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                                                                                                                     Date : 20040315

                                                                                                                 Dossier : T-556-02

                                                                                                      Référence : 2004 CF 382

Ottawa (Ontario), le 15 mars 2004

EN PRÉSENCE DE MADAME LA JUGE SNIDER

ENTRE :

                                                      EDWARD L. JONES

                                                                                                                              demandeur

                                                                    - et -

                                    LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL

                                                                                                                               défendeur

                          MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

LA JUGE SNIDER


[1]                Edward L. Jones, le demandeur, n'accepte pas sa cotisation d'impôt sur le revenu pour l'année 1988. Le différend qui est l'objet du présent contrôle judiciaire a débuté par un avis de cotisation en date du 13 février 1990. Par lettre datée du 2 avril 2002, M. Jones écrivait au chef des appels de l'Agence des douanes et du revenu du Canada (l'ADRC) pour prier le ministre du Revenu national (le ministre) d'exercer favorablement le pouvoir discrétionnaire qu'il tenait du paragraphe 165(6) de la Loi de l'impôt sur le revenu, S.R.C. 1952, ch. 148, art. 1. (la Loi) et d'accepter l'avis d'opposition de M. Jones, que M. Jones affirme avoir envoyé par la poste le 12 ou le 13 mars 1990 au ministère du Revenu national. Par lettre datée du 1er mai 2003, Mme Janice Dulk, fonctionnaire à l'ADRC, informait M. Jones que le ministre ne pouvait exercer son pouvoir discrétionnaire parce qu'il n'avait reçu qu'en 2001 l'avis d'opposition de M. Jones pour l'année d'imposition 1988. M. Jones sollicite le contrôle judiciaire de cette décision.

Points litigieux

[2]                Le demandeur soulève les points suivants :

1.          Le ministre a-t-il commis une erreur parce qu'il a refusé d'exercer en faveur du demandeur le pouvoir discrétionnaire qu'il tient du paragraphe 165(6) de la Loi?

2.          Le ministre peut-il exercer le pouvoir discrétionnaire que lui donne le paragraphe 165(6) lorsque l'avis d'opposition a été posté avant l'expiration du délai réglementaire mais n'a été reçu qu'après l'expiration de ce délai?


[3]                Il s'agit en réalité d'une seule question, qui peut être formulée ainsi :

1.          Le ministre a-t-il commis une erreur de droit en affirmant qu'il lui était impossible, pour l'avis d'opposition du demandeur, d'exercer le pouvoir discrétionnaire que lui conférait le paragraphe 165(6) de la Loi?

Les faits

[4]                Le 2 avril 2002, l'avocat du demandeur écrivait au chef des appels de l'ADRC, à Vancouver, priant le ministre d'exercer le pouvoir discrétionnaire que lui conférait le paragraphe 165(6) de la Loi et d'accepter l'avis d'opposition du demandeur même s'il n'avait pas été signifié de la manière prévue par le paragraphe 165(2) de la Loi.

[5]                La requête du demandeur fut assignée à Janice Dulk, pour examen et recommandation. Mme Dulk a résumé les faits suivants dans son affidavit :

a)          les impôts du demandeur pour son année d'imposition 1988 ont été établis le 13 février 1990;


b)          le demandeur affirme qu'un avis d'opposition a été rédigé, portant la date du 12 mars 1990;

c)          le ministre ne reconnaît pas qu'un avis d'opposition a été posté, contrairement à ce que prétend le demandeur;

d)          le ministre n'a trouvé dans ses dossiers aucun avis d'opposition qui aurait été reçu du demandeur pour son année d'imposition 1988;

e)          c'est en 2001 que le ministre a reçu pour la première fois un avis d'opposition du demandeur pour l'année d'imposition 1988;

f)           un peu après le 14 mai 1990, le demandeur a déposé devant la Cour canadienne de l'impôt un avis d'appel portant sur le calcul de ses impôts pour l'année d'imposition 1988; et

g)          dans son jugement daté du 30 avril 2001, la Cour canadienne de l'impôt a estimé que le demandeur n'avait pas signifié un avis d'opposition de la manière prévue par l'article 165 de la Loi.


