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Date : 20000314


Dossier : IMM-1221-99



ENTRE :


ALI ADJI MAINA



demandeur


et



LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L'IMMIGRATION


défendeur


MOTIFS D'ORDONNANCE


LE JUGE GIBSON


Introduction


[1]      Les présents motifs font suite à une décision, datée du 29 janvier 1999, dans laquelle la Section du statut de réfugié (la SSR) de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié a conclu que le demandeur n'était pas un réfugié au sens de la Convention au sens du paragraphe 2(1) de la Loi sur l'immigration1.

[2]      À la fin de l'audition, j'ai rejeté la demande et exposé de courts motifs oraux. Les présents motifs, qui précisent les motifs oraux que j'avais exposés, sont déposés conformément à l'article 51 de la Loi sur la Cour fédérale2.

Le contexte

[3]      Le demandeur, un citoyen du Tchad, est né en 1976. À l'époque de l'audition devant la SSR, son épouse, ses parents et ses quatre frères et soeurs se trouvaient au Tchad. Le demandeur a témoigné devant la SSR qu'il avait des liens étroits avec un oncle qui prenait part aux activités du Mouvement pour le développement et la démocratie (le MDD) au Tchad. Le demandeur a témoigné que son oncle a dû s'enfuir du Tchad en raison de son implication au sein du MDD. Malgré cela, l'oncle a poursuivi ses activités au sein du MDD.

[4]      Le demandeur a témoigné devant la SSR que le 3 septembre 1997, un messager de son oncle s'est présenté chez lui pour lui remettre une note dans lequel ce dernier lui demandait d'héberger le messager pendant quelques jours. Quelques minutes après l'arrivée du messager, des membres de l'Agence nationale de sécurité (l'ANS) sont arrivés et ont arrêté le demandeur et le messager. Le demandeur a témoigné qu'il a été détenu pendant trois mois, qu'il a été accusé d'appartenir au MDD, et qu'il a été interrogé et battu. Le demandeur a été mis en liberté après que son père a versé un pot de vin aux autorités. Après sa libération, le demandeur s'est caché pendant deux semaines, puis il s'est enfui du Tchad; il est finalement arrivé au Canada le 3 janvier 1998. À son arrivée, il a revendiqué le statut de réfugié au sens de la Convention au motif qu'il était persécuté en raisons d'opinions politiques qui lui étaient imputées et de son appartenance à un groupe social particulier, soit sa famille, dont fait partie son oncle.

La décision de la SSR

[5]      La SSR a accepté l'identité du demandeur, mais elle ne l'a pas trouvé crédible. Pour étayer sa conclusion en matière de crédibilité, la SSR a souligné les divergences qu'il y avait entre les notes du point d'entrée, que le demandeur a, semble-t-il, complétées et signées, et son témoignage et ses déclarations écrites. En particulier, la SSR a fait remarquer que le demandeur avait, dans les notes du point d'entrée, répondu « non » à la question de savoir si avait déjà été incarcéré au Tchad.

[6]      La SSR s'est en outre fondée sur l'omission du demandeur de fournir une attestation que son oncle appartenait au MDD et qu'il s'y impliquait, quand on lui donné l'occasion d'obtenir une telle attestation après l'audition devant la SSR. En fait, la seule attestation que le demandeur a obtenue et qu'il a fournie à la SSR mentionnait simplement que le demandeur courrait un risque s'il retournait au Tchad pour la seule raison qu'il avait communiqué avec le MDD pour obtenir une attestation. La SSR a rejeté la prétention de l'avocat du demandeur selon lequel, comme il avait communiqué avec le MDD, le demandeur avait droit à ce qu'il soit conclu qu'il était un réfugié au sens de la Convention, vu l'existence d'un nouveau fondement de sa revendication « sur place » .

Les questions litigieuses

[7]      L'avocat du demandeur a défini les questions que soulève la présente demande de contrôle judiciaire de la façon suivante : la conclusion en matière de crédibilité de la SSR était-elle abusive vu qu'elle portait sur des incohérences et invraisemblances de la preuve que le demandeur a fournie, en particulier entre les notes du point d'entrée et le témoignage et les déclarations écrites du demandeur?; l'omission de la SSR de traiter de la revendication « sur place » [en français dans le texte]; et le fait que la SSR a privé le demandeur de justice naturelle et d'équité procédurale lorsqu'elle a omis de lui donner l'occasion de répondre à ses réserves.

Les motifs oraux

[8]      Voici une version modifiée des motifs que j'ai exposés oralement à la fin de l'audition.

