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     Date : 19981005

     Dossier : IMM-115-98

ENTRE :

     NIAN SHEN SONG,

     demandeur,

     - et -

     LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L"IMMIGRATION,

     défendeur.

     MOTIFS DE L"ORDONNANCE

LE JUGE TREMBLAY-LAMER

[1]      Il s"agit d"une demande de contrôle judiciaire d"une décision rendue par un agent des visas qui a refusé la demande présentée par le demandeur pour l"obtention d"un permis de séjour pour étudiant, à la suite d"entrevues avec le demandeur, sa mère et son beau-père.

LES FAITS

[2]      L"examen de la demande du demandeur a été confié à un agent des visas, Norman Morgan, et une date d"entrevue a été fixée.

[3]      À la suite de l"entrevue avec le demandeur, l"agent des visas a rencontré la mère et le beau-père du demandeur. Lors de cette rencontre, il leur a expliqué la présomption du paragraphe 8(2) de la Loi sur l"immigration1 (la Loi), qui prévoit que :

Every person seeking to come into Canada shall be presumed to be an immigrant until that person satisfies the immigration officer examining him or the adjudicator presiding at his inquiry that he is not an immigrant.

Quiconque cherche à entrer au Canada est présumé être immigrant tant qu'il n'a pas convaincu du contraire l'agent d'immigration qui l'interroge ou l'arbitre qui mène l'enquête.

[4]      L"agent des visas a informé la mère et le beau-père du demandeur que, dans le cours de son examen, il consulterait sa collègue, Wendy Bazett, l"agente des visas responsable à l"ambassade du Canada à Beijing du traitement de la plupart des demandes de permis de séjour pour étudiant.

[5]      L"agent des visas a refusé la demande du demandeur au motif qu"il n"était pas convaincu que le demandeur n"avait pas l"intention d"immigrer au Canada.

QUESTIONS EN LITIGE

     a)      L"agent des visas a-t-il commis une erreur en appliquant la présomption du paragraphe 8(2) de la Loi sur l"immigration?         
     b)      L"agent des visas a-t-il nié au demandeur l"équité procédurale en ne l"informant pas des divers doutes qu"il avait lors de l"entrevue?         
     c)      L"agent des visas a-t-il nié au demandeur l"équité procédurale en consultant une collègue au sujet de sa demande?         
     d)      Les faits entourant la demande du demandeur permettent-ils de conclure raisonnablement à un préjugé?         

ANALYSE

     a)      Application de la présomption du paragraphe 8(2)

[6]      Le demandeur allègue que l"agent des visas a commis une erreur en l"évaluant selon le cadre prévu par le paragraphe 8(2).

[7]      Le paragraphe 8(2) de la Loi prévoit que :

Every person seeking to come into Canada shall be presumed to be an immigrant until that person satisfies the immigration officer examining him or the adjudicator presiding at his inquiry that he is not an immigrant.

Quiconque cherche à entrer au Canada est présumé être immigrant tant qu'il n'a pas convaincu du contraire l'agent d'immigration qui l'interroge ou l'arbitre qui mène l'enquête.

[8]      Dans l"arrêt Grewal2, la Cour d"appel fédérale a clairement dit que la présomption du paragraphe 8(2) ne s"applique pas lors de l"examen d"une demande de permis de séjour pour étudiant. Le juge Heald a affirmé :

         [...], j"en arrive à la conclusion que la Loi sur l"immigration prévoit une procédure comportant deux étapes et que le visiteur qui respecte les conditions qui y sont prévues peut obtenir l"autorisation de séjour au Canada. Ce sont des agents des visas en poste à l"étranger qui s"occupent de la première étape. La deuxième étape se déroule au Canada, la plupart du temps à un point d"entrée. Lorsqu"un visiteur est accepté après la première étape, il jouit alors d"un statut particulier et obtient de ce fait certains droits d"appel dont il ne bénéficierait pas autrement. La deuxième étape comprend l"examen mené par un " agent d"immigration ". Si l"on analyse le paragraphe 8(2) dans le contexte de cette procédure en deux étapes, on en arrive facilement à la conclusion que la présomption s"applique uniquement aux examens effectués par un agent d"immigration à un point d"entrée, comme on le précise aux articles 11 à 18. Si le législateur avait voulu que cette présomption s"applique aux agents des visas, il aurait été facile pour lui de le dire en ajoutant quelques mots pour obliger les agents des visas à tenir compte de cette présomption au moment d"apprécier le cas d"un demandeur de visa et de délivrer un visa en cours de validité sous le régime des articles 9 et 103.                 

