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Date : 20060302

Dossier : T-2241-95

Référence : 2006 CF 280

ENTRE :

MARGARET HORN

demanderesse

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE

défenderesse

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE

 

LE JUGE EN CHEF LUTFY

 

[1]        Par une ordonnance datée du 10 novembre 2005, le juge Hugessen, en sa qualité de juge responsable de la gestion de l’instance, a enjoint aux demandeurs de demander à Roger Obonsawin (M. Obonsawin) de produire les livres et registres qu’il a en sa possession au sujet des opérations financières du groupe de sociétés O.I. (le groupe O.I.) pour les années 1995 et 1996. M. Obonsawin et le groupe O.I. ne sont pas parties à la présente action.

 

[2]        Par une ordonnance rendue le même jour, le juge Hugessen a accueilli la requête que la défenderesse avait présentée en vue d’obtenir l’autorisation d’interroger M. Obonsawin, conformément à l’article 238 des Règles des Cours fédérales, et il a ordonné que l’interrogatoire ait lieu au plus tard le 30 novembre 2005.

 

[3]        M. Obonsawin s’est présenté à l’interrogatoire le 22 novembre 2005. En ce qui concerne les documents mentionnés dans l’ordonnance du juge Hugessen, l’avocat de M. Obonsawin a fait savoir ce qui suit : [traduction] « M. Obonsawin n’est pas prêt à produire ces documents en ce moment. »

 

[4]        Le 29 décembre 2005, lorsqu’il a été contre‑interrogé par la défenderesse au sujet de son affidavit du 9 décembre 2005, M. Obonsawin a déclaré ce qui suit :

 

[traduction] Eh bien, je me suis toujours demandé la raison pour laquelle on voulait obtenir l’accès à ces documents. […] La raison pour laquelle vous faites votre demande, les préoccupations que j’ai au sujet de la protection des renseignements personnels. […] Vous en vouliez plus, vous vouliez toujours plus de renseignements, et les renseignements concernant nos clients individuels, nous estimons qu’ils doivent être protégés.

 

[Non souligné dans l’original.]

 

 

 

[5]        Le 6 janvier 2006, le juge Hugessen a ordonné ce qui suit :

[traduction

 

1)             Sous réserve des objections soulevées à l’égard de la production, M. Obonsawin ou Mme Irwin, en leurs qualités de représentants du groupe de sociétés O.I., produiront au plus tard le 12 janvier 2006, aux fins de leur examen par les représentants de la Couronne défenderesse, les états financiers du groupe de sociétés O.I. pour les années ayant pris fin le 31 janvier 1993 et le 31 janvier 1994, ainsi que les documents de base fournis au comptable qui a préparé ces états, et sur lesquels le comptable s’est fondé, et subiront par la suite un interrogatoire préalable au sujet de ces états et documents à la date fixée par les avocats ou, à défaut d’entente, à la date fixée dans une ordonnance de comparution.

 

2)             Des dispositions similaires s’appliqueront à l’égard des états financiers et documents justificatifs du groupe de sociétés O.I. concernant l’exercice ayant pris fin le 31 janvier 1995, lesquels doivent être produits pour examen au plus tard le 31 janvier 2006.

 

3)             Les états financiers et documents justificatifs concernant l’exercice ayant pris fin le 31 janvier 1996 seront produits pour examen le plus tôt possible.

 

[…]

 

 

[6]        Le 19 janvier 2006, l’avocat de M. Obonsawin a déposé un avis d’appel à l’égard de l’ordonnance du 6 janvier 2006 rendue par le juge Hugessen. Un avis de désistement concernant cet appel a été déposé le 24 février 2006.

 

[7]        Certains documents ont été remis à l’avocat de la défenderesse conformément à l’ordonnance rendue par le juge Hugessen le 6 janvier 2006. Toutefois, certains renseignements ont été « blanchis »; plus précisément, les noms des organismes de placement (les clients) auxquels le groupe O.I. fournit des services de consultation et loue les services d’employés.

 

[8]        Le 8 février 2006, j’ai assumé les fonctions de juge responsable de la gestion de l’instance en l’espèce.

 

[9]        Le 17 février 2006, M. Obonsawin a demandé le règlement de la question de savoir si la production des documents dans lesquels figurent les noms blanchis des clients était conforme à l’ordonnance du 6 janvier 2006 du juge Hugessen.