[6]                Après examen du dossier du demandeur, Mme Dulk apprenait que Roger Smith, directeur de la section des litiges de l'ADRC, avait informé la Cour canadienne de l'impôt que, à sa connaissance, aucun avis d'opposition relatif à l'année d'imposition 1988 du demandeur n'avait été reçu par le ministre avant le 28 mars 2001. Selon Mme Dulk, c'était la preuve qu'aucun avis d'opposition n'avait été reçu par le ministre à l'intérieur du délai indiqué au paragraphe 165(1) de la Loi. Elle en concluait que le ministre n'avait pas compétence pour accepter l'avis d'opposition du demandeur selon le paragraphe 165(6) de la Loi. Dans son rapport, Mme Dulk affirmait aussi que, même si l'avis d'opposition avait été posté par le demandeur, la réception présumée dont parle l'alinéa 248(7)a) de la Loi est réfutée par la preuve du ministre, qui montre qu'aucun avis d'opposition n'a été reçu à l'intérieur du délai prévu par le paragraphe 165(1) de la Loi.

Analyse

Quelles sont les dispositions législatives applicables et quelle est la nature des points litigieux?

[7]                À l'époque pertinente, celle à laquelle M. Jones aurait, selon ses dires, posté son avis d'opposition, le paragraphe 165(1) de la Loi était ainsi formulé :



Un contribuable qui s'oppose à une cotisation prévue par la présente partie, peut, dans les 90 jours suivant la date de mise à la poste de l'avis de cotisation, signifier au ministre un avis d'opposition, en double exemplaire, selon le formulaire prescrit, exposant les motifs de son opposition et tous les faits pertinents.

A taxpayer who objects to an assessment under this Part may, within 90 days from the day of the mailing of the notice of assessment, serve on the Minister a notice of objection in duplicate in prescribed form setting out the reasons for the objection and all relevant facts.


[8]                Cette disposition dit que, si un contribuable entend s'opposer à une cotisation, l'opposition doit être signifiée au ministre dans les 90 jours suivant la date de mise à la poste de l'avis de cotisation.

[9]                À l'époque, le paragraphe 165(2) de la Loi disait que l'avis d'opposition devait être signifié « par la poste, sous pli recommandé » .

[10]            Dans son affidavit, M. Jones affirme que, le 12 mars 1990, il a envoyé au Centre fiscal de Surrey, par courrier ordinaire, un avis d'opposition pour l'année d'imposition 1988. Dans sa lettre adressée au ministre le 2 avril 2002, il demandait au ministre d'exercer le pouvoir discrétionnaire qu'il tenait du paragraphe 165(6) de la Loi et d'accepter cet avis d'opposition, même s'il n'était pas conforme aux exigences du paragraphe 165(2).

[11]            Aujourd'hui, à l'époque du dépôt de la demande de contrôle judiciaire, le paragraphe 165(6) de la Loi est ainsi formulé :



Le ministre peut accepter un avis d'opposition en vertu du présent article alors même que cet avis n'a pas été signifié en double exemplaire ou de la manière requise par le paragraphe (2).

The Minister may accept a notice of objection under this section notwithstanding that it was not served in duplicate or in the manner required by subsection (2).


[12]            Ainsi, alors que le ministre peut accepter un avis d'opposition qui ne respecte pas les exigences exposées au paragraphe 165(2) de la Loi, à savoir la signification au sous-ministre sous pli recommandé, le paragraphe 165(6) ne dit rien à propos du paragraphe 165(1). On peut donc présumer que la condition énoncée au paragraphe 165(1) est impérative et que le ministre n'est pas habilité par le paragraphe 165(6) à y renoncer. En d'autres termes, il doit y avoir signification dans un délai de 90 jours avant que le ministre ne décide d'accepter, en application du paragraphe 165(6), l'avis d'opposition du demandeur. Le point à décider dans la présente instance est donc celui de savoir si le ministre a commis une erreur de droit lorsqu'il est arrivé à la conclusion qu'il n'avait pas compétence pour exercer le pouvoir discrétionnaire qui lui est conféré par le paragraphe 165(6).


