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     Date : 19980902

     Dossier : IMM-583-98


Entre

     BADDER DAVARI BOUSHEHR,

     demandeur,

     - et -


     LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION,

     défendeur



     MOTIFS DE L'ORDONNANCE

     (prononcés à l'audience tenue à

     Toronto (Ontario) le 4 août 1998)


Le juge SIMPSON


[1]      Le demandeur agit en contrôle judiciaire contre la décision en date du 27 janvier 1998 par laquelle une agente d'immigration (l'agente) a conclu qu'il n'y avait pas suffisamment de raisons d'ordre humanitaire pour recommander une décision favorable en application du paragraphe 114(2) de la Loi sur l'immigration, L.R.C. (1985), ch. I-2. Pareille décision favorable aurait permis au demandeur de demander le statut d'immigrant pendant qu'il se trouve au Canada même.

L'ÉTAT ANTÉRIEUR DE LA CAUSE

[2]      Le demandeur, arrivé au Canada le 28 février 1996, s'est vu refuser le statut de réfugié puis a été débouté par la Cour fédérale de son recours en contrôle judiciaire contre ce rejet. Il a fait sa demande de réexamen pour raisons d'ordre humanitaire en application de l'article 114 de la Loi en mars 1997 (la demande). Dans cette demande, il faisait valoir qu'il s'était joint récemment à l'Armée du Salut. Il a été interrogé par l'agente le 11 août 1997, et l'avis sur le risque de persécution a été donné le 16 décembre 1997. La demande a été rejetée par lettre en date du 27 janvier 1998 (la décision).

LES FAITS DE LA CAUSE

[3]      Le demandeur, né à Téhéran en 1967, est fils unique de père d'origine syrienne, maintenant décédé, et de mère iranienne. Pendant qu'il était au Canada, sa mère qui était en Iran aurait reçu une convocation de la police qui voulait savoir où il se trouvait, à la suite de quoi elle est allée se cacher. Le demandeur était élevé dans la foi catholique et, avant de se joindre à l'Armée du Salut, il était catholique.

[4]      L'avis sur le risque de persécution, communiqué à l'agente, indique que les autorités iraniennes ont tendance à persécuter les sectes chrétiennes évangéliques. L'auteur de cet avis avait essayé en vain de déterminer quelle est la situation de l'Armée du Salut en Iran. Il dit ne pas savoir ce qui arriverait si le demandeur retournait en Iran et continuait à faire partie de l'Armée du Salut. On peut lire ce qui suit dans son rapport à l'agente :

     [TRADUCTION]

     " Je vérifierais aussi auprès de l'Armée du Salut s'il en fait vraiment partie et si elle existe vraiment en Iran. La définition du risque est prospective. "

L'auteur de l'avis conclut que le demandeur ne courait aucun risque de persécution.

[5]      Peu de temps après la décision, un représentant de l'Armée du Salut à Toronto a informé l'avocat du demandeur, par lettre datée du 6 mars 1998, que l'Armée du Salut est une secte évangélique et n'est pas permise en Iran, ce dont n'était pas informée l'agente.

LES POINTS LITIGIEUX

[6]      Il échet d'examiner en premier lieu si l'agente d'immigration a fondé ses conclusions sur une articulation inexacte ou incomplète des faits et, en second lieu, si elle a manqué à l'obligation d'équité ou de justice naturelle.

ANALYSE ET CONCLUSIONS

[7]      Le premier point litigieux

a)      La demande dépendait en grande partie de la qualité de membre du demandeur au sein de l'Armée du Salut, qui est une secte protestante évangélique. Malheureusement, il n'est question nulle part de l'Armée du Salut dans les notes de l'agente. De fait, la seule mention de l'appartenance religieuse du demandeur est son appartenance antérieure à l'Église catholique. Dans ces circonstances extraordinaires, je conclus que l'agente d'immigration a commis une erreur faute d'avoir fondé sa décision sur des faits exacts. Par ce motif seul, il sera fait droit au recours en contrôle judiciaire.
b)      L'auteur de l'appréciation du risque notait que son travail se heurtait au manque d'informations sur la question de savoir si l'Armée du Salut était active en Iran et, dans l'affirmative, si elle y était une organisation licite. Il a suggéré à l'agente de s'informer elle-même à ce sujet, ce qu'elle n'a pas fait. Il ne s'agit pas là à mon avis d'une erreur susceptible de contrôle judiciaire. C'est au demandeur qu'il incombe de produire toutes les informations utiles à l'agente saisie de la demande de réexamen pour raisons d'ordre humanitaire.
c)      Le demandeur reproche à l'agente d'avoir, dans sa conclusion sur la question de savoir s'il avait coupé tout lien avec l'Iran, ignoré la preuve que sa mère devait aller se cacher à la suite de la convocation de la police. J'ai relu attentivement le dossier et n'ai rien trouvé qui permette de conclure que la preuve relative à ce point a été ignorée.

[8]      Le second point litigieux

a)      Le demandeur soutient que vu l'état des choses résumé à l'alinéa b) de l'analyse du premier point litigieux, l'agente était tenue par l'obligation d'équité ou de justice naturelle de s'informer sur le statut de l'Armée du Salut en Iran. À mon avis, pareille obligation n'existe pas en droit, à la suite de la décision rendue par la Cour d'appel fédérale dans Shah c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration) (1994), 170 N.R. 238 (C.A.).

CONCLUSION

[9]      La Cour fait droit au recours en contrôle judiciaire. La demande, avec nouvelle appréciation du risque de persécution, sera examinée par un autre agent à la lumière des documents produits jusqu'à ce jour par le demandeur aux autorités de l'immigration. En outre, l'avocat du demandeur produira la lettre datée du 8 mars 1998 de l'Armée du Salut. Cependant, l'agent pourra exercer son pouvoir discrétionnaire pour soumettre le demandeur à une nouvelle entrevue et pour demander la production d'autres documents.

     Signé : Sandra J. Simpson

     ________________________________

     Juge

Vancouver (Colombie-Britannique),

le 2 septembre 1998



Traduction certifiée conforme,



Laurier Parenteau, LL.L.

     COUR FÉDÉRALE DU CANADA

     AVOCATS ET AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER



DATE :                  4 août 1998


DOSSIER No :              IMM-583-98

INTITULÉ DE LA CAUSE :      Badder Davari Boushehr

                     c.

                     Le ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration


LIEU DE L'AUDIENCE :          Toronto (Ontario)


MOTIFS DE L'ORDONNANCE PRONONCÉS PAR MME LE JUGE SIMPSON


LE :                      2 septembre 1998



ONT COMPARU :


M. Peter J. Krochak                  pour le demandeur

M. Brian A. Frimeth                  pour le défendeur



AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :


Abrams & Krochak                  pour le demandeur

Toronto (Ontario)

M. Morris Rosenberg              pour le défendeur

Sous-procureur général du Canada

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