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Date : 20191119


Dossier : T-1510-18

Référence : 2019 CF 1465

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 19 novembre 2019

En présence de monsieur le juge Lafrenière

ENTRE :

DAVID LEDOUX, KELLIE LEDOUX

ET LOUIE TANNER

demandeurs

et

PREMIÈRE NATION DE GAMBLER, COMITÉ DES ÉLECTIONS DE LA PREMIÈRE NATION DE GAMBLER, GORDON LEDOUX, CHARLENE TANNER ET CURTIS DUCHARME

défendeurs

JUGEMENT ET MOTIFS

[1]  Les demandeurs, David Ledoux, Kellie Ledoux et Louie Tanner, se fondent sur l’article 18.1 de la Loi sur les Cours fédérales, LRC 1985, c F‑7, pour solliciter le contrôle judiciaire de la décision du 14 juillet 2018, par laquelle le Comité des élections de la Première Nation de Gambler [le Comité des élections] a infirmé les résultats de l’élection du chef et du conseil de la Première Nation à la suite du scrutin tenu le 31 mai 2018.

[2]  Le Comité des élections a ordonné la tenue d’un nouveau scrutin avec les mêmes candidats, à l’exception de David Ledoux, qui a été jugé inhabile à se présenter en raison de [traduction] « pratiques déloyales dans la tenue de l’élection » et parce qu’il a tenté de soudoyer un membre de la Première Nation la veille de l’élection. Le Comité des élections a également ordonné la nomination d’un nouveau directeur général des élections pour le nouveau scrutin.

[3]  Comme je l’ai dit au terme de l’audience, la demande de contrôle judiciaire est accueillie.

I.  Les faits

[4]  Le 31 mai 2018, la Première Nation a tenu un scrutin pour élire le chef et deux conseillers. David Ledoux a été élu chef, alors que Louie Tanner et Kellie Ledoux ont été élus conseillers.

[5]  Gordon Ledoux s’est classé au deuxième rang lors de l’élection du chef.

[6]  Après l’élection, Gordon Ledoux a interjeté appel devant le Comité des élections pour demander l’annulation des résultats et la tenue d’une nouvelle élection. Gordon Ledoux a invoqué neuf motifs d’appel. Le Comité des élections a fondé sa décision uniquement sur les trois motifs suivants :

[traduction]

(6)  Corruption d’un membre. David Ledoux a promis à Albert Tanner qu’il lui achèterait un congélateur plein de nourriture ainsi que des produits d’épicerie après les élections.

[…]

(8)  David Ledoux n’a pas distribué à tous les candidats ni affiché la liste des membres et leur adresse. Il a refusé à certains candidats l’accès à des renseignements qui auraient dû être affichés au bureau de la bande, mais qui ne l’étaient pas.

[…]

(9)  La directrice des élections n’était pas présente lors du processus électoral. La directrice des élections avait déclaré à plusieurs reprises au cours des élections [sic].

[7]  Le 4 juillet 2018, l’avocat des demandeurs a présenté une lettre en réponse aux allégations de Gordon Ledoux. Voici leur réponse aux trois allégations retenues par le Comité des élections :

[traduction]

Corruption d’un membre : Aucun élément de preuve n’a été présenté à l’appui de l’allégation de M. Ledoux selon laquelle David Ledoux s’est livré à des activités de corruption au cours de sa campagne. David Ledoux nie formellement cette allégation.

[…]

Liste d’adresses : Afficher les adresses des membres de la bande constituerait une atteinte à leur vie privée. Rien ne démontre que le défaut d’afficher les adresses a eu une incidence sur les résultats de l’élection et, par conséquent, il n’y a aucune raison d’annuler les résultats de l’élection.

[…]

Présence de la directrice des élections : L’allégation de M. Ledoux selon laquelle la directrice des élections n’était pas présente au cours du processus électoral est sans fondement et inexacte. Rien ne démontre qu’il y a eu atteinte à la Loi électorale et, par conséquent, il n’y a aucune raison d’annuler les résultats de l’élection.

[8]  Selon l’avocat des demandeurs, ses clients nient avoir commis des actes répréhensibles ou contrevenu à toute disposition de la Loi électorale coutumière de la bande de la Première Nation de Gambler [la Loi électorale]. L’avocat conclut sa lettre comme suit :

[traduction] Veuillez me faire savoir si le Comité des élections a besoin de renseignements supplémentaires, ou s’il souhaite tenir une audience sur cette question ou mener d’autres enquêtes. Mes clients s’empresseront de participer à tout processus d’enquête et de fournir tout renseignement ou témoignage supplémentaire que le Comité des élections estime nécessaire.

