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Date : 20051130

Dossier : IMM-3072-05

Référence : 2005 CF 1629

Ottawa (Ontario), le 30 novembre 2005

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE MACKAY

ENTRE :

MOHAMMAD CHAUDHARY ASIF

demandeur

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

défendeur

MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

[1]                Le demandeur sollicite le contrôle judiciaire de la décision de la Section de la protection    des réfugiés datée du 3 mai 2005 dans laquelle celle-ci a jugé qu'il n'était pas un réfugié au sens de la Convention ni une personne à protéger aux termes de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27 (la Loi), ainsi qu'une ordonnance annulant cette décision.

Le contexte

[2]                Le demandeur est un citoyen pakistanais, âgé d'un peu plus de quarante ans, qui est arrivé au Canada le 16 avril 2004 et qui a présenté une demande d'asile trois jours plus tard. Il affirme qu'il serait persécuté par les sunnites, en particulier par certains membres des Lakshri Mohammadu, s'il retournait au Pakistan.

[3]                Il affirme que dans son village d'origine Mahey au Gujerat, au Pakistan, où il résidait et exploitait une épicerie, il occupait également le poste de secrétaire organisateur de l'aile jeunesse du Jafria, un groupe de confession chiite. Il était chargé de diriger certaines activités religieuses organisées par sa communauté religieuse. C'est pourquoi il affirme que des membres de la confession sunnite, en particulier des membres du Lakshri Mohammadu, ont essayé de l'obliger à renoncer à sa foi chiite et que, lorsqu'il a refusé de le faire en février 2003, ces personnes lui ont tiré dessus et incendié son épicerie.

[4]                En mai 2003, son frère et lui ont été battus par les mêmes hommes qui l'avaient agressé auparavant. Ils les a dénoncés à deux reprises à la police locale, et plus tard aux autorités policières supérieures. En fin de compte, aucune accusation n'a été portée contre eux parce qu'il pense que les policiers ont été soudoyés.

[5]                En mars 2004, il participait à une procession religieuse lorsqu'il a été attaqué par des sunnites armés et masqués qui ont commencé à tirer sur la foule. Il a été jeté à terre, mais a réussi à s'enfuir à Faisalabad où il a passé trois jours à l'hôpital. C'est là qu'il a appris que les sunnites qui l'avaient attaqué l'année précédente avaient déposé à son encontre un rapport de police dans lequel ils l'accusaient de [traduction] « favoriser et de répandre la violence et la discrimination religieuses au sein de la communauté musulmane » .

[6]                Il a décidé alors de quitter le pays. Il s'est rendu à Karachi où après deux semaines, il a réussi à conclure des arrangements avec un passeur. Il est ensuite revenu à Gujerat pendant une semaine pour réunir les fonds destinés à payer le passeur, et il est ensuite retourné à Karachi où il a attendu jusqu'au 14 avril avant de pouvoir quitter le Pakistan. Il est arrivé à Toronto le 16 avril 2004 en utilisant un faux passeport britannique.

La décision du tribunal

[7]                Le tribunal a reconnu qu'il existait de vives tensions débouchant parfois sur des actions violentes entre les adeptes sunnites et chiites de la communauté musulmane du Pakistan. Il a admis que le demandeur avait été victime de violence religieuse dans sa région, le village de Mahey au Gujerat. Il a cependant conclu que les problèmes du demandeur semblaient être d'ordre très local et personnel compte tenu de son appréciation de son profil, à savoir celui d'un chiite parmi d'autres chiites connaissant des problèmes semblables au Pakistan, et des profils locaux des personnes qui le harcelaient. Le tribunal a affirmé qu'il n'existait aucune preuve, malgré le témoignage du demandeur, indiquant sur ses persécuteurs faisaient partie d'une grande organisation « familiale » , en mesure de le poursuivre où qu'il se trouve au Pakistan.

[8]                Le tribunal a formulé sa principale conclusion au début de la décision, dans les termes suivants :

Étant donné [...] la conclusion que le demandeur dispose d'une possibilité de refuge intérieur (PRI), [le tribunal] ne s'est pas prononcé sur le bien-fondé de sa crainte de persécution à Mahey, dans le district de Gujrat.

[9]                Le tribunal a estimé, malgré quelques exceptions qui ne visent pas le demandeur parce qu'il était peu connu localement, qu'il existe au Pakistan une liberté de mouvement raisonnable et qu'il aurait la possibilité de déménager à Karachi ou à Islamabad. Le demandeur a déclaré qu'il ne pouvait s'installer à Islamabad faute de moyens financiers suffisants ou à Karachi à cause des problèmes qui existent dans cette ville, mais le tribunal n'a pas considéré que ce témoignage ait pour effet d'écarter une possibilité de refuge intérieur viable. Il a estimé que le profil politique et religieux du demandeur et l'influence limitée qu'il exerçait indiquent qu'il ne serait pas poursuivi à l'extérieur de son village d'origine pour des raisons politiques ou religieuses. Il ne risque donc pas d'être persécuté par la police ou par des agents gouvernementaux, ni par ceux qui l'ont agressé antérieurement, dans les lieux de PRI mentionnés.

