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Date : 20021209

Dossier : IMM-61-02

Référence neutre : 2002 CFPI 1277

ENTRE :

IGOR DUDAR

demandeur

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

défendeur

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE SNIDER

[1]                 Le demandeur, Igor Dudar sollicite le contrôle judiciaire de la décision par laquelle les commissaires M. Freilich et Arthur Kruger de la Section du statut de réfugié de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié (la Commission) ont refusé, en date du 7 novembre 2001, de lui reconnaître le statut de réfugié au sens de la Convention.

[2]                 Le demandeur prie la Cour d'ordonner l'annulation de la décision de la Commission et de renvoyer l'affaire à la Section de la protection des réfugiés pour un nouvel examen par une formation différemment constituée.


Exposédes faits

[3]                 Le demandeur est un citoyen du Kazakhstan âgé de 36 ans. Il dit craindre avec raison d'être persécuté du fait de son origine ethnique russe et de sa crainte des nationalistes kazakhs. Il allègue que, s'il retourne au Kazakhstan, il sera de nouveau persécuté par les membres nationalistes kazakhs du mouvement Azat.

[4]                 Selon l'information consignée dans le formulaire de renseignements personnels (FRP) et dans le dossier de la Commission, le demandeur a été battu à plusieurs reprises par les nationalistes kazakhs. Dans les cas les plus graves, il a reçu des soins médicaux pour les blessures subies. De plus, il a été menacé au téléphone et la police ne lui a apporté que très peu d'aide.

[5]                 Après l'audience devant la Commission, la revendication du demandeur a été rejetée.


[6]                 Dans les motifs de sa décision défavorable, la Commission a mentionné que la crédibilité et la valeur probante du témoignage du demandeur doivent être évaluées à la lumière de ce que l'on connaît de la situation au Kazakhstan et de l'expérience des personnes qui se trouvent dans une situation semblable. Elle a estimé que la description qu'a faite le demandeur du groupe Azat, le supposé agent de persécution, ne concordait pas avec la preuve documentaire concernant la nature de cette organisation.

[7]                 La Commission a également estimé que la plupart des éléments de preuve documentaire ne corroboraient pas l'allégation selon laquelle les membres des minorités, y compris les Russes, courent le risque d'être agressés au Kazakhstan. La Commission a plus particulièrement fait référence au rapport 2001 du Département d'État des États-Unis sur la situation au Kazakhstan et à la Réponse à la demande d'information du 4 octobre 1999. La Commission a convenu qu'il pouvait exister une certaine discrimination à l'endroit des minorités et que celles-ci pouvaient subir des pressions à cause de l'incertitude quant à l'avenir et pour des raisons d'ordre économique. Elle a cependant estimé que cette discrimination n'équivaut pas à de la persécution.

[8]                 En ce qui a trait aux rapports médicaux présentés par le demandeur, la Commission a dit :

La situation qui prévaut dans le pays ne corrobore pas les affirmations du revendicateur selon lesquelles les Kazakhs s'en prennent physiquement aux Russes; dans ces circonstances, le tribunal estime que les rapports médicaux n'ont aucune pertinence en l'espèce.


[9]             La Commission a en fin de compte privilégié la preuve documentaire, qui reposait sur une grande variété de sources dignes de foi, reconnues et indépendantes, plutôt que celle du demandeur. Elle a conclu que l'absence de preuve quant aux agressions contre les Russes de souche dans la documentation portant sur la situation dans le pays sapait la crédibilité du demandeur. Par conséquent, la Commission a estimé que la revendication du demandeur n'avait aucun fondement objectif et elle l'a rejetée pour ce motif.

Questions en litige

[10]            J'ai déterminé les questions cruciales suivantes :

1.          Quelle est la norme de contrôle applicable?

2.     La Commission a-t-elle mal compris ou mal appliqué le critère de détermination du statut de réfugié au sens de la Convention dans sa décision de ne pas reconnaître ce statut au demandeur?

3.     Les conclusions de la Commission concernant les agressions contre les Russes de souche au Kazakhstan sont-elles corroborées par la preuve?

4.     La Commission a-t-elle eu raison de n'accorder aucune importance aux FRP d'autres revendicateurs du statut de réfugié au sens de la Convention présentés pour démontrer l'existence de cas semblables?