A.  La décision du Comité des élections

[9]  Le Comité des élections s’est réuni à cinq reprises (le 2 juillet 2018, le 9 juillet 2018, le 10 juillet 2018, le 12 juillet 2018 et le 14 juillet 2018) pour examiner les observations écrites qu’il a reçues de Gordon Ledoux, des demandeurs et de la directrice générale des élections. Au cours de ses délibérations, le Comité des élections a entendu le témoignage d’Albert Tanner, décédé depuis, qui était également membre du Comité des élections. Ces réunions se sont déroulées à l’insu des demandeurs.

[10]  Albert Tanner a dit au Comité des élections qu’il avait été approché le 31 mai 2018 par David Ledoux et Rose Ledoux, son épouse. Albert Tanner a raconté que Rose Ledoux lui avait demandé s’il avait de quoi manger à la maison, ce à quoi il avait répondu par la négative. Selon Albert Tanner, Rose Ledoux a proposé d’acheter des provisions pour lui, ce qu’il a accepté. Albert Tanner a informé le Comité des élections que, même s’il ne le pensait pas à l’époque, il en était venu à croire que cette interaction le jour de l’élection avait pour but de l’inciter à voter pour David Ledoux.

[11]  Le Comité des élections a rendu sa décision manuscrite d’une page le 14 juillet 2018.

[12]  Le 28 avril 2019, Donna McGillivary, membre du Comité des élections, a déposé en réponse à la demande un affidavit résumant le fondement de la décision du Comité des élections. Les demandeurs ont appris pour la première fois que le Comité des élections avait fondé sa décision principalement sur deux conclusions, à savoir que (1) David Ledoux avait tenté de soudoyer Albert Tanner, membre de la Première Nation, avec des produits d’épicerie la veille de l’élection, et que (2) David Ledoux n’a pas affiché les noms et adresses des membres au bureau de la Première Nation ni autrement fourni ces renseignements aux autres candidats. Le Comité des élections s’était également appuyé sur sa conclusion de moindre importance selon laquelle [traduction] « [la directrice générale des élections] était présente aux moments expressément requis par la [Loi électorale], mais, selon certains éléments de preuve, elle n’était pas physiquement présente ni autrement disponible, ou bien il était impossible de la joindre, et ce, pendant une grande partie de la campagne électorale ». Selon Mme McGillivray, Albert Tanner s’est récusé relativement à la décision et au vote au sujet de l’allégation de corruption.

B.  L’instance subséquente devant la Cour

[13]  Le 13 août 2018, les demandeurs ont introduit la demande sous‑jacente en vue de faire annuler la décision du Comité des élections pour de nombreux motifs, y compris le manquement par le Comité des élections à son obligation d’équité procédurale.

[14]  Les demandeurs ont initialement désigné la Première Nation comme unique défenderesse. Après le nouveau scrutin tenu le 31 août 2018, conformément aux directives du Comité des élections, Gordon Ledoux a été élu chef et Charlene Tanner et Curtis Ducharme ont été élus conseillers. Les demandeurs ont par la suite modifié leur avis de demande pour ajouter le Comité des élections ainsi que le chef et les conseillers nouvellement élus à titre de défendeurs. Seule la Première Nation a déposé un avis de comparution pour s’opposer à la demande.

[15]  L’instance s’est par la suite enlisée dans des requêtes interlocutoires déposées par les parties. Les demandeurs ont présenté une requête en vue d’obtenir un jugement déclarant qu’ils étaient en droit d’exercer le contrôle des affaires de la Première Nation en attendant l’issue de la demande de contrôle judiciaire. La Première Nation a répliqué par une requête visant à faire déclarer Adam Touet et le W Law Group inhabiles à agir pour le compte des demandeurs au motif qu’ils étaient en conflit d’intérêts.

