 4392-80

Nous vous écrivons concernant votre lettre du 19 septembre 2018, selon laquelle le Tribunal d’appel des transports du Canada (le « TATC ») était d’avis qu’il n’était plus saisi de l’affaire susmentionnée. À la lumière du retrait par l’Office des transports du Canada (l’« OTC ») du procès-verbal à peine deux jours avant la date prévue d’audience et du point de vue de la greffière, selon lequel le TATC n’est donc pas habilité à accepter toute observation relative aux dépens qui en découlent, nous vous avisons respectueusement que nous ne souscrivons pas à cette opinion; nous dirigeons plutôt votre attention sur les affaires jointes à la présente, lesquelles décrivent des situations où le retrait d’un procès-verbal ou d’un document équivalent par un organisme de réglementation ne fait pas perdre sa compétence au TATC.

Bien entendu, si le TATC l’exige, nous serions prêts à fournir des observations formelles, y compris un mémoire concernant la question en litige, et nous ajouterions que cette décision a été rendue par le TATC, semble-t-il, sans qu’il ait obtenu les commentaires de l’une ou l’autre des parties en cause en l’espèce. Nous avions bien sûr l’intention d’envoyer une copie à l’avocate de l’OTC, et nous serions heureux de connaître la position de l’OTC à l’égard de la question de la compétence du TATC en cause. Comme le révèle la jurisprudence, les juridictions d’appel et de révision et la Cour fédérale ont constamment décidé que, dans les cas où la source de la compétence du TATC retire ou annule par la suite un procès-verbal, ce retrait ne fait pas perdre sa compétence au TATC. De fait, nous faisons valoir qu’un tel résultat est contraire à l’intérêt public et aux principes du droit administratif.

Si le TATC est d’avis qu’il ne possède plus la moindre compétence pour adjuger des dépens au titre de l’alinéa 19(1)a) de la Loi sur le Tribunal d’appel des transports du Canada, LC 2001, c 29, nous souhaitons qu’une décision formelle soit rendue, de sorte que nous puissions intenter des recours supplémentaires auxquels notre cliente pourrait avoir droit.

 

YYZ law

DROIT DE L’AVIATION ET DES VOYAGES

 


Nous attendons avec impatience votre réponse, ainsi que les directives du TATC en ce qui a trait à cette affaire.

Je vous prie d’agréer, Madame, mes salutations distinguées.

 

Ehsan T. Monfared

ETM/jr


Voici la pièce Q mentionnée dans l’affidavit de

Joanne Rodriguez fait sous serment

(ou solennellement) devant moi à Toronto (Ontario)

en ce 19jour de décembre 2018.

 

[Signature]

Commissaire aux affidavits p.i. pour l’Ontario

Daniel Attard

Avocat

 

No du Barreau du Haut-Canada 35355T


[traduction]

Le 27 septembre 2018

M. Ehsan T. Monfared

YYZ Law

100, rue Richmond Ouest, bureau 330

Toronto (Ontario) M5H 3K6

Monsieur,

OBJET : Saudi Arabian Corporation — No de dossier du TATC O-4392-80

La présente donne suite à votre correspondance du 24 septembre 2018 concernant une requête relative aux dépens dans cette affaire.

Comme il a été mentionné précédemment dans une lettre datée du 19 septembre 2018, le Tribunal n’est plus saisi de l’affaire.

Cordialement,

[Signature]

Charles Sullivan

Président p.i.

