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Date : 19980911


Dossier : T-1143-98

Ottawa (Ontario), le 11 septembre 1998

EN PRÉSENCE DU JUGE MacKAY

    

ENTRE :


047424 NB INC., NANCY PITRE, 047425 NB

INC., ALMA THÉRIAULT, MANDATE

ERECTORS AND WELDING (1997) LTD.,

SERGE THÉRIAULT, 0046595 NB INC.,

BARBARA PITRE, GÉRALD PITRE,

BATHURST MACHINE SHOP LTD.,

     demandeurs,

     - et -

     LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

     défendeur.

     VU la demande formée par les demandeurs tendant à obtenir, en vertu du paragraphe 18.1(2) de la Loi sur la Cour fédérale, une prorogation du délai de présentation d'une demande de contrôle judiciaire;

     VU que la Cour a entendu les avocats des parties à Fredericton (Nouveau-Brunswick) le 6 juillet 1998 relativement à la présente requête et à d'autres requêtes dans le présent dossier et dans le dossier T-1159-98 et a réservé sa décision, et vu qu'elle a notamment prononcé, en date d'aujourd'hui, une ordonnance sur la requête présentée par le défendeur pour obtenir des directives à l'égard de la procédure de contrôle judiciaire que comptent intenter les demandeurs;



     O R D O N N A N C E

     IL EST STATUÉ que la requête des demandeurs en prorogation de délai est accueillie, sous réserve que les demandes de contrôle judiciaire soient déposées, conformément aux directives prononcées aujourd'hui en réponse à la requête du défendeur pour obtenir des directives, au plus tard le 25 septembre 1998.

                             W. Andrew MacKay

    

                                 Juge

Traduction certifiée conforme

Ghislaine Poitras, LL. L.


Date : 19980911


Dossier : T-1143-98

OTTAWA (Ontario), le 11 septembre 1998

EN PRÉSENCE DU JUGE MacKAY

ENTRE :


047424 NB INC., NANCY PITRE, 047425 NB

INC., ALMA THÉRIAULT, MANDATE

ERECTORS AND WELDING (1997) LTD.,

SERGE THÉRIAULT, 0046595 NB INC.,

BARBARA PITRE, GÉRALD PITRE,

BATHURST MACHINE SHOP LTD.,

     demandeurs,

     - et -

     LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

     défendeur.

         VU la demande du défendeur pour obtenir des directives à l'égard de la procédure à suivre relativement au contrôle judiciaire de cinq demandes de renseignements signifiées en vertu de l'article 231.2 de la Loi de l'impôt sur le revenu aux dix demandeurs, soit un groupe de cinq personnes morales et le seul ou le principal administrateur individuel de chacune de ces sociétés;

         VU que la Cour a entendu les avocats des parties à Fredericton (Nouveau-Brunswick), le 6 juillet 1998 relativement à la présente requête et à d'autres requêtes dans le présent dossier et dans le dossier T-1159-98 et a réservé sa décision, et vu que la Cour en vient à la conclusion que les questions que veulent soulever les demandeurs dans les procédures de contrôle judiciaire sont essentiellement semblables, se rapportant à des décisions semblables prises à la même date, sauf dans le cas des demandes signifiées à Bathurst Machine Shop Ltd. et à Gérald Pitre, les seuls demandeurs qui sont accusés concurremment d'infractions criminelles;

     VU que la Cour en vient à la conclusion, selon les règles 3 et 302 des Règles de la Cour fédérale (1998), que, dans les circonstances de l'espèce, la procédure définie dans la présente ordonnance est celle qui permet d'apporter aux questions soulevées par les demandeurs la solution la plus expéditive et économique possible;

     O R D O N N A N C E

     IL EST STATUÉ, sous réserve de toute autre ordonnance que pourra estimer opportune le juge présidant l'instance :

     1.      Les demandeurs 047424 NB Inc. et Nancy Pitre, 047425 NB Inc. et Alma Thériault, Mandate Erectors & Welding (1997) Ltd. et Serge Thériault, et 046595 NB Inc. et Barbara Pitre peuvent se joindre comme codemandeurs dans une demande de contrôle judiciaire se rapportant à la décision du 27 avril 1998 de présenter quatre demandes de renseignements et de signifier des demandes pour obtenir ces mêmes renseignements à chacun des demandeurs, à la condition que la demande soit appuyée d'un affidavit d'un ou de plusieurs demandeurs;

