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                                                                                                                                         Date :    20020104

                                                                                                                            Dossier : IMM-6466-00

                                                                                                              Référence neutre : 2002 CFPI 4

Ottawa (Ontario), le 4e jour de janvier 2002

EN PRÉSENCE DE L'HONORABLE EDMOND P. BLANCHARD

ENTRE :

                                                 JANE ROCIO AREVALO COLLANA

                                                                                                                                                    Demandeur

                                                                              - et -

                      LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

                                                                                                                                                     Défendeur

                                  MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

[1]                 La Cour est saisie d'une demande de contrôle judiciaire de la décision de la Section du statut de réfugié de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié ( « Section du statut de réfugié » ) rendue le 23 novembre 2000.

Exposé des faits

[2]                 La demanderesse est née à Lima, Pérou le 28 avril 1973, et est citoyenne du Pérou. Le 4 janvier 1992, elle épousa Sandro Villanueva-Herrera et le 4 juillet 1992, donna naissance à Sandra Villanueva-Arevalo.


[3]                 Pendant quatre ans, la demanderesse a oeuvré, à titre de bénévole, auprès de l'Église Santa Catalina de Laboure pour la Congrégation Saint-Vincent de Paul au Pérou. La demanderesse a contribué tant aux tâches afférentes à la salle à manger qu'à l'évangélisation au sein de la communauté et ce, surtout auprès des jeunes. La demanderesse a également travaillé dans un centre de réhabilitation pour jeunes aux prises avec des problèmes familiaux, sociaux, de drogues ou de délinquance.

[4]                 Le 25 décembre 1997, alors qu'elle assistait à la distribution de nourriture et de jouets auprès de familles démunies, un couple se serait présenté à l'Église et aurait demandé à la demanderesse un entretien privé. Ce couple lui aurait apparemment demandé de faire du travail communautaire pour les pauvres et les opprimés par le gouvernement. La demanderesse leur a tout simplement dit que son horaire était surchargé, étant consacré à son travail et à sa famille. Or, suite à des menaces du couple en question, la demanderesse a craint pour sa vie et a fait une demande de visa pour le Canada, visa qui lui a été refusée.

[5]                 En avril 1998, un jeune d'environ 16 ans se serait présenté à la salle à manger pour lui remettre une enveloppe qui lui était adressée. La lettre affirmait entre autres, « Vive la guerre des guérilleros; Avec les armes et les masses nous aurons le pouvoir » et « Nous lutterons ensemble contre la dictature du chinois » . La lettre contenait également le symbole de la faucille et du marteau. La demanderesse a remis cette lettre aux autorités péruviennes et elle a fait une déposition officielle.


[6]                 Au mois de mai 1998, alors que la demanderesse et son époux se dirigeaient vers l'Église en motocyclette, ils ont été frappés par un véhicule non-identifié à l'arrière de la motocyclette. Ils ont tous deux subis des blessures sérieuses. Une semaine après cet incident, la demanderesse aurait reçu une lettre lui disant que son accident était le résultat de son refus de coopérer et que le pire était à venir tant pour elle que pour ses proches.

[7]                 Suite à cet incident, son époux lui aurait demandé de ne plus oeuvrer à titre de bénévole auprès de l'Église. De plus, toujours selon la demanderesse, cela a considérablement affecté le tempérament de son époux qui serait devenu violent avec elle puisqu'il l'accusait de mettre leur vie en danger. Depuis septembre 1998, la demanderesse est séparée de fait de son époux. Celui-ci a présentement la garde de leur fille.

[8]                 Suite à leur séparation, la demanderesse a quitté le domicile conjugal et est retournée vivre chez ses parents. De plus, elle a diminué considérablement son bénévolat auprès de l'Église.

[9]                 En décembre 1998, alors que la demanderesse et deux religieuses préparaient la Fête de Noël, trois individus, deux hommes et une femme, se sont présentés à l'Église et ont proféré des menaces de mort à ces dernières si elles refusaient de collaborer à la guerre contre le gouvernement. Selon la demanderesse, celles-ci se seraient rendues au poste de police pour y faire une déclaration mais les policiers ont exigé qu'elles reviennent après la période des Fêtes.


[10]            En janvier 1999, la demanderesse a cessé son bénévolat et en février 1999, elle a quitté Lima pour aller vivre chez ses grands-parents à Arequipa. Elle est retournée à Lima en mai 1999 pour rencontrer des gens qui l'aideraient à quitter le Pérou.

[11]            Le 25 juillet 1999, la demanderesse a quitté le Pérou pour se rendre à Cuba et y est demeuré jusqu'en août 1999.

[12]            Le 4 août 1999, la demanderesse est arrivée au Canada et elle a revendiqué le statut de réfugié puisqu'elle craignait la persécution aux mains des terroristes qui voudraient la recruter dans leurs rangs contre son gré.

[13]            Le 12 septembre 2000, a eu lieu l'audition auprès de la Section du statut de réfugié et le 23 novembre 2000, la Section du statut de réfugié a conclu que la demanderesse n'était pas une réfugiée au sens du paragraphe 2(1) de la Loi sur l'immigration, L.R.C. 1985, c. I-2.

Décision de la Section du statut de réfugié

[14]            En rejetant la demande de la demanderesse, la Section du statut de réfugié a conclu que le témoignage de celle-ci n'était pas crédible. La Section du statut de réfugié précisait :

Après étude de la preuve, tant documentaire que testimoniale, nous sommes d'avis que la revendicatrice n'est pas une réfugiée au sens de la Convention

...

Nous n'avons pas cru l'histoire de la revendicatrice et sommes plutôt d'avis qu'elle a fabriqué une histoire de toutes pièces afin d'obtenir un statut au Canada.


Normes de contrôle

[15]            En l'espèce, il s'agit d'un contrôle judiciaire à l'encontre d'une décision de la Section du statut. La Cour suprême du Canada a établi que dans ce contexte, la norme applicable, en ce qui a trait aux questions de droit, est celle de la décision correcte. Comme l'affirmait le juge Bastarache dans l'arrêt Pushpanathan c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [1998] 1 R.C.S. 982 au para. 50 : « Je conclus que la norme de la décision correcte s'applique aux décisions rendues sur des points de droit par la Commission. » De plus, il est important de souligner que la norme de contrôle en ce qui a trait à l'appréciation des faits demeure la norme manifestement déraisonnable. De fait, de nombreuses décisions de cette Cour ont réaffirmé que les commissaires sont dans la meilleure position pour évaluer les témoignages des demandeurs. Comme l'affirmait la Cour fédérale sous la plume du juge Décary dans Aguebor c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [1993] C.F. No. 732, au para. 4 (C.A.) :

Il ne fait pas de doute que le tribunal spécialisé qu'est la section du statut de réfugié a pleine compétence pour apprécier la plausibilité d'un témoignage. Qui, en effet, mieux que lui, est en mesure de jauger la crédibilité d'un récit et de tirer les inférences qui s'imposent? Dans la mesure où les inférences que le tribunal tire ne sont pas déraisonnables au point d'attirer notre intervention, ses conclusions sont à l'abri du contrôle judiciaire.

La conclusion qui se dégage de cet arrêt est que dans la mesure où l'interprétation factuelle des commissaires reliée à l'alinéa 2(1) de la Loi sur l'immigration n'est pas manifestement déraisonnable, il n'est pas du rôle de cette Cour d'intervenir sur la base du contrôle judiciaire.

Analyse


[16]            La demanderesse soumet en premier lieu que le tribunal a agit de façon déraisonnable en n'accordant aucune valeur probante à certains de ses documents, notamment, les trois dénonciations faites à la police ainsi que la lettre de la Paroisse Santa Catalina Laboure. Selon la demanderesse, ces documents portent sur des faits essentiels de sa revendication et ont été mis de côté suite à une analyse microscopique desdits documents.