[9]      Dans l"arrêt Grewal , l"agent des visas qui avait refusé le permis de séjour pour étudiant au demandeur âgé de 11 ans avait invoqué le paragraphe 8(2) tant dans sa lettre de refus que dans son affidavit déposé lors des procédures intentées devant la Section de première instance.

[10]      En l"espèce, lors du contre-interrogatoire, l"agent des visas a affirmé qu"il n"avait pas appliqué la présomption du paragraphe 8(2) de la Loi et qu"il avait refusé la demande du demandeur en vertu de paragraphe 9(1.2) seulement. En outre, la lettre de refus qu"il a envoyée au demandeur énonçait et appliquait correctement le critère du paragraphe 9(1.2).

[11]      Bien qu"il soit vrai que, au cours de l"entrevue avec la mère et le beau-père du demandeur, l"agent des visas ait erronément invoqué la présomption du paragraphe 8(2), un examen attentif du dossier permet de constater que l"agent des visas a correctement appliqué le paragraphe 9(1.2).

[12]      Le paragraphe 9(1.2) prévoit que :

A person who makes an application for a visitor's visa shall satisfy a visa officer that the person is not an immigrant.

La personne qui demande un visa de visiteur doit convaincre l'agent des visas qu'elle n'est pas un immigrant.

[13]      Le paragraphe 9(1.2) exige que l"agent des visas soit convaincu que le demandeur n"est pas un immigrant, mais qu"il est un étudiant de bonne foi qui cherche à venir temporairement au Canada pour faire des études.

[14]      L"agent des visas a clairement énoncé dans son affidavit ses motifs pour refuser la demande. Selon lui, il ne lui semblait pas raisonnable que M. Song abandonne son travail en Chine pour passer une année au Canada à étudier dans le but d"obtenir un deuxième baccalauréat, spécialement dans une matière étrangère à sa spécialisation. Il a trouvé que les réponses que M. Song donnait à ses questions manquaient en général de fermeté et qu"elles n"étaient pas convaincantes. Il ressort de ce que le beau-père du demandeur a dit à l"agent des visas en entrevue que la mère du demandeur et lui avaient déployés des efforts extraordinaires pour appuyer la demande de visa de visiteur présentée par leur fils. Bien que, dans d"autres circonstances, ce fait n"aurait pas soulevé de doutes, en l"espèce, vu la faiblesse des réponses de M. Song à ses questions, l"agent des visas a douté qu"un tel degré d"intérêt et d"engagement fût compatible avec l"intention que M. Song prétendait avoir de venir au Canada seulement temporairement. L"agent des visas a aussi noté que M. Song paraissait ne pas avoir beaucoup de liens avec la Chine. Une meilleure situation économique et une plus grande liberté universitaire au Canada seraient, selon lui, un fort encouragement à demeurer au Canada et à ne pas rentrer en Chine. Vu l"ensemble de la preuve, M. Song n"a pas réussi à convaincre M. Morgan qu"il n"avait pas l"intention d"immigrer au Canada4.

[15]      À mon avis, les motifs de l"agent des visas sont compatibles avec la marche à suivre pour faire l"évaluation d"une demande de permis de séjour pour étudiant. Je considère que les conclusions tirées sont raisonnables et qu"elles ne démontrent pas que M. Morgan a appliqué un critère erroné.