     Je ne suis pas convaincu que l'une ou l'autre des conclusions que j'ai tirées en matière de crédibilité, et en particulier les conclusions portant sur les notes du point d'entrée, soit arbitraire ou abusive ou qu'elle ait été tirée par la SSR sans qu'il ait été tenu compte des éléments de preuve dont elle disposait.
     La SSR pouvait rejeter l'explication que le demandeur a fournie en ce qui concerne la réponse négative qu'il a faite au regard de l'incarcération dans « ce pays » [en français dans le texte].
     Comme je l'ai dit à l'occasion de la plaidoirie de l'avocat, la question de savoir si l'avocat aurait été plus généreux, ou si je l'aurais moi-même été, à l'égard de l'explication que le demandeur a fournie n'a pas d'importance. La question est plutôt de savoir si la décision de rejeter l'explication était abusive ou arbitraire ou si la SSR a pris cette décision sans tenir compte des éléments de preuve dont elle disposait, et je ne suis tout simplement convaincu que c'est ce qui s'est produit. Je suis d'accord avec l'avocat du demandeur que la conclusion de la SSR selon laquelle il y avait des divergences entre les notes du point d'entrée et le témoignage et les déclarations écrites du demandeur était cruciale, et on pourrait soutenir ou déduire que toutes les autres réserves que la SSR avait au sujet de la crédibilité du demandeur ne servaient qu'à étayer cette conclusion et qu'elles en découlaient, dans une certaine mesure. Je tire la même conclusion.
     En ce qui concerne l'attestation du MDD, le demandeur et son avocat ont comparu devant la formation, et ces derniers étaient vraisemblablement au courant des réserves que la formation avait quant à la question de savoir si l'oncle du demandeur appartenait vraiment au MDD ou, chose encore plus importante peut-être, s'il était un des intervenants principaux au sein de cette organisation, étant donné que le lien qui existe entre le demandeur et son oncle, compte tenu de l'implication de ce dernier au sein du MDD, constituait certainement un aspect fondamental de la revendication du demandeur.
     Il est clair que l'attestation que le demandeur a fournie à la SSR par l'entremise de son avocat ne traitait de la réserve que la SSR avait à ce sujet. Elle a cependant soulevé la possibilité d'une revendication sur place. L'avocat a soumis l'attestation à la SSR en faisant effectivement remarquer qu'elle ne traitait pas de la réserve que la SSR avait à ce sujet, mais il n'a pas cherché à obtenir une autre occasion de faire valoir l'attestation, et il n'a pas attiré l'attention de la SSR sur la possibilité que l'attestation elle-même constitue un nouveau fondement de la revendication qui n'avait pas été traité à l'audition, soit un fondement sur place. L'avocat a plutôt plaidé qu'il incombe à la SSR de demander la réouverture de l'audition. En effet, l'avocat a informé la SSR qu'elle devait communiquer avec lui si elle considérait que cela était nécessaire. La SSR ne pouvait envisager la réouverture de l'audition sans une demande de l'avocat à cet effet. En d'autres termes, la SSR n'a pas violé la justice naturelle ou l'équité du fait que, dans les circonstances, elle n'a pas elle-même pris la responsabilité d'obtenir la réouverture de l'audition.
     De la même façon, l'avocat n'a pas cherché à obtenir l'occasion de traiter de l'éventuel nouveau fondement sur place de la revendication. Vu l'absence d'une telle demande, la SSR n'a pas commis d'erreur susceptible de contrôle lorsqu'elle a traité du fondement sur place de la revendication dans ses motifs, sans chercher à obtenir la réouverture de l'audition.

La conclusion

[9]      Pour les motifs que j'ai exposés oralement et qui ont été légèrement modifiés par les présents motifs, j'ai rejeté la présente demande de contrôle judiciaire. Ni l'un ni l'autre avocat n'a recommandé qu'une question soit certifiée. Aucune question n'a été certifiée.






« Frederick E. Gibson »

                                         J.C.F.C.


Ottawa (Ontario)

Le 14 mars 2000










Traduction certifiée conforme


Bernard Olivier, B.A., LL.B.

COUR FÉDÉRALE DU CANADA

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


NO DU GREFFE :                  IMM-1221-99

INTITULÉ DE LA CAUSE :              Ali Adji Maina c. M.C.I.


LIEU DE L'AUDIENCE :              Toronto

DATE DE L'AUDIENCE :              le 23 février 2000

MOTIFS D'ORDONNANCE EXPOSÉS PAR MONSIEUR LE JUGE GIBSON

EN DATE DU :                  14 mars 2000


ONT COMPARU :             


J. Leebosh, Esq.                              POUR LE DEMANDEUR

Mme Neeta Logsetty                              POUR LE DÉFENDEUR



AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :     

                                     POUR LE DEMANDEUR


Morris Rosenberg

Sous-procureur général du Canada                      POUR LE DÉFENDEUR


__________________

1      L.R.C. (1985), ch. I-2.

2      L.R.C. (1985), ch. F-7.

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