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Date : 20020516

Dossier : IMM-2228-02

Référence neutre : 2002 CFPI 574

ENTRE :

                                                          VYACHESLAV ABRAMOV

                                                                                                                                                    Demandeur

                                                                                   et

                                               LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L'IMMIGRATION

                                                                                   

                                                                                                                                                     Défendeur

                                                    MOTIFS DE L'ORDONNANCE

[1]                 Voici les motifs détaillés de l'ordonnance que j'ai rendue le 15 mai 2002 rejetant une demande de sursis au renvoi du demandeur prévu pour cette même date.

[2]                 Le demandeur le même jour a fait une demande d'autorisation et de contrôle judiciaire concernant sa demande en vertu de l'article 114(2) de la Loi sur l'immigration [ci-après la « Loi » ]. En effet, son procureur a fait signifié sa demande d'autorisation et de contrôle judiciaire à 14h53 alors qu'il recevait à 16h la décision négative en réponse à la demande du demandeur en vertu de l'article 114(2) de la Loi.


QUESTION EN LITIGE

[3]                 Est-ce que dans les circonstances du présent dossier, la Cour doit accorder le sursis demandé?

[4]                 Je suis d'opinion que non.

LES FAITS

[5]                 En 1991, à six reprises le demandeur est venu au Canada à bord d'un bateau et est reparti sans revendiquer le statut de réfugié.

[6]                 Le 26 janvier 1992, le demandeur arrive au Canada et revendique le 2 juin 2002, le statut de réfugié.

[7]                 Le 18 août 1993, une mesure d'interdiction de séjour conditionnelle est émise contre le demandeur.

[8]                 En décembre 1994, il est avisé qu'il ferait l'objet d'une audience en désistement devant la section du statut puisqu'il n'a pas produit son Formulaire de renseignements personnels.

[9]                 Le 18 août 1997, la section du statut refuse la revendication du demandeur car il est non crédible. Aucune contestation n'est faite devant les tribunaux.

[10]            Le 18 septembre 1997, le demandeur dépose une demande dans la catégorie des Demandeurs non reconnus du statut de réfugié au Canada. Le 13 août 1999, l'agent de révision rejette la demande. Cette décision n'est pas contestée devant les tribunaux.

[11]            Le 19 septembre 1999, le demandeur est avisé qu'il doit quitter le Canada au plus tard le 19 septembre 1999. Comme il est toujours ici, cette mesure est devenue exécutoire le 20 septembre 1999.

[12]            Le 4 octobre 1997, le demandeur s'est marié à une citoyenne canadienne et le 20 octobre de la même année, une demande de dispense de visa d'immigrant pour motifs humanitaires est déposée de sa part. Cette demande est rejetée le 6 juin 1998.

[13]            Le 18 mars 1999, un jugement de divorce vient dissoudre le mariage du demandeur avec la citoyenne canadienne.

[14]            Le 18 mai 2000, le demandeur est détenu car il ne collabore pas à des arrangements de départ.

[15]            Le 19 septembre 2000, les vérifications sont faites pour envoyer le demandeur à sa demande à Cuba. Cependant, les autorités cubaines refusent.

[16]            Le 29 novembre 2000, le demandeur est remis en liberté mais à certaines conditions, en particulier de collaborer à des arrangements de départ.

[17]            Le 25 avril 2001, le demandeur dépose une nouvelle demande de dispense de visa et le 30 mai de la même année, cette demande est refusée en raison qu'il n'a pas fait la démonstration d'un risque quelconque en retournant dans son pays.

[18]            Le 20 août 2001, le demandeur signe une nouvelle demande de dispense de visa d'immigrant qu'il présente le 30 août 2001 à un agent d'exécution de la loi à Montréal. Il semble qu'il y ait eu confusion et un retard est survenu dans le traitement de cette demande de dispense.

[19]            Le 27 septembre 2001, le demandeur indique à un agent d'immigration qu'il entend quitter pour Israël. Un délai supplémentaire lui est donné pour qu'il fasse les arrangements nécessaires.


[20]            Deux décisions détaillées, alors que le demandeur est détenu, soit celle du 10 décembre 2001 de la part de Rolland Ladouceur et une seconde de Denise Lapointe du 16 janvier 2002 démontrent clairement que le demandeur n'a aucunement l'intention de collaborer avec les autorités pour quitter le Canada. Je fais référence ici à certains passages pertinents de la décision de Madame Denise Lapointe à la page 6:

Je vais commencer à partir du 4 janvier 2002.

Trois agents vous ont amené au consulat Russe pour signer un document de voyage.

Vous avez même refusé de sortir de la voiture. Il a fallu que le consul lui-même se déplace pour aller vous rencontrer dans la voiture.

Vous avez déclaré au consul que vous refusiez de retourner en Russie. Que vous ne vouliez pas signer.

