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Date : 19991026


Dossier : T-2954-93

OTTAWA (Ontario), le 26 octobre 1999

EN PRÉSENCE DE M. LE JUGE MacKAY

ENTRE :


LA BANDE INDIENNE DE MONTANA ET LE CHEF LEO CATTLEMAN,

LAWRENCE STANDING-ON-THE-ROAD,

CARL RABBIT, REMA RABBIT, EUNICE LOUIS,

     chef et conseillers de la bande indienne de Montana

agissant en leur nom personnel et

au nom de tous les autres membres de la bande indienne de Montana

     demandeurs

     et

     SA MAJESTÉ LA REINE

     DU CHEF DU CANADA

     défenderesse


     VU la requête de la défenderesse sollicitant de la Cour des ordonnances :

     a)      radiant la déclaration dans la forme qu'elle revêt après deux modifications successives, ou certaines parties de celle-ci, ou
     b)      suspendant les procédures, ou
     c)      prorogeant le délai de signification et de dépôt d'une défense, ou
     d)      donnant les commandements ou directives additionnels qu'exige le prompt déroulement des procédures, et
     e)      ordonnant le paiement immédiat des dépens, quelle que soit l'issue de la cause;

     APRÈS audition de la requête ainsi que des requêtes analogues présentées dans le cadre du dossier T-61-99 impliquant les mêmes parties, et des dossiers T-2953-93 et T-57-99 entre La bande indienne de Louis Bull et Sa Majesté la Reine du chef du Canada, à Ottawa, le 4 juin 1999, la Cour ayant ce jour réservé sa décision, après examen des observations alors présentées :

     O R D O N N A N C E


     LA COUR ORDONNE :


     1.      Les actions intentées par les demandeurs, exposées dans la déclaration déposée en l'espèce et modifié à deux reprises, ainsi que dans la déclaration déposée dans le dossier T-61-99 seront, par modification additionnelle de la déclaration modifiée à deux reprises, déposée dans le cadre du dossier T-2954-93, réunies afin d'y incorporer la cause précise et le redressement réclamé dans le cadre du dossier T-61-99, la modification additionnelle devant être déposée au plus tard le 15 décembre 1999.
     2.      La défenderesse pourra, dans le dossier T-2954-93, déposer une défense dans les 45 jours suivant le dépôt, conformément au paragraphe 1, de la modification additionnelle.
     3.      Les dépens suivront l'issue de la cause.





                                     (signature) W. Andrew MacKay


    

                                         JUGE



Traduction certifiée conforme


Laurier Parenteau, B.A., LL.L.



Date : 19991026


Dossier : T-2953-93

OTTAWA (Ontario), le 26 octobre 1999

EN PRÉSENCE DE M. LE JUGE MacKAY

ENTRE :


LA BANDE INDIENNE DE LOUIS BULL ET LE CHEF HERMAN ROASTING

HENRY RAINE, JONATHAN BULL, THERESA BULL,

CLYDE ROASTING, DONNA TWINS, VINNIE BULL,

SOLOMON BULL, BEORGE DESCHAMPS, chef et

conseillers de la bande indienne de Louis Bull agissant en

leur nom personnel et au nom de tous les autres

membres de la bande indienne de Louis Bull

     demandeurs

     et

     SA MAJESTÉ LA REINE

     DU CHEF DU CANADA

     défenderesse



     VU la requête de la défenderesse sollicitant de la Cour des ordonnances :

     a)      radiant la déclaration dans la forme qu'elle revêt après deux modifications successives, ou certaines parties de celle-ci, ou
     b)      suspendant les procédures, ou
     c)      prorogeant le délai de signification et de dépôt d'une défense, ou
     d)      donnant les commandements ou directives additionnels qu'exige le prompt déroulement des procédures, et
     e)      ordonnant le paiement immédiat des dépens sur une base procureur-client adjugés selon l'issue de la cause;

     APRÈS audition de la requête ainsi que des requêtes analogues présentées dans le cadre du dossier T-57-99 impliquant les mêmes parties, et des dossiers T-2954-93 et T-61-99 entre La bande indienne de Montana et Sa Majesté la Reine du chef du Canada, à Ottawa, le 4 juin 1999, la Cour ayant ce jour réservé sa décision, après examen des observations alors présentées :


     O R D O N N A N C E


     LA COUR ORDONNE :

     1.      Les actions intentées par les demandeurs exposées dans la déclaration déposée en l'espèce et modifiée à deux reprises, ainsi que dans la déclaration déposée dans le dossier T-57-99 seront, par modification additionnelle de la déclaration modifiée à deux reprises déposée dans le cadre du présent dossier T-2953-93, réunies afin d'y incorporer la cause précise et le redressement réclamé dans le cadre du dossier T-57-99, la modification additionnelle devant être déposée au plus tard le 15 décembre 1999.
     2.      La défenderesse pourra, dans le dossier T-2953-93, déposer une défense dans les 45 jours suivant le dépôt, conformément au paragraphe 1, de la modification additionnelle.
     3.      Les dépens suivront l'issue de la cause.




                                     (signature) W. Andrew MacKay


    

                                         JUGE





Traduction certifiée conforme


Laurier Parenteau, B.A., LL.L.





Date : 19991026


Dossier : T-61-99

OTTAWA (Ontario), le 26 octobre 1999

EN PRÉSENCE DE M. LE JUGE MacKAY


ENTRE :


LA BANDE INDIENNE DE MONTANA et LE CHEF LEO CATTLEMAN,

REMA RABBIT, DARRELL STRONGMAN,

CARL RABBIT et COADY RABBIT, chef et

conseillers de la bande indienne de Montana

agissant en leur nom personnel et au nom

de tous les autres membres de la bande indienne de Montana

         demandeurs

     et

     SA MAJESTÉ LA REINE

DU CHEF DU CANADA

         défenderesse



     VU la requête de la défenderesse sollicitant de la Cour des ordonnances :

     a)      radiant la déclaration dans la forme qu'elle revêt après deux modifications successives, ou certaines parties de celle-ci, ou
     b)      suspendant les procédures, ou
     c)      prorogeant le délai de signification et de dépôt d'une défense, ou
     d)      donnant les commandements ou directives additionnels qu'exige le prompt déroulement des procédures, et
     e)      ordonnant le paiement immédiat des dépens quelle que soit l'issue de la cause;


     APRÈS audition de la présente requête, conjointement avec les requêtes analogues présentées dans le cadre des dossiers T-2954-93 impliquant les mêmes parties, et des dossiers T-57-99 et T-2953-93 entre La bande indienne de Louis Bull et autres et Sa Majesté la Reine du chef du Canada, à Ottawa, le 4 juin 1999, la Cour ayant ce jour réservé sa décision, après examen des observations alors présentées :



O R D O N N A N C E


     LA COUR ORDONNE :

     1.      Les actions intentées par les demandeurs exposées dans la déclaration déposée dans le cadre de la présente action ainsi que dans la déclaration, à deux reprises modifiée, déposée dans le cadre du dossier T-2954-93, sont réunies par modification additionnelle de la déclaration déposée dans le cadre du dossier T-2954-93, afin d'y incorporer la cause précise et le redressement particulier réclamé dans le cadre de la présente action, dossier T-61-99, cette modification additionnelle devant être déposée le 15 décembre 1999 au plus tard.
     2.      La déclaration déposée dans le cadre de la présente action, dossier T-61-99, sera radiée dès que le dépôt de la modification additionnelle de la déclaration déposée dans le cadre du dossier T-2954-93 aura été effectué conformément au paragraphe 1.
     3.      La défenderesse pourra déposer, dans le cadre du dossier T-2954-93, une défense dans les 45 jours suivant le dépôt, conformément au paragraphe 1, de la modification additionnelle.
     4.      Les dépens suivront l'issue de la cause.



                                     (signature) W. Andrew MacKay


    

                                         JUGE

                                


Traduction certifiée conforme


Laurier Parenteau, B.A., LL.L.




     Date: 19991026

     Dossier : T-57-99

OTTAWA (Ontario), le 26 octobre 1999

EN PRÉSENCE DE M. LE JUGE MacKAY


ENTRE :

     LA BANDE INDIENNE DE LOUIS BULL et LE CHEF HELEN BULL,

HENRY RAINE, NORMAND DESCHAMPS,

SIMON THREEFINGERS, SOLOMON BULL,

THERESA BULL, TERENCE RAIN, ELAINE ROASTING et

JOSEPH DESCHAMPS, chef et conseillers

de la bande indienne de Louis Bull agissant en leur nom personnel et

au nom de tous les autres membres

de la bande indienne de Louis Bull

         demandeurs

     et

     SA MAJESTÉ LA REINE

DU CHEF DU CANADA

         défenderesse



     VU la requête de la défenderesse sollicitant de la Cour des ordonnances :

     a)      radiant la déclaration déposée dans le cadre de la présente action, ou certaines parties de celle-ci, ou
     b)      suspendant les procédures, ou
     c)      prorogeant le délai de signification et de dépôt d'une défense, ou
     d)      donnant les commandements ou directives additionnels qu'exige le prompt déroulement des procédures, et
     e)      ordonnant le paiement immédiat des dépens sur une base procureur-client adjugés selon l'issue de la cause;

     APRÈS audition de la présente requête, conjointement avec les requêtes analogues déposées dans le cadre du dossier T-2953-93 impliquant les mêmes parties, et des dossiers T-61-99 et T-2954-93 entre La bande indienne de Montana et autres et Sa Majesté la Reine du chef du Canada, à Ottawa, le 4 juin 1999, la Cour ayant ce jour réservé sa décision, après examen des observations alors présentées :


     O R D O N N A N C E


     LA COUR ORDONNE :

     1.      Les actions intentées par les demandeurs, exposées dans la déclaration déposée dans le cadre de la présente action et de la déclaration, à deux reprises modifiées, déposée dans le cadre du dossier T-2953-93, sont, par modification additionnelle de la déclaration déposée dans le cadre du dossier T-2953-93, réunies afin d'y incorporer la cause précise et le redressement particulier réclamé dans le cadre de la présente action, dossier T-57-99, cette modification additionnelle devant être déposée le 15 décembre 1999 au plus tard.
     2.      La déclaration déposée dans le cadre de la présente action, dossier T-57-99, sera radiée dès que le dépôt de la modification additionnelle de la déclaration déposée dans le cadre du dossier T-2953-93 aura été effectué conformément au paragraphe 1.
     3.      La défenderesse pourra déposer, dans le cadre du dossier T-2953-93, une défense dans les 45 jours suivant le dépôt, conformément au paragraphe 1, de la modification additionnelle.
     4.      Les dépens suivront l'issue de la cause.


                                     (signature) W. Andrew MacKay

    

                                         JUGE


Traduction certifiée conforme


Laurier Parenteau, B.A., LL.L.





Date : 19991026


Dossiers : T-2954-93

T-2953-93

T-61-99

T-57-99


     Dossier : T-2954-93

ENTRE :


LA BANDE INDIENNE DE MONTANA ET LE CHEF LEO CATTLEMAN

LAWRENCE STANDING-ON-THE-ROAD,

CARL RABBIT, REMA RABBIT, EUNICE LOUIS,

     chef et conseillers de la bande indienne de Montana

agissant en leur nom personnel et

au nom de tous les autres membres de la bande indienne de Montana

     demandeurs

     et

     SA MAJESTÉ LA REINE

     DU CHEF DU CANADA

     défenderesse


     Dossier : T-2953-93

ET ENTRE :


LA BANDE INDIENNE DE LOUIS BULL ET LE CHEF HERMAN ROASTING,

HENRY RAINE, JONATHAN BULL, THERESA BULL,

CLYDE ROASTING, DONNA TWINS, WINNIE BULL,

SOLOMON BULL, GEORGE DESCHAMPS, chef et

conseillers de la bande indienne Louis Bull agissant

en leur nom personnel et au nom de tous les autres

membres de la bande indienne de Louis Bull

     demandeurs

     et

     SA MAJESTÉ LA REINE

     DU CHEF DU CANADA

     défenderesse


     Dossier : T-61-99

ET ENTRE :


LA BANDE INDIENNE DE MONTANA et LE CHEF LEO CATTLEMAN,

REMA RABBIT, DARRELL STRONGMAN,

CARL RABBIT et COADY RABBIT, chef

les conseillers de la bande indienne de Montana agissant

en leur nom personnel et au nom de tous les autres

membres de la bande indienne de Montana

     demandeurs

     et

     SA MAJESTÉ LA REINE

     DU CHEF DU CANADA

     défenderesse


     Dossier : T-57-99

ET ENTRE :


LA BANDE INDIENNE DE LOUIS BULL et LE CHEF HELEN BULL,

HENRY RAINE, NORMAN DESCHAMPS,

SIMON THREEFINGERS, SOLOMON BULL,

THERESA BULL, TERENCE RAIN, ELAINE ROASTING et

JOSEPH DESCHAMPS, chef et conseillers

de la bande indienne Louis Bull agissant en leur nom personnel et

au nom de tous les autres membres de la

bande indienne de Louis Bull

     demandeurs

     et

     SA MAJESTÉ LA REINE

     DU CHEF DU CANADA

     défenderesse



     MOTIFS DES ORDONNANCES



LE JUGE MacKAY


[1]      Les présents motifs ont trait aux requêtes en radiation des déclarations, ou en suspension des procédures, ou en prorogation du délai dont dispose la défenderesse pour signifier et déposer la défense qu'elle oppose aux quatre déclarations, deux émanant de la bande indienne de Louis Bull et de certains membres nommément désignés de celle-ci, et deux de la bande indienne de Montana et de certains de ses membres nommément désignés. Dans les quatre actions, les demandeurs individuels agissent en leur nom personnel et au nom de tous les membres de leur bande respective.

Contexte de l'affaire et positions des parties

[2]      Deux des actions, respectivement intentées par les deux bandes en 1993, sont en gros semblables. Cela est également vrai des deux actions ultérieures engagées respectivement par les deux bandes en 1999. Les requêtes présentées par la défenderesse sont fondées sur l'impression qu'elle a que les actions engagées ultérieurement dans le cadre de chacune des affaires sont, en gros et hormis la nature du redressement réclamé, semblables aux actions initialement engagées en 1993, exposées dans les déclarations qui ont été modifiées à deux reprises. Je me propose d'examiner les actions intentées et les requêtes déposées, sans vraiment faire de distinction entre les deux bandes demanderesses, même si je note que les actions intentées en 1993 portent en partie sur la réserve de Pigeon Lake no 138A, sur laquelle les deux bandes ont des droits, et en partie sur des terres distinctes détenues respectivement par les deux bandes. L'ensemble des terres en question se trouve en Alberta.

[3]      Les deux bandes exercent, avec deux autres bandes, certains droits sur la réserve de Pigeon Lake. Les deux autres bandes, les bandes indiennes de Samson et d'Ermineskin, avaient déjà chacune engagé une action contre sa Majesté la Reine, en 1989 dans le dossier T-2022-89, et en 1992 dans le dossier T-1254-92, ces deux actions soulevant à l'époque des questions qui sont, en gros, les mêmes que celles qui se posent dans le cadre des actions initialement engagées par les bandes demanderesses, et dont la Cour est saisie en l'espèce. Les dossiers des actions engagées en 1993 étaient en fait restés inactifs après que les avocats des parties eurent convenu qu'aucune défense ne serait déposée étant donné que les actions telles qu'initialement formulées reposaient sur des versions analogues des faits et des questions évoqués dans le cadre des actions intentées par les bandes indiennes de Samson et d'Ermineskin, actions qui devaient vraisemblablement être instruites avant les actions engagées en 1993 par les bandes demanderesses en l'espèce.

[4]      En janvier 1999, les demanderesses, les bandes indiennes de Louis Bull et de Montana, ont chacune signifié à la défenderesse une déclaration déposée à la Cour dans le cadre des dossiers T-57-99 et T-61-99, respectivement par la bande indienne de Louis Bull et la bande indienne de Montana. Dans ces deux déclarations, les bandes sollicitent des jugements déclaratoires et des dommages-intérêts en raison de certaines sommes d'argent versées ou créditées au titre des redevances ou revenus de la production de pétrole et de gaz de la réserve de Pigeon Lake, chaque bande revendiquant 25 p. 100 du total des redevances et revenus détenus ou payés par la défenderesse directement ou pour le compte des quatre bandes ayant droit à une part des revenus. Jusqu'alors, l'argent en question avait été crédité ou versé à chacune des quatre bandes en proportion du nombre de leurs membres par rapport à la population totale des quatre bandes.

[5]      En février 1999, les bandes demanderesses déposaient, dans le cadre des actions qu'elles avaient engagées en 1993, des déclarations modifiées, puis, le 20 mars 1999, chacune d'elles notifiait à Sa Majesté et déposait, dans le cadre de leurs actions initiales (T-2953-93 pour la bande indienne de Louis Bull et T-2954-93 pour la bande indienne de Montana), une déclaration portant modification de la déclaration modifiée. Dans les présents motifs, lorsqu'il sera fait référence aux actions engagées en 1993, il s'agira, sauf indication contraire, des déclarations auxquelles ont été apportées deux modifications successives.

[6]      Par les actions de 1993, dans leur forme modifiée, chacune des bandes revendique 25 p. 100 des dommages-intérêts dus en raison du préjudice que leur a causé la défenderesse par son manquement aux obligations qu'elle avait envers elles, à titre de fiduciaire et en equity, dans le cadre de la réserve de Pigeon Lake, chaque bande estimant qu'elle a droit à 25 p. 100 de l'ensemble des profits, recouvrements, redevances, etc., que Sa Majesté avait tirés, ou qu'elle aurait dû gagner ou tirer de la gestion des ressources pétrolières et gazières et de la production de pétrole et de gaz de la réserve que se partagent les bandes demanderesses, ainsi que des dommages-intérêts dus en raison de la mauvaise gestion alléguée d'autres terres et ressources de la réserve, plus les redevances dues à chaque bande ainsi que d'autres dommages-intérêts au titre des programmes et services dont les bandes demanderesses sont censées avoir été indûment privées.

[7]      Par une même requête présentée dans le cadre de chacune des actions intentées en 1993 et 1999, Sa Majesté sollicite la radiation de la déclaration (en tout ou en partie en ce qui concerne les actions intentées en 1993), ou la suspension des procédures ou, à supposer que l'action se poursuive, la prorogation du délai de signification et de dépôt de sa défense.

[8]      La Couronne fait valoir que dans chacune des actions de 1999, la déclaration est en gros la même que la déclaration, modifiée à deux reprises, actuellement déposée dans le cadre des actions intentées en 1993. La seule différence notable est, selon elle, que le dédommagement réclamé dans le cadre de l'action plus récente n'est pas spécifié dans les actions intentées en 1993. La Couronne fait cependant valoir que les termes du redressement sollicité dans le cadre de ces actions, c'est-à-dire [traduction] " toute autre réparation que justifieraient les faits allégués ou que la Cour jugerait bon d'accorder ", sont suffisamment larges pour englober le dédommagement recherché dans le cadre des actions intentées en 1999. La Couronne fait valoir que même si cet argument n'est pas retenu, le dédommagement sollicité dans le cadre de l'action intentée en 1999 peut très bien être recherché dans le cadre de l'action intentée en 1993 et qu'il n'y a pas lieu, pour réclamer un tel redressement, d'intenter une action distincte.

[9]      Les bandes demanderesses soutiennent que les actions engagées en 1993 se distinguent des actions intentées en 1999 quant aux revendications formulées et au dédommagement demandé. Selon elles, la réunion des instances, que la requérante/défenderesse ne propose d'ailleurs pas dans le cadre de ses requêtes, serait injuste puisque les actions intentées en 1993 exigent que soient tranchées de nombreuses questions n'ayant rien à voir avec les actions intentées en 1999. Les demanderesses estiment que les actions intentées en 1999 pourraient être jugées assez rapidement, et qu'il serait d'ailleurs dans l'intérêt de la justice de le faire, même si cela voulait dire que les décisions rendues dans leur cadre, à supposer que ces actions soient instruites en premier, pourraient être invoquées par la défenderesse à l'appui de requêtes tendant à faire appliquer aux questions soulevées dans le cadre des actions intentées en 1993, la doctrine de la chose jugée en invoquant celle-ci comme fin de non-recevoir.

[10]      Dans leurs observations écrites (par exemple, dans celles présentées par la bande indienne de Montana), les bandes demanderesses répondent en ces termes à l'impression qu'éprouve la demanderesse que les actions de 1993 et celles de 1999 soulèvent essentiellement les mêmes questions :

         [traduction]

         16.      Alors que l'action no T-2954-93 revendique 25 p. 100 des indemnités pour le préjudice et les pertes découlant des erreurs commises par la Couronne au cours des négociations et de l'imposition des baux ainsi que de la mauvaise gestion ultérieure des fonds Royalty Trust, l'action no T-61-99 réclame le versement de dommages-intérêts équivalant à un quart (25 p. 100) des fonds Royalty Trust versés ou à verser par la Couronne aux quatre (4) bandes ayant dans la réserve de Pigeon Lake un droit de bénéficiaire.
         17.      Autrement dit, l'action no T-2954-93 revendique 25 p. 100 des dommages-intérêts susceptibles d'être accordés par la Cour pour la manière dont l'argent tiré de la réserve de Pigeon Lake a été transféré au Trésor et pour la manière dont les fonds de cette fiducie ont été gérés une fois transférés au Trésor (c'est-à-dire 25    p. 100 des sommes que les quatre bandes n'ont pas touchées, qui ne leur ont été ni créditées ni versées, en raison de la négligence de la Couronne et de son manquement à ses obligations de fiduciaire). L'action no T-61-99, par contre, demande à la Cour d'accorder des dommages-intérêts équivalant à 25 p. 100 de l'ensemble des sommes déjà payées ou restant à payer par le Trésor (c'est-à-dire 25 p. 100 des sommes qui ont déjà été gagnées, payées ou portées au crédit des bandes, ou qui seront gagnées, payées ou portées au crédit des quatre bandes). Les défenderesses estiment qu'en cela les deux actions ne sont pas identiques.

[11]      La défenderesse fait pour sa part valoir que les demanderesses ont engagé plusieurs actions qui sont fondées essentiellement sur les mêmes faits et soulèvent essentiellement les mêmes questions, les deux actions recherchant simplement des formes différentes de réparation. Le redressement sollicité dans le cadre des actions intentées en 1999, affirme-t-elle, aurait pu être sollicité, et pourrait encore l'être, dans le cadre de l'action intentée en 1993. Elle demande donc à la Cour de radier les déclarations déposées dans le cadre des actions intentées en 1999, ou bien de suspendre ces actions. Elle estime que la démarche consistant à engager deux actions portant essentiellement sur les mêmes questions de fait et recherchant un redressement qui pourrait être sollicité dans le cadre d'une seule action, est scandaleuse, frivole ou vexatoire, ou qu'elle constitue un abus de procédure au sens des alinéas 221(1)c) et f) des Règles de la Cour fédérale (1998).

[12]      La Couronne a déposé ses requêtes sous forme alternative et la Cour aura donc à se prononcer sur les requêtes afférentes aux actions considérées, selon la chronologie des dépôts, comme les dernières en date. Ainsi, si ce sont les actions intentées en 1999 qui sont considérées comme ayant été déposées en dernier, les requêtes à trancher par la Cour seront celles tendant à la radiation ou à la suspension de ces procédures-là. Si ce sont les actions intentées en 1993, mais modifiées en mars 1999, qui sont jugées avoir été déposées les plus récemment du fait que les derniers amendements ont été déposés après qu'eurent été engagées les actions de 1999, les requêtes sur lesquelles la Cour devra se pencher seront celles tendant à la radiation ou à la suspension des actions de 1993. D'après moi, étant donné qu'aucune défense n'a été déposée dans l'une ou l'autre des actions en question, les modifications apportées aux actions intentées en 1993 peuvent être, aux fins des requêtes dont est présentement saisie la Cour, considérées comme remontant à la date initiale du dépôt, les actions intentées en 1999 étant, par conséquent, les dernières en date. J'entends par conséquent me pencher principalement sur les requêtes en radiation ou en suspension des actions de 1999.

[13]      Je propose de procéder à un examen rapide de la jurisprudence invoquée par les diverses parties, puis, avant de me prononcer, de comparer les déclarations déposées dans le cadre des actions intentées en 1999 aux déclarations déposées dans le cadre des actions intentées en 1993 et modifiées à deux reprises. Pour effectuer cette comparaison entre les déclarations antérieures et les déclarations subséquentes, je vais retenir, comme les avocats l'ont fait à l'audience, les déclarations déposées dans le cadre des deux actions intentées par la bande indienne de Montana, déclarations qui sont en gros semblables à celles déposées dans le cadre des deux actions intentées par la bande indienne de Louis Bull, sauf en ce qui concerne les diverses terres de réserve mentionnées dans les actions engagées en 1993.