    

     2.      Les demandeurs Bathurst Machine Shop Ltd. et Gérald Pitre peuvent se joindre comme demandeurs dans une seconde demande de contrôle judiciaire se rapportant à la décision du 27 avril 1998 de présenter une demande de renseignements et de la leur signifier, à la condition que la demande soit appuyée d'un affidavit de Gérald Pitre;

    

     3.      Les demandes de contrôle judiciaire faites conformément aux paragraphes 1 et 2 devront être déposées au plus tard le 25 septembre 1998, ainsi qu'il est prévu comme condition dans une ordonnance séparée prononcée aujourd'hui et accordant une prorogation du délai en vue du dépôt d'une demande de contrôle judiciaire.

                             W. Andrew MacKay

    

                                 Juge

Traduction certifiée conforme

Ghislaine Poitras, LL. L.


Date : 19980911


Dossier : T-1143-98

OTTAWA (Ontario), le 11 septembre 1998

EN PRÉSENCE DU JUGE MacKAY

    

ENTRE :


047424 NB INC., NANCY PITRE, 047425 NB

INC., ALMA THÉRIAULT, MANDATE

ERECTORS AND WELDING (1997) LTD.,

SERGE THÉRIAULT, 0046595 NB INC.,

BARBARA PITRE, GÉRALD PITRE,

BATHURST MACHINE SHOP LTD.,

     demandeurs,

     - et -

     LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

     défendeur.

     VU la demande présentée par les demandeurs pour obtenir la suspension des demandes de renseignements faites en vertu de l'article 231.2 de la Loi de l'impôt sur le revenu par le ministre intimé ou pour son compte, jusqu'au jugement sur la demande de contrôle judiciaire;

     VU que les avocats des parties ont été entendus à Fredericton, le 6 juillet 1998 sur la présente requête et sur une requête semblable dans le dossier T-1159-98, ainsi que sur des requêtes soumises par les demandeurs dans le présent dossier en vue de la prorogation du délai applicable au dépôt d'une demande de contrôle judiciaire et par l'intimé en vue d'obtenir des directives dans l'éventualité où la requête en prorogation de délai serait accueillie et une demande de contrôle judiciaire serait déposée;

     VU que la décision a été réservée au moment de l'audition de ces demandes, et après examen des observations faites lors de l'audience;


     O R D O N N A N C E

     IL EST STATUÉ que la demande de suspension des demandes de renseignements est rejetée.

                             W. Andrew MacKay

    

                                 Juge

Traduction certifiée conforme

Ghislaine Poitras, LL. L.


Date : 19980911


Dossiers : T-1159-98

OTTAWA (Ontario), le 11 septembre 1998

EN PRÉSENCE DU JUGE MacKAY

    

ENTRE :


047424 NB INC., NANCY PITRE, 047425 NB

INC., ALMA THÉRIAULT, MANDATE

ERECTORS AND WELDING (1997) LTD.,

SERGE THÉRIAULT, 0046595 NB INC.,

BARBARA PITRE, GÉRALD PITRE,

BATHURST MACHINE SHOP LTD.,

     demandeurs,

     - et -

     LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL

ET SA MAJESTÉ LA REINE DU CHEF DU CANADA,

     défendeurs.

     VU la demande présentée par les demandeurs pour obtenir la suspension des demandes de renseignements faites en vertu de l'article 231.2 de la Loi de l'impôt sur le revenu par le ministre intimé ou pour son compte, jusqu'au jugement sur la déclaration du 12 juin 1998;

     VU que les avocats des parties ont été entendus à Fredericton, le 6 juillet 1998, sur la présente requête et sur une requête semblable dans le dossier T-1143-98, ainsi que sur des requêtes soumises dans ce dernier dossier en vue de la prorogation de délai applicable au dépôt d'une demande de contrôle judiciaire et par l'intimé en vue d'obtenir des directives dans l'éventualité où la requête en prorogation de délai serait accueillie et une demande de contrôle judiciaire serait déposée;

     VU que la décision a été réservée au moment de l'audition de ces demandes, et après examen des observations faites lors de l'audience;

     O R D O N N A N C E

     IL EST STATUÉ que la demande de suspension des demandes de renseignements est rejetée.

