Décisions de la Cour fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision

Date : 20041022

Dossier : T-795-04

Référence : 2004 CF 1476

ENTRE :

VILLE DE MONTRÉAL

personne morale de droit public dûment

constituée en vertu de sa Charte, ayant

sa place d'affaires en son hôtel de Ville,

au 275, rue Notre-Dame Est,

dans la Ville de Montréal,

province de Québec, H2Y 1C6

                                                                                                                                    demanderesse

                                                                             et

ADMINISTRATION PORTUAIRE DE MONTRÉAL

personne morale de droit public,

constituée en vertu de la Loi maritime du Canada (1998 ch. 10),

ayant une place d'affaires au 1, Cité du Havre,

Édifice du Port de Montréal, dans la Ville de Montréal,

province de Québc, H3C 3R5

                                                                             

                                                                                                                                      défenderesse

                                                  MOTIFS DE L'ORDONNANCE

ME RICHARD MORNEAU, PROTONOTAIRE:

[1]                La Cour est saisie en l'espèce d'une requête de la défenderesse, Administration portuaire de Montréal (APM), afin que la Cour ordonne la radiation de la demande de contrôle judiciaire déposée par la Ville de Montréal.

Contexte

[2]                En édictant la Loi sur les paiments versés en remplacement d'impôts, L.R.C. (1985), ch. M-13 (la LPERI), le législateur fédéral a prévu des compensations financières devant "tenir lieu" de contributions fiscales afin que certains organismes fédéraux décentralisés, tel l'APM, fassent l'objet d'une imposition "tenant lieu" de taxes municipales.

[3]                La demande de contrôle judiciaire de la Ville de Montréal dans le présent dossier concerne le paiement versé par l'APM en vertu de la LPERI en remplacement d'impôts relativement à l'exercice financier 2004 de la Ville de Montréal.


[4]                La Ville de Montréal est insatisfaite du montant ainsi versé. Selon la Ville, l'APM devait verser une somme de 3 177 045,08 $. Il ressort toutefois que l'APM aurait soustrait de ce paiement une somme totale de 1 985 245,66 $. Selon la Ville de Montréal, ce dernier montant résulte du fait, d'une part, que l'APM considère que certains immeubles, soit des quais, jetées et réservoirs, n'ont pas à faire l'objet de paiement, et d'autre part, que l'APM aurait appliqué un taux de taxe par 100 $ d'évaluation qui n'est pas celui qui est légalement applicable aux yeux de la Ville.

[5]                Dans sa demande de contrôle judiciaire, la Ville de Montréal demande donc essentiellement une ordonnance déclarant illégaux les ajustements que l'APM a apportés au paiement qu'elle a effectué à la Ville de Montréal pour l'année 2004.

Analyse

[6]                Même s'il n'est pas clair au départ qu'elle a été soumise sous ce chef, il m'appert que c'est en vertu de la juridiction inhérente de cette Cour telle qu'appliquée par le juge Strayer dans l'arrêt Bull (David) Laboratories (Canada) Inc. v. Pharmacia Inc. et al. (1994), 176 N.R. 48, aux pages 54-5 (l'affaire Pharmacia) que la requête en radiation de l'APM doit être abordée.

[7]                Dans l'affaire Pharmacia, le juge Strayer a permis que l'on recherche la radiation en matière de contrôle judiciaire uniquement dans des cas exceptionnels. Voici comment la Cour s'est exprimée en pages 54-5 :


This is not to say that there is no jurisdiction in this Court either inherent or through Rule 5 by analogy to other Rules, to dismiss in summary manner a notice of motion which is so clearly improper as to be bereft of any possibility of success. (See e.g. Cyanamid Agricultural de Puerto Rico Inc. v. Commissioner of Patents (1983), 74 C.P.R. (2d) 133 (F.C.T.D.); and the discussion in Vancouver Island Peace Society et al. v. Canada (Minister of National Defence) et al., [1994] 1 F.C. 102; 64 F.T.R. 127, at 120-121 F.C. (T.D.).) Such cases must be very exceptional and cannot include cases such as the present where there is simply a debatable issue as to the adequacy of the allegation in the notice of motion.

(Mes soulignés)

[8]                C'est ce même raisonnement qu'a suivi le juge Nadon, alors juge de première instance, dans une décision du 13 août 1996 (Tom Pac Inc. c. Kem-A-Trix (Lubricants) Inc., dossier T-1238-96, en page 5).

[9]                Toute demande de radiation dans le cadre d'une demande de contrôle judiciaire doit en effet être exceptionnelle, et ce, afin de favoriser un des objectifs premiers de telle demande, soit d'amener cette demande au mérite le plus rapidement possible.

[10]            Tel que le mentionnait le juge Strayer dans l'affaire Pharmacia :

...[T]he focus in judicial review is on moving the application along to the hearing stage as quickly as possible. This ensures that objections to the originating notice can be dealt with promptly in the context of consideration of the merits of the case.

(Voir également les arrêts Merck Frosst Canada Inc. et al. v. Minister of National Health and Welfare et al. (1994), 58 C.P.R. (3d) 245, à la page 248, et Glaxo Wellcome Inc. et al. v. Minister of National Health and Welfare et al., jugement inédit de cette Cour, 6 septembre 1996, dossier T-793-96.)