[16]  Le juge William Pentney a rejeté les deux requêtes le 27 mars 2019 dans la décision Ledoux c Première Nation de Gambler, 2019 CF 380. Le juge Pentney s’est montré particulièrement sévère à l’égard de la conduite des demandeurs, qui n’ont présenté aucune demande pour obtenir un sursis à l’exécution de la décision du Comité des élections ou pour retarder le deuxième scrutin, ou y mettre fin. Les demandeurs ont plutôt ignoré ces événements et ont continué d’agir comme chef et conseillers de facto. Le juge Pentney a toutefois reconnu, au paragraphe 7, que la demande sous‑jacente pouvait être fondée :

Il appert du dossier limité qui m’a été soumis qu’un des groupes semble avoir fait fi des préceptes fondamentaux de la primauté du droit et qu’il cherche maintenant à solidifier son contrôle au moyen d’une ordonnance de la Cour. En revanche, d’importantes questions ont été soulevées au sujet du processus d’appel électoral et de la façon dont le deuxième scrutin s’est déroulé.

[17]  Il semble que, jusqu’à la date de l’audition de la présente demande, les demandeurs ont continué à exercer un contrôle sur les activités quotidiennes de la Première Nation, ainsi que sur ses comptes bancaires, malgré le rejet de leur requête et la forte réprimande du juge Pentney.

II.  Analyse

[18]  La Première Nation a soulevé deux questions préliminaires que j’aborderai brièvement avant de passer aux questions soulevées par les demandeurs.

[19]  Premièrement, la Première Nation soutient que l’instance n’a pas été introduite en bonne et due forme puisque le Comité des élections n’a pas été désigné à l’origine à titre de défendeur. Sans nécessairement convenir avec la Première Nation que le tribunal dont la décision est contestée aurait dû être désigné comme partie défenderesse, je souligne que l’avis de demande a été signifié dans le délai prescrit à un représentant du Comité des élections, ainsi qu’à un employé de la Première Nation et à Gordon Ledoux, qui était l’appelant devant le Comité des élections. La protonotaire Mandy Aylen, qui était chargée de la gestion de l’instance, a également autorisé les demandeurs à modifier l’avis de demande afin d’ajouter le Comité des élections à titre de défendeur. Dans les circonstances, je suis d’avis que, dans la mesure où une question de jonction a pu être soulevée lorsque l’instance a été introduite, elle a depuis été réglée.

[20]  Deuxièmement, la Première Nation soutient que les demandeurs ne se présentent pas devant la Cour avec une conduite irréprochable et qu’ils devraient se voir refuser la qualité pour poursuivre la demande. Cet argument est bien fondé. Il ressort clairement du dossier dont je dispose que les demandeurs n’ont pas tenu compte de la décision du Comité des élections et des résultats du deuxième scrutin pour obtenir un avantage stratégique. Par conséquent, ils se sont exposés à la possibilité que leur demande soit rejetée, car le contrôle judiciaire relève d’un pouvoir discrétionnaire.

[21]  Dans l’exercice de son pouvoir discrétionnaire, la Cour tient compte de tous les faits pertinents, y compris du comportement du demandeur entre la date de la décision administrative et celle du contrôle judiciaire. La Cour doit également tenir compte de l’intégrité des processus administratifs, prévenir les abus des processus administratifs et préserver l’intérêt public dans la conduite des décisions administratives.

[22]  Bien que la Cour n’approuve pas les actes des demandeurs qui se sont fait justice eux‑mêmes, il n’en demeure pas moins que les intérêts en l’espèce vont au‑delà de ceux des parties, comme l’a déclaré le juge Donald Rennie dans la décision Poker c Première nation des Innus Mushuau, 2012 CF 1, au paragraphe 30 :

[…] indépendamment de la question de savoir quelles sont les personnes responsables, en tout ou en partie, des irrégularités de l’élection, le facteur prépondérant à prendre en compte pour décider s’il y a lieu d’accorder ou non la réparation réside dans la confiance des membres de la bande à l’endroit du processus électoral lui‑même. Il existe un intérêt public primordial lié au maintien d’une confiance méritée de la bande à l’endroit des élections qu’elle tient, parce que cette confiance renforce sa gouvernance. En conséquence, eu égard à l’importance du processus électoral, la réparation ne sera pas refusée.

[23]  C’est la volonté des membres de la Première Nation d’élire ses dirigeants qui est au cœur de la présente instance, et non les intérêts personnels des demandeurs. Par conséquent, la Cour devrait hésiter à refuser d’accorder une réparation lorsque des questions importantes ont été soulevées au sujet du processus d’appel électoral, comme c’est le cas en l’espèce.

[24]  Le Comité des élections était manifestement lié par une obligation d’équité. La juge l’Heureux‑Dubé écrivait dans l’arrêt Baker c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 1999 CanLII 699 (CSC), [1999] 2 RCS 817, [Baker], au paragraphe 20, que « [l]e fait qu’une décision soit administrative et touche “les droits, privilèges ou biens d’une personne” suffit pour entraîner l’application de l’obligation d’équité ».

