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Date : 20050908

Dossier : IMM-88-05

Référence : 2005 CF 1224

Ottawa (Ontario), le 8 septembre 2005

EN PRÉSENCE DE MADAME LA JUGE SNIDER

ENTRE :

                                                                 JUN QING SHI

                                                                                                                                      demandeur

                                                                          - et -

                      LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉET DE L'IMMIGRATION

                                                                                                                                         défendeur

                                MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

LA JUGE SNIDER


[1]         En 2000, le demandeur, Jun Qing Shi, a présenté une demande d'immigration au Canada à titre d'investisseur appartenant à la catégorie des gens d'affaires dans le but de stablir au Québec. En octobre 2002, il a reçu un Certificat de sélection du Québec attestant qu'il avait été sélectionné par cette province pour devenir résident permanent. Sa demande d'immigration au Canada a été rejetée le 8 novembre 2004 parce que l'agent des visas Aarts (l'agent des visas) [traduction] « [ntait] pas certain de la manière dont [il avait] accumulé [son] avoir personnel net et [ntait] pas convaincu [qu'il se] conformait à la Loi [Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27 (la LIPR)] et au Règlement [Règlement sur l'immigration et la protection des réfugiés (le Règlement)] » . L'agent des visas a fait plus précisément référence aux paragraphes 11(1) et 16(1) de la LIPR. M. Shi demande le contrôle judiciaire de cette décision.

Les questions en litige

[2]         À l'audience, M. Shi n'a soulevé que les questions qui suivent parmi celles dont il traitait dans ses observations écrites :

1.       L'agent des visas avait-il la compétence requise pour rejeter la demande de M. Shi après que celui-ci eut été sélectionné à titre d'investisseur appartenant à la catégorie des gens d'affaires par le Québec, au motif qu'il ne s'était pas conformé aux paragraphes 11(1) et 16(1) de la LIPR?

2.       L'agent des visas a-t-il rejeté la demande de M. Shi sans tenir compte de la preuve?

3.       Était-il contraire à l'équité procédurale qu'un agent n'ayant pas interrogé M. Shi rende la décision définitive?


La norme de contrôle

[3] La première question, qui a trait à la compétence, est une question de droit à laquelle la norme de la décision correcte s'applique. La troisième question - celle concernant l'équité procédurale - exige que la Cour décide si l'agent des visas a respecté les principes de justice naturelle; il n'est pas nécessaire de déterminer quelle norme de contrôle s'applique. En ce qui concerne la deuxième question cependant, la décision discrétionnaire de l'agent des visas devrait faire l'objet de la plus grande retenue de la part de la Cour. Dans la décision Hua c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [2004] A.C.F. no 2106, où les faits et la décision contestée étaient très semblables à ceux de la présente affaire, le juge Teitelbaum a conclu que la norme de contrôle qui s'appliquait était celle de la décision manifestement déraisonnable. À tout le moins, la Cour ne devrait pas intervenir, sauf s'il peut être démontré que l'agent des visas a omis de tenir compte d'éléments de preuve pertinents ou s'est fondé sur des considérations inappropriées ou étrangères (Maple Lodge Farms Ltd. c. Gouvernement du Canada, [1982] 2 R.C.S. 2, aux pages 7 et 8, et To c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration), [1996] A.C.F. no 696, au paragraphe 3 (C.A.F.)).

La décision de l'agent des visas

[4] Le passage pertinent de la décision de l'agent des visas de rejeter la demande de M. Shi indique ce qui suit :

[TRADUCTION] [...] Le paragraphe 11(1) de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés de 2001 prévoit :

11(1) Ltranger doit, préalablement à son entrée au Canada, demander à l'agent des visas les visa et autres documents requis par règlement, lesquels sont délivrés sur preuve, à la suite d'un contrôle, qu'il n'est pas interdit de territoire et se conforme à la présente loi.


En outre, le paragraphe 16(1) énonce :

16(1) L'auteur d'une demande au titre de la présente loi doit répondre véridiquement aux questions qui lui sont posées lors du contrôle, donner les renseignements et tous éléments de preuve pertinents et présenter les visa et documents requis.