[17]            Les trois dénonciations provenant de la Police nationale du Pérou ont été écartées par la Section du statut puisque l'un de ces documents, soit celui attestant de l'accident de circulation présente un sceau différent de ceux apposés sur les deux autres dénonciations. La Section du statut souligne aussi que les trois pièces ont toutes été signées par la même personne et suite à ces conclusions de faits, la Section du statut a déterminé que ces documents n'avaient pas de valeur probante. Également, la Section du statut a noté que le sceau apposé sur l'original de la lettre provenant de la Paroisse Santa Catalina Laboure comportait certaines irrégularités. Malgré les soumissions de la demanderesse à l'effet que les observations de la Section du statut relativement à ces documents résultent d'une analyse microscopique et déraisonnable, je conclus que la Section du statut avait suffisamment d'éléments pour lui permettre de douter de l'authenticité de ces documents. Je suis satisfait qu'il n'a pas été démontré que sa conclusion était manifestement déraisonnable en ce qui a trait à ces documents.

[18]            Par ailleurs, la demanderesse soutient que la Section du statut a erré en ne considérant pas son témoignage assermenté, notamment le témoignage de son travail paroissial. La demanderesse soutient que la Section du statut semble assimiler l'absence de preuve documentaire à un manque de preuve complet à ce sujet. La Section du statut dans ses motifs a conclu, « ... Cette absence de preuve lors de l'audience, quant à son implication, entache sa crédibilité. »


[19]            Je suis en accord avec les prétentions du défendeur. Bien qu'il existe une présomption voulant qu'en l'absence d'une preuve contraire, un témoignage sous serment est vrai, la Section du statut avait aussi le bénéfice d'entendre de vive voix le témoignage de la demanderesse et apprécier sa plausibilité et jauger la crédibilité de son récit. Il appartient à la Section du statut d'apprécier la vraisemblance de toute la preuve, à savoir les déclarations sous serment ainsi que la preuve donnée oralement à l'audition, et de tirer des conclusions qui s'imposent. En l'espèce, la Section du statut n'a pas cru l'histoire de la demanderesse et à mon avis, basé sur la preuve, cette conclusion n'est pas déraisonnable au point d'attirer l'intervention de cette Cour.

[20]            La demanderesse soutient aussi que la Section du statut a erré en entachant la crédibilité de la demanderesse parce que la lettre de la Paroisse ne fait pas mention des événements qui sont relatés dans son FRP en ce qui a trait aux menaces dont elle aurait été l'objet, alors que la signataire de la lettre était au courant de ceux-ci. Sur cette question, compte tenu de l'ensemble de la preuve, je suis d'avis que cette conclusion n'est pas manifestement déraisonnable. D'ailleurs, la Section du statut n'a accordé aucune valeur probante à cette lettre de la Paroisse en raison de certaines irrégularités au sceau qui y était apposé. Plus tôt dans ces motifs, j'ai indiqué qu'il y avait suffisamment d'éléments pour permettre à la Section du statut de douter de l'authenticité de cette lettre.    

[21]            Après avoir considéré l'ensemble de la preuve sur cette question, à savoir le bénévolat de la demanderesse, je suis d'avis que la conclusion de la Section du statut n'est pas manifestement déraisonnable.