Arguments du demandeur

[11]            Le demandeur allègue que la Commission a commis des erreurs graves dans sa décision. Dans ses observations orales, le demandeur a centré ses arguments sur trois préoccupations majeures :


1.          La Commission a trop insisté sur les agressions physiques, ce qui fait qu'elle a mal compris ou mal appliqué le critère de reconnaissance du statut de réfugié au regard de la Convention.

2.     En concluant qu'il n'existait pas de preuve que les Russes de souche étaient victimes d'agressions de la part des nationalistes kazakhs, la Commission a écarté la preuve contenue dans les documents présentés à cet égard.

3.     En écartant les rapports médicaux et d'autres éléments de preuve fournis, la Commission n'a pas évalué la revendication de ce demandeur particulier.

[12]         En ce qui a trait au premier point, le demandeur soutient que la persécution englobe beaucoup plus que le risque d'agression physique. À l'appui de cet argument, le demandeur a cité deux décisions de la Cour d'appel fédérale : Amayo c. Ministre de l'Emploi et de l'Immigration, [1982] 1 C.F. 520 et Rajudeen c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration), [1984] A.C.F. no 601 (QL). Pour répondre à la définition de réfugié au sens de la Convention, énoncée au paragraphe 2(1) de la Loi sur l'immigration, L.R.C. (1985), ch. I-2, le demandeur doit démontrer qu'il craint avec raison d'être persécuté et non qu'il a été victime d'agressions dans le passé. À l'appui de cet argument, le demandeur cite les décisions Adjei c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration), [1989] 2 C.F. 680 (C.A.), Amayo, précitée et Rajudeen, précitée.

[13]         Plus particulièrement, le demandeur a souligné le passage suivant tiré de la décision rendue par la Commission :

Le tribunal reconnaît qu'il peut se produire des incidents isolés, mais comme on l'a vu plus haut, il n'a pas été saisi d'une preuve documentaire suffisante à l'appui de l'allégation du revendicateur selon laquelle il existe une possibilité sérieuse que ce dernier soit agressé d'une façon systématique et soutenue par les nationalistes kazakhs.

[14]         Le demandeur a dit que cet extrait et d'autres passages de la décision constituaient des exemples dans lesquels la Commission [traduction] « a dit ce qu'il fallait dire » ou dans lesquels la Commission [traduction] « a touché la cible » . Toutefois, il ressort de son argumentation qu'il ne s'agit pas du critère applicable.

[15]            En ce qui a trait à la preuve sur les agressions, le demandeur a fait état, dans la preuve documentaire, d'un certain nombre d'exemples d'agressions contre les Russes de souche au Kazakhstan et il a allégué que la Commission a fait erreur en écartant la preuve de ces agressions. Selon lui, les motifs de la Commission comportent des déclarations contradictoires à l'égard de l'incidence des agressions sur les Russes de souche. Il a plus particulièrement signalé le paragraphe qui suit :

Il faut noter qu'il n'existe pas de preuve documentaire que les Russes sont victimes d'agressions au Kazakhstan. La plupart des éléments de preuve documentaire ne corroborent pas l'allégation du revendicateur selon laquelle les membres des minorités, y compris les Russes, courent le risque d'être agressés au Kazakhstan. (Non souligné dans l'original.)

[16]            Le demandeur soutient également que la Commission s'est servie de sa conclusion d'insuffisance de preuve sur les agressions à l'endroit des Russes pour soutenir ses conclusions relatives à la crédibilité d'autres allégations qu'il a soulevées. Par exemple, la Commission a estimé que les rapports médicaux n'étaient pas pertinents quant à la revendication parce que les documents décrivant la situation qui règne dans le pays ne soutenaient pas les allégations selon lesquelles les Russes étaient victimes d'agressions. Le demandeur soutient qu'il s'agit d'un raisonnement tautologique. Il prétend également que la Commission a fait erreur en reconnaissant que des incidents isolés d'agressions physiques pouvaient se produire sans toutefois expliquer pourquoi lui en particulier ne pouvait pas avoir été victime d'une telle agression, malgré la preuve médicale à l'appui du contraire.

[17]            Finalement, le demandeur a soutenu que la Commission a omis de reconnaître l'expérience des personnes se trouvant dans une situation semblable dont il a fait état dans sa preuve. À cet égard, il a présenté en preuve les FRP d'un certain nombre d'autres Russes de souche qui ont obtenu le statut de réfugié. Dans ses observations orales, le demandeur a reconnu que cet argument n'était pas son argument le plus fort.