Afin que soit complétée ltude de votre demande, vous avez été interrogé à nos bureaux le 17 septembre 2003. À la fin de l'entrevue, les renseignements fournis à l'appui de votre demande ont été vérifiés. Par suite de ces vérifications, des questions se sont posées au sujet de la manière dont vous avez accumulé votre argent. Nous vous avons envoyé une lettre pour vous faire part de ces questions et pour vous inviter à y répondre. Ayant examiné tous les renseignements au dossier, je ne suis pas certain de la manière dont vous avez accumulé votre avoir personnel net et je ne suis pas convaincu que vous vous conformez à la Loi et au Règlement qui sont reproduites ci-dessus. En conséquence, je dois rejeter votre demande.

Première question : l'applicabilitédu paragraphe 16(1) de la LIPR

[5]         Il est reconnu que l'Accord Canada-Québec ne limite pas la compétence de l'agent des visas de mettre en question la source des fonds d'une personne qui demande la résidence permanente au Canada en vue de s'installer au Québec lorsqu'il doit déterminer l'admissibilité de cette personne (Biao c. Canada (Ministre de la Citoyennetéet de l'Immigration), [2001] A.C.F. no 338, confirmant [2000] 2 C.F. 348). Le Québec peut sélectionner des personnes qui stabliront dans la province, mais l'admissibilité est déterminée conformément à la LIPR fédérale. Les autorités provinciales et fédérales peuvent examiner la source des fonds d'un demandeur, les premières aux fins de la sélection et les deuxièmes aux fins de l'admissibilité. M. Shi ne conteste pas le mandat du gouvernement fédéral. Il soutient cependant que le paragraphe 16(1), en vertu duquel l'agent des visas dit l'avoir jugéinterdit de territoire, ne s'applique pas dans son cas. Le paragraphe 16(1) de la LIPR est libellé comme suit :

L'auteur d'une demande au titre de la présente loi doit répondre véridiquement aux questions qui lui sont posées lors du contrôle, donner les renseignements et tous éléments de preuve pertinents et présenter les visa et documents requis.

A person who makes an application must answer truthfully all questions put to them for the purpose of the examination and must produce a visa and all relevant evidence and documents that the officer reasonably requires.


[6]         M. Shi souligne que les dispositions de la LIPR traitant de l'interdiction de territoire figurent dans la « Section 4 - Interdictions de territoire » , et non à l'article 16. Les articles 34 à 41 décrivent les différentes situations où un résident permanent ou un étranger peut être interdit de territoire au Canada. Par exemple, une personne peut être interdite de territoire pour fausses déclarations (article 40) ou pour manquement à la LIPR (article 41). M. Shi soutient que l'agent des visas ne peut juger qu'il est interdit de territoire qu'en conformité avec l'une de ces dispositions.

[7]         Le principal défaut du raisonnement de M. Shi vient du fait que l'agent des visas n'a pas conclu qu'il était interdit de territoire; il a plutôt rejeté sa demande. Le paragraphe 11(1) prévoit qu'une demande de visa ou d'un autre document d'entrée peut être rejetée pour deux motifs différents : a) parce que ltranger est interdit de territoire ou b) parce qu'il ne se conforme pas à la LIPR. En l'espèce, l'agent des visas a fondé sa décision sur deux conclusions :

_     il ntait pas certain de la manière dont M. Shi avait accumulé sa fortune;

_     il ntait pas convaincu que M. Shi stait conforméaux paragraphes 11(1) et 16(1) de la LIPR.


[8]         L'agent des visas n'a pas conclu que M. Shi était interdit de territoire suivant l'une des dispositions des articles 34 à 41. S'il l'avait fait, les conséquences auraient été beaucoup plus graves que le simple rejet de la demande de résidence permanente. Par exemple, M. Shi n'aurait pas pu, suivant l'article 179 du Règlement, obtenir un visa de résident temporaire au titre de la catégorie des visiteurs, des travailleurs ou des étudiants, car un étranger doit démontrer qu'il n'est pas interdit de territoire s'il veut obtenir un tel visa (alinéa 179e) du Règlement). Même si sa demande de résidence permanente a été rejetée, M. Shi peut toujours (sous réserve d'un contrôle et d'autres critères d'admissibilité) être autorisé à venir au Canada en qualité de visiteur.