[13]            Pour répondre à cette question, la Cour doit examiner si le demandeur a respecté la règle énoncée au paragraphe 165(1) de la Loi. Si la règle a été respectée, alors le ministre a eu tort de dire que le pouvoir discrétionnaire que lui conférait le paragraphe 165(6) n'était pas applicable ici. Si la règle n'a pas été respectée, alors le ministre a validement refusé d'accepter l'avis d'opposition du demandeur. Il s'agit là d'une question de droit, et je me range à l'avis du défendeur pour qui la norme de contrôle est celle de la décision correcte.

La réception présumée dont parle l'alinéa 248(7)a) de la Loi vient-elle en aide à M. Jones?

[14]            Selon le demandeur, l'exigence d'une signification dans un délai de 90 jours, selon ce que prévoit le paragraphe 165(1) de la Loi, a été respectée, pour les raisons suivantes :

·            l'alinéa 248(7)a) de la Loi établit une présomption irréfragable selon laquelle tout envoi par la poste est réputé reçu par le destinataire le jour de sa mise à la poste (Schafer c. R., 2000 DTC 6542 (C.A.F.));

·            puisque le demandeur a envoyé au ministre son avis d'opposition le 12 mars 1990, soit moins d'un mois après avoir reçu un avis de cotisation, l'exigence d'une signification dans les 90 jours selon ce que prévoit le paragraphe 165(1) a été respectée.

[15]            Je ne suis pas de cet avis. Voici le texte de l'alinéa 248(7)a) de la Loi :



Pour l'application de la présente loi :

a) tout envoi en première classe ou l'équivalent, sauf une somme remise ou payée qui est visée à l'alinéa b), est réputé reçu par le destinataire le jour de sa mise à la poste.

For the purposes of this Act,

(a) anything (other than a remittance or payment described in paragraph (b)) sent by first class mail or its equivalent shall be deemed to have been received by the person to whom it was sent on the day it was mailed.


[16]            À mon avis, la présomption établie par l'alinéa 248(7)a) n'est pas applicable ici. La disposition qui nous concerne utilise expressément le mot « signifier » , un mot qui doit nécessairement avoir un sens différent du mot « envoyer » , comme on le verra ci-après. L'alinéa 248(7)a) serait applicable dans les cas où il n'est pas question de la réception, mais il ne saurait l'emporter sur une disposition expresse prévoyant qu'un avis doit être signifié sous pli recommandé. Il y a d'ailleurs une différence très nette entre courrier ordinaire et courrier recommandé, puisque le courrier recommandé permet à l'expéditeur d'obtenir confirmation de la réception de son envoi. En l'espèce, si M. Jones avait envoyé la lettre présumée comme le prévoit la Loi, sa demande de contrôle judiciaire serait inutile.

[17]            Selon M. Jones, l'ouvrage de David M. Sherman, « Income Tax Act: Department of Finance, Technical Notes » , 12e édition (Carswell : Toronto, le 30 octobre 2000) montre que la présomption établie par l'alinéa 248(7)a) s'applique au courrier ordinaire et pas seulement au courrier de la première classe ou à son équivalent. J'ai lu les notes techniques invoquées par M. Jones, et je ne crois pas qu'elles appuient son affirmation. Même si elles appuient son affirmation, elles n'ont pas force de loi.


Quel est le sens du mot « signifier » et à qui revient-il de prouver la signification ou l'absence de signification?

[18]            Puisque la présomption établie par l'alinéa 248(7)a) ne vient pas en aide à M. Jones, il faut maintenant se demander si M. Jones a néanmoins observé la règle établie au paragraphe 165(1) de la Loi. Plus exactement, quel est le sens du mot « signifier » et à qui revient-il de prouver la signification ou l'absence de signification?


