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Date : 20051202

Dossier : IMM-5976-05

Référence : 2005 CF 1636

OTTAWA (Ontario), le 2 décembre 2005

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE ROULEAU

ENTRE :

NASREDDINE HAMDI

demandeur

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

défendeur

MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

[1]                 Le demandeur, un citoyen tunisien, demande le sursis d'une ordonnance de renvoi qui deviendra exécutoire le 5 décembre 2005, en attendant la décision relative à sa demande d'autorisation de contrôle judiciaire d'une décision défavorable concernant la demande d'établissement fondée sur des circonstances d'ordre humanitaire qu'il a présentée au Canada.

[2]                 Le demandeur est entré au Canada depuis la Tunisie, en passant par les États-Unis, le 10 mai 2000. Il a demandé l'asile dès son arrivée. Le 31 janvier 2002, il a été décidé que le demandeur n'était pas un réfugié au sens de la Convention; le 4 avril 2002, l'autorisation de contester cette décision a été refusée.

[3]                 Le demandeur s'est marié avec une citoyenne canadienne en avril 2002; un fils est né de cette union en février 2003.

[4]                 En mai 2002, le demandeur a déposé une demande pour motifs d'ordre humanitaire. Son épouse parrainait le demandeur en vue d'obtenir une exemption. Après le dépôt, le 11 juin 2003, d'une demande d'examen des risques avant renvoi (ERAR), le demandeur a été informé en juin 2004 de la décision défavorable concernant sa demande pour motifs d'ordre humanitaire. Son renvoi, semble-t-il, avait été reporté en attendant qu'une décision soit rendue quant à sa demande. Le demandeur a déposé une deuxième demande pour motifs d'ordre humanitaire en août 2004; c'est la contestation non réglée de la décision relative à sa demande pour motifs humanitaires qui donne lieu à la présente demande de sursis.

[5]                 Il convient de signaler qu'une convocation enjoignant au demandeur de se présenter aux fins de son renvoi a été signifiée à ce dernier en juillet 2004, mais qu'il ne s'est pas présenté et que le 5 août 2004, un mandat d'arrestation a été lancé contre lui. Il a été arrêté en vertu de ce mandat le 11 septembre 2004, et les dispositions ont été prises pour qu'il soit renvoyé le 1er octobre 2004. Le 28 septembre 2004, le demandeur a sollicité que son renvoi soit reporté, en invoquant sa seconde demande pour motifs d'ordre humanitaire, en instance.   

[6]                 Bien que quelques autres demandes aient été présentées dans l'intervalle, M. Hamdi est demeuré sous garde depuis la date de son arrestation jusqu'au 31 mai 2005, date à laquelle il a été libéré.

[7]                 L'agente a rencontré les parties intéressées en entrevue et a examiné certains éléments de preuve médicale ainsi que les arguments présentés par les parties. Elle a observé que de nombreux malentendus avaient opposé les conjoints au fil des ans, peut-être en raison des troubles déficitaires de l'attention avec hyperactivité (TDAH) dont souffre l'épouse du demandeur. À une époque, celle-ci a été admise dans une maison de refuge pour femmes offrant le logement et des soins temporaires ainsi que des conseils. Durant son séjour à cet endroit, son époux l'a visitée périodiquement. Elle a développé des aptitudes pour mieux composer avec les TDAH. L'on mentionne en outre que l'enfant souffre d'autisme, qu'il est aussi atteint de TDAH et qu'il requiert des soins constants. L'agente a examiné attentivement l'intérêt supérieur de l'enfant et elle n'a pas été convaincue que le père pourrait aider à pourvoir aux soins requis par son fils s'il demeurait au Canada.

[8]                 L'agente a aussi relevé que les époux n'ont cohabité que 18 mois au cours des 41 mois écoulés depuis leur mariage, et que le couple a admis avoir déjà vécu des épisodes de violence conjugale de même que des problèmes liés à la colère. Interrogée par l'agente, l'épouse du demandeur a en effet indiqué que le demandeur éprouve de sérieuses difficultés à contrôler son caractère. Au sujet de l'enfant, l'agente a souligné que l'on a diagnostiqué chez lui non seulement de l'autisme mais aussi des TDAH et qu'il requiert des soins ininterrompus que seule sa mère peut lui prodiguer; elle a ajouté que le père de l'enfant n'a passé que quatre mois et demi avec son fils. Elle a précisé que l'enfant ne devrait pas être exposé à des querelles constantes.