[9]         Par ailleurs, M. Shi soutient que le paragraphe 16(1) ne s'applique qu'aux personnes qui, au moment de l'entrevue, sont déjà titulaires d'un visa. Il fait remarquer que le paragraphe 16(1) précise que le demandeur « doit présenter [le] visa » . Il prétend que, comme il n'est pas titulaire d'un visa, le paragraphe 16(1) ne peut s'appliquer à lui.

[10]       Le libellé de la phrase complète en question dans le texte anglais de la LIPR est le suivant : « A person who makes an application [...] must produce a visa and all relevant evidence and documents that the officer reasonably requires. » ( « L'auteur d'une demande [...] doit [...] présenter les visa et documents requis » en français.) M. Shi me demande d'interpréter les mots « that the officer reasonably requires » comme s'ils s'appliquaient uniquement aux « documents » , de manière à limiter l'application du paragraphe 16(1) aux contrôles visant des personnes qui sont déjàtitulaires d'un visa. De cette façon, le paragraphe 16(1) ne s'appliquerait qu'aux personnes faisant l'objet d'un contrôle à un point d'entrée puisque que seules ces personnes détiendraient déjà un visa. Cette interprétation très restrictive ne serait pas compatible avec la section 2 de la LIPR, laquelle ne s'applique pas qucertains types de contrôle. En effet, le paragraphe 15(1) permet àun agent de procéder à un contrôle « dans le cadre de toute demande qui lui est faite au titre de la présente loi » .


[11]       De plus, il découle de l'interprétation proposée par M. Shi que la LIPR n'oblige pas les personnes qui demandent la résidence permanente à répondre véridiquement aux questions qui leur sont posées et à présenter les documents requis. Si le paragraphe 16(1) ne s'applique pas à M. Shi, quelle disposition s'applique alors?

[12]       L'autre interprétation possible consiste à considérer que les mots « that the officer reasonably requires » s'appliquent à la fois à « a visa » et à « all evidence and other documents » . Selon cette interprétation, un demandeur est tenu de présenter toutes les pièces « that the officer reasonably requires » , que ce soit un visa, des éléments de preuve ou d'autres documents. Comme il ne serait pas raisonnable qu'un agent demande un visa à une personne qui n'en a pas encore obtenu un, M. Shi n'est pas tenu de présenter un visa.

[13]       Le texte français de la disposition est conforme à cette interprétation plus raisonnable : « L'auteur d'une demande [...] doit [...] présenter les visa et documents requis. » L'emploi de l'adjectif « requis » et de l'article défini « les » devant « visa et documents » indique clairement qu'un visa ne doit être présenté que s'il est requis par l'agent. Logiquement, un visa ne sera pas demandé ou requis s'il n'existe pas.

[14]       Ainsi, le paragraphe 16(1) s'applique à tous les demandeurs qui font l'objet d'un contrôle et non pas uniquement à ceux qui sont déjà titulaires d'un visa.


[15]       En conclusion, je suis convaincue que, en rejetant la demande de résidence permanente de M. Shi, l'agent n'a pas conclu que ce dernier était interdit de territoire au sens des articles 32 à 43 de la LIPR, ni qu'il devait tirer une telle conclusion. Je suis convaincue également que le paragraphe 16(1) s'appliquait à M. Shi même si ce dernier ntait pas déjà titulaire d'un visa. L'agent des visas a appliqué correctement les paragraphes 11(1) et 16(1) de la LIPR.

Deuxième question : la décision était-elle manifestement déraisonnable?

[16]       Je dois mentionner d'abord que c'est sur M. Shi que repose le fardeau de la preuve à cet égard. En effet, il appartient au demandeur de convaincre l'agent qu'il se conforme à la LIPR. En ce qui concerne la catégorie des gens d'affaires investisseurs, il est important et logique que le demandeur démontre comment il a accumulé les fonds qu'il invoque au soutien de sa demande. S'il ne présente pas une preuve convaincante à cet égard, sa demande sera rejetée. Comme le juge Blais l'a écrit dans la décision Martirossian c. Canada (Ministre de la Citoyennetéet de l'Immigration), [2001] A.C.F. no 1538, au paragraphe 35 :

L'agent des visas n'a jamais fait croire que le demandeur était impliqué dans des activités illégales. Mais, pour pouvoir éliminer cette possibilité, elle désirait que le demandeur fasse preuve de toute absence d'activité illicite. Voici pourquoi l'origine des fonds du demandeur était un élément extrêmement pertinent eu égard à son admissibilité, laquelle relevait de la compétence de l'agent des visas. En effet, sans accuser le demandeur de quoi que ce soit, il est raisonnable de croire, en absence de preuve contraire, que les importantes sommes acquises par le demandeur pourraient provenir d'activités illégales visées par l'article 19 de la Loi tel que, par exemple, le blanchiment d'argent, la fraude, le crime organisé ou des transactions sur le marché noir.