[10]            Les lieux de PRI proposés par le tribunal constituaient, d'après lui, le fondement des réponses négatives apportées à la demande du statut de réfugié présentée par le demandeur et à sa demande selon laquelle il était une personne à protéger aux termes des alinéas 97(1)a) ou 97(1)b) de la Loi. Il n'a pas démontré qu'il serait persécuté pour des motifs reconnus par la Convention partout au Pakistan ou qu'il serait personnellement susceptible d'être torturé, de voir sa vie menacée ou de subir une peine cruelle et inusitée s'il retournait au Pakistan et s'établissait dans une des possibilités de refuge intérieur proposées.

La question en litige

[11]            Le demandeur soutient que le tribunal a commis une erreur de droit en omettant de décider si sa crainte d'être persécuté dans son village d'origine, le village de Mahey, au Gujerat, était fondée.

L'analyse

[12]            Techniquement, la recherche de possibilités de refuge intérieur, loin de sa région d'origine où il possédait des biens et où vivaient son épouse, sa famille et son frère, à laquelle a procédé le tribunal, ne se justifiait pas si le tribunal n'estimait pas que le demandeur pouvait faire l'objet de persécution dans sa région d'origine pour des motifs reconnus par la Convention. Le tribunal affirme qu' « il ne s'est pas prononcé sur le bien-fondé de sa crainte de persécution à Mahey, dans le district de Gujrat » , mais sa conclusion et son examen des PRI indiquent implicitement que même s'il faisait l'objet d'une telle persécution dans sa région d'origine, l'existence d'une PRI lui interdisait de conclure qu'il risquait d'être persécuté pour un motif reconnu par la Convention sur tout le territoire du Pakistan. Selon le tribunal, la conclusion relative à la PRI justifiait également le rejet de sa demande de statut de personne à protéger aux termes de l'article 97 de la Loi.

[13]            À mon avis, la seule question que pose la conclusion relative à une PRI à Islamabad ou à Karachi est celle de l'existence de preuves indiquant que la conclusion du tribunal est raisonnable. Le tribunal s'est fondé sur des preuves indiquant que le droit pakistanais favorise la liberté de mouvement, à l'exception de cas exceptionnels visant les chefs de parti politique ou les chefs religieux, et il a estimé que le profil du demandeur n'était pas celui d'un activiste politique reconnu. Le tribunal a conclu que son profil était le même que celui « des centaines, sinon des milliers de Chiites dans tout le Pakistan » , et n'était le profil d'une personne dont on essaierait de retrouver la trace ou qu'on rechercherait en dehors de sa localité pour des raisons politiques ou religieuses.

[14]            Le tribunal a conclu, à la lumière des preuves apportées, qu'il n'était pas probable que les personnes qui avaient harcelé le demandeur dans sa région d'origine soient motivées à le poursuivre dans les PRI proposées ou aient les moyens de le faire. De plus, le tribunal a écarté un mandat délivré contre le demandeur, le qualifiant d'incomplet, et de preuve insuffisante pour établir que les policiers ou les agents gouvernementaux le poursuivraient et le persécuteraient dans les PRI proposées.

[15]            Après avoir examiné soigneusement les arguments du demandeur, j'estime que les conclusions auxquelles en est arrivé le tribunal à l'égard de l'existence de PRI sont raisonnables, même si elles ne sont pas formulées de façon très précise, et reposent sur les preuves. Le tribunal a jugé que le demandeur n'avait pas démontré que les lieux proposés étaient déraisonnables dans son cas. En outre, ayant conclu qu'il existait une PRI raisonnable au Pakistan, j'estime que les conclusions du tribunal selon lesquelles, d'après les preuves présentées, le demandeur n'était pas un réfugié au sens de la Convention ni une personne à protéger au sens de la Loi, étaient raisonnables.

[16]            Par conséquent, la demande de contrôle judiciaire est rejetée.

[17]            Les parties n'ont pas demandé la certification d'une question grave de portée générale destinée à la Cour d'appel. Aucune question n'est donc certifiée.

ORDONNANCE

LA COUR ORDONNE :

            La demande de contrôle judiciaire est rejetée.

« W. Andrew MacKay »

Juge suppléant

Traduction certifiée conforme

Julie Boulanger, LL.M.


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                         IMM-3072-05

INTITULÉ :                                        MOHAMMAD CHAUDHARY ASIF

                                                            c.

                                                            LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

LIEU DE L'AUDIENCE :                  EDMONTON (ALBERTA)

DATE DE L'AUDIENCE :                LE 9 NOVEMBRE 2005

MOTIFS DE L'ORDONNANCE : LE JUGE MACKAY

DATE DES MOTIFS :                       LE 30 NOVEMBRE 2005

COMPARUTIONS :

Devinderjit S. Purewal

POUR LE DEMANDEUR

Camille N. Audain

POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

a/s de Venkatraman & Purewal

9811, 34e avenue, pièce 303

Edmonton (Alberta)

T6E 5X9

POUR LE DEMANDEUR

John H. Sims, c.r.

Sous-procureur général du Canada

Edmonton (Alberta)

POUR LE DÉFENDEUR

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