Jurisprudence invoquée par les parties

[14]      La Couronne fonde sa thèse sur les affaires Edmonton Northlands v. Edmonton Oilers Hockey Corp. (1993), 15 Alta L.R. (3d) 179 (Q.B.) et Great Pacific Contracting Ltd. et al. v. Harwyn Properties et al. (1981), 29 B.C.L.R. 145, 21 C.P.C. 280 (C.S.), dans lesquelles une seconde action a été radiée par la cour pour cause d'abus de procédure au motif qu'elle visait un redressement analogue à celui qui était sollicité dans une procédure antérieure qui soulevait les mêmes questions et était alors en instance. Dans la première affaire, le juge en chef Moore s'est prononcé en ces termes (aux paragraphes 26 à 28, pages 185 et 186) :

         [traduction]

             Les tribunaux de l'Alberta reconnaissent de manière générale l'existence d'une règle interdisant les poursuites multiples. Il est communément reconnu, en droit, que le fait d'intenter une seconde action alors que la première est en instance constitue un abus de procédure. ...
             Étant donné que le même redressement peut être obtenu dans le cadre de la première action, Northlands n'est pas en droit d'intenter une seconde action alors que la première demeure en instance : ...
             J'estime que la seconde action doit être annulée...

Dans l'affaire Great Pacific Contracting Ltd., le juge Spencer a ordonné la radiation d'une déclaration sollicitant l'annulation d'un contrat de vente, estimant que ce redressement était déjà sollicité dans le cadre d'une demande dont la cour était saisie concernant les mêmes faits et le même bien.

[15]      Ni l'une ni l'autre de ces affaires ne comportait de circonstances comme celles dont font état dans l'une et l'autre de leurs actions les bandes demanderesses, qui affirment que les déclarations initiant les deux actions se fondent sur des causes d'action différentes, c'est-à-dire sur des allégations différentes concernant la violation des obligations particulières que la défenderesse avait envers elles, et sollicitent, sur le fondement de ces causes d'action, des redressements qui sont, eux aussi, différents. Dans deux autres affaires citées par la Couronne, la cour avait ordonné la radiation d'une deuxième action dont il était pourtant prétendu qu'elle visait des redressements différents de ceux qui étaient sollicités dans le cadre d'une affaire en cours fondée sur la même cause d'action. D'après moi, les deux affaires citées se différencient au niveau des faits, chacune étant fondée sur des circonstances particulières qui n'ont rien à voir avec les circonstances qui retiennent notre attention en l'espèce. Ainsi, dans l'affaire Earl Poulett v. Viscount Hill, [1992] 1 Ch. 279 (C.A.), une seconde action sollicitant le versement d'intérêts pour la période consécutive au défaut de paiement d'une hypothèque, a été considérée par la cour comme ayant été improprement engagée car le redressement sollicité, en l'occurrence le versement des intérêts, pouvait être réclamé dans le cadre de l'action originale, alors en cours, tendant à la saisie de l'immeuble hypothéqué. Dans l'affaire Paterson v. Jaikumar and Munroz (1979), 10 B.C.L.R. 48 (C.S.), une seconde action en dommages-intérêts, intentée alors qu'une action engagée précédemment en vue du même redressement pour le même méfait allégué était encore en instance, a été radiée par la cour qui a estimé que la seconde action avait été engagée afin de permettre au demandeur d'opter pour un procès devant jury, choix qui, dans le cadre de la première action, n'avait pas été effectué dans les délais fixés par les Règles de la Cour.

[16]      La Couronne se fonde également sur de la jurisprudence relative à l'autorité de la chose jugée ou de la chose jugée comme fin de non-recevoir dans des cas où une seconde action est engagée au sujet de questions déjà réglées par la justice. Appelé à se prononcer sur un tel cas dans l'affaire Grant et autres c. Canada (Ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien) et autres (1990), 31 F.T.R. 31, le juge Joyal a déclaré (à la page 47) :

...on s'attend à ce que les parties fassent valoir tous leurs moyens et qu'on ne peut leur permettre, sauf dans des circonstances particulières, de perpétuer le litige en découvrant de nouveaux moyens d'action. Comme lord Shaw l'a déclaré [dans l'affaire Hoystead et al. v. Federal Commissioner of Taxation (1921), 29 C.L.R. 537], s'il en était ainsi, on ne mettrait fin à un litige qu'après avoir épuisé toute ingéniosité juridique.
...que l'affaire relève ou non de la question complexe de l'autorité de la chose jugée ou de l'" issue estoppel " avec toutes leurs subtilités historiques, on ne doit pas lui permettre d'être entendue si cela crée un abus de procédure.
                 [le renvoi a été rajouté à la citation]


Bien sûr, les doctrines de la res judicata et de la chose jugée comme fin de non-recevoir ne s'appliquent aucunement en l'espèce. Il se peut, cependant, que les principes qui sont à la base de ces deux doctrines aient une valeur convaincante puisqu'ils requièrent que toutes les questions soulevées dans le cadre d'une cause d'action évoquée entre les mêmes parties soient tranchées une fois pour toutes afin d'éviter la duplication des procédures, l'emploi superflu de ressources judiciaires ou la possibilité de voir intervenir des décisions contradictoires.

[17]      L'avocat des demanderesses rappelle qu'il appartient à la partie sollicitant la radiation des actes de procédure ou la suspension d'une action qui en est au stade où en sont les actions en l'espèce, de démontrer le bien-fondé de sa requête. En l'occurrence, la Couronne n'a produit, en réponse à la charge qui lui incombe, aucune preuve par affidavit à l'appui de ses requêtes. Je ne suis pas convaincu qu'il soit nécessaire ou utile de produire des preuves par affidavit lorsque la requête et les arguments qui l'étayent visent des actes de procédure se trouvant déjà dans le dossier de la Cour. En l'occurrence, ce sont les déclarations elles-mêmes qui font l'objet de la requête présentée par la Couronne et c'est sur elles que les parties s'opposent.

[18]      On fait valoir au nom des demanderesses que les actions intentées respectivement en 1993 et 1999, exposées dans les déclarations, sont différentes, qu'elles ont trait à des causes d'action différentes, c'est-à-dire des violations différentes reprochées aux mandataires de Sa Majesté au regard des obligations alléguées de celle-ci, et à des redressements différents pour des méfaits qui seraient, eux aussi, distincts. On fait valoir devant la Cour que vu l'existence de telles différences, il n'y a pas lieu de radier la déclaration ou de suspendre les procédures. Selon cette thèse, la seconde action ne constituerait pas en l'occurrence un abus de procédure, et ne serait, non plus, ni frivole ni vexatoire. Les demanderesses citent les affaires Waterside Ocean Navigation Company Inc. c. International Navigation Ltd. et autres, [1977] 2 C.F. (1re inst.), affaire concernant une requête en radiation, Renaud Cointreau et Cie c. Cordon Bleu International Ltée (1991), 34 C.P.R. (3d) 554 (C.F. 1re inst.), et Chevron Canada Resources v. Canada (Exec. Dir. of Indian Oil & Gas), [1998] A.J. no 1202 (B.R. Alb.) (QL). Dans ces affaires, où deux actions se fondaient sur les mêmes faits et soulevaient, de manière générale, des questions similaires tout en sollicitant des redressements différents, les tribunaux appelés à les entendre n'ont pas ordonné la radiation de l'action postérieure. Je note que, dans les affaires Waterside Ocean Navigation et Chevron, il s'agissait de deux procédures engagées devant des tribunaux différents, chacune présentant une demande censément différente et sollicitant un redressement quelque peu différent, c'est-à-dire qu'il s'agissait de circonstances autres celles dont la Cour est saisie en l'espèce.

[19]      En ce qui concerne les requêtes en suspension des procédures, les demanderesses invoquent les affaires Renaud Cointreau et Varnam c. Canada (Ministre de la Santé et du Bien-être social), [1987] A.C.F. no 511 (1re inst.) (QL) pour faire valoir que c'est seulement dans les cas les plus nets qu'il y a lieu d'accorder une suspension de procédure. D'après les demanderesses, le critère applicable en pareil cas veut que l'auteur de la requête parvienne à persuader la cour que la poursuite de l'action entraînerait une injustice car elle aurait un effet oppressif, serait vexatoire ou constituerait un abus de procédure, alors qu'une suspension, par contre, n'entraînerait, pour l'autre partie, aucune injustice. Les demanderesses font valoir en l'espèce qu'une suspension des procédures retarderait inutilement le règlement d'une question précise et l'octroi du redressement approprié, tout retard entraînant, pour elles, une injustice.

[20]      J'estime que dans la jurisprudence invoquée par les parties, aucun jugement ne porte directement sur des circonstances comme celles dont il est fait état dans les actes de procédure déposés par les demanderesses dans le cadre des deux actions ici en cause.

La comparaison des déclarations

[21]      Lorsque l'on compare les déclarations, modifiées à deux reprises, déposées dans le cadre des actions de 1993, aux déclarations déposées dans le cadre des actions intentées en 1999, on s'aperçoit que sur les 47 paragraphes des premières, environ 38 sont identiques ou quasi identiques à 38 des 39 paragraphes des déclarations afférentes aux actions de 1999. Le seul paragraphe des déclarations de 1999 qui diffère des paragraphes figurant dans les déclarations de 1993 dans leur forme modifiée, est le premier paragraphe qui expose les redressements sollicités. Les demandes de redressement contenues dans les déclarations de 1999 figuraient déjà, du moins en substance, dans une déclaration modifiée antérieure déposée, en février 1999, dans le cadre des actions intentées en 1993, mais ces demandes de redressement ont depuis été supprimées du paragraphe analogue de la déclaration de 1993 par deux fois modifiée. On peut en déduire que les demanderesses avaient antérieurement envisagé de réclamer le redressement qu'elles sollicitent maintenant dans le cadre des actions intentées en 1999, redressement qui concernait, parmi le large éventail de réclamations et de redressements dont il est fait état dans les actions intentées en 1993, le crédit ou paiement en leur faveur de sommes représentant les redevances détenues en fiducie.

[22]      Les demanderesses font état d'une différence sensible entre les actions de 1993 et celles de 1999, en raison, justement, des paragraphes figurant dans les déclarations par deux fois modifiées de 1993, paragraphes qui n'ont aucune contrepartie dans les déclarations déposées dans le cadre des actions engagées en 1999. Parmi ces différences, citons, dans les déclarations de 1993, des allégations détaillées concernant les manquements, de la part de la défenderesse, aux obligations qu'elle avait envers les demanderesses, en vertu d'une relation fiduciaire, des règles de l'equity, de la législation, des traités, ou d'obligations sui generis concernant : la gestion, pour le compte des demanderesses, des terres appartenant aux réserves et des ressources qui s'y trouvent (paragraphe 32); la perception par la défenderesse, en raison des baux d'exploitation des ressources, des [traduction] " sommes dues à la fiducie habilitée à recevoir le montant des redevances ", la gestion des sommes consignées au Trésor et, pour ce qui est de l'argent provenant de la réserve de Pigeon Lake, réparties entre les quatre bandes intéressées, y compris les demanderesses, au prorata de leur population respective (paragraphes 35, 36 37); des violations alléguées d'obligations générales (paragraphe 38); une gestion négligente de l'argent consigné au Trésor (paragraphe 40); et, enfin, le financement de programmes et de services fournis aux bandes (paragraphes 43 à 45). Les demanderesses réclament 25 p. 100 du total des dommages-intérêts dus en raison des manquements, par Sa Majesté, aux obligations qu'elle avait envers elles.

[23]      Dans les actions intentées en 1999, les demanderesses sollicitent de la Cour un jugement déclarant que la défenderesse a manqué à ses obligations de fiduciaire et à ses obligations en equity en ne versant pas, ou en ne créditant pas en quatre parts égales, les redevances aux quatre bandes qui y avaient droit, en manquant de les informer de leur droit à un quart des sommes représentant les redevances détenues en fiducie, en manquant d'obtenir le consentement informé des demanderesses avant de leur verser ou de leur créditer, à elles et aux autres bandes intéressées, des sommes représentant les redevances détenues en fiducie, et en payant ou en portant ces sommes au crédit des bandes demanderesses et des autres bandes intéressées au prorata de leur population respective. Les demanderesses sollicitent également de la Cour un jugement déclarant qu'elles ont droit à des dommages-intérêts, spéciaux autant que généraux, une ordonnance prescrivant de retrouver et de recouvrer tous les biens en fiducie appartenant aux demanderesses, une reddition des comptes pour l'ensemble des redevances versées au fonds en fiducie et auxquelles les demanderesses ont droit conformément à la répartition par quarts entre elles et les autres bandes intéressées, ainsi qu'une ordonnance prescrivant le versement aux demanderesses des sommes ainsi calculées, plus les intérêts avant et après jugement et les dépens.

[24]      Selon l'interprétation que je fais des déclarations, il existe des différences entre les actions. Les actions intentées en 1993 ont une portée considérablement plus large que les actions intentées en 1999. Elles comportent davantage d'allégations de faute et sollicitent, par conséquent, davantage de redressements. En raison de ces différences, on peut prévoir que l'instruction des actions intentées en 1993 prendra largement plus de temps que l'instruction des actions intentées en 1999, actions qui, en gros, concernent le paiement par le Trésor, ou la répartition au sein du Trésor, des redevances versées au fonds en fiducie ainsi que le mode de répartition des sommes en question, entre les demanderesses et les autres bandes qui y ont droit.

