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Date : 19981030


Dossier : IMM-4319-97

OTTAWA (ONTARIO), LE 30 OCTOBRE 1998.

EN PRÉSENCE DE MADAME LE JUGE TREMBLAY-LAMER

ENTRE :


KALADEVI KULANTHAVLU,


demanderesse,


et


LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L"IMMIGRATION,


défendeur.


O R D O N N A N C E

     La demande de contrôle judiciaire est rejetée.


" Danièle Tremblay-Lamer "

                                         JUGE

Traduction certifiée conforme

Bernard Olivier, LL.B.


Date : 19981030


Dossier : IMM-4319-97

ENTRE :


KALADEVI KULANTHAVLU,


demanderesse,


et


LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L"IMMIGRATION,


défendeur.


MOTIFS DE L"ORDONNANCE

LE JUGE TREMBLAY-LAMER

[1]      Il s"agit de la demande de contrôle judiciaire de la décision par laquelle la Commission de l"immigration et du statut de réfugié (Section du statut de réfugié) (la Commission) a conclu que la demanderesse n"était pas une réfugiée au sens de la Convention.

[2]      La demanderesse est une jeune Tamoule de Jaffna, une ville du nord du Sri Lanka.

[3]      Dans sa déclaration personnelle, la demanderesse dit qu"elle est venue au Canada parce qu"elle craint d"être tuée par les Tigres libérateurs de l"Eelam Tamoul (les TLET), la police, ou l"armée, si elle retourne au Sri Lanka.

[4]      La Commission a déterminé que la demanderesse n"était pas une réfugiée au sens de la Convention sur le fondement que certaines parties de son témoignage ne lui semblaient pas crédibles et que même si son témoignage avait été crédible, une possibilité de refuge intérieur (PRI) s"offrait à elle à Colombo.

[5]      Je n"estime pas qu"il soit nécessaire de traiter de la question de la crédibilité relativement à la situation qui règne au nord du pays, compte tenu de la conclusion de la Commission selon laquelle même si le témoignage de la demanderesse avait été crédible, une PRI viable s"offrait toujours à elle à Colombo.

[6]      La demanderesse soutient de façon générale que la Commission a omis de tenir compte d"éléments de preuve dont elle disposait concernant la situation des Tamouls provenant du nord du pays, et des femmes tamoules en particulier, à Colombo. En conséquence, la demanderesse fait valoir que la conclusion de la Commission selon laquelle une PRI viable s"offrait à elle à Colombo ne se fondait pas sur la preuve produite.

[7]      Le critère applicable pour déterminer s"il existe une PRI a été énoncé par la Cour d"appel fédérale dans l"arrêt Rasaratnam1 et clarifié dans l"arrêt Thirunavukkarasu2. Pour déterminer s"il existe une PRI, la Commission doit se demander s"il est raisonnable d"estimer que le demandeur risque d"être persécuté à l"endroit où une PRI s"offre à lui et si, compte tenu de l"ensemble de la situation, y compris sa situation particulière, le demandeur agirait de façon raisonnable en se réfugiant à cet endroit.

[8]      En l"espèce, la Commission s"est fondée sur la preuve documentaire, et plus particulièrement sur la note du Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCNUR), selon laquelle [TRADUCTION] " des personnes peuvent être renvoyées au Sri Lanka de façon " ordonnée et sécuritaire " si, au terme d"un processus décisionnel équitable, il a été déterminé qu"il n"était pas justifiable de leur accorder l"asile "3. La Commission a également tenu compte du fait que le HCNUR avait éliminé la disposition de mise en garde selon laquelle les demandeurs d"asile déboutés ne devaient être renvoyée au Sri Lanka que s"ils avaient de la famille ou des amis établis de façon permanente à Colombo4.

[9]      La Commission fait remarquer que la guerre est faite aux TLET et non aux Tamouls, et que les personnes susceptibles d"être harcelées à Colombo sont principalement les jeunes hommes ou femmes tamouls soupçonnées d"avoir des liens avec les TLET. Le fait qu"il est arrivé à la demanderesse d"être libérée quelques jours après avoir été arrêtée indique qu"elle n"est pas soupçonnée d"avoir des liens avec les TLET. La Commission a reconnu que la demanderesse a été battue pendant qu"elle était détenue, mais elle a conclu que ce seul incident ne pouvait être caractérisé comme étant de la persécution.

L"ANALYSE

[10]      Bien qu"une telle brutalité policière soit manifestement choquante, le fait qu"un seul incident de cette nature se soit produit ne suffit pas à établir l"existence d"une persécution systématique. Ce qu"il importe de déterminer, à mon avis, n"est pas si ce seul incident peut être caractérisé comme étant de la persécution, mais plutôt s"il est raisonnable d"estimer que la demanderesse risque de subir à nouveau un tel traitement à l"avenir. Compte tenu de la preuve, il semble que les jeunes Tamouls à Colombo sont davantage susceptibles de faire l"objet de contrôles de sécurité que la population générale. Ces contrôles peuvent ou non donner lieu à une détention, et la personne détenue risque d"être battue. À mon avis, si le simple fait d"être jeune et tamoul rend le revendicateur plus vulnérable à ce type de traitement que la population générale, la Commission doit être très prudente en appréciant la situation de ce dernier.