                             W. Andrew MacKay

    

                                 Juge

Traduction certifiée conforme

Ghislaine Poitras, LL. L.


Date : 19980911


Dossiers : T-1143-98

T-1159-98


T-1143-98

    

ENTRE :


047424 NB INC., NANCY PITRE, 047425 NB

INC., ALMA THÉRIAULT, MANDATE

ERECTORS AND WELDING (1997) LTD.,

SERGE THÉRIAULT, 0046595 NB INC.,

BARBARA PITRE, GÉRALD PITRE,

BATHURST MACHINE SHOP LTD.,

     demandeurs,

     - et -

     LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

     défendeurs,

ET ENTRE :

     T-1159-98


047424 NB INC., NANCY PITRE, 047425 NB

INC., ALMA THÉRIAULT, MANDATE

ERECTORS AND WELDING (1997) LTD.,

SERGE THÉRIAULT, 0046595 NB INC.,

BARBARA PITRE, GÉRALD PITRE,

BATHURST MACHINE SHOP LTD.,

     demandeurs,

     - et -

     LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL

     et SA MAJESTÉ LA REINE DU CHEF DU CANADA,

     défendeurs.

     MOTIFS DES ORDONNANCES

LE JUGE MacKAY

[1]      Les présents motifs se rapportent aux ordonnances statuant sur les requêtes suivantes présentées par les parties dans deux dossiers.

[2]      Dans le dossier T-1143-98, les demandeurs cherchent à obtenir :

     (i)      une prorogation de délai en vue du dépôt d'une demande de contrôle judiciaire, datée du 4 juin 1998;
     (ii)      si la prorogation de délai est accordée, une ordonnance de suspension des demandes de renseignements présentées en vertu de l'article 231.2 de la Loi de l'impôt sur le revenu par le ministre défendeur ou pour son compte, jusqu'au jugement sur la demande de contrôle judiciaire qui conteste ces demandes.

Si la prorogation de délai est accordée, le ministre défendeur demande des directives sur l'opportunité, dans les circonstances de l'espèce, de joindre les instances de manière à n'instruire qu'une seule demande de contrôle judiciaire, comme le souhaitent les demandeurs.

[3]      Dans le dossier T-1159-98, les demandeurs (également auteurs de la demande dans le dossier T-1143-98) cherchent à obtenir une suspension, semblable à celle qu'ils recherchent dans la procédure de contrôle judiciaire qu'ils comptent intenter, à l'égard des demandes de renseignements, mais cette fois jusqu'au jugement sur l'action. Dans l'action, introduite par une déclaration déposée le 15 juin 1998, il est notamment demandé à la Cour de déclarer que [TRADUCTION] " l'article 232.1 [sic] de la Loi de l'impôt sur le revenu est inconstitutionnel ", que les demandes de renseignements constituent une atteinte déraisonnable aux droits garantis par la Charte et un abus de procédure et qu'elles sont irrégulières, illégales et nulles. En outre, l'action comporte des conclusions de la nature du certiorari et de la prohibition, à l'encontre du défendeur, le ministre du Revenu national.

[4]      L'audience a eu lieu le 6 juillet 1998 à Fredericton et les décisions ont alors été réservées. Des ordonnances sont prononcées aujourd'hui, accordant la prorogation de délai pour le dépôt de demandes de contrôle judiciaire, donnant des directives en vue du dépôt de plus d'une demande si les procédures de contrôle judiciaire sont poursuivies et rejetant les deux demandes de suspension présentées par les demandeurs.

[5]      Après un bref rappel de l'historique, je traite successivement de la prorogation du délai pour le dépôt d'une demande de contrôle judiciaire, de la demande de directives du ministre défendeur et des demandes de suspension à l'égard des demandes de renseignements.