[19]            Dans ses conclusions, le défendeur a examiné en détail les sens juridiques conférés au mot « signification » . À son avis, la « signification » évoque davantage que la simple réception de quelque chose. Selon cette norme plus élevée, on peut décrire la signification comme la remise ou livraison accompagnée d'un avis officiel d'un genre ou d'un autre (Règles de la Cour fédérale (1998), article 147; Vaters (Next friend of) c. Calgary Cab Co., [2001] A.J. No. 810, au paragraphe 3 (C.A. Alb.) (QL), confirmant [2000] A.J. No. 426 (C.B.R. Alb.) (QL); Canada Trust Co. c. Kakar Properties Ltd. (1983), 32 C.P.C. 280, aux pages 289-290 (C.S. Ont.); Bradbrooke c. Ross (1989), 35 C.P.C. (2d) 231, à la page 233 (C.B.R. Sask.)). Je reconnais que le mot « signifier » comprend la réception d'un document, ou à tout le moins le fait de connaître l'existence d'un document. En l'espèce, c'est le ministre qui devait recevoir l'avis d'opposition, ou qui devait en avoir connaissance. Qui a la charge de prouver ou de réfuter la signification?


[20]            Dans l'arrêt Aztec Industries Inc. c. R., 1995 DTC 5235 (C.A.F.), la Cour d'appel fédérale a jugé que la réception présumée dont parle le paragraphe 248(7) de la Loi avait été réfutée parce que le ministre n'avait pu prouver qu'il avait envoyé un avis de cotisation à une contribuable. La contribuable avait demandé une prorogation du délai fixé pour l'envoi d'un avis d'opposition à l'égard d'une certaine année d'imposition et avait fait valoir que non seulement elle n'avait pas reçu d'avis de cotisation, mais aussi que le ministre n'avait jamais émis l'avis. La Cour a jugé que, lorsqu'un contribuable allègue ce fait, c'est au ministre qu'il appartient de prouver l'existence de l'avis et la date de sa mise à la poste. En raison de sa connaissance particulière des faits et puisqu'il est le mieux placé pour en apporter la preuve, il avait la charge de prouver qu'il avait envoyé l'avis par la poste. Selon moi, la partie qui veut se fonder sur une disposition et qui est la mieux placée pour prouver les faits lui permettant d'invoquer la disposition est celle qui doit prouver qu'elle est fondée à l'invoquer. Le ministre ne croit pas que M. Jones a posté son avis d'opposition en 1990 ou que l'avis d'opposition lui a été signifié. M. Jones peut-il prouver qu'il a bien posté l'avis d'opposition et que l'avis a été signifié au ministre? Je ne le crois pas. Tout ce que M. Jones présente à la Cour, c'est son avis d'opposition à la cotisation de 1988, avis qui est adressé au Centre fiscal de Surrey. Cette lettre porte la date du 12 mars 1990, date qui se trouve à l'intérieur du délai de 90 jours. Cependant, le demandeur n'a pas apporté la preuve que l'avis d'opposition a été mis à la poste ni qu'il a été signifié au ministre.

[21]            Si je me fourvoie et s'il appartient en réalité au ministre de prouver qu'il n'a pas reçu l'avis d'opposition, alors je crois qu'il s'est acquitté de son obligation de le prouver. En l'espèce, Mme Dulk s'appuie, dans son affidavit, sur la recherche effectuée dans le dossier du demandeur, recherche qui avait été menée par Roger Smith, lui aussi un employé de l'ADRC. En marge d'une autre instance concernant les mêmes parties et le même avis d'opposition (Jones c. Canada, [2001] 3 C.T.C. 2090, confirmé [2002] A.C.T. n ° 345 (C.A.F.) (QL), autorisation de pourvoi devant la Cour suprême du Canada refusée le 9 janvier 2003), M. Smith avait établi sous serment un affidavit sur lequel il a été contre-interrogé. Il disait, dans son affidavit, que, après un examen minutieux des dossiers du ministre, il lui avait été impossible de dire que l'avis d'opposition du demandeur avait été reçu par l'ADRC. Dans l'arrêt Jones, précité, la Cour d'appel fédérale avait estimé que l'affidavit de M. Smith répondait aux règles de preuve énoncées au paragraphe 244(10) de la Loi. Selon moi, le ministre a convaincu la Cour que l'avis d'opposition de M. Jones pour l'année d'imposition 1988 ne lui a pas été signifié.