[25]  Les demandeurs soutiennent qu’ils avaient droit à un degré élevé d’équité procédurale en raison de la grande importance de la décision du Comité des élections pour eux personnellement. Je suis d’accord. La décision du Comité des élections mettait directement en jeu les droits, les intérêts et les privilèges des demandeurs parce que, en cas d’exécution, elle aurait pour effet d’entraîner leur destitution des postes au sein de la Première Nation pour lesquels ils avaient été élus, de les priver de leur salaire et, dans le cas de David Ledoux, de porter atteinte à sa réputation.

[26]  La Première Nation soutient que le Comité des élections s’est acquitté de son devoir d’équité envers les demandeurs en rendant sa décision. Je ne suis pas d’accord. Comme la Cour suprême l’a fait remarquer dans l’arrêt Baker, au paragraphe 22 :

[…] les droits de participation faisant partie de l’obligation d’équité procédurale visent à garantir que les décisions administratives sont prises au moyen d’une procédure équitable et ouverte, adaptée au type de décision et à son contexte légal institutionnel et social, comprenant la possibilité donnée aux personnes visées par la décision de présenter leurs points de vue complètement ainsi que des éléments de preuve de sorte qu’ils soient considérés par le décideur.

[27]  L’avocat de la Première Nation soutient que ni la Loi électorale, ni aucune loi applicable, ni la common law n’exigent la tenue d’une audience d’appel. C’est possible, mais le Comité des élections a décidé d’entendre des témoignages. Le Comité des élections a ainsi reconnu qu’une preuve additionnelle était nécessaire pour rendre sa décision. En privant les demandeurs de la possibilité de contester la preuve d’Albert Tanner et de présenter une contre‑preuve, le Comité des élections a violé les règles fondamentales d’équité procédurale, à savoir le droit de connaître la preuve à réfuter et le droit d’être entendu. Dans les circonstances, la conclusion du Comité des élections en ce qui concerne l’accusation de corruption doit être annulée.

[28]  Quant aux deux autres conclusions du Comité des élections (le défaut de David Ledoux d’afficher les noms et adresses des membres et le défaut de la directrice générale des élections d’être présente au cours du processus électoral), les motifs tardifs fournis par Mme McGillivary ne satisfont pas à l’exigence de justification de la décision et de transparence et d’intelligibilité du processus décisionnel, un élément clé de la décision raisonnable : Dunsmuir c Nouveau‑Brunswick, 2008 CSC 9.

[29]  L’article 19.1 de la Loi électorale ne prévoit un droit d’appel que si un candidat ou un électeur [traduction] « a des motifs de croire qu’il y a eu une erreur ou une violation de [la Loi électorale] au cours du processus électoral qui aurait pu avoir une incidence sur les résultats de l’élection ». Le Comité des élections n’explique pas en quoi les violations alléguées ont influé sur les résultats.

[30]  De plus, le Comité des élections n’explique pas sur quel fondement il a conclu que David Ledoux était personnellement responsable de l’affichage de la liste des membres ni sur quels éléments de preuve il s’est appuyé, hormis une simple affirmation de Gordon Ledoux portant que la liste des membres n’avait pas été affichée. Les demandeurs ainsi que la directrice générale des élections contestent cette allégation. Cette dernière affirme dans un affidavit déposé en réponse à l’affidavit de Mme McGillivary que la liste électorale a en fait été affichée à divers endroits le 5 avril 2018 (c’est‑à‑dire avant la première élection).).

[31]  Quant à la plainte de Gordon Ledoux selon laquelle [traduction] « [l]a directrice des élections n’était pas présente lors du processus électoral » [non souligné dans l’original], le Comité des élections a rejeté cette allégation et, selon Mme McGillvary, a conclu que la directrice générale des élections était présente aux moments expressément requis par la Loi électorale. Le Comité des élections a ensuite inexplicablement conclu que, selon certains éléments de preuve, la directrice générale des élections [traduction] « n’était pas physiquement présente ni autrement disponible, ou bien il était impossible de la joindre, et ce, pendant une grande partie de la campagne électorale » [non souligné dans l’original]. Or, ce n’est pas l’allégation qui avait été soumise au Comité des élections. Il était tout à fait inapproprié pour le Comité des élections de tirer une telle conclusion sans en aviser les demandeurs et la directrice générale des élections.