[17]       L'agent des visas a conclu que M. Shi ne l'avait pas convaincu : a) de la manière dont il avait accumulé son actif personnel net et b) du fait qu'il stait conforméà la LIPR. Compte tenu de la grande retenue dont il faut faire preuve à lgard de la décision de l'agent des visas, il faut se demander si ce dernier disposait dléments de preuve lui permettant de tirer une telle conclusion.


[18]       Des doutes concernant la légalité de la source ou de l'accumulation des fonds sont apparus dès le début de ltude du dossier. Les notes inscrites dans le Système de traitement informatisédes dossiers d'immigration (le STIDI) font ressortir un certain nombre de problèmes :

_     la preuve présentée pour expliquer comment M. Shi a accumulé 3 millions RMB entre 1982 et 1990, comme il l'a dit, et 9,8 millions RMB entre 1990 et 1997 était très mince;

_     les immobilisations de l'une des sociétés semblaient être considérables compte tenu de la taille de celle-ci, ce qui pouvait indiquer des activités illégales;

_     les profits de l'une des société ont augmentéde 300 p. 100 entre 1997 et 1998, ce qui était inhabituel, quoique possible;

_     l'agent des visas ne disposait pas de documents expliquant les dividendes annuels reçus des sociétés et la façon dont ils avaient été produits.


[19]       Après l'avoir rencontré en septembre 2003, l'agent des visas a demandé la vérification des documents présentés par M. Shi relativement à ses affaires et à ses études. Le dossier a été transféré à l'unité antifraude afin que la qualité des renseignements et des documents soit vérifiée. Cette unité a fait savoir que deux des certificats d'imposition ntaient pas authentiques. En particulier, le bureau ayant délivré l'un des certificats d'imposition a confirmé que le document était faux et que le montant du paiement d'impôt qui y figurait pour l'année 2000 ne correspondait pas à celui indiqué dans ses dossiers. Il semble que le montant d'impôt que M. Shi prétend avoir payé pour cette année-là était 10 fois plus élevé que le montant réellement payé.

[20]       Dans une lettre dquité datée du 5 octobre 2004, l'agent des visas a fait savoir à M. Shi que l'un des certificats était faux et lui a donné 30 jours pour répondre. Le passage pertinent de la lettre est libellé comme suit :

[TRADUCTION] Après avoir étudié votre demande de résidence permanente au Canada, nos bureaux ont fait des appels téléphoniques afin de vérifier les documents fiscaux que vous avez présentés à l'appui de celle-ci. La vérification a révélé des contradictions importantes dans les renseignements accompagnant votre demande qui jettent des doutes sur la manière dont vous auriez accumulé votre avoir personnel net.

Nos bureaux ont découvert plus précisément que le document fiscal que vous prétendez avoir été délivré par la direction de l'assistance du bureau fiscal local de Shenyang est frauduleux [...]

La vérification semble indiquer que vous avez présenté un faux document, ce qui peut entraîner le rejet de votre demande.

[21]       En réponse àcette lettre, M. Shi a nié que le certificat ntait pas authentique et a produit des photocopies de reçus d'impôt dont le montant total correspondait à l'impôt payé en 2000 figurant sur le certificat en question.

[22]       M. Shi soutient essentiellement que ces documents réfutent de manière satisfaisante l'allégation selon laquelle le certificat était faux. Àmon avis cependant, cette prétention ne tient pas compte du degré de retenue qui doit être démontré à lgard de la décision de l'agent des visas, lequel avait l'obligation et la responsabilité de soupeser tous les éléments de preuve qui lui avaient été présentés.


[23]       Il ne suffit pas, pour faire montre d'une grande retenue à lgard de la décision de l'agent des visas, de démontrer que celui-ci aurait pu en arriver à une conclusion différente compte tenu de la preuve dont il disposait. En fait, M. Shi doit, pour prouver qu'une erreur a été commise, démontrer que l'agent ne disposait d'aucun élément de preuve lui permettant de tirer la conclusion en question. En l'espèce, l'agent a conclu que M. Shi avait fourni de faux renseignements relativement au montant de l'impôt qu'il avait payé. De quels éléments de preuve disposait-il?

[24]       En premier lieu, il y avait le certificat d'imposition qui, selon un tiers indépendant n'ayant aucun intérêt dans l'issue de l'affaire, était faux. Deux problèmes se posaient relativement au certificat : (i) il s'agissait d'un faux document qui n'avait pas été délivré par le bureau fiscal et (ii) le montant d'impôt qui y était indiqué pour 2000 était beaucoup plus élevé que celui consigné par le bureau fiscal. Même s'il prétend maintenant que l'unité antifraude peut avoir commis une erreur, M. Shi n'a pas essayéd'obtenir du bureau fiscal une preuve réfutant la conclusion de l'unité antifraude ou de soumettre le document à un autre tiers pour en confirmer l'authenticité. Si M. Shi avait le sentiment que le bureau fiscal avait commis une erreur, il aurait été judicieux qu'il communique avec lui immédiatement pour corriger la situation. Or, il ne l'a pas fait, malgré le délai de 30 jours dont il disposait à cette fin.


[25]       En deuxième lieu, les documents que M. Shi a produits en réponse étaient des photocopies de reçus d'impôt qui, au total, correspondaient au moment indiqué par lui. Aucun document original n'a été produit. Même si le total de ces reçus correspondait au montant de l'impôt que M. Shi dit avoir payé, cela ne changeait rien au fait que le certificat lui-même était frauduleux. M. Shi n'a pas répondu à l'allégation selon laquelle le certificat lui-même était faux et il s'est contenté de produire des photocopies non corroborées pour expliquer la différence concernant le montant de l'impôt payé pour l'année d'imposition 2000.

[26]       M. Shi prétend que, comme le certificat d'imposition a été transmis àl'unité antifraude, l'agent des visas n'aurait pas dû rejeter les photocopies des reçus d'impôt sans les envoyer également à l'unitéantifraude. Je vois pas pourquoi l'agent des visas aurait dû agir de cette façon. C'est à M. Shi qu'il appartient de fournir des éléments de preuve dignes de foi. Sachant que l'agent avait des doutes au sujet de l'authenticité de ses documents, M. Shi aurait dûproduire des éléments de preuve convaincants. Les photocopies n'ont tout simplement pas convaincu l'agent et il n'appartenait pas à ce dernier d'effectuer d'autres vérifications.

[27]       Rien n'indique non plus que l'agent des visas avait conclu de façon certaine que le certificat était frauduleux avant d'entendre les prétentions de M. Shi, contrairement à ce que ce dernier prétend.


[28]       Il ne faut aucun doute que l'agent des visas a accordé une grande importance au certificat d'imposition frauduleux lorsqu'il a rendu sa décision. M. Shi soutient qu'il était déraisonnable que l'agent rejette sa demande uniquement à cause du certificat d'imposition qui, selon lui, n'indique rien au sujet de la manière dont il a accumulé sa fortune. Il prétend que l'agent a omis de tenir compte d'autres éléments de preuve, notamment un rapport dvaluation du rendement des entreprises préparé par un tiers indépendant. Je ne suis pas d'accord avec lui. Rien n'indique que l'agent des visas n'a pas tenu compte de tous les éléments de preuve. C'est à lui seul qu'il appartient de soupeser les différents éléments de preuve. En outre, M. Shi était bien au courant de l'importance attachée au certificat d'imposition. Dans la lettre dquité du 4 octobre 2004, l'agent des visas lui indiquait clairement qu'il avait des doutes au sujet de la manière dont M. Shi avait accumulé ses fonds, étant donné le certificat d'imposition frauduleux. De plus, il me semble que le fait qu'un certificat d'imposition soit frauduleux était pertinent au regard de la question dont l'agent était saisi à la fois parce que l'authenticitéde ce certificat n'avait pas été démontrée et que celui-ci indiquait un montant d'impôt payébeaucoup plus élevé que celui qui pouvait être confirméde façon irréfutable.

