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Date : 20050421

Dossier : IMM-4018-04

Référence : 2005 CF 550

Ottawa (Ontario), le 21 avril 2005

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE HARRINGTON

ENTRE :

GEOFFREY MUCHIRI

demandeur

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉET DE L'IMMIGRATION

défendeur

MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

[1]                M. Muchiri est arrivé au Canada en août 2002 en provenance du Kenya et a rapidement présenté une demande d'asile. Il craint d'être persécuté par la police du Kenya du fait de ses opinions politiques et de son travail en tant qu'activiste revendiquant le respect les droits de la personne et le changement de la constitution.


[2]                Il faisait partie de plusieurs organismes non gouvernementaux, principalement à titre d'expert en théâtre. Il organisait des pièces de théâtre, surtout dans la partie centrale du Kenya, dans le but de sensibiliser la population à la démocratie et de la mobiliser contre le régime répressif dans lequel elle vivait à l'époque.

[3]                Il a témoigné à plusieurs reprises sur ce qu'il disait être de la persécution. Il avait été détenu et interrogé, puis battu si sévèrement qu'il en a eu les deux jambes fracturées. Il a été libéré afin de pouvoir bénéficier de soins médicaux.

[4]                La pierre angulaire de sa demande concerne son projet de venir au Canada pour un congrès. On est entré chez lui par effraction et plusieurs documents, y compris ses documents de voyage, ont été volés. Peu de temps après, la police locale l'a interrogé au sujet de son voyage, ce qui l'a mené à conclure que si les policiers n'avaient pas commis le vol, ils étaient au moins complices. Les policiers lui ont ordonné de leur remettre son passeport. Ne voulant pas s'exécuter, il a prétendu que son passeport était à Nairobi. Il s'est alors enfui à Nairobi et a quitté le pays peu de temps après.

DÉCISION CONTESTÉE


[5]                Deux aspects de cette histoire ont perturbé le commissaire à un point tel qu'il a conclu que M. Muchiri n'était pas crédible. Comme l'introduction par effraction dans sa maison était un élément important de la plainte, et que l'événement s'est produit tout juste avant son arrivée au Canada, M. Muchiri aurait dû savoir à quel moment s'est produit le crime, soit à la fin juillet ou au mois d'août. De plus, on a relevé des incohérences quant au mensonge raconté à la police. À un moment, il a déclaré que son passeport était à Nairobi en vue de son renouvellement par les autorités kenyanes, puis à un autre moment il a affirmé que c'était pour obtenir un visa canadien. Le commissaire a compris pourquoi il avait menti à la police, mais n'a pas compris pourquoi M. Muchiri n'a pas pu mettre les choses au clair en ce qui concerne ses mensonges.

[6]                Le Comité a décelé plusieurs contradictions entre le Formulaire de renseignements personnels ( « FRP » ) de M. Muchiri et son témoignage lors de l'audience.

[7]                La Commission a aussi commenté l'absence de preuve médicale pour corroborer les blessures infligées à M. Muchiri. Ce dernier a prétendu avoir demandé à son père d'obtenir les rapports médicaux, mais il aurait fallu verser un pot-de-vin, ce qui allait à l'encontre des principes de M. Muchiri. Bien que l'observation de la Commission, à savoir qu'il aurait dû verser le pot-de-vin, soit sujette à caution, je ne considère pas ce commentaire comme étant essentiel à la décision rendue. Quoi qu'il en soit, le rapport n'aurait pas prouvé l'implication de la police.

[8]                La Commission avait une deuxième raison distincte de rejeter la demande. Elle mentionne que même si elle acceptait la preuve de M. Muchiri, des élections libres et un changement de gouvernement ont eu lieu depuis son arrivée au Canada.

ANALYSE


[9]                Bien que l'analyse du Comité doive porter sur les événements passés, elle est également de nature prospective. La question n'est pas simplement de déterminer si un réfugié putatif a été persécuté, mais plutôt de déterminer s'il existe une crainte fondée qui justifierait sa réticence à retourner dans son pays (Adjei c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration), [1989] 2 C.F. 680, C.A.F.).

[10]            Il n'y avait rien de déraisonnable dans l'analyse de la situation au Kenya par la Commission au moment de l'audience.

[11]            Par conséquent, à vrai dire, il n'est pas nécessaire de revoir les questions de crédibilité. J'aimerais ajouter, cependant, qu'il n'y avait rien de manifestement déraisonnable dans la conclusion de la Commission. Le traitement réservé à M. Muchiri par la police (la Commission n'a pas cru que les policiers lui avaient cassé les jambes), ou par d'autres représentants du gouvernement, relève du domaine de l'intimidation plutôt que de la persécution. Une performance théâtrale a été annulée, mais selon des articles de journaux, il y a eu annulation parce que l'administrateur du district, ivre, exigeait un pot-de-vin. Cela ne correspond pas à l'un des motifs prévus dans la Convention des Nations unies pour la présentation d'une demande d'asile.


[12]            M. Muchiri a fait valoir que le dossier était imparfait, du fait que la transcription de l'audition indiquait que les questions et les réponses étaient souvent inaudibles. Il est vrai que l'on pourrait contester les conclusions touchant la crédibilité étant donné que le demandeur jure catégoriquement ne pas voir dit ce que la Commission prétend qu'il a affirmé. (A.J.M. c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2005 C.F. 98, et Tang c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [2000] A.C.F. no 979 (QL)). Cependant, en l'espèce, M. Muchiri ne conteste pas spécifiquement la preuve. Il soulève plutôt l'absence de transcription complète empêchant la Cour d'examiner le dossier afin de déterminer si la conclusion est manifestement déraisonnable. Étant donné que la justice naturelle ne requiert pas de transcription, le fardeau de la preuve incombe à M. Muchiri en tant que demandeur, et il doit en faire davantage (Syndicat canadien de la fonction publique, section locale 301 c. Montréal (Ville), [1997] 1 R.C.S. 793). En l'absence de déclarations positives et spécifiques permettant de discerner des conclusions erronées, la Cour n'est pas en position de décider que la justice requiert une nouvelle audience.

ORDONNANCE

La demande de contrôle judiciaire est rejetée. Il n'y a pas de question à certifier.

« Sean Harrington »                      

                              Juge                                      

Traduction certifiée conforme

Christiane Bélanger, LL.L.


COUR FÉDÉRALE DU CANADA

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                        IMM-4018-04

INTITULÉ :                                        GEOFFREY MUCHIRI

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

LIEU DE L'AUDIENCE :                 TORONTO (ONTARIO)

DATE DE L'AUDIENCE :               LE 11 AVRIL 2005

MOTIFS DE L'ORDONNANCE : MONSIEUR LE JUGE HARRINGTON

ET ORDONNANCE:

DATE :                                                LE 21 AVRIL 2005

COMPARUTIONS :

Waikwa Wanyoike                                         POUR LE DEMANDEUR

Michael Butterfield                                         POUR L'INTIMÉ

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Waikwa Wanyoike                                         POUR LE DEMANDEUR

Toronto (Ontario)

John H. Sims, c.r.                                           POUR L'INTIMÉ

Sous-procureur général du Canada


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