Arguments du défendeur


[18]         Le défendeur a allégué que la Commission n'a pas mal compris ni mal appliquéla définition de réfugié au sens de la Convention ou celle de persécution en limitant son analyse à la question de savoir si le demandeur pouvait être la cible d'agressions physiques s'il retournait au Kazakhstan. Les motifs fournis par la Commission montrent que cette dernière n'a pas ainsi limitéson analyse. Le défendeur a signalé que les principales allégations du demandeur, comme le révèle son FRP, se rapportaient aux nombreuses agressions dont il avait été victime. La Commission a été guidée par les arguments du demandeur dans ses motifs.

[19]            Le défendeur a également allégué que la Commission n'a pas conclu qu'il n'existait pas de preuve sur les agressions à l'endroit des Russes de souche au Kazakhstan, mais plutôt que la plupart des éléments de preuve documentaire ne corroboraient pas les allégations selon lesquelles les membres des minorités couraient le risque d'être agressés au Kazakhstan. En outre, les exemples cités par le demandeur n'appuyaient pas ses arguments concernant cette question.

[20]            Le défendeur a allégué que rien ne démontre que la Commission n'a pas tenu compte des FRP d'autres Russes de souche se trouvant dans une situation semblable. La Commission n'était pas liée par les conclusions de fait tirées par d'autres formations. Il était loisible à la Commission de privilégier la preuve documentaire plutôt que celle du demandeur. Par conséquent, la Commission n'a pas commis d'erreur donnant matière à révision.

Analyse

Question 1 : Quelle est la norme de contrôle applicable?


[21]            Pour se voir reconnaître le statut de réfugié au sens de la Convention au Canada, le revendicateur doit établir qu'il a des motifs valables de craindre qu'il sera persécuté dans l'éventualité de son retour dans son pays d'origine. Ainsi, la définition de réfugié au sens de la Convention comporte un élément subjectif et un élément objectif. L'élément subjectif se rapporte à l'existence d'une crainte de persécution dans l'esprit de la personne qui revendique le statut de réfugié. L'élément objectif exige que la crainte du revendicateur soit appréciée de façon objective afin de déterminer si cette crainte est fondée (Rajudeen, précité). Pour apprécier l'aspect objectif de cette crainte, la Commission doit examiner tous les éléments de preuve qu'elle juge crédibles (Lai c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration), [1989] A.C.F. no 826 (C.A.) (QL)).

[22]            La norme de contrôle applicable aux décisions de la Commission se rapportant à l'élément objectif de la définition de réfugié au sens de la Convention est celle de la décision manifestement déraisonnable (Singh c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [1999] A.C.F. no 1283 (1re inst.) (QL)). Par conséquent, la Cour ne devrait intervenir que si les motifs de la décision ne concordent pas avec la preuve ou s'ils sont manifestement illogiques ou irrationnels.

Question 2 : La Commission a-t-elle mal compris ou mal appliquéle critère de détermination du statut de réfugiéau sens de la Convention dans sa décision de ne pas reconnaître ce statut au demandeur?

[23]        Bien que la Commission ait amplement discuté des agressions physiques dans ses motifs, en l'espèce, je ne crois pas, pour les motifs exposés ci-dessous, qu'elle a mal interprété le critère de détermination du statut de réfugié au regard de la Convention.

[24]            La Commission doit déterminer si le demandeur craint avec raison d'être persécuté et non d'être agressé physiquement. Bien que le terme « persécution » ne soit pas défini dans la Loi sur l'immigration ou son règlement, la Cour a déjà eu à se prononcer sur sa définition. Généralement, « persécuter » signifie « harceler ou tourmenter sans relâche par des traitements cruels ou vexatoires; tourmenter sans répit ou punir en raison d'opinions particulières ou de la pratique d'une croyance ou d'un culte particulier ou encore de croyances ou d'activités politiques » (Ammery c. Canada (Secrétaire d'État), [1994] A.C.F. no 676, paragraphe 9 (1re inst.) (QL)). La Commission commet une erreur lorsqu'elle exige des dommages physiques ou des mauvais traitements comme élément de persécution (Ammery, précité; Amayo, précité).

[25]        Même si, dans ses motifs, la Commission a souvent fait allusion aux agressions physiques, elle a aussi fait référence à la notion de persécution dans sa décision. Compte tenu du fait que les propres arguments du demandeur traitaient essentiellement des agressions dont il avait été victime et de leurs conséquences, il était raisonnable et approprié pour la Commission dans cette affaire de centrer son attention sur le risque d'agressions. Il est manifeste à la lecture de la décision dans son ensemble que la Commission n'a pas limitéson examen aux agressions, ni assimilé la persécution à l'agression physique, ni même exigé des dommages physiques comme élément de persécution.