[25]      Malgré les différences entre les déclarations déposées dans le cadre des actions intentées en 1993 et de celles engagées en 1999, différences sur lesquelles insistent les demanderesses, le nombre important de paragraphes identiques ou quasi identiques dans les deux jeux de déclarations traduit bien la réalité des faits sur lesquels les deux actions sont fondées. Le contexte des faits et les principes juridiques permettant de définir les liens existant entre les bandes demanderesses et la Couronne sont les mêmes. Le redressement sollicité dans le cadre des deux actions dépend de l'idée qu'on se fait des obligations de Sa Majesté à l'égard des demanderesses, et des preuves et arguments permettant d'étayer cette idée, afin de savoir si ces obligations sont nées du droit des fiducies, de relations fiduciaires, de traités ou de lois, ou d'une relation sui generis entre les parties, ainsi que des preuves concernant la violation des obligations ainsi établies.

[26]      Il est difficile de savoir comment pourrait être tranchée l'une ou l'autre de ces actions sans que l'on se prononce en même temps sur les questions qui en sont à l'origine. Bien que la portée de l'action intentée en 1999 soit relativement restreinte, les deux actions sollicitent, en plus d'un jugement déclaratoire, des dommages-intérêts. Or, pour rendre jugement sur l'ensemble des réclamations avancées dans le cadre des deux actions, il faudra que la Cour se prononce sur la nature des relations qui existent entre les diverses parties, sur les obligations susceptibles d'en découler et sur le redressement qu'imposerait tout manquement à ces responsabilités. La décision rendue, dans le cadre d'une action, à l'égard de ces diverses questions, hormis les demandes précises invoquant un manquement et sollicitant un redressement spécifique, donnera vraisemblablement des motifs d'invoquer la doctrine de la res judicata à l'égard des questions analogues soulevées dans le cadre de l'autre action.

Conclusions

[27]      Les deux déclarations, c'est-à-dire les déclarations déposées respectivement dans le cadre des actions intentées et 1993 et en 1999, formulent effectivement des demandes distinctes et sollicitent des redressements eux aussi distincts. Ces demandes et les redressements sollicités dans le cadre des deux actions sont, malgré tout, fondées sur les mêmes faits et les mêmes éléments de preuve, et sont basées sur les mêmes opérations ou événements qui sont à l'origine du lien juridique entre les deux parties. Cela ressort clairement du fait que 38 des 39 paragraphes de la déclaration de 1999, c'est-à-dire la quasi-intégralité de ses paragraphes sont identiques ou quasi identiques aux paragraphes des déclarations déposées dans le cadre des actions intentées en 1993. La clé des réclamations et redressements sollicités dans le cadre des deux actions se trouve dans la relation entre les parties, que les demandes en question aient trait à la gestion des terres de réserve et des ressources tirées de celles-ci, ou au recouvrement, à la gestion, au paiement, ou au fait d'avoir crédité, l'argent tiré de ces ressources, ou à la prestation de programmes et de services.

[28]      J'admets les arguments avancés par l'avocat de la Couronne pour dire que les requêtes en radiation ou en suspension n'ont aucunement pour objet de priver les demanderesses de la possibilité de soumettre leurs demandes à la Cour. J'accepte l'argument avancé par la Couronne qui affirme que la demande et le redressement sollicités dans le cadre de la déclaration de 1999 pourraient être tranchés dans le cadre de l'action intentée en 1993. J'accepte également l'argument développé par l'avocat des bandes demanderesses pour dire que la solution que celles-ci proposent doit permettre à la Cour de se prononcer sur la demande présentée dans le cadre de l'action de 1999, sans attendre que soient réunis les éléments de preuve concernant l'éventail plus large de questions soulevées par les actions engagées en 1993. Et enfin, j'accepte également que, dans d'assez larges limites, un demandeur est libre, lorsqu'il porte devant la Cour une question relevant de la compétence de celle-ci, de donner à sa démarche la forme qui lui paraît la bonne.

[29]      Ces limites assez larges comprennent la compétence qu'a la Cour, en vertu de ses Règles et du pouvoir inhérent qui lui est reconnu à l'égard de ses propres procédures, de prescrire le mode d'instruction le mieux à même d'assurer le règlement le plus prompt et le moins onéreux des demandes tout en assurant qu'il sera fait justice aux parties.

[30]      Les ordonnances que la Couronne sollicite dans le cadre de requêtes qui visent à faire radier l'une ou l'autre des déclarations ou, subsidiairement, à suspendre l'une ou l'autre des actions, correspondent bien aux moyens qu'a la Cour de limiter les procédures intentées devant elle, mais elle ne doit y recourir que dans les cas qui s'y prêtent. En l'espèce, étant donné que chacune des déclarations repose sur une thèse soutenable et distincte, on ne peut pas, d'après moi, affirmer que l'une ou l'autre de ces déclarations est en soi vexatoire, scandaleuse, ou qu'elle constitue un abus de procédure. On ne saurait, non plus, affirmer qu'il y a lieu d'ordonner la suspension de l'une ou l'autre des actions, car ni l'une ni l'autre n'est suffisamment avancée, ou susceptible, à l'étape où nous en sommes, de nuire au déroulement de l'autre. Ce n'est que du fait qu'ont été engagées deux actions si semblables quant aux allégations de fait fondant la demande de redressement, que la combinaison même des deux procédures permettrait éventuellement de parler d'un abus de procédure car, si les deux actions devaient se poursuivre, il faudrait établir un même ensemble de faits, et notamment en l'occurrence de nombreux documents.

[31]      D'après moi, la situation justifie en l'espèce que la Cour, par une ordonnance rendue de sa propre initiative en l'absence de requête en ce sens de la part d'une des parties, prescrive que les deux procédures, c'est-à-dire l'action intentée en 1993 et celle introduite en 1999, soient réunies en vertu de la règle 105, les réclamations spécifiées dans le cadre de l'action intentée en 1999 et les mesures de redressement sollicitées dans le cadre de celle-ci étant incorporées par une modification additionnelle de la déclaration de 1993.