[11]            Dans le cas qui nous occupe, je ne pense pas que les aspects que l'APM soulève dans le cadre de son dossier de requête soient à ce point clairs et évidents qu'il faille intervenir à ce stade dans le processus d'une demande de contrôle judiciaire.

[12]            Dans sa requête telle que soumise à la Cour, l'APM soutient dans un premier temps que la demande de contrôle judiciaire de la Ville de Montréal ne soulève pas une des dynamiques envisagées par les paragraphes 18.1(3) et (4) de la Loi sur les Cours fédérales, L.R.C. (1985), ch. F-7, telle qu'amendée (la LCF).

[13]            Je ne suis pas d'accord.

[14]            À sa face même, la demande de contrôle judiciaire de la Ville de Montréal soulève que le paiement de l'APM - paiement qui constitue un acte d'un office fédéral pour les fins de l'alinéa 18.1(3)b) de la LCF - a été fait de façon contraire à la LPERI - ce qui constitue à tout le moins un motif d'intervention de la Cour en vertu de l'alinéa 18.1(4)f) de la LCF.

[15]            Il est donc à tout le moins loin d'être clair et évident que l'APM ait raison sous ce premier aspect. Partant, la Cour ne saurait à ce stade-ci intervenir sous ce point et radier la demande de contrôle judiciaire de la Ville de Montréal.

[16]            Le deuxième aspect soulevé par l'APM à sa requête est à l'effet que la Ville de Montréal aurait dû s'adresser en premier lieu au comité consultatif prévu à l'article 11.1 de la LPERI.

[17]            Il ressort que le mandat de ce comité consultatif consiste à donner des avis relativement à une propriété fédérale en cas de désaccord avec une autorité taxatrice relativement à la valeur effective, la dimension effective, le taux effectif ou l'augmentation ou non d'un paiement.

[18]            Suivant l'APM, ce comité consultatif constitue une solution alternative adéquate pour résoudre le différend qui oppose les parties, et ce, d'autant plus que la Ville de Montréal a déposé par le passé auprès dudit comité une requête cherchant à faire reviser les paiements versés par l'APM lors des exercices financiers 1993 et 1999 à 2003.

[19]            Encore ici je ne suis pas convaincu qu'il soit clair et évident que le comité consultatif constitue un recours subsidiaire adéquat.


[20]            Même en admettant le point de vue de l'APM à l'effet que la Ville de Montréal peut tout autant s'adresser au comité consultatif, il n'en demeure pas moins que la réponse du comité est adressée à l'APM et non à la Ville de Montréal. De plus et fondamentalement, cette réponse parviendrait à l'APM sous forme d'avis et n'aurait donc aucune force exécutoire. D'autre part, il n'est pas tout à fait clair que le comité ait mandat pour donner son avis relativement à l'inscription au rôle de la Ville de Montréal des immeubles de l'APM, rôle qui reviendrait possiblement, suivant la Ville de Montréal, au Tribunal administratif du Québec qui serait le tribunal habilité en vertu de la Loi sur la fiscalité municipale, L.R.Q., c. F-2.1, afin de contester l'exactitude, la présence ou l'absence d'une inscription au rôle d'évaluation foncière relativement à des immeubles.

[21]            Enfin, la dynamique qui a amené la Ville de Montréal à s'adresser pour des années passées au comité consultatif semble résulter, pour ce que la Cour a pu réussir à comprendre des plaidoiries des procureurs, d'une conjoncture particulière non essentiellement la même que celle prévalant pour 2004. L'utilité d'aller devant le comité est partant douteuse. À cet égard, il est intéressant de constater que l'APM n'a pas non plus saisi le comité du différend qui l'oppose à la Ville de Montréal.

[22]            Considérant ces facteurs, je ne puis dire à ce stade-ci que le comité consultatif constitue clairement et assurément un recours subsidiaire adéquat (voir les arrêts Froom c. Canada (Ministre de la justice), 2003 CF 1299, page 17, et Violette c. Société dentaire du Nouveau-Brunswick, [2004] NBCA 1, page 3). La présente conclusion ne lie pas bien sûr le juge au mérite qui pourra sous un fardeau de preuve différent en arriver à une conclusion autre sur ce point.

[23]            Pour l'ensemble des motifs qui précèdent, cette requête de l'APM en radiation de la demande de contrôle judiciaire logée par la Ville de Montréal sera rejetée, le tout frais à suivre.

[24]            Une ordonnance sera émise en conséquence.

Richard Morneau

protonotaire

Montréal (Québec)

le 22 octobre 2004


                                     COUR FÉDÉRALE

                      AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

INTITULÉ :


T-795-04

VILLE DE MONTRÉAL

                                                                     demanderesse

et

ADMINISTRATION PORTUAIRE DE MONTRÉAL

                                                                      défenderesse


LIEU DE L'AUDIENCE :                              Montréal (Québec)

DATE DE L'AUDIENCE :                            19 octobre 2004

MOTIFS DE L'ORDONNANCE :               Me Richard Morneau, protonotaire

DATE DES MOTIFS :                                   22 octobre 2004

ONT COMPARU :


Me Luc Lamarre

Me Sébastien Caron

POUR LA DEMANDERESSE

Me Gilles Fafard

POUR LA DÉFENDERESSE


PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER :


Brunet, Lamarre

POUR LA DEMANDERESSE

de Grandpré Chait

POUR LA DÉFENDERESSE

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.