L'historique

[6]      En 1992, des fonctionnaires du ministère du Revenu se sont rendus aux bureaux de Mandate Erectors & Welding Ltd. (Mandate) relativement à l'établissement d'une nouvelle cotisation d'impôt. Jusqu'en février 1994, les livres de cette société, et peut-être quelques livres des demandeurs qui sont des particuliers, ont été mis à la disposition des fonctionnaires du ministère, selon ce qu'on rapporte, de manière volontaire et dans un esprit de coopération. En mars 1994, des mandats de perquisition ont été obtenus au nom du ministre et le ministère a procédé à la saisie d'un volume important de documents, qu'il a conservés jusqu'à la confirmation par la Cour d'appel du Nouveau-Brunswick d'un jugement de la cour provinciale ordonnant leur remise.

[7]      Par la suite, en décembre 1996, des accusations criminelles ont été portées au nom du ministre contre Mandate, Bathurst Machine Shop Ltd., Léopold Thériault, Kenneth Pitre and Gérald Pitre, lesquels étaient tous accusés notamment d'évasion fiscale; certaines des accusations ont été modifiées en janvier 1997. Deux des accusés, Bathurst Machine Shop Ltd. et Gérald Pitre, sont demandeurs dans l'instance de contrôle judiciaire et sont également demandeurs dans le dossier T-1159-98. La préparation du procès criminel était en cours lorsque la Division des recouvrements du ministère du Revenu, préoccupée des changements d'administrateurs des sociétés interreliées ayant des dettes fiscales, des arrangements entre ces sociétés, ainsi que d'un transfert possible d'actifs des sociétés et de leurs dirigeants, a présenté les demandes de renseignements en cause, en vertu de l'article 231.2 de la Loi de l'impôt sur le revenu. Ces demandes étaient à l'appui de cotisations établies en vertu de l'article 160 de cette Loi. Elles étaient toutes datées du 27 avril 1998 et ont été signifiées :

     le 27 avril, à Bathurst Machine Shop Ltd. et à Gérald Pitre,
     le 28 avril, à 046595 N.B. Inc. et à Barbara Pitre,
     le 1er mai, à 047425 N.B. Inc. et à Alma Thériault, ainsi qu'à Mandate
         Erectors & Welding (1997) Ltd. et à Serge Thériault,
     le 4 mai, à 047424 N.B. Inc. et à Nancy Pitre.

Dans chaque cas, le particulier est l'administrateur unique ou principal de la société à laquelle son nom est associé.

[8]      Les demandeurs ont fait des efforts en vue de trouver une solution au différend concernant les demandes de renseignements, en vain. Ils ont alors tenté, sans succès, d'obtenir le consentement du défendeur au dépôt d'une demande de contrôle judiciaire au-delà du délai de 30 jours fixé par le paragraphe 18.1(2) de la Loi sur la Cour fédérale, L.R.C. (1985), ch.F-7.

La requête en prorogation du délai de demande de contrôle judiciaire

[9]      Le critère applicable à la prorogation de délai est celui qu'a défini la Cour d'appel dans Grewal c. Ministre de l'Emploi et de l'Immigration (1985), 63 N.R. 106 (C.A.F.). Parmi les facteurs à prendre en considération, il y a le fait que le demandeur ait eu l'intention, à l'intérieur du délai imparti, d'entamer la procédure en vue de présenter une demande et ait maintenu cette intention par la suite, la durée de la prorogation demandée et le préjudice qu'entraînerait la prorogation pour l'autre partie. Il s'agit, en définitive, pour reprendre les termes du juge en chef Thurlow dans Grewal, de déterminer " si ... la prorogation du délai est nécessaire pour que justice soit faite entre les parties " (63 N.R., à la page 110). Selon le juge Marceau dans le même arrêt (63 N.R., à la page 116), il faut établir un équilibre entre tous les facteurs à considérer dans les circonstances, notamment la nature des droits en jeu, pour exercer le pouvoir discrétionnaire d'accorder une prorogation de délai.