Selon Madame Lagacé, vous auriez même dit que vous ne vouliez pas retourner parce qu'il faisait trop froid, et que vous n'aviez pas d'argent.

[21]            La pièce DP-4 indique que l'agent d'exécution de la loi, Monsieur Daniel Paquin, le 2 mai 2002 a pris un rendez-vous au Consulat de la Russie et le demandeur a finalement signé son document de voyage. À la même occasion, l'agent lui demande s'il a produit les documents manquants pour sa demande de résidence en Israël et ce dernier affirme que oui. Cependant, un représentant du Centre Aliyah confirme que le demandeur n'a pas soumis les documents.

[22]            Le lendemain, le 3 mai, le demandeur est amené à l'aéroport afin de quitter pour la Russie et le demandeur refuse catégoriquement de quitter. Il est détenu jusqu'à son départ prévu pour le 15 mai 2002. Le demandeur a donc été détenu pendant une période de six mois au cours de l'année 2000, une deuxième fois du 6 décembre 2001 au 14 février 2002 et la troisième fois tel que décrit plus haut.


PRÉTENTIONS DU DEMANDEUR

[23]            Le demandeur allègue que la décision du 14 mai 2002 survenue quelques heures après la signification de sa demande de sursis et de contrôle judiciaire est une décision commandée, afin d'éviter que la Cour soit sans juridiction pour décider du sursis.

[24]            Le demandeur soutient aussi que malgré la décision du 14 mai 2002, la Cour devrait accorder un sursis pour lui permettre d'obtenir ses documents afin de quitter pour Israël. Il devrait être en mesure de les obtenir au plus tard le 14 juin 2002 selon une lettre qui m'a été envoyée par le procureur du demandeur datée du 14 mars 2002.

[25]            Le demandeur prétend aussi rencontrer les trois critères de l'arrêt Toth c. Canada (M.E.I.), [1988] A.C.F. no 587 (C.A.F.).

PRÉTENTIONS DU DÉFENDEUR

[26]            Le défendeur attire mon attention sur la globalité de ce dossier. Les faits sont concluants et démontrent que le demandeur n'a jamais collaboré et a utilisé toutes sortes de subterfuges pour éviter d'être retourné en Russie.

[27]            Il déclare que la Cour n'a pas juridiction étant donné la décision du 14 mai 2002 qui vient vider le débat.


[28]            En conclusion, le demandeur n'a pas fait la preuve d'une question sérieuse, d'un préjudice irréparable et la balance des inconvénients favorise le Ministre.

ANALYSE

[29]            Après une étude attentive des documents soumis par les parties, je constate qu'en effet, le demandeur n'a jamais eu l'intention de retourner en Russie malgré un ordre d'expulsion qui date de 1999.

[30]            Dès le mois de septembre 2001, alors que le demandeur est en liberté, il indique déjà son intention de quitter pour Israël. Alors que le délai normal est d'environ trois mois pour obtenir les documents nécessaires, selon la lettre produite par le demandeur, et même si j'accepte ce document comme étant probant, il date quand même du 14 mars 2002. C'est donc dire que le demandeur ne s'est pas occupé de son dossier, a été négligeant, et démontre qu'il n'avait pas l'intention de quitter le Canada.

[31]            Quant à la décision du 14 mai 2002 traitant de la deuxième demande en vertu de l'article 114(2) de la Loi, sa date me semble à première vue un peu curieuse, mais étant donné que la demande a été acheminée à Montréal au lieu de Vegreville, ceci peut expliquer la confusion qui a été créée et le retard dans le traitement de la demande de dispense. Le paragraphe 19 de l'affidavit de l'agent d'exécution de la loi me convainc sur cet aspect.


[32]            Le demandeur ne m'a donc pas fait la preuve d'une question sérieuse.

[33]            Étant donné qu'il n'a pas réussi à me convaincre sur le premier critère, je n'ai pas l'intention de discuter des deux autres de l'arrêt Toth, supra.

[34]            En conséquence, cette demande de sursis doit être rejetée.

      "Michel Beaudry"          

Juge

OTTAWA, ONTARIO

Le 16 mai 2002


COUR FÉDÉRALE DU CANADA

SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

NOMS DES AVOCATS ET DES AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

NO DE LA COUR:                        IMM-2228-02

INTITULÉ:                           VYACHESLAV ABRAMOV et LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

LIEU DE L'AUDIENCE:                   Ottawa (Ontario) par téléconférence

DATE DE L'AUDIENCE:                   15 mai 2002

MOTIFS DE L'ORDONNANCE DE L'HONORABLE MICHEL BEAUDRY

EN DATE DU:                    16 mai 2002

COMPARUTIONS:

Me Lucrèce M. Joseph                   pour la partie demanderesse

Me Michel Synnott                     pour la partie défenderesse

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER:

Me Lucrèce M. Joseph                   pour la partie demanderesse

Montréal (Québec)

Ministère de la Justice              pour la partie défenderesse

Montréal (Québec)

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