[26]            Compte tenu du fait que la Commission a centré son attention sur la preuve et les arguments du demandeur, il est manifeste qu'elle n'a pas omis d'évaluer la revendication particulière du demandeur, comme il le soutient.

Question 3 : Les conclusions de la Commission concernant les agressions contre les Russes de souche au Kazakhstan sont-elles corroborées par la preuve?

[27]        Cette question est liée aux conclusions de la Commission à l'égard de l'élément objectif du critère de détermination du statut de réfugié. À mon avis, il était loisible à la Commission de tirer ces conclusions compte tenu de la preuve dont elle disposait.


[28]        Le demandeur peut établir le fondement objectif de sa revendication de nombreuses façons. Le juge La Forest, s'exprimant au nom de la Cour suprême du Canada dans l'arrêt Canada (Procureur général) c. Ward, [1993] 2 R.C.S. 689, au paragraphe 50, a reconnu que le témoignage d'autres personnes se trouvant dans une situation semblable et la preuve de persécutions passées peuvent servir à établir le fondement objectif de la persécution. Dans la décision Rajudeen, précitée, la Cour d'appel fédérale a tranché que la preuve de persécutions passées est l'un des moyens les plus efficaces de démontrer qu'une crainte de persécution future est objectivement bien fondée. Le fondement objectif peut également être établi au moyen de la preuve documentaire, notamment l'information sur la situation qui règne dans le pays et le témoignage sous serment du demandeur (Okyere-Akosah c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration), [1992] A.C.F. no 411 (C.A.) (QL)).

[29]        La Commission a essentiellement fondé sa conclusion relative à l'élément objectif sur l'insuffisance de la preuve dans les documents portant sur la situation au Kazakhstan présentés à l'appui de l'allégation selon laquelle les Russes de souche courent le risque d'être persécutés dans ce pays. Pour en venir à cette conclusion, la Commission a examiné le témoignage sous serment du demandeur, son FRP, les rapports médicaux et les FRP d'autres personnes se trouvant dans une situation semblable auxquelles on avait accordé le statut de réfugié au sens de la Convention, mais elle n'a accordé que peu ou pas d'importance à ces éléments de preuve.

[30]            La Commission a le droit de privilégier la preuve documentaire plutôt que celle du demandeur, mais elle doit donner en termes clairs et non équivoques les motifs pour lesquels elle choisit de le faire (Hilo c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration), [1991] A.C.F. no 228 (C.A.) (QL)).

[31]            La Commission a expliqué sa préférence pour la preuve documentaire dans ces termes :

En l'espèce, le tribunal privilégie la preuve documentaire, qui est fondée sur une grande variété de sources, dignes de foi, reconnues et indépendantes, qui n'ont aucun intérêt dans le résultat d'une revendication particulière. La documentation sur le Kazakhstan ne fait aucunement état d'agressions contre les Russes de souche, ce qui, de l'avis du tribunal, sape la crédibilité du revendicateur. Compte tenu du nombre très élevé de médias et d'organismes qui dénoncent les atteintes aux droits de la personne, si les membres de l'Azat persécutaient les Russes de souche de façon soutenue, la Commission, qui poursuit en permanence des recherches sur la situation dans les pays étrangers, en serait informée.


[32]            Même si le demandeur a attiré mon attention sur quelques références isolées dans la preuve documentaire qui faisaient état d'incidents où les minorités ethniques au Kazakhstan étaient persécutées, je crois que la preuve, considérée dans son ensemble, est cohérente avec la conclusion selon laquelle la « plupart des éléments de preuve documentaire » soutenaient la décision de la Commission. La Commission est un tribunal spécialisé à l'égard duquel il faut faire preuve d'une grande retenue. L'importance à accorder aux éléments de preuve est une question qui relève de la Commission dans l'exercice de son pouvoir discrétionnaire. À mon avis, il était loisible à la Commission de privilégier la preuve documentaire sur la situation au Kazakhstan dans son ensemble plutôt que les revendications particulières du demandeur. Il ressort de la lecture des motifs dans leur ensemble que la Commission a pris connaissance de la preuve documentaire qui faisait parfois allusion à la violence dont les Russes de souche étaient victimes et qu'elle a soupesé cette preuve de façon appropriée dans sa décision.