[10]      En l'espèce, l'avocat des demandeurs a été informé des diverses demandes de renseignements dans un délai d'une semaine suivant la signification de la dernière demande. L'avocat, qui pratique à Fredericton et se trouvait occupé, en mai 1998, à un long procès, concède que, en définitive, il est responsable du retard à présenter la demande de contrôle judiciaire, quoique ce retard soit attribuable en partie aux difficultés éprouvées pour communiquer avec tous les demandeurs, qui ont tous leurs bureaux ou leur résidence à Bathurst (Nouveau-Brunswick) ou dans les environs. On fait valoir, au nom du défendeur, que les demandeurs n'ont pas fait preuve d'une diligence raisonnable dans la défense de leurs droits et dans leur contestation des demandes de renseignements. Toutefois, comme l'avocat le relève, dans Leblanc c. Banque Nationale du Canada, [1994] 1 C.F. 81 (1re inst.), où j'ai refusé d'accorder une prorogation du délai pour intenter une procédure, j'ai fait remarquer (à la page 93) :

     Néanmoins, malgré ces faux-pas, cela ne suffirait pas, à mon avis, à empêcher la Cour d'exercer son pouvoir discrétionnaire dans la mesure où le requérant établirait les éléments lui permettant de conclure, dans l'intérêt de la justice entre les parties, que la demande de contrôle judiciaire a une chance raisonnable de succès.         

[11]      À mon avis, dans les circonstances de l'espèce, la prorogation de délai devrait être accordée par principe. La prorogation s'appliquera aux demandes telles qu'elles auront été modifiées pour les rendre conformes aux présents motifs et à l'ordonnance connexe sur les directives demandées par le ministre défendeur. La prorogation de délai est justifiée, à mon sens, parce que les demandeurs avaient manifestement l'intention de présenter la demande, une fois que l'avocat aurait obtenu les instructions, dans le délai de 30 jours fixé par le paragraphe 18.1(2) de la Loi sur la Cour fédérale. Cette intention a persisté jusqu'au moment de l'audience. L'avocat des demandeurs a cherché à obtenir le consentement du défendeur à la prorogation du délai. La demande de contrôle judiciaire a été déposée le 5 juin 1998, quelques jours seulement au-delà du délai de 30 jours à compter de la signification de toutes les demandes de renseignements qui sont en cause. La demande de prorogation de délai a ensuite été déposée quelques jours plus tard.

[12]      La prorogation demandée dans les circonstances de l'espèce était minime. Les demandeurs prétendent qu'il sera porté atteinte à leurs intérêts, des droits garantis par la Charte, si la prorogation n'est pas accordée, alors que le défendeur ne subira pas de préjudice si elle l'est. Sans doute, cette prétention ne prouve rien, mais le ministre ne présente aucun élément de preuve ni aucun argument pour établir le préjudice qu'il subirait si la prorogation était accordée. Ni l'une ni l'autre des parties n'a établi de manière persuasive le préjudice possible, mais, à mon avis, les demandeurs vont probablement subir un préjudice plus grand que le ministre si la prorogation est refusée.

[13]      Les questions soulevées dans la demande de contrôle judiciaire concernent les droits constitutionnels des demandeurs garantis par la Charte et l'exercice, conformément à la loi, des pouvoirs du ministre en vertu de l'article 231.2 de la Loi de l'impôt sur le revenu. Les arguments soulevés sont, à tout le moins, défendables et ils concernent des intérêts importants des demandeurs individuels et de l'État, représenté par le ministre.

[14]      J'en arrive à la conclusion que, par principe, il est de l'intérêt de la justice que soit accordée la prorogation du délai applicable au dépôt des demandes de contrôle judiciaire conformément aux directives qui suivent.

La requête pour obtenir des directives (T-1143-98)

[15]      Le ministre défendeur demande des directives sur l'opportunité de joindre les instances de manière à n'instruire qu'une seule demande de contrôle judiciaire à propos de demandes de renseignements qui concernent dix contribuables. Dans la contestation de ces demandes de renseignements, la demande de contrôle judiciaire, telle qu'elle a été conçue par les demandeurs, porte sur cinq demandes de renseignements visant dix contribuables différents, chacun d'eux s'étant vu signifier un avis de demande de renseignements. Les cinq " demandes " de renseignements ou les cinq cas concernent chacun une personne morale et l'administrateur unique ou principal de celle-ci.

[16]      Le défendeur fait valoir que la procédure indiquée serait de former cinq demandes différentes de contrôle judiciaire, une pour chacun des cinq cas, puisque chacun donne lieu à des questions différentes, exigeant un contrôle judiciaire distinct pour apprécier correctement le bien-fondé ou la constitutionnalité de chaque demande de renseignements.