[22]            Pour ces motifs, je crois que le ministre a validement décidé qu'il n'avait pas compétence selon le paragraphe 165(6) de la Loi pour accepter l'avis d'opposition de M. Jones.


Les autres arguments de M. Jones sont-ils fondés?

[23]            J'examinerai brièvement maintenant les arguments restants du demandeur. Ils peuvent être résumés ainsi :

1.         La décision du ministre contrevient aux alinéas 1a) et 2e) de la Déclaration canadienne des droits, S.R.C. 1960, ch. 44 (la Déclaration des droits), puisqu'elle équivaut à un déni de procédure équitable (Authorson c. Canada (Procureur général) (2003), 227 D.L.R. (4th) 385 (C.S.C.)).

2.         Puisque la cotisation de 1988 est fondée sur des renseignements dont il a été jugé, dans un procès criminel, qu'ils avaient été obtenus en contravention des dispositions 7 et 11d) de la Charte des droits et libertés (la Charte), l'utilisation par le ministre des renseignements en question autorise une crainte raisonnable de partialité (Pearlman c. Comité judiciaire de la Société du Barreau du Manitoba, [1991] R.C.S. 869). Cette violation de la Charte justifie l'annulation de la cotisation (R. c. O'Neill Motors Limited, 1998 DTC 6424 (C.A.F.)).


3.         M. Jones avait le droit de connaître les arguments avancés contre lui et il n'en a pas eu connaissance (Singh c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration), [1985] 1 R.C.S. 177). En l'absence de motifs, on peut présumer que le ministre a agi sur la foi d'éléments de preuve obtenus illégalement.

4.         Le ministre a exercé son pouvoir discrétionnaire dans des cas semblables et donc son refus de l'exercer dans la présente affaire est la preuve de l'exercice arbitraire de son pouvoir discrétionnaire (Blankson c. R., [2001] 2 C.T.C. 2253).

[24]            Aucun de ces arguments ne me convainc.

[25]            L'alinéa 1a) de la Déclaration des droits reconnaît le droit de l'individu de ne se voir privé de ses biens que par l'application régulière de la loi. L'alinéa 2e), quant à lui, dit que nulle loi du Canada ne doit s'interpréter comme privant une personne du droit à une audition impartiale de sa cause, selon les principes de justice fondamentale. Dans l'arrêt Authorson, précité, la Cour suprême du Canada a jugé que la Déclaration des droits n'offre aucune protection contre le droit du Parlement d'exproprier un bien en adoptant une mesure législative dont le texte est clair et non ambigu.


[26]            Il n'est pas nécessaire de se demander si le texte de la Loi est clair et non ambigu, M. Jones n'ayant pas apporté la preuve que le ministre avait exproprié des biens qui lui appartenaient. Sans un contexte factuel plus étoffé, un examen de l'expropriation par application régulière de la Loi ne présente aucun intérêt pratique. Tout ce que l'on sait, c'est que M. Jones s'oppose à la cotisation de 1988 établie par le ministre. La validité de cette opposition n'est pas un aspect dont est saisie la Cour. De plus, l'article 165 de la Loi offre à M. Jones un moyen qui lui permet de s'opposer à une cotisation qu'il estime injuste. Il n'a tout simplement pas répondu aux exigences de cette disposition. Mais cela ne veut pas dire qu'aucun moyen ne lui était offert. Pour ce motif, j'arrive à la conclusion que la décision du ministre ne contrevient pas à l'alinéa 1a) ni à l'alinéa 2e) de la Déclaration des droits.

