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Date : 20060214

Dossier : IMM-2638-05

Référence : 2006 CF 157

Ottawa (Ontario), le 14 février 2006

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE SHORE

ENTRE :

CHUN MU CHANG

PEI-HSUAN TENG

YING-CHIEN CHANG

YU-JEN CHANG

CHIA-LUN CHANG

demandeurs

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

défendeur

MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

APERÇU

[1]                L'objet des conditions établies dans la loi pour la catégorie des entrepreneurs serait bafoué si l'on pouvait y manquer délibérément sans subir aucune conséquence grave.

            La création d'un simulacre d'opération ou d'un investissement fictif, