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Date : 19980430


Dossier : IMM-2138-97

ENTRE :

    

     DALISAY PLANDANO LAZARO,

     demanderesse,

     - et -

     LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION,

     défendeur.

     MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE ROTHSTEIN

[1]      Il s'agit en l'espèce du contrôle judiciaire de la décision d'un arbitre de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié affirmant que selon les alinéas 19(1)c.1)i), 19(2)a.1)i) et 27(2)g) de la Loi sur l'immigration, L.R.C. (1985), ch. I-2, modifiée, la demanderesse appartient à une catégorie non admissible.1 Plus précisément, l'arbitre a estimé que la demanderesse :

     a)      correspond à la description donné à l'alinéa 19(1)c.1)i) étant donné que les infractions qu'elle a commises à Hong Kong constitueraient, si elles étaient commises au Canada, les infractions réprimées respectivement par les articles 366 et 368 du Code criminel du Canada, L.R.C. (1985), ch. C-46, c'est-à-dire le faux et l'emploi en connaissance de cause d'un document contrefait;
     b)      correspond à la description figurant à l'alinéa 19(2)a.1)i) étant donné que les infractions qu'elle a commises à Hong Kong constitueraient, si elles étaient commises au Canada, l'infraction prévue à l'alinéa 94(1)h) de la Loi sur l'immigration, c'est-à-dire le fait d'avoir délibérément fait une déclaration fausse ou trompeuse dans le cadre de sa demande d'admission;
     c)      est demeurée au Canada par suite d'une fausse indication sur un fait important, en l'occurrence le fait de ne pas avoir révélé les infractions qu'elle avait commises à Hong Kong et ce, contrairement à l'alinéa 27(2)g) de la Loi sur l'immigration.

[2]      La demanderesse, citoyenne des Philippines, a déposé une demande d'immigration à Hong Kong, produisant pour ce faire un passeport philippin dont elle savait qu'il contenait des renseignements inexacts sur son âge. Si le passeport avait indiqué son âge réel, elle n'aurait pas pu à immigrer à Hong Kong. Le 29 juin 1988, à Hong Kong, elle a été déclarée coupable de :

     a)      fausse déclaration à un agent d'immigration dans l'exercice des fonctions qui lui incombent en vertu de la partie II du règlement d'immigration; et
     b)      avoir fourni des détails inexacts à un agent d'enregistrement.


FAUX ET INFRACTIONS SIMILAIRES

[3]      Les articles 366 et 368 du Code criminel prévoient notamment :

                 366. (1) Commet un faux quiconque fait un faux document le sachant faux, avec l'intention, selon le cas :                 
                      a) qu'il soit employé ou qu'on y donne suite, de quelque façon, comme authentique, au préjudice de quelqu'un, soit au Canada, soit à l'étranger;                 
                      b) d'engager quelqu'un, en lui faisant croire que ce document est authentique, à faire ou à s'abstenir de faire quelque chose, soit au Canada, soit à l'étranger .                 
                      (2) Faire un faux document comprend :                 
                                 
                      a) l'altération, en quelque partie essentielle, d'un document authentique;                 
                                 
                      b) une addition essentielle à un document authentique, ou l'addition, à un tel document, d'une fausse date, attestation, sceau ou autre chose essentielle;                 
                                 
                      c) une altération essentielle dans un document authentique, soit par rature, oblitération ou enlèvement, soit autrement.                 
                 . . .                 
                                 
                 368. (1) Quiconque, sachant qu'un document est contrefait, selon le cas :                 
                      a) s'en sert, le traite, ou agit à son égard,                 
                      b) fait, ou tente de faire, accomplir l'un des actes visés à l'alinéa a),                 
                 comme si le document était authentique, est coupable :                 
                      c) soit d'un acte criminel et passible d'un emprisonnement maximal de dix ans;                 
                      d) soit d'une infraction punissable sur déclaration de culpabilité par procédure sommaire.                 
                 . . .                 