[27]            Contrairement aux circonstances exposées dans l'arrêt Singh, précité, M. Jones avait bien connaissance des arguments avancés contre lui. Le ministre a communiqué à M. Jones son avis juridique dans une lettre datée du 1er mai 2003 : « Nous sommes d'avis que le paragraphe 165(6) n'autorise pas le ministre à prendre la décision d'accepter un avis d'opposition qui est reçu en dehors du délai réglementaire » . Par ailleurs, l'affidavit de Mme Dulk donne à M. Jones les nombreux renseignements sur lesquels se fonde le ministre au soutien de sa position juridique.


[28]            S'agissant de l'impartialité, le critère qui permet de dire si une crainte raisonnable de partialité est justifiée est le suivant :

Une personne raisonnablement bien informée estimerait-elle que l'intérêt pourrait influer sur l'exercice de la fonction publique du fonctionnaire? (Pearlman, précité, au paragraphe 34, citant l'arrêt Association des résidents du Vieux St. Boniface Inc. c. Winnipeg (Ville), [1990] 3 R.C.S. 1170, à la page 1198).

[29]            Ainsi que l'indique ce critère, M. Jones est tenu de désigner un fonctionnaire particulier et un intérêt particulier. Cela n'a pas été fait. Par conséquent, il faut présumer que le décideur a agi avec impartialité (Zundel c. Citron (2000), 189 D.L.R. (4th) 131, aux pages 242 et 245 (C.A.F.), autorisation de pourvoi devant la Cour suprême du Canada refusée le 14 décembre 2000).

[30]            La présente affaire peut aussi être distinguée de l'arrêt O'Neill Motors Limited, précité. Dans cette affaire-là, qui concernait un appel interjeté contre une décision de la Cour canadienne de l'impôt, la Cour d'appel fédérale avait jugé qu'aucune erreur sujette à révision n'entachait la décision du juge de première instance d'annuler certaines nouvelles cotisations du demandeur pour certaines années parce que les renseignements sur lesquels étaient fondées les nouvelles cotisations avaient été obtenus en contravention de l'article 8 de la Charte. La Cour ne fait pas l'examen de la cotisation établie à l'encontre de M. Jones pour l'année d'imposition 1988. Elle est saisie d'une demande de contrôle judiciaire de la décision du ministre selon laquelle un obstacle procédural empêchait le ministre d'exercer son pouvoir discrétionnaire.


[31]            Finalement, M. Jones n'a signalé aucun précédent où le ministre aurait, en dépit de l'inobservation par le contribuable des exigences du paragraphe 165(1) de la Loi, accepté un avis d'opposition par application du paragraphe 165(6) de la Loi. Dans l'affaire Blankson, précitée, la Cour canadienne de l'impôt avait jugé que le demandeur s'était plié aux exigences de l'article 165 de la Loi. En l'absence d'éléments de preuve, l'argument de M. Jones selon lequel le ministre invoque arbitrairement le pouvoir discrétionnaire que lui confère le paragraphe 165(6) n'est rien d'autre qu'une simple affirmation.

Dispositif

[32]            Pour ces motifs, je rejetterais la demande, avec dépens.

                                                          ORDONNANCE

1)         La Cour ordonne que la demande soit rejetée, avec dépens.

                                                                                                                  _ Judith A. Snider _              

                                                                                                                                         Juge                           

Traduction certifiée conforme

Suzanne M. Gauthier, trad. a., LL.L.


                                                       COUR FÉDÉRALE

                                        AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                               T-556-02

INTITULÉ :                                              EDWARD L. JONES c.

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL

LIEU DE L'AUDIENCE :                        VANCOUVER (COLOMBIE-BRITANNIQUE)

DATE DE L'AUDIENCE :                      LE 3 MARS 2004

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

ET ORDONNANCE :                             LA JUGE SNIDER

DATE DES MOTIFS :                             LE 15 MARS 2004

COMPARUTIONS :

Michael McMahon                                                                    POUR LE DEMANDEUR

Eric Douglas                                                                              POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Michael McMahon Law Corp.                                                  POUR LE DEMANDEUR

Vancouver (Colombie-Britannique)

MORRIS ROSENBERG                                                          POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada


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