[22]            La demanderesse soumet également que la Section du statut a commis une erreur en concluant que sa crédibilité est entachée étant donné qu'elle a omis de mentionner qu'elle aurait eu des problèmes avec l'agent de persécution, le Sentier Lumineux. La Section du statut a noté que la demanderesse n'a pas mentionné qu'elle avait des problèmes avec le Sentier Lumineux dans son FRP. Questionnée à ce sujet lors de l'audience, elle explique laborieusement que cela était seulement nécessaire au Pérou, puisqu'au Pérou on connaîtrait les dénominations, mais qu'ailleurs on ne parlait que de « groupes terroristes » . Cette explication vient contredire le fait que la demanderesse n'a pas non plus précisé à la police de son pays lors de ses dépositions qu'elle avait des problèmes avec le Sentier Lumineux. Selon son raisonnement, elle aurait dû le préciser. À mon avis, cette contradiction permet à la Section du statut de conclure comme elle l'a fait. Le juge Décary dans l'arrêt Kumar c. M.E.I., [1993] F.C.J. No. 219 en ligne : QL (C.A.F.), a dit « qu'il appartenait au tribunal de tirer ses propres conclusions quant aux contradictions décelées dans le témoignage, tout comme il lui appartenait d'apprécier la plausibilité du récit. »


[23]            La Section du statut a constaté que le comportement de la demanderesse était incompatible avec celui d'une personne qui dit craindre la persécution. En effet, et selon son propre témoignage, c'est en 1997 qu'elle aurait été menacée. Ce n'est qu'en février 1999 qu'elle a quitté sa ville et le 25 juillet 1999, qu'elle a quitté son pays. La Section du statut n'a pas retenu l'explication de la demanderesse voulant qu'elle se consacrait totalement à l'église et éprouvait des sentiments contradictoires. On aurait aussi considéré que son enfant aurait également été menacé depuis mai 1998. Dans l'arrêt Rahman c. M.E.I., A-1224-91, (C.A.F.), le juge Hugessen disait, « Il nous paraît évident que la Section n'a pas cru l'appelant parce qu'elle voyait des contradictions majeures entre ses gestes et ses déclarations. Il s'agit là d'une conclusion qui relève de la compétence du tribunal et nous ne saurions intervenir à moins qu'elle n'ait été tirée de façon déraisonnable ce qui n'est certainement pas le cas en l'espèce. L'appel sera rejeté. » En l'espèce, la Section du statut a déterminé que le comportement de la demanderesse depuis 1997 était incompatible avec celui d'une personne qui dit craindre la persécution et elle n'a pas cru l'histoire de la revendicatrice. À mon avis, cette conclusion n'est pas manifestement déraisonnable.

[24]            En l'espèce, compte tenu de la preuve portée devant la Section du statut, je suis d'avis que les conclusions et inférences tirées par celle-ci ne sont pas manifestement déraisonnable au point d'attirer l'intervention de cette Cour.

[25]            Pour l'ensemble de ces motifs la demande de contrôle judiciaire sera rejeté.

[26]            Aucune des parties n'ont proposé la certification d'une question grave de portée générale découlant de la demande de contrôle judiciaire. Aucune question ne sera certifiée.


                                                                     ORDONNANCE

LA COUR ORDONNE que :

           1.          La demande de contrôle judiciaire est rejetée.

                                                                                                                             « Edmond P. Blanchard »             

                                                                                                                                                                 Juge             


COUR FEDERALE DU CANADA SECTION DE PREMIERE INSTANCE

NOMS DES AVOCATS ET DES AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

NO DE LA COUR : IMM-6466-00

INTITULE : JANE ROCIO AREVALO COLLANA C.

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETE ET DE L'IMMIGRATION

LIEU DE L' AUDIENCE : MONTREAL (QUEBEC)

DATE DE L'AUDIENCE : 28 AOUT 2001

MOTIFS DE L' ORDONNANCE ET ORDONNANCE DE MONSIEUR LE JUGE BLANCHARD

EN DATE DU 4 JANVIER 2002

COMPARUTIONS

ME FRANQOIS MILO POUR LA PARTIE DEMANDERESSE

ME DANIEL LATULIPPE POUR LA PARTIE DEFENDERESSE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

ME FRANQOIS MILO POUR LA PARTIE DEMANDERESSE MONTREAL (QUEBEC)

M. MORRIS ROSENBERG POUR LA PARTIE DEFENDERESSE SOUS-PROCUREUR GENERAL DU CANADA

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