[4]      En ce qui concerne la demande d'immigration à Hong Kong déposée par la demanderesse, l'arbitre n'a aucune preuve que la demanderesse aurait fait un document puisque le passeport en question est un document qui a été fait par le gouvernement des Philippines. D'après le dossier, les infractions commises à Hong Kong ne comprennent aucunement la confection d'un faux document. L'avocat du défendeur a demandé à la Cour de lui accorder un délai pour voir s'il n'y aurait pas un précédent selon lequel le fait d'utiliser un document en sachant qu'il contient des renseignements faux pourrait constituer une sorte de " confection par induction " de ce document et, par conséquent, un faux. Il a fait savoir à la Cour qu'il n'en avait pas trouvé. De plus, le passeport de la demanderesse, contrairement à ce qu'en avait conclu l'arbitre, ne comprenait aucune " altération, en quelque partie essentielle, une fausse date de naissance ayant été ajoutée à un document authentique ". Selon la preuve dont disposait l'arbitre, le document n'avait pas été confectionné par la demanderesse, n'avait reçu aucune " altération " ou " addition " et, par conséquent, les motifs l'ayant porté à conclure que le passeport philippin était " un faux " ne sont pas fondés. C'est à tort que l'arbitre a décidé que les infractions commises par la demanderesse à Hong Kong sont constitutives au Canada des infractions de faux ou d'emploi en connaissance de cause d'un document contrefait.



FAUSSES DÉCLARATIONS

[5]      L'arbitre a ensuite estimé qu'à Hong Kong la demanderesse avait également commis des infractions analogues à l'infraction prévue à l'alinéa 94(1)h) de la Loi sur l'immigration, selon lequel :

                 94. (1) Commet une infraction quiconque :                 
                 . . .                 
                      h) fait délibérément une déclaration fausse ou trompeuse au cours de l'interrogatoire, de l'enquête ou de l'audience prévus à la présente loi, ou dans le cadre de l'admission ou de la demande d'admission d'une personne;                 

L'arbitre a également conclu que la demanderesse s'était, contrairement à l'alinéa 27(2)g) de la Loi sur l'immigration, rendue coupable d'une fausse indication sur un fait important.

[6]      Ayant conclu que la demanderesse correspondait aux descriptions données aux alinéas 94(1)h) et 27(2)g), l'arbitre a noté qu'il était tenu de prendre soit une mesure d'expulsion, soit une mesure d'interdiction de séjour. Mais, ayant conclu aux infractions de faux les plus graves, il a estimé n'avoir aucun pouvoir d'appréciation sur ce point et être tenu de prendre une mesure d'expulsion, ce qu'il a effectivement fait. Évidemment, étant donné l'erreur qu'il a commise en concluant au faux, c'est également à tort qu'il a estimé n'avoir aucun pouvoir d'appréciation quant à la question de savoir s'il devait prendre une mesure d'interdiction de séjour ou une mesure d'expulsion.

CONCLUSION

[7]      Pour ces motifs, la demande de contrôle judiciaire est accueillie et l'affaire est renvoyée pour nouvelle décision devant un autre arbitre. À l'intention du nouvel arbitre et des parties en l'espèce, j'inclus les instructions suivantes :

a)      S'agissant de comparer, avec des infractions canadiennes, les infractions commises par la demanderesse à Hong Kong, l'arbitre devrait autant que possible disposer d'un exemplaire des lois de Hong Kong qui s'appliquent à l'affaire afin de pouvoir comparer leur libellé à celui des textes canadiens pertinents. Cela n'est aucunement obligatoire (voir Li c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [1997] 1 C.F. 235 (C.A.) aux pp. 248-49), mais c'est souhaitable car cela donne à la comparaison nécessaire une plus grande certitude. Par exemple, selon l'alinéa 94(1)h), la fausse déclaration doit être faite " délibérément ". Les pièces du dossier décrivant les condamnations qui ont frappé la demanderesse à Hong Kong ne citent nullement le mot " délibérément " et ne permettent pas de savoir si le règlement de Hong Kong pertinent en l'espèce l'utilise lui-même. Il n'appartient pas à la Cour de faire des hypothèses quant au libellé de la loi de Hong Kong ou à la signification qu'il y aurait lieu d'attribuer à telle ou telle différence entre la loi de Hong Kong et la loi canadienne. Mais, si le fait d'agir délibérément n'est pas un élément constitutif des infractions prévues par les lois de Hong Kong, toute comparaison avec l'alinéa 94(1)h ) qui, lui, exige la connaissance expresse, ne peut être que ténu.
b)      En ce qui concerne les présumés fausses indications reprochées à la demanderesse au titre de l'alinéa 27(2)g) de la Loi sur l'immigration, il y a lieu pour l'arbitre de prendre en compte la Hong Kong Rehabilitation of Offenders ordinance ainsi que les raisons citées par la demanderesse pour ne pas avoir fait état, dans sa demande de résidence permanente au Canada, des infractions qu'elle avait commises à Hong Kong. La Hong Kong Rehabilitation of Offenders ordinance n'a pas pour effet d'effacer, aux fins des règles qui régissent l'immigration au Canada, les condamnations subies à Hong Kong par la demanderesse (voir Lui c. Le ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration (1997), 134 F.T.R. 308 au par. 11), mais l'arbitre précédent avait trouvé plausibles les raisons citées par la demanderesse pour expliquer pourquoi elle n'avait pas révélé les condamnations dont elle avait fait l'objet à Hong Kong et la ordinance de Hong Kong fournit au moins à la demanderesse un motif soutenable pour avoir agi ainsi. L'arbitre devrait en outre chercher à préciser si la fausse indication prévue à l'alinéa 27(2)g) doit,