Tribunal d’appel des transports du Canada

Cc   Karine Matte, avocate

  Office des transports du Canada


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :

T-1809-18

INTITULÉ :

SAUDI ARABIAN AIRLINES CORP. c TRIBUNAL D’APPEL DES TRANSPORTS ET OFFICE DES TRANSPORTS DU CANADA

LIEU DE L’AUDIENCE :

Toronto (Ontario)

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 16 septembre 2019

DOCUMENTS ÉCRITS SUPPLÉMENTAIRES DÉPOSÉS CONFORMÉMENT AUX DIRECTIVES DU JUGE CAMPBELL EN DATE DU 16 SEPTEMBRE 2019

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT :

LE JUGE CAMPBELL

DATE DES MOTIFS :

Le 1er novembre 2019

COMPARUTIONS :

 

Ehsan Monfared

POUR LA DEMANDERESSE

Barbara Cuber

POUR LE DÉFENDEUR TRIBUNAL D’APPEL DES TRANSPORTS DU CANADA

Karine Matte

POUR LE DÉFENDEUR OFFICE DES TRANSPORTS DU CANADA

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

YYZ Law

Toronto (Ontario)

POUR LA DEMANDERESSE

Tribunal d’appel des transports du Canada

Ottawa (Ontario)

POUR LE DÉFENDEUR

TRIBUNAL D’APPEL DES TRANSPORTS DU CANADA

Office des transports du Canada Gatineau (Québec)

POUR LE DÉFENDEUR OFFICE DES TRANSPORTS DU CANADA

 



[1] Voir la pièce P, affidavit de Joanne Rodriguez, dossier de la demanderesse, p. 60 et 61.

[2] Voir la pièce Q, affidavit de Joanne Rodriguez, dossier de la demanderesse, p. 63.

[3] Premier addenda du défendeur, annexe A, onglet 2.

[4] Premier addenda du défendeur, annexe A, onglet 1. 

[5] Guardian Eagle Co. c Ministre des Transports, no de dossier du TATC H3814-80, au par. 14, premier addenda du défendeur, annexe B, onglet 2.

[6] Ibid., au par. 15.

[7] Ibid.

[8] Voir la pièce J, affidavit de Joanne Rodriguez, dossier de la demanderesse, p. 45.

[9] Voir l’affidavit de Sylvie Fournier, premier addenda du défendeur, par. 9.

[10] Newfoundland (Treasury Board) c Newfoundland and Labrador Assn. of Public and Private Employees, (2004) N.J., no 325, premier addenda du défendeur, annexe B, onglet 3.

[11] Voir la pièce A, affidavit de Sylvie Fournier, premier addenda du défendeur.

[12] Voir la pièce M, affidavit de Joanne Rodriguez, dossier de la demanderesse, p. 53.

[13] Voir la pièce B, affidavit de Sylvie Fournier, au par. 15.

[14] Voir l’affidavit de Sylvie Fournier, aux par. 16 à 18.

[15] Voir la pièce C, affidavit de Sylvie Fournier, au par. 19.

[16] Voir l’affidavit de Sylvie Fournier, aux par. 20 à 23.

[17] Voir la pièce D, affidavit de Sylvie Fournier, au par. 24.

[18] Voir l’affidavit de Sylvie Fournier, aux par. 25 à 27.

[19] Voir l’affidavit de Sylvie Fournier et les pièces B, C et D.

[20] Voir l’affidavit de Sylvie Fournier, aux par. 6, 12 et 13.

[21] Voir l’affidavit de Sylvie Fournier, aux par. 4 et 5.

[22] Voir la pièce N, affidavit de Joanne Rodriguez, dossier de la demanderesse, p. 55.

[23] Voir la pièce P, affidavit de Joanne Rodriguez, dossier de la demanderesse, p. 60 et 61.

[24] Voir le premier addenda du défendeur, annexe A, onglet 3.

[25] Newfoundland (Treasury Board) c Newfoundland and Labrador Assn. of Public and Private Employees, [2004] N.J. n325, premier addenda du défendeur, annexe B, onglet 3.

[26] Prassad c Canada (MEI),.[1989] 1 R.C.S. 560, p. 568 et 569, annexe B, onglet 4.

[27] Bertram c Canada (Procureur général), dossier de la Cour fédérale no T-468-14, annexe B, onglet 1.

[28] Sayhoun c British Columbia (Employment and Assistance Appeal Tribunal), 2016 BCCA 312, aux par. 32 à 34, annexe B, onglet 5.

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