[29]       En résumé, l'agent a examinéles document additionnels produits par le demandeur sur cette question et les a soupesés avec les autres éléments de preuve dont il disposait. Je suis convaincue que la conclusion de l'agent des visas était fondée sur la preuve et que celui-ci n'a pas omis de tenir compte dléments de preuve pertinents ou ne s'est pas fondésur des considérations inappropriées ou étrangères. Aucune erreur n'a été commise.

Troisième question : lquitéprocédurale

[30]       M. Shi allègue qu'il y a eu manquement à lquité procédurale, mais il n'explique pas, dans ses observations, comment le transfert de son dossier d'un agent des visas à un autre après l'entrevue pourrait être contraire à lquité procédurale en l'espèce. Il ressort de l'examen du dossier que, bien qu'un autre agent ait commencé ltude de la demande, l'agent des visas Aarts a examinétous les documents contenus dans le dossier, les notes versées dans le STIDI et toutes les autres questions relatives à la présente affaire. Par conséquent, je ne constate aucun manquement à lquité procédurale et il n'est pas nécessaire d'en dire plus à ce sujet.


Conclusion

[31]       Pour les motifs qui précèdent, la demande sera rejetée.

Les questions proposées à des fins de certification

[32]       M. Shi propose les questions suivantes à des fins de certification :

1.          Le paragraphe 16(1) de la LIPR s'applique-t-il à un demandeur investisseur sélectionnépar le Québec ou à tout demandeur qui, de ltranger, demande un visa pour venir au Canada?

2.                      L'incapacitéde prouver la source des fonds emporte-t-elle en soi interdiction de territoire sous le régime de la LIPR même si la criminalité n'est pas en cause? Dans l'affirmative, ce motif d'interdiction de territoire s'applique-t-il à toutes les catégories de demandeurs et non seulement aux investisseurs sélectionnés par le Québec?

3.                      Un agent des visas fédéral a-t-il compétence pour refuser un demandeur investisseur sélectionnépar le Québec au motif qu'il ne s'est pas conformé à la LIPR et non parce qu'on a conclu qu'il était interdit de territoire en vertu des articles 32 à 43 de la LIPR?


[33]       À mon avis, la deuxième question n'est pas déterminante en l'espèce. Par contre, les première et troisième questions, une fois modifiées pour tenir compte des présents motifs, sont déterminantes et s'appliqueraient à tous les demandeurs investisseurs. Par conséquent, je certifierai les deux questions suivantes :

a)                    Le paragraphe 16(1) de la LIPR s'applique-t-il à une personne qui demande un visa pour venir au Canada?

b)                      Un agent des visas a-t-il compétence pour refuser un demandeur investisseur au motif qu'il ne s'est pas conformé à la LIPR et non parce qu'on a conclu qu'il était interdit de territoire en vertu des articles 32 à 43 de la LIPR?

                                                    ORDONNANCE

LA COUR ORDONNE :

1. la demande est rejetée;

2. les questions suivantes sont certifiées :

a)          Le paragraphe 16(1) de la LIPR s'applique-t-il à une personne qui demande un visa pour venir au Canada?


b)          Un agent des visas a-t-il compétence pour refuser un demandeur investisseur au motif qu'il ne s'est pas conformé à la LIPR et non parce qu'on a conclu qu'il était interdit de territoire en vertu des articles 32 à 43 de la LIPR?

                                                                                                                              « Judith A. Snider »                    

                                                                                                                                                     Juge                                

Traduction certifiée conforme

Christian Laroche, LL.B.


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                                            IMM-88-05

INTITULÉ:                                                             JUN QING SHI

c.

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L'IMMIGRATION

LIEU DE L'AUDIENCE :                                     VANCOUVER (COLOMBIE-BRITANNIQUE)

DATE DE L'AUDIENCE :                                   LE 12 AOÛT 2005

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

ET ORDONNANCE :                                           LA JUGE SNIDER

DATE DES MOTIFS :                                          LE 8 SEPTEMBRE 2005

COMPARUTIONS:

Lawrence Wong                                                     POUR LE DEMANDEUR

Helen Park                                                              POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER:

Wong Pederson Law Offices                                   POUR LE DEMANDEUR

Vancouver (C.-B.)

John H. Sims, c.r.                                                   POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada

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