     elle aussi, avoir été délibérée et si, au cas où il en serait effectivement ainsi, cela comporte des conséquences en l'espèce.

    

     " Marshall E. Rothstein "

     J U G E

CALGARY (ALBERTA)

LE 30 AVRIL 1988

Traduction certifiée conforme :

Christiane Delon, LL.L.

     COUR FÉDÉRALE DU CANADA

     SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE


Date : 19980430


Dossier : IMM-2138-97

ENTRE :

    

     DALISAY PLANDANO LAZARO,

     demanderesse,

     - et -

    

     LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

     ET DE L'IMMIGRATION,

     défendeur.

     MOTIFS DE L'ORDONNANCE

     COUR FÉDÉRALE DU CANADA

     SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

     AVOCATS ET PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER

No DU GREFFE :      IMM-2138-97

INTITULÉ DE LA CAUSE :      DALISAY PLANDANO LAZARO

     c. LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET

     ET DE L'IMMIGRATION

LIEU DE L'AUDIENCE :      TORONTO (ONTARIO)

DATE DE L'AUDIENCE :      Le 3 avril 1998

MOTIFS DE L'ORDONNANCE :      LE JUGE ROTHSTEIN

DATE :      LE 30 AVRIL 1998

ONT COMPARU :

Me Sil Salvaterra      pour la demanderesse

Me Brian Frimeth      pour le défendeur

PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER :

Community & Legal Aid Services Program

North York (Ontario)      pour la demanderesse

G. Thomson

Sous-procureur général du Canada

Ottawa (Ontario)      pour le défendeur

__________________

     1      19. (1) Les personnes suivantes appartiennent à une catégorie non admissible :
     . . .      (c.1) celles dont il y a des motifs raisonnables de croire qu'elles ont, à l'étranger
         (i) soit été déclarées coupables d'une infraction qui, si elle était commise au Canada, constituerait une infraction qui pourrait être punissable, aux termes d'une loi fédérale, d'un emprisonnement maximal égal ou supérieur à dix ans,      . . .      19. (2) Appartiennent à une catégorie non admissible les immigrants et, sous réserve du paragraphe (3), les visiteurs qui :
     (a.1) sont des personnes dont il y a des motifs raisonnables de croire qu'elles ont, à l'étranger
         (i) soit été déclarées coupables d'une infraction qui, si elle était commise au Canada, constituerait une infraction qui pourrait être punissable, aux termes d'une loi fédérale, par mise en accusation, d'un emprisonnement maximal de moins de dix ans,
     27. (2) L'agent d'immigration ou l'agent de la paix doit, sauf si la personne en cause a été arrêtée en vertu du paragraphe 103(2), faire un rapport écrit et circonstancié au sous-ministre de renseignements concernant une personne se trouvant au Canada autrement qu'à titre de citoyen canadien ou de résident permanent et indiquant que celle-ci, selon le cas :. . .      g) est entrée au Canada ou y demeure soit sur la foi d'un passeport, visa " ou autre document relatif à son admission " faux ou obtenu irrégulièrement, soit par des moyens frauduleux ou irréguliers ou encore par suite d'une fausse indication sur un fait important, même si ces moyens ou déclarations sont le fait d'un tiers,

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