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                                                                                                                                            Date : 20020117

                                                                                                                                Dossier : IMM-1531-01

                                                                                                                 Référence neutre : 2002 CFPI 35

Entre :

                                                  JEAN EDY PERRIER

                                                       ERLINE JEUNE

                                                                                                    Parties demanderesses

                                                               - et -

                                     LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

                                    ET DE L'IMMIGRATION DU CANADA

                                                                                                        Partie défenderesse

                                           MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE PINARD :

[1]         La demande de contrôle judiciaire vise une décision rendue le 21 mars 2001 par la Section du statut de réfugié statuant que les demandeurs ne sont pas des réfugiés au sens de la Convention, tel que défini au paragraphe 2(1) de la Loi sur l'immigration, L.R.C. (1985), ch. I-2.

[2]         Les demandeurs sont mariés et sont citoyens d'Haïti. Ils allèguent avoir été persécutés dans ce pays en raison de leur appartenance à un groupe social, la famille.

[3]         La Section du statut de réfugié a refusé de reconnaître aux demandeurs le statut de réfugié, concluant qu'il n'est pas raisonnable que ceux-ci aient une crainte bien fondée de persécution dans leur pays d'origine, et ce, pour les raisons suivantes :


-           Les demandeurs sont retournés volontairement en Haïti, après avoir passé quatorze jours au Canada, pour vaquer à leurs occupations respectives de policiers et aussi pour continuer leurs études en droit en vue d'accéder à une promotion éventuelle.

-           Les demandeurs ne peuvent pas identifier les agents persécuteurs, ne les ayant jamais vus.

-           La crainte d'une vengeance personnelle ne constitue pas une crainte de persécution.

[4]         D'abord, les demandeurs confirment tous deux, dans leur témoignage, qu'avec d'autres collègues policiers, ils ont été visés « personnellement » par monsieur Jean Villard Louis à cause de leur participation à son arrestation du 21 mai 2000. Dans ce contexte, je ne crois pas que la Section du statut a commis une erreur de droit en concluant que les demandeurs n'étaient pas persécutés en raison de leur appartenance à la patrouille lors de l'arrestation. En effet, il est bien établi que « la crainte d'une vengeance personnelle ne constitue pas la crainte de persécution » (voir Marincas c. Ministre de l'Emploi et de l'Immigration (23 août 1994), IMM-5737-93).

[5]         Puis, les demandeurs reprochent à la Section du statut d'avoir omis de se prononcer sur deux éléments de preuve : d'abord la pièce P-21, rapport de plainte déposé par le revendicateur au commissariat de la Croix-des-Bouquets en Haïti; et ensuite, la preuve documentaire relative à la situation actuelle des policiers en Haïti.

[6]         Il est bien établi que la Section du statut, à titre de tribunal spécialisé, a pleine compétence pour apprécier et analyser le contenu de la preuve documentaire. Ainsi, le fait que celle-ci ne soit pas mentionnée dans ses motifs ne rend pas la décision viciée (Hassan c. Canada (M.E.I.) (1992), 147 N.R. 317 (C.A.F.)). Ce principe a été confirmé par le juge Rouleau dans l'affaire Nzuzi c. Canada (M.C.I.), [1999] A.C.F. no 556 (1re inst.) (QL) :

The Board is entitled to rely on documentary evidence in preference to that of the claimant; the Board is under no obligation to refer to all items in the documentary evidence it relied upon in arriving to its conclusion.


[. . .]

. . . There is no general obligation on the Board to point out specifically any and all items of documentary evidence on which it might rely or which it might reject.

[7]         Aussi, la Cour d'appel fédérale, dans l'affaire Florea c. Canada (M.E.I.), [1993] A.C.F. no 598 (QL), a établi que le tribunal est présumé avoir pesé et considéré toute la preuve dont il est saisi jusqu'à preuve du contraire. À la lumière de ces principes, je suis d'avis que les conclusions tirées par le tribunal sont raisonnables et justifiées en l'espèce.

[8]         Enfin, pour être considéré un réfugié au sens de la Convention, il est nécessaire pour le demandeur d'établir une crainte bien fondée de la persécution. Le critère pour établir cette crainte a été établi dans l'arrêt Canada (Procureur général) c. Ward, [1993] 2 R.C.S. 689, à la page 723, par la Cour suprême du Canada :

. . . Comme j'y faisais allusion plus haut, le critère comporte deux volets : (1) le demandeur doit éprouver une crainte subjective d'être persécuté, et (2) cette crainte doit être objectivement justifiée. . . .

[9]         En l'espèce, il a été établi qu'avant leur départ pour le Canada le 2 juin 2000, les demandeurs étaient au courant que leurs collègues Abellard et Maxo avaient été assassinés et que monsieur Jean Villard Louis avait été relâché à cause de son influence politique. En plus, ils avaient reçu des appels anonymes de menaces de mort. Malgré ces faits, les demandeurs sont retournés en Haïti pour y continuer leurs études dans l'espoir d'obtenir une promotion. Après avoir relu la transcription et les motifs de la Section du statut de réfugié, je dois aussi conclure que le comportement des demandeurs n'est pas compatible avec celui de personnes qui disent craindre pour leur vie et fuir leur pays pour rechercher la protection des autorités canadiennes (Huerta c. Canada (M.E.I.), [1993] A.C.F. no 271 (C.A.F.) (QL)).


[10]       En somme, je suis d'avis que les demandeurs ne se sont pas déchargés de leur fardeau de démontrer que les inférences tirées par la Section du statut de réfugié étaient déraisonnables. Je suis d'avis que ce tribunal s'est acquitté de ses obligations sans commettre d'erreur susceptible de révision.

[11]       En conséquence, la demande de contrôle judiciaire est rejetée.

                                                                         

       JUGE

OTTAWA (ONTARIO)

Le 17 janvier 2002


COUR FÉDÉRALE DU CANADA SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

NOMS DES AVOCATS ET DES AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

N º DE LA COUR: IMM-1531-01

INTITULÉ:JEAN EDY PERRIER ERLINE JEUNE c. MCI

LIEU DE L'AUDIENCE: Montréal (Québec)

DATE DE L'AUDIENCE: 4 décembre 2001

MOTIFS DE L'ORDONNANCE DE L'HONORABLE JUGE PINARD EN DATE DU 17 janvier 2002

COMPARUTIONS

Me Kathleen Gaudreau POUR LA DEMANDERESSE

Me Barbara Boily POUR LA DÉFENDERESSE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

M. Morris Rosenberg POUR LA DÉFENDERESSE Sous-procureur général du Canada

Me Kathleen Gaudreau POUR LA DEMANDERESSE Montréal (Québec)

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