[32]      La réunion des deux instances, à laquelle la Cour se propose de procéder, préserverait toutes les demandes avancées par les demanderesses et les mesures de redressement qu'elles sollicitent. Il ne s'agit aucunement de s'opposer à la volonté qu'ont les demanderesses de voir la Cour se prononcer, dans les meilleurs délais, sur les mesures de redressement qu'elles sollicitent dans le cadre de l'action introduite en 1999, sans attendre la réunion de tous les éléments de preuve et l'instruction de toutes les autres questions évoquées dans le cadre de l'action intentée en 1993 dans sa formulation actuelle car, en vertu de la règle 106, la Cour peut ordonner qu'une ou plusieurs causes d'action dans une même instance soient poursuivies en tant qu'instances distinctes lorsque l'audition de deux ou plusieurs causes d'action dans une même instance compliquerait indûment ou retarderait le déroulement de celle-ci ou porterait préjudice à une partie. Il est clair que le moment venu, les demanderesses pourront proposer l'instruction d'une cause d'action lorsque seront réunis les éléments de preuve nécessaires. Il est également évident que la Cour peut, de sa propre initiative, et comme le prévoit la règle 107, " à tout moment ordonner l'instruction d'une question soulevée ou ordonner que les questions en litige dans une instance soient jugées séparément ". Si les parties parviennent à s'entendre sur les faits, elles pourront, dans le cadre d'une procédure différente, demander à la Cour en vertu de la règle 220, avant l'instruction de l'action ou en remplacement de celle-ci, de statuer sur les points litigieux. Cette procédure peut s'appliquer à l'ensemble des points litigieux ou à certains d'entre eux seulement.

[33]      Rares sont dans les recueils les affaires où les tribunaux ont décidé, de leur propre initiative, de réunir deux instances. Dans l'affaire John E. Canning Ltd. c. Tripap Inc., [1999] A.C.F. no 71, (1re inst.) (QL), le juge Lemieux a affirmé (aux paragraphes 26 et 27), en rejetant une demande de réunion d'instances :

     La réunion de deux actions est habituellement ordonnée lorsque les questions soulevées par les allégations dans les deux instances sont suffisamment familières ou semblables pour que soient respectés les critères que sont l'intérêt général de la justice, sa bonne administration et l'intérêt véritable des parties.
     La réunion d'instances vise généralement à éviter la multiplication des instances et à assurer le déroulement rapide et à moindre coût des instances engagées. Pour déterminer s'il y a lieu ou non d'ordonner la réunion des instances, la Cour tient compte des facteurs suivants : l'identité des parties et des questions de droit et de fait, la similitude des causes d'action, le caractère parallèle de la preuve et la probabilité que l'issue d'une affaire permette de régler l'autre...

[34]      Dans cette affaire, le juge Lemieux a rejeté la demande de réunion, estimant que les deux actions portaient sur des contrats différents, même si ceux-ci trouvaient leur source dans les mêmes circonstances générales, les parties aux deux actions étant différentes et les deux actions n'étant, pour l'essentiel, pas fondées sur les mêmes questions de droit ou de fait. On ne saurait en dire autant des circonstances en l'espèce. L'état relatif d'avancement des deux dossiers, facteur dont il convient de tenir compte pour juger du préjudice que la réunion d'instances risquerait de porter à l'une des parties, ne soulève en l'occurrence aucune inquiétude de cet ordre. Voir Mon-Oil Ltd. c. Canada (1989), 27 F.T.R. 50; Apotex Inc. et Novopharm Ltd. c. Wellcome Foundation Ltd. (1993), 69 F.T.R. 178.

[35]      Je considère qu'en l'occurrence les circonstances justifient la réunion d'instances. Cela évitera la multiplicité des instances et favorisera, contrairement à des actions distinctes, une procédure plus rapide et moins coûteuse pour trancher les questions sur lesquelles les parties s'opposent. On trouve, dans les deux actions telles qu'elles sont présentement formulées, les mêmes parties, une grande similarité quant aux questions de droit et de fait invoquées par les parties à l'appui de leurs demandes, les deux actions étant en outre fondées en grande partie sur des preuves communes ou analogues, les différences au niveau des mesures de redressement sollicitées de la Cour se rattachant à des causes précises découlant d'un seul et unique ensemble de circonstances.

[36]      Ainsi, afin de faciliter le déroulement plus prompt des procédures, la Cour ordonne la réunion des deux actions, les demanderesses devant modifier à nouveau la déclaration déposée dans le cadre de l'action intentée en 1993 afin d'y incorporer les demandes et les mesures de redressement spécifiées dans l'action intentée en 1999. Cette modification devra être déposée au plus tard le 15 décembre 1999.

[37]      Conséquemment à la réunion d'instances, l'ordonnance de la Cour proroge les délais, portant à 45 jours après le dépôt d'une déclaration à nouveau modifiée le temps dont dispose la défenderesse pour déposer sa défense, la déclaration de 1999 étant radiée à partir de la date à laquelle les demanderesses déposeront leur déclaration à nouveau modifiée.

[38]      Les deux parties ont demandé à la Cour de leur adjuger les dépens et, dans leur mémoire des faits et du droit respectif, chacune a sollicité de la Cour les dépens sur une base procureur-client. L'adjudication des dépens à ce titre n'est pas fondée en l'espèce et il convient qu'en l'espèce les dépens suivent l'issue de la cause.

[39]      Une copie des présents motifs sera versée aux dossiers T-2954-93, T-2953-93, T-61-99 et T-57-99 avec, dans chaque dossier, une ordonnance séparée rendue en réponse à la requête présentée par la Couronne.



                                     (signature) W. Andrew MacKay


    

                                         JUGE


OTTAWA (Ontario)

Le 26 octobre 1999




Traduction certifiée conforme


Laurier Parenteau, B.A., LL.L.

COUR FÉDÉRALE DU CANADA

SECTION D'APPEL


AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER




Nos DU GREFFE :              T-2959-93, T-57-99 et T-2954-93, T-61-99

INTITULÉ DE LA CAUSE :      La bande indienne de Louis Bull et le chef Herman

                     Roasting et autres c. Sa Majesté la Reine
                     La bande indienne de Montana et le chef
                     Leo Cattleman et autres c. Sa Majesté la Reine

LIEU DE L'AUDIENCE :          Ottawa (Ontario)

DATE DE L'AUDIENCE :          Le 4 juin 1999

MOTIFS DU JUGEMENT DU JUGE MacKAY

DATE :                  Le 26 octobre 1999



ONT COMPARU

Mme Sylvie Molgat

M. Alain Dubuc

M.Michael Bailey                      POUR LA DEMANDERESSE

M. Douglas Titosky                      POUR LA DÉFENDERESSE



AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


Dubuc Osland

Ottawa (Ontario)

Millet, Thompson

Calgary (Alberta)                      POUR LA DEMANDERESSE


Morris Rosenberg

Sous-procureur général du Canada              POUR LA DÉFENDERESSE

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