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     Date: 19990607

     Dossier: T-34-99

Entre:

     GABRIEL AZOUZ

     Demandeur

     ET

     LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

     Défendeur

     MOTIFS DE L'ORDONNANCE

ME RICHARD MORNEAU, PROTONOTAIRE:


[1]      La Cour est requise de trancher en vertu de la règle 318 des Règles de la Cour fédérale (1998) (les règles) l'objection du défendeur à la transmission au demandeur de documents que ce dernier recherche dans le cadre de sa demande de contrôle judiciaire logée à l'encontre de la légalité d'une demande de renseignements que le ministre du Revenu national a fait parvenir aux autorités fiscales américaines (le IRS).


[2]      Les documents recherchés par le demandeur en vertu de la règle 317 sont les suivants:

                 a)      Copy of the Revenue Canada request for information;                 
                 b)      Copies of the documents sent by Revenue Canada, Laval Tax Service, to the Deputy-Minister of National Revenue to prepare the request for information;                 
                 c)      Copies of all T134 forms prepared by Mr. Marcel Depairon, Alain Tessier, Mario Caron and any other Revenue Canada agent or employee, to refer the present case to Special Investigations;                 
                 d)      Copies of all T134 forms returned to the above Revenue Canada agents or employees by Special Investigations;                 
                 e)      Copies of all other documents that were exchanged between the Audit section and the Special Investigations section of Revenue Canada, Laval Tax Service;                 
                 f)      Copy of the document that was prepared by Special Investigations when it decided to launch a "full-scale investigation";                 
                 g)      Copies of the notes prepared by Mr. Marcel Depairon when he contacted the Canadian Embassy in Saudi Arabia to inquire about the affairs of the Applicant in Canada;                 
                 h)      Copies of the notes and documents prepared and gathered by Mr. Jean Salvo of Revenue Canada, Laval Tax Service, on or before November 21, 1997, when he reviewed the actions of Mr. Marcel Depairon;                 
                 i)      Copies of the notes and documents that were prepared by Mr. Jean Salvo when Mr. Marcel Depairon was replaced by Mr. Mario Caron and ordered not to work on the present file anymore;                 
                 j)      Copies of all the notes and documents exchanged between Mr. Marcel Depairon and Mr. Mario Caron.                 

[3]      En ce qui a trait aux documents sous le paragraphe d) ci-dessus, le demandeur a obtenu la production de ceux-ci et il n'y a donc pas lieu de trancher à cet égard.

[4]      Pour ce qui est des documents sous le paragraphe e), l'approche générale prise par le demandeur sous ce paragraphe ne rencontre pas le caractère précis que toute demande sous la règle 317 doit présenter. De plus, je suis d'accord avec le défendeur pour dire que la règle 317 ne constitue pas un moyen d'enquête à la disposition du demandeur. À cet effet voir les arrêts:

     Canada c. Pathak, [1995] 2 C.F. 455, pp. 459-460
     Canada c. Canada, [1998] 1 C.F. 337 (lère inst.), pp. 355-356
     Beno c. Létourneau et al. (1997), 130 F.T.R. 183, pp. 190-191
     Pfizer Canada c. Nu-Pharm Inc. (1993), 72 F.T.R. 103 (T.D.), p. 109

[5]      Quant aux documents allégués sous les paragraphes f) à j), les procureurs du défendeur affirment par écrit que ces documents n'existent pas. Même si elle n'est pas contenue dans un affidavit, cette affirmation remplie les exigences de la règle 318(2) et elle me suffit dans les circonstances quant aux paragraphes visés. Hormis le paragraphe h), le demandeur n'a rien établi en preuve qui puisse porter cette Cour à remettre en question l'affirmation fournie par le défendeur.

[6]      Quant audit paragraphe h), le demandeur soutient que la revue des actions de M. Depairon, un vérificateur impliqué à l'époque dans le dossier d'une corporation liée au demandeur, a fait l'objet d'une rencontre à laquelle son procureur de l'époque assistait et au cours de laquelle un représentant du ministère du Revenu national (le ministère) aurait pris des notes. Ce sont ces notes que le demandeur recherche maintenant.

[7]      Le défendeur nous dit que ces notes n'existent pas. Face à cette situation, le demandeur voudrait que la Cour oblige le défendeur à produire un affidavit de manière à pouvoir confronter l'affiant sur ce point.

[8]      Une telle approche, bien que possible sous les règles 317 et 318, n'est pas envisagée expressément par ces dernières. De plus, le demandeur n'a pas soulevé de précédents allant dans cette direction. Enfin, cette approche aurait pu être requise par le demandeur bien plus tôt après que l'objection du défendeur fut formulée.

[9]      Qui plus est, il est juste de dire comme l'a affirmé la procureure du défendeur que le but véritable dans la recherche des notes apparemment prises est de pouvoir établir ce qui a été dit lors de cette rencontre. Or, tel que l'affirme le demandeur, son procureur d'alors était présent également à cette rencontre. Ce dernier peut donc tout autant rédiger un affidavit à cet effet et le soumettre en preuve pour valoir quant à ce qui a été dit. Il n'y a donc pas lieu d'ordonner au défendeur de produire un affidavit relativement au paragraphe h).

[10]      Quant aux paragraphes a) à c), ils visent deux documents. Sans avoir vu à ce stade ces documents, on sait que le premier de ceux-ci est un formulaire T134 qui a transité de la section de la vérification à la section des enquêtes du ministère; le tout relativement à un complément d'informations recherchées à l'égard du demandeur. Le deuxième document est un mémorandum destiné à être envoyé à l'IRS américain et qui reprend pour l'essentiel l'information contenue au formulaire T134.