[11]      La Commission a accepté qu"en retournant à Colombo, la demanderesse ferait l"objet de contrôles de sécurité qu"elle pourrait trouver gênants, voire terrifiants. Cependant, la Commission a également conclu que maintenant qu"elle est détentrice d"une carte nationale d"identité, la demanderesse pourra établir son identité, ce qui rendra brève toute détention, le cas échéant.

[12]      Après avoir lu attentivement la preuve documentaire dont disposait la Commission, je suis convaincue que, même si j"avais pu tirer une conclusion différente, qu"il y avait suffisamment d"éléments de preuve étayant la conclusion de la Commission. Il ressort de la preuve que :

         [TRADUCTION] Le Groupe de travail sur les droits de la personne de même qu"Amnistie Internationale rapportent que 90 % des personnes détenues dans des postes de police pour fins de vérification de leur identité sont libérées dans un délai de 48 heures.         
         En ce qui concerne le traitement " brutal " : les ONG locales et internationales (par ex. Home for Human Rights et le CICR) estiment que le traitement que subissent les personnes détenues à court terme pour fins de vérification de leur identité est conforme à la loi, le problème principal étant le surpeuplement. À l"occasion de telles détentions à court terme, le risque que les détenus soient maltraités sur les plans physique ou psychologique est très faible, les quelques incidents qui se sont produits étant isolés et n"étant pas systématiques. [Non souligné dans l"original.]5         

[13]      En conséquence, compte tenu de cette preuve, j"estime que la Commission pouvait raisonnablement conclure qu"il était peu probable que la demanderesse subisse de nouveau un traitement abusif et qu"il n"était donc pas raisonnable d"estimer que cette dernière risquait d"être persécutée à Colombo.

[14]      Le deuxième volet du critère applicable pour déterminer si une PRI viable s"offre à la demanderesse à Colombo est de savoir si, compte tenu de l"ensemble de la situation, y compris sa situation particulière, la demanderesse agirait de façon raisonnable en s"y réfugiant.

[15]      La Commission a tenu compte de l"instruction, de l"âge et des antécédents de la demanderesse, de l"importance de la population tamoule à Colombo, et du fait que le HCNUR avait éliminé la disposition de mise en garde susmentionnée6. En tirant sa conclusion selon laquelle, dans les circonstances, la demanderesse ne subirait pas d"épreuves indues en cherchant à se réfugier à Colombo, la Commission a dit :

         [TRADUCTION] La demanderesse est une femme intelligente âgée de 27 ans qui possède 11 ans de scolarité et assez d"expérience, ce qui faciliterait son accès au marché du travail à Colombo. Il ressort de la preuve documentaire qu"il y a une grande communauté tamoule à Colombo, que des services de santé et sociaux y sont disponibles, et qu"il y a des émissions et des journaux en tamoul. La demanderesse serait en mesure de trouver de l"aide auprès de la communauté tamoule à laquelle elle appartient. Il ne semble pas nécessaire de connaître le singhalais à Colombo7.         

[16]      À mon avis, compte tenu de la preuve dont elle disposait, la conclusion de la Commission selon laquelle la demanderesse ne subirait pas d"épreuves indues en cherchant à se réfugier à Colombo était également raisonnable.

[17]      La demanderesse a omis d"établir, dans le cadre de l"un et l"autre volet du critère, que la Commission avait commis une erreur en déterminant qu"une PRI s"offrait à elle à Colombo.

[18]      En conséquence, la demande de contrôle judiciaire est rejetée.


" Danièle Tremblay-Lamer "

                                         JUGE

OTTAWA (ONTARIO)

Le 30 octobre 1998.

Traduction certifiée conforme

Bernard Olivier, LL.B.

COUR FÉDÉRALE DU CANADA

SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE


AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

NO DU GREFFE :              IMM-4319-97

INTITULÉ DE LA CAUSE :      Kaladevi Kulanthavlu c. M.C.I.

LIEU DE L"AUDIENCE :          Toronto (Ontario)

DATE DE L"AUDIENCE :          le 21 octobre 1998

MOTIFS DE L"ORDONNANCE EXPOSÉS PAR MADAME LE JUGE TREMBLAY-LAMER

EN DATE DU :              30 octobre 1998

ONT COMPARU :

Mme Maureen Silcoff                                  pour la demanderesse

M. Godwin Friday                                  pour le défendeur

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Lewis & Associates                                  pour la demanderesse

Toronto (Ontario)

Morris Rosenberg

Sous-procureur général du Canada                          pour le défendeur

__________________

1      Rasaratnam c. Canada (M.E.I.), [1992] 1 C.F. 706 (C.A.).

2      Thirunavukkarasu c. Canada (M.E.I.), [1994] 1 C.F. 589 (C.A.).

3      Pièce R-1, Sri Lanka: National Issues Package , point no 1.8, Haut-commissariat du Canada, Colombo, Issues Relating to the Return to Sri Lanka of Failed Asylum Seekers, février 1996, à la p. 2 [citant le HCNUR, Genève, février 1995].

4      Transcription de l"audition, dossier de la SSR no U96-05555 (18 août 1997), aux pp. 12 et 13.

5      Dossier de la demande de la demanderesse, à la p. 64.

6      Supra, note 4.

7      Dossier de la demande de la demanderesse, à la p. 13.

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