[33]        Le demandeur affirme que, pour la question de savoir si la preuve corroborait, quant au fondement objectif, la conclusion selon laquelle les Russes de souche couraient le risque d'être persécutés, la Commission aurait dû examiner les rapports médicaux qu'il avait produits. J'estime que la Commission a fait une analyse équitable de la preuve dans ses motifs. La description qu'a faite le demandeur de la situation au Kazakhstan n'a aucunement été corroborée par la preuve documentaire. Par conséquent, il était logique et non déraisonnable pour la Commission d'écarter le témoignage relatif aux agressions subies par le demandeur et la preuve des soins médicaux résultants pour l'appréciation objective. Cette conclusion, quoiqu'elle soit mal formulée dans la décision, n'était pas, à mon avis, une conclusion selon laquelle la Commission ne croyait pas que le demandeur avait subi ces agressions.

Question 4 : La Commission a-t-elle eu raison de n'accorder aucune importance aux FRP d'autres revendicateurs du statut de réfugiéau sens de la Convention présentés pour démontrer l'existence de cas semblables?

[34]            La Commission a eu raison, à mon avis, de n'accorder que peu ou pas d'importance aux FRP d'autres revendicateurs du statut de réfugié.

[35]            Aucune preuve n'a été présentée pour expliquer le contexte dans lequel ces revendications du statut de réfugié ont été acceptées ou pour démontrer que le demandeur avait un lien personnel avec les personnes nommées dans ces FRP ou qu'il connaissait ces personnes.


[36]        En outre, un tribunal tel que celui de la Commission n'est pas lié par les précédents. Il est, à titre de tribunal administratif de nature quasi-judiciaire, tenu d'exercer son pouvoir discrétionnaire dans toutes les affaires et il ne doit pas abuser de ce pouvoir en accordant trop d'importance à une preuve non pertinente. Certaines indications concernant l'utilisation des décisions antérieures par les tribunaux ont été récemment énoncées par la Cour d'appel fédérale dans Koroz c. Canada (Ministre de la Citoyennetéet de l'Immigration), [2000] A.C.F. no 1593 (QL), oùelle a affirméqu'une formation de la Commission pouvait adopter le même raisonnement qu'une autre formation saisie de la même preuve documentaire sur la question de la possibilitéde refuge dans le même pays. M. le juge Linden, s'exprimant au nom de la Cour, a déclaré ce qui suit au paragraphe 3 :

Cela ne revient pas à dire qu'une formation peut automatiquement adopter les conclusions de fait d'autres formations. Cependant, lorsqu'il s'agit de déterminer les faits concernant la situation qui régnait au pays vers la même époque, une formation peut se fonder sur le raisonnement d'une formation antérieure au sujet de la même preuve documentaire. Lorsqu'une formation estime qu'elle doit adopter l'analyse d'une autre formation au sujet de la même preuve concernant une telle question, rien ne l'empêche légalement de se fonder sur cette analyse.

[37]            En l'espèce, aucune argumentation ni analyse sur laquelle la Commission aurait pu s'appuyer n'a été présentée avec les FRP.

Conclusion

[38]            Pour ces motifs, je ne suis pas convaincue que la Cour devrait intervenir dans la décision de la Commission. Les motifs de la Commission ne sont ni illogiques ni irrationnels et sont corroborés par la preuve. Je rejetterais la présente demande.

                 « Judith A. Snider »             

Juge

OTTAWA (ONTARIO)

Le 9 décembre 2002

Traduction certifiée conforme

Suzanne M. Gauthier, trad. a., LL.L.


                          COUR FÉDÉRALE DU CANADA

                     SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

                       AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                               IMM-61-02

INTITULÉ :                                              Igor Dudar c. Le ministre de la Citoyenneté et de

l'Immigration

LIEU DE L'AUDIENCE :                      Toronto (Ontario)

DATE DE L'AUDIENCE :                    Le 5 décembre 2002

MOTIFS DE L'ORDONNANCE :      MADAME LE JUGE SNIDER

DATE DES MOTIFS :                           Le 9 décembre 2002

COMPARUTIONS :

M. Arthur I. YallenPour le demandeur

M. Jeremiah EastmanPour le défendeur

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Yallen AssociatesPour le demandeur

Toronto (Ontario)

M. Morris RosenbergPour le défendeur

Sous-procureur général du Canada

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