[9]                 L'agente poursuit en disant que l'épouse du demandeur devrait concentrer ses efforts sur une seule question importante à la fois et qu'au stade actuel, les soins de son fils doivent occuper la première place. On lui a assuré que l'épouse a été admise au programme Ontario au travail et recevrait une aide à long terme dans le cadre de ce programme, et qu'elle et son fils seront inscrits au programme de logement de l'Ontario.

[10]            Les facteurs suivants ont contribué à la décision défavorable : la fragilité de la relation conjugale, le tempérament colérique de l'époux, la santé de l'enfant et, peut-être, la perte de la sécurité offerte par les pouvoirs publics.

[11]            L'avocate du demandeur laisse entendre que la relation entre le demandeur et son épouse n'est pas paisible, mais que les TDAH de l'épouse peuvent être l'un des facteurs de stress dans le couple.

[12]            L'avocate soutient que l'agente qui s'est penchée sur les motifs d'ordre humanitaire a commis une erreur de droit en ce qu'elle n'a pas correctement évalué l'intérêt supérieur du fils du demandeur ni examiné adéquatement les difficultés que subirait l'enfant s'il était séparé de son père. L'agente, ajoute-t-elle, a fait abstraction de la présomption selon laquelle il est de l'intérêt supérieur d'un enfant de vivre avec ses deux parents.

[13]            Le défendeur fait valoir pour sa part que le demandeur n'a pas réussi à établir qu'il satisfait au critère à trois volets régissant l'octroi d'un sursis à une ordonnance de renvoi; il affirme de plus que la seule raison pour laquelle le demandeur a pu déposer une deuxième demande fondée sur des motifs humanitaires est qu'il a omis de se présenter à la convocation pour son renvoi, qui avait été fixée pour juillet 2004. Le défendeur soutient que le demandeur ne se présente pas devant la Cour en n'ayant rien à se reprocher.

[14]            De l'avis du défendeur, le demandeur n'a soulevé aucun élément qui tend à montrer qu'il a une cause défendable; en outre, soutient-il, l'agente a accordé un poids suffisant à l'intérêt supérieur de l'enfant. Selon le défendeur, la Cour devrait être convaincue que la décision de l'agente est raisonnable puisque le père n'a que très peu de contacts avec son fils et ne pourrait contribuer à aider l'enfant à surmonter ses difficultés médicales. Le défendeur affirme qu'en réalité le manque de contrôle du demandeur sur ses accès de colère serait néfaste à l'intérêt supérieur de l'enfant.

[15]            L'évaluation de l'agente est étayée par les faits et ses conclusions sont raisonnables. Je ne suis pas convaincu que l'on a soulevé une question sérieuse à trancher; il n'est donc pas nécessaire que je traite du préjudice irréparable ni de la prépondérance des inconvénients.

[16]            Si la Cour autorisait le contrôle judiciaire, rien n'empêcherait le demandeur de continuer la procédure par l'intermédiaire de son épouse, qui demeurera au Canada.

ORDONNANCE

LA COUR ORDONNE que la demande de sursis soit rejetée.

« Paul U.C. Rouleau »

JUGE SUPPLÉANT

Traduction certifiée conforme

Christiane Bélanger, LL.L.


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                         IMM-5976-05

INTITULÉ :                                        NASREDDINE HAMDI c. LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

LIEU DE L'AUDIENCE :                  Toronto (Ontario)

DATE DE L'AUDIENCE :                Le 28 novembre 2005

MOTIFS DE L'ORDONNANCE : LE JUGE ROULEAU, J.S.

DATE DES MOTIFS :                       Le 2 décembre 2005

COMPARUTIONS :

Krissina Kostadinov

POUR LE DEMANDEUR

Rhonda Marquis

POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Waldman & Associates

Avocats

Toronto (Ontario)

POUR LE DEMANDEUR

John H. Sims, c.r.

Sous-procureur général du Canada

POUR LE DÉFENDEUR

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