 

[10]      L’avocat de M. Obonsawin a soutenu que les noms des clients avaient à juste titre été blanchis pour le motif qu’ils n’étaient pas pertinents. Subsidiairement, l’avocat a fait savoir que M. Obonsawin s’était engagé envers les clients à ne pas communiquer leurs noms.

 

[11]      L’avocat de la défenderesse a pris la position selon laquelle un document pertinent doit être remis pour examen dans sa forme intégrale.

 

[12]      En aucun temps il ne m’a semblé que les demandeurs contestaient la pertinence des documents.

 

[13]      Lors de deux téléconférences, les 21 et 24 février 2006, la Cour a accordé à M. Obonsawin l’autorisation de compléter le dossier de la preuve, s’il le désirait, quant à la nature de l’engagement pris avec les clients.

 

[14]      Dans son affidavit du 24 février 2006, Ljuba Irwin (Mme Irwin) a déclaré être directrice générale des sociétés du groupe O.I. En cette qualité, elle a déclaré que le groupe O.I. [traduction] « […] s’[était] engagé envers chacun de ses clients à assurer la confidentialité de leurs noms et à ne pas communiquer ces noms à un tiers sans leur consentement ». Le 27 février 2006, la défenderesse a contre‑interrogé Mme Irwin au sujet de son affidavit.

 

[15]      Les avocats ont convenu que, aux fins du règlement de la question du blanchiment des noms des clients dans le contexte de l’ordonnance que le juge Hugessen avait rendue le 6 janvier 2006 en vue de la production, le dossier mis à ma disposition serait composé des éléments suivants : a) la page 10 de la transcription de l’interrogatoire que M. Obonsawin a subi le 22 novembre 2005, onglet 2 du dossier que M. Obonsawin a déposé le 4 janvier 2006 en réponse à la requête; b) le dossier de la requête des demandeurs déposé le 1er décembre 2005; c) la page 39 du contre‑interrogatoire que M. Obonsawin a subi le 29 décembre 2005; d) le dossier supplémentaire conjoint de la requête déposé le 23 février 2006; et e) la transcription du contre‑interrogatoire que Mme Irwin a subi le 27 février 2006 au sujet de son affidavit et les pièces concernant ce contre‑interrogatoire, déposées le 28 février 2006.

 

[16]      La seule question à trancher se rapporte à la communication des noms des clients. Je suis convaincu que je n’ai pas besoin d’examiner les noms des clients pour pouvoir trancher la question de façon appropriée.

 

[17]      Quant au blanchiment des noms des clients pour le motif qu’ils ne sont pas pertinents, je souscris encore à l’avis exprimé dans la décision Glaxo Group Ltd. c. Novopharm Ltd., [1996] A.C.F. no 1423 (QL) (1re inst.), paragraphe 17 : si une portion d’un document est pertinente, la version non expurgée de ce document doit être disponible pour examen, sauf entente contraire des parties. L’avocat n’a soumis aucune décision pertinente allant à l’encontre de la décision Glaxo et appuyant la position prise par M. Obonsawin.

 

[18]      À mon avis, il n’incombe pas à une personne qui n’est pas partie à une instance de dire ce qui est pertinent et ce qui ne l’est pas entre les parties lorsqu’il a été ordonné de communiquer les renseignements en question. De plus, il est possible de répondre à la prétention de M. Obonsawin selon laquelle l’intérêt de la défenderesse, lorsqu’il s’agit de connaître les noms des clients, est récent, seulement en disant que, pendant plusieurs mois, la défenderesse a eu la difficulté à obtenir les documents en question.

 

[19]      Quant à l’engagement pris envers les clients, les pièces jointes au contre‑interrogatoire de Mme Irwin – y compris les ententes de placement conclues avec deux clients, ainsi que les contrats de travail des demandeurs qui régissaient leurs placements auprès de ces clients – n’indiquent pas un tel engagement. Le nom du client dans la présente instance est communiqué. Le dossier mis à la disposition de la Cour ne renferme aucun élément de preuve montrant que d’autres clients ont refusé de consentir à la communication de leurs noms.

 

[20]      J’ai examiné la transcription du contre‑interrogatoire de Mme Irwin et, ayant à l’esprit les affirmations gratuites de M. Obonsawin concernant ses [traduction] « préoccupations […] au sujet de la protection des renseignements personnels […] concernant nos clients individuels » dont il est question ci-dessus au paragraphe 4, ainsi que celles que Mme Irwin a faites dans l’affidavit susmentionné, paragraphe 14, je ne suis pas convaincu, selon la prépondérance de la preuve, qu’il a été établi qu’un engagement a été pris envers les clients au sujet de la non‑communication de leurs noms.

 

[21]      Même si je me trompe sur ce point, je ne puis conclure qu’un tel engagement pourrait, en droit, permettre à M. Obonsawin ou à Mme Irwin d’éviter de se conformer à l’ordonnance rendue par le juge Hugessen le 6 janvier 2006.

 

[22]      À mon avis, M. Obonsawin et Mme Irwin sont bien loin d’établir l’existence d’une situation exceptionnelle justifiant la dérogation à la règle générale exigeant une communication intégrale des documents : Glaxo, précité, paragraphe 17.

 

[23]      Par conséquent, je suis d’avis que l’ordonnance rendue par le juge Hugessen le 6 janvier 2006 exige la production des documents dans leur forme intégrale.

 

[24]      En vue de tenter de résoudre la question à l’amiable et avec célérité, la Cour a soulevé la possibilité de la délivrance d’une ordonnance de confidentialité. La défenderesse a préparé un projet d’ordonnance de confidentialité et continue à accepter la possibilité qu’une telle ordonnance soit rendue. Les demandeurs ne se sont pas opposés à la délivrance d’une telle ordonnance. Par l’entremise de son avocat, M. Obonsawin a fait savoir qu’il ne voyait pas en quoi une ordonnance de confidentialité était avantageuse et il n’a pas offert de consentir à la délivrance d’une telle ordonnance.

 

[25]      Par conséquent, une ordonnance sera rendue, a) rejetant l’objection de M. Obonsawin à la production des versions intégrales des documents mentionnés dans l’ordonnance rendue par le juge Hugessen le 6 janvier 2006, b) enjoignant à M. Obonsawin ou à Mme Irwin de se conformer, au plus tard le 7 mars 2006, à l’ordonnance rendue par le juge Hugessen le 6 janvier 2006 et c) enjoignant à M. Obonsawin ou à Mme Irwin d’être disponibles pour subir des interrogatoires oraux additionnels le 9 mars 2006 et, au besoin, pour achever les interrogatoires le 10 mars 2006.

 

[26]      Les parties seront autorisées, sur avis donné à bref délai avant le 7 mars 2006, à soumettre à la Cour pour approbation un projet d’ordonnance de confidentialité aux conditions qui conviendront à M. Obonsawin.

 

 

 

« Allan Lutfy »

Juge en chef

 

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Jacques Deschênes, LL.B.

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                                                T-2241-95

 

INTITULÉ :                                                               MARGARET HORN

                                                                                    c.

                                                                                    SA MAJESTÉ LA REINE

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                                         OTTAWA (ONTARIO)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                                       Le 17 février 2006; le 21 février 2006 par téléconférence, le 24 février 2006 par téléconférence et le 1er mars 2006 par téléconférence

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE :                          LE JUGE EN CHEF LUTFY

 

DATE DES MOTIFS :                                              LE 2 MARS 2006

 

 

COMPARUTIONS :

 

Stephen Reynolds                                                         POUR LA DEMANDERESSE

 

John Shipley                                                                 POUR LA DÉFENDERESSE

Sandra Phillips

 

James Fyshe                                                                 ROGER OBONSAWIN, O.I. EMPLOYEE LEASING INC., OBONSAWIN-IRWIN CONSULTING INC. ET O.I. PERSONNEL SERVICES LTD.

 


AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Reynolds, Dolgin                                                          POUR LA DEMANDERESSE

Avocats

Ottawa (Ontario)

 

John H. Sims, c.r.                                                         POUR LA DÉFENDERESSE

Sous-procureur général du Canada

 

Page, Arnold LLP                                                        ROGER OBONSAWIN, O.I. EMPLOYEE

Hamilton (Ontario)                                                        LEASING INC., OBONSAWIN-IRWIN CONSULTING INC. ET O.I. PERSONNEL SERVICES LTD.

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