[11]      Suivant le défendeur, l'information qui a été retirée de ces deux documents (les documents) constitue l'analyse effectuée alors par la section de la vérification quant au dossier fiscal du demandeur (l'information protégée).

[12]      Pour prévenir la transmission de cette information protégée, le défendeur a produit en bonne et due forme en vertu de l'article 37 de la Loi sur la preuve au Canada, S.R.C. 1985 ch. C-5, telle que modifiée, un certificat signé par le directeur adjoint de la section des enquêtes du bureau des services fiscaux de Laval au ministère.

[13]      Il faut savoir de plus que le défendeur a produit entre les mains du demandeur une version épurée des documents, c'est-à-dire une version des documents dans laquelle l'information protégée avait été retirée.

[14]      Tel que précisé en plaidoirie, le demandeur recherche l'information protégée aux fins de soutenir seulement l'un de ses quatre motifs d'attaque contre la légalité de la demande de renseignements, à savoir que cette demande aurait été préparée par les autorités fiscales alors que leur vérification du début se serait transformée informellement dans l'intervalle en une enquête de nature criminelle ou quasi-criminelle.

[15]      Dans sa demande de contrôle judiciaire ainsi que dans la preuve qu'il a à ce jour déposée, le demandeur soutient déjà à toutes fins pratiques qu'une telle enquête criminelle fut instaurée à son égard. En plaidoirie, le procureur du demandeur a précisé que la mise en place de cette enquête aurait porté atteinte aux droits du demandeur tels que garantis par les articles 7 et 8 de la Charte canadienne.

[16]      Suivant le demandeur, l'information protégée pourrait vraisemblablement l'aider à établir plus précisément quand une telle transformation (soit d'une vérification en une enquête) aurait pris place.

[17]      Vu sous cet angle, il m'apparaît que le demandeur a rempli tant le test de pertinence sous la règle 317 que le test de "likely relevance" discuté dans les arrêts Bailey c. Royal Canadian Mounted Police, [1990] F.C.J. No. 1139 (T.D.); Goguen c. Gibson, [1983] 2 C.F. 463 (C.A.), [1983] 1 C.F. 872 (lère inst.); and Khan c. Canada, [1996] 2 C.F. 316 (lère inst.).

[18]      Je me dois donc en vertu de la même jurisprudence de regarder les documents où l'information protégée se retrouve afin de procéder à l'équilibrage des intérêts en jeu.

[19]      Après une lecture entière des documents, je puis affirmer que suivant mon appréciation, l'information protégée aux documents n'est pas de nature à aider le demandeur à établir son motif d'attaque discuté précédemment.

[20]      Quant à l'avant-dernier paragraphe de la deuxième page du mémorandum où certains mots ont été également protégés, je puis assurer le demandeur que les mots protégés ne sont pas des termes touchant une dénonciation.

[21]      À l'inverse, je suis d'avis que la divulgation de l'information protégée révélerait des éléments de l'enquête en cours qui nuiraient au déroulement de celle-ci et pourraient vraisemblablement en compromettre le résultat.

[22]      Il est donc clair dans mon esprit qu'en procédant à un équilibrage des intérêts en jeu, la balance penche fortement en faveur de refuser la transmission de l'information protégée. Même si la Cour a soulevé elle-même la possibilité de transmettre l'information protégée au procureur du demandeur par suite de la mise en place d'une ordonnance de confidentialité en vertu des règles 151 et 152, je considère en bout de ligne que le procureur du demandeur pourra plaider intelligemment la demande de son client sans devoir connaître l'information protégée. Cette avenue est donc écartée.

[23]      En conséquence de ce qui précède, l'opposition du défendeur est accueillie. Toutefois, tel qu'agréé en Cour, le défendeur signifiera au demandeur et déposera au greffe une copie certifiée conforme des documents remis en Cour au procureur du demandeur le matin de l'audition. Tel que discuté, avant de procéder ainsi, le défendeur s'assurera de biffer à ces documents les renseignements personnels touchant le demandeur ou des membres de sa famille, lesquels renseignements ont été identifiés en Cour.

[24]      D'autre part, les documents sont dès le présent instant remis sous scellé dans leur enveloppe et ils seront conservés ainsi au dossier de la Cour jusqu'à ordonnance contraire.

[25]      Enfin, conformément à mon ordonnance du 3 mars 1999, le délai de la règle 306 en ce qui concerne le demandeur débutera dès que l'ordonnance accompagnant les présents motifs deviendra finale. Si un appel est logé à l'encontre de celle-ci, le début du délai de la règle 306 pourrait sur requête être revu. Ce qui est discuté dans le présent paragraphe est applicable au dossier T-35-99.

[26]      Les frais sur la présente requête sont à suivre.

Richard Morneau

     protonotaire

MONTRÉAL (QUÉBEC)

le 7 juin 1999

     COUR FÉDÉRALE DU CANADA

     NOMS DES AVOCATS ET DES PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER

NO DU DOSSIER DE LA COUR:

INTITULÉ DE LA CAUSE:

T-34-99

GABRIEL AZOUZ

     Demandeur

ET

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

     Défendeur

LIEU DE L'AUDIENCE:Montréal (Québec)

DATE DE L'AUDIENCE:le 2 juin 1999

MOTIFS DE L'ORDONNANCE DE ME RICHARD MORNEAU, PROTONOTAIRE

DATE DES MOTIFS DE L'ORDONNANCE:le 7 juin 1999

COMPARUTIONS:


Me Michel Mathieu

     pour le demandeur


Me Pierre Lamothe

Me Maria Grazia Bittichesu

     pour le défendeur

PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER:


Sweibel Novek

Me Michel Mathieu

Montréal (Québec)

     pour le demandeur


Me Morris A. Rosenberg

Sous-procureur général du Canada

     pour le défendeur


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