[32]  Pour les motifs qui précèdent, je conclus que la décision du Comité des élections était fondamentalement viciée et déraisonnable et qu’elle devrait donc être annulée.

[33]  La pratique habituelle consiste à renvoyer l’affaire pour nouvelle décision. Toutefois, dans certains cas, la Cour s’est abstenue de le faire : voir Hudson c Canada (Affaires indiennes et du Nord canadien), 2007 CF 203, aux paragraphes 111 et 112. Dans les circonstances particulières de l’espèce, je conclus qu’il ne serait pas dans l’intérêt de la justice de renvoyer l’affaire au Comité des élections.

[34]  Premièrement, la preuve présentée par Gordon Ledoux au Comité des élections était largement insuffisante pour étayer ses allégations de manœuvres frauduleuses de la part de David Ledoux ou de violations de la Loi électorale. Ces allégations sont encore plus difficiles à établir étant donné que le seul témoin de la corruption alléguée est décédé depuis. Deuxièmement, même en supposant qu’il y ait eu violation de la Loi électorale, il n’y avait aucun élément de preuve devant le Comité des élections démontrant que ces violations auraient pu influer sur les résultats de l’élection, compte tenu de l’écart des votes entre les candidats. Enfin, une nouvelle audition de l’appel ne ferait qu’occasionner d’autres retards et de l’incertitude dans la collectivité. L’élection contestée a eu lieu il y a près d’un an et demi. Après cette période, la collectivité a droit à une issue définitive.

III.  Les dépens

[35]  Les dépens devraient généralement suivre l’issue de la cause, mais la Cour a le pouvoir discrétionnaire de déroger à ce principe pour une bonne raison. Pour fixer les dépens, la Cour peut, en vertu de l’article 400 des Règles des Cours fédérales, DORS/988‑106, tenir compte de la conduite d’une partie qui a eu pour effet d’abréger ou de prolonger inutilement la durée de l’instance et de la question de savoir si une mesure prise au cours de l’instance était inappropriée, vexatoire ou inutile.

[36]  À mon avis, en privant la Première Nation de ressources financières pour défendre la décision du Comité des élections et préparer un dossier certifié du tribunal, les demandeurs ont fait preuve d’une conduite tout à fait inappropriée qui mérite d’être punie. Bien que les demandeurs aient finalement eu gain de cause dans la présente instance, ils n’ont pas agi rapidement pour solliciter une réparation interlocutoire et ont prolongé inutilement la durée de l’instance.

[37]  En fin de compte, la Cour doit, pour l’essentiel, rendre justice aux parties compte tenu de toutes les circonstances. Je conclus que les membres de la Première Nation ne devraient pas être tenus d’assumer les coûts des mauvais choix des demandeurs. Dans les circonstances, j’estime qu’il est juste et approprié d’adjuger plutôt à la Première Nation des dépens au montant fixe de 8 000 $, taxes et débours compris, à payer à ses avocats inscrits au dossier.


JUGEMENT dans le dossier T-1510-18

LA COUR STATUE que :

  1. La demande de contrôle judiciaire est accueillie.

  2. La décision du Comité des élections de la Première Nation de Gambler est annulée.

  3. La défenderesse, la Première Nation de Gambler, a droit à ses dépens pour la présente instance, lesquels sont fixés à 8 000 $, taxes et débours compris.

« Roger R. Lafrenière »

Juge

Traduction certifiée conforme

Ce 29e jour de novembre 2019.

Mylène Boudreau, traductrice


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

T-1510-18

 

INTITULÉ :

DAVID LEDOUX, KELLIE LEDOUX ET LOUIE TANNER c PREMIÈRE NATION DE GAMBLER, COMITÉ DES ÉLECTIONS DE LA PREMIÈRE NATION DE GAMBLER, GORDON LEDOUX, CHARLENE TANNER ET CURTIS DUCHARME

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Ottawa (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 14 NOVEMBRE 2019

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

LE JUGE LAFRENIÈRE

 

DATE DU JUGEMENT ET DES MOTIFS :

LE 19 NOVEMBRE 2019

COMPARUTIONS :

Adam R. Touet

 

POUR LES DEMANDEURS

 

Markus Buchart

 

POUR LES DÉFENDEURS

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

The W Law Group LLP

Avocats

Saskatoon (Saskatchewan)

 

POUR LES DEMANDEURS

 

Jerch Law

Avocats

Winnipeg (Manitoba)

 

POUR LES DÉFENDEURS

 

 

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