[16]      Je suis en outre convaincue, me fondant sur la lettre de refus, qui utilise les mêmes termes que ceux du paragraphe 9(1.2), que l"agent des visas n"a pas appliqué la présomption du paragraphe 8(2).

     b) L"agent des visas a-t-il nié au demandeur l"équité procédurale en ne l"informant pas des divers doutes qu"il avait lors de l"entrevue?

[17]      Un examen attentif du dossier permet de facilement constater que le demandeur a eu toutes les occasions possibles lors de l"entrevue de dissiper les doutes que l"agent des visas avait. Par conséquent, je considère que cette question n"est pas pertinente.

     c) L"agent des visas a-t-il nié au demandeur l"équité procédurale en consultant une collègue au sujet de sa demande?

[18]      Le demandeur allègue que l"agent des visas a entravé son pouvoir discrétionnaire en consultant un autre agent au sujet de son dossier et en prenant alors conjointement avec cet autre agent la décision de refuser sa demande.

[19]      Le défendeur allègue que l"agent des visas a simplement informé Wendy Bazett de ses conclusions, et que Mme Bazett était d"accord, mais qu"elle a insisté pour dire qu"il lui revenait à lui de prendre une décision. Je suis d"accord avec le défendeur. À nouveau, les dossiers montrent que, bien que l"agent des visas ait informé Mme Bazett de ses conclusions et que Mme Bazett se soit montrée d"accord, c"est l"agent des visas qui a de fait pris la décision. Je ne trouve aucune preuve relative à une décision conjointe.

     d) Les faits entourant la demande du demandeur permettent-ils de conclure raisonnablement à un préjugé?

[20]      Le demandeur allègue finalement que les faits entourant sa demande permettent de conclure raisonnablement à un préjugé qui, affirme-t-il, a eu pour résultat que sa demande n"a pas été évaluée équitablement par l"ambassade du Canada à Beijing.

[21]      À nouveau, il s"agit d"une pure spéculation et il n"y a aucune preuve à l"appui de cette affirmation.

CONCLUSION

[22]      La demande de contrôle judiciaire est rejetée.

[23]      Étant donné que l"avocat du demandeur a demandé qu"il lui soit accordé de présenter après que les motifs sont prononcés des observations quant à savoir si une question devrait être certifiée, la délivrance de l"ordonnance finale est ajournée. L"avocat du demandeur a 7 jours, après le prononcé des présents motifs, pour présenter par écrit ses observations sur la question qui devrait être certifiée. S"il y a demande de certification d"une question, l"avocat du défendeur pourra répondre par écrit dans les 7 jours. Le demandeur aura alors 7 jours pour répliquer.

     " Danièle Tremblay-Lamer "

     ________________________________

     Juge

OTTAWA (ONTARIO)

5 octobre 1998.

Traduction certifiée conforme

Jacques Deschênes

     COUR FÉDÉRALE DU CANADA

     SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

     AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

No DE DOSSIER :                          IMM-115-98
INTITULÉ DE LA CAUSE :                  NIAN SHEN SONG
                                 c.
                                 LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L"IMMIGRATION
LIEU DE L'AUDIENCE :                      Toronto (Ontario)
DATE DE L'AUDIENCE :                      28 septembre 1998
MOTIFS D"ORDONNANCE PRONONCÉS PAR :      le juge Tremblay-Lamer
DATE :                              5 octobre 1998

ONT COMPARU :

M. Cecil Rotenberg, c.r.                      pour le demandeur

M. Jack Davis

M. Stephen Gold                          pour le défendeur

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER:

Cecil Rotenberg, c.r.                          pour le demandeur

Don Mills (Ontario)

M. Morris Rosenberg                          pour le défendeur

Sous-procureur général

du Canada

__________________

1      L.R.C. (1985), ch. I-2.

2      Grewal c. Canada (Ministre de l"Emploi et de l"Immigration), [1990] 1 C.F. 192 (C.A.).

3      Ibid., à la p. 196.

4      Dossier constitué par le défendeur, par. 10 de l"affidavit de M. Morgan.

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