[17]      Les demandeurs opposent que, s'il y a bien cinq demandes écrites et dix contribuables distincts, les faits et les questions de base pour chacune sont fondamentalement les mêmes. Compte tenu de la règle 3 des Règles de la Cour fédérale (1998), qui prévoit que les règles doivent être appliquées " de façon à permettre d'apporter une solution au litige qui soit juste et la plus expéditive et économique possible ", ils font valoir que la méthode indiquée serait de joindre toutes les demandes dans une procédure unique.

     La règle 302 prévoit :

Unless the Court orders otherwise, an application for judicial review shall be limited to a single order in respect of which relief is sought.

Sauf ordonnance contraire de la Cour, la demande de contrôle judiciaire ne peut porter que sur une seule ordonnance pour laquelle une réparation est demandée.

[18]      Dans les circonstances de l'espèce, il me semble que les questions soulevées par les demandeurs à l'égard de quatre des cinq demandes de renseignements et de huit des dix avis de demande de renseignements, sont essentiellement les mêmes bien que les questions de fait sous-jacentes aux demandes respectives puissent différer sur des points mineurs. Ces demandes de renseignements, et les demandeurs intéressés à qui il est ordonné de fournir des renseignements, sont :

     047424 NB Inc. et son administrateur unique, Nancy Pitre,         
     046595 NB Inc. et son administrateur unique, Barbara Pitre,         
     047425 NB Inc., et son administrateur unique, Alma Thériault,
     Mandate Erectors & Welding (1997) Ltd. et son administrateur unique, Serge Thériault.         

Dans chaque cas, la demande de renseignements est datée du 27 avril 1998, bien que les avis de demande aient été signifiés à des dates différentes, entre le 28 avril et le 4 mai 1998. À mon avis, les huit destinataires de ces demandes de renseignements essentiellement semblables peuvent se joindre comme demandeurs dans une procédure unique de contrôle judiciaire.

[19]      Dans le cinquième cas de demande de renseignements, c'est-à-dire dans le cas des avis de demande de renseignements signifiés à Bathurst Machine Shop Ltd. et à Gérald Pitre, les questions et l'argumentation peuvent différer par rapport aux autres cas, du fait que cette société et Gérald Pitre ont été accusés d'infractions criminelles avant que les demandes de renseignements ne soient présentées. À mon avis, ces deux contribuables devraient se prévaloir séparément des autres demandeurs du recours en contrôle judiciaire.

[20]      Une ordonnance est prononcée, prescrivant que la prorogation du délai pour le dépôt des demandes de contrôle judiciaire s'appliquera aux deux demandes séparées, d'abord, celle de Bathurst Machine Shop Ltd. et de Gérald Pitre, ensuite celle de tous les autres demandeurs, comme il est exposé dans l'ordonnance accompagnant les présents motifs, sous réserve que ces demandes soient déposées le 25 septembre 1998 au plus tard. Dans chaque cas, la demande doit être appuyée d'un affidavit souscrit par un ou plusieurs demandeurs, selon le cas.

Les requêtes en suspension des demandes de renseignements

[21]      Des requêtes semblables sont présentées par les demandeurs dans les dossiers T-1143-98 et T-1159-98, bien que la suspension demandée soit reliée à la solution des questions soulevées dans chacune des instances.

[22]      Le critère à appliquer pour la suspension d'instance est bien établi, il est exposé dans les arrêts R.J.R. MacDonald Inc. c. Canada (Procureur général) (1994), 111 D.L.R. (4th) 385 (C.S.C.) et Manitoba (Procureur général) c. Metropolitan Stores Ltd., [1987] 1 R.C.S. 110. Ce critère exige notamment la preuve que le demandeur subirait un préjudice irréparable si la demande de suspension était rejetée, dans l'attente que soit tranchée une question sérieuse dont la Cour est saisie. Si l'on suppose que la demande de contrôle judiciaire et l'action en cause soulèvent des questions sérieuses que doit trancher la Cour, je ne suis pas convaincu que les affidavits déposés à l'appui des demandes de suspension établissent que les demandeurs subiront un préjudice irréparable si les demandes de suspension sont rejetées. L'affidavit de David Oley, avocat, porte notamment :

     [TRADUCTION]         
     8.      Le préjudice subi par les demandeurs ne pourra être indemnisé par des dommages-intérêts et sera donc irréparable. Si le défendeur, le ministre du Revenu national, obtient accès aux renseignements qui font l'objet des demandes de renseignements, la décision au fond deviendra inopérante et une atteinte sérieuse aura été portée aux droits des demandeurs.

[23]      À mon avis, bien que les questions soulevées concernent le pouvoir du défendeur de demander des renseignements compte tenu de la Charte, la difficulté de quantifier les dommages-intérêts, si le défendeur a accès aux renseignements demandés, ne constitue pas à elle seule, en l'espèce, un préjudice irréparable. Si les renseignements demandés sont fournis, mais que le défendeur ne prend aucune mesure non autorisée ayant des effets préjudiciables sur les demandeurs, ceux-ci ne subissent pas de préjudice. Si le préjudice appréhendé est l'utilisation possible des renseignements dans la poursuite criminelle, la validité de cette utilisation peut être contestée dans le cours de cette instance. Si l'utilisation n'est pas permise, il n'y aura pas de préjudice irréparable pour les demandeurs et si elle est permise dans d'autres instances, sur approbation judiciaire, cette utilisation ne pourra pas constituer un préjudice irréparable.

[24]      Les mesures prises par le ministre sont présumées valides tant que le contraire n'est pas établi, à moins qu'on ne fasse la preuve d'un préjudice irréparable. Dans ces circonstances, la prépondérance des inconvénients favorise le ministre et s'oppose à l'octroi de l'injonction interlocutoire recherchée par les demandeurs.

[25]      Je ne suis pas disposé à ordonner la suspension des demandes de renseignements, que ce soit jusqu'au jugement sur la demande de contrôle judiciaire (T-1143-98) ou jusqu'au jugement sur l'action intentée par les demandeurs (T-1159-98).

Conclusion

[26]      La prorogation du délai pour le dépôt des demandes de contrôle judiciaire est accordée, sous réserve que ces demandes soient conformes aux directives données dans un jugement distinct et qu'elles soient déposées le 25 septembre 1998 au plus tard. Les directives prévoient la prorogation de délai pour le dépôt de deux demandes, s'il est décidé de poursuivre dans la voie du contrôle judiciaire, l'une formée par Bathurst Machine Shop Ltd. et Gérald Pitre, l'autre, formée par tous les autres demandeurs. Ces demandes devront être appuyées d'un ou de plusieurs affidavits souscrits par les demandeurs. Enfin, les demandes de suspension des demandes de renseignements sont rejetées.


[27]      Les demandeurs avaient demandé les dépens des requêtes en suspension des demandes de renseignements, requêtes qui sont rejetées. Dans les circonstances, les dépens ne sont pas adjugés et sont à suivre. Je donne instruction qu'un exemplaire des présents motifs soit déposé dans les dossiers T-1143-98 et T-1159-98.

W. Andrew Mackay

Juge

Ottawa (Ontario)

Le 11 septembre 1998

Traduction certifiée conforme

Ghislaine Poitras, LL. L.

     COU R FÉDÉRALE DU CANADA

SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

     NOMS DES AVOCATS ET DES PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER

Nos DU GREFFE :          T-1143-98 et T-1159-98

                    

INTITULÉ DE LA CAUSE :      047424 NB Inc. et al. c. Ministre du Revenu national

                    

LIEU DE L'AUDIENCE :      Fredericton (Nouveau-Brunswick)

DATE DE L'AUDIENCE :      Le 6 juillet 1998

MOTIFS DES JUGEMENTS DU JUGE MacKAY

EN DATE DU 11 SEPTEMBRE 1998

ONT COMPARU :         

M. Eugene Mockler, c.r.

M. David Oley                  POUR LES DEMANDEURS
M. Jim O'Connell              POUR LE DÉFENDEUR

PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER :

Mockler Peters Oley

Rouse & Williams     

Fredericton (Nouveau-Brunswick)POUR LES DEMANDEURS

M. Morris Rosenberg

Sous-procureur général du Canada

Ottawa (Ontario)              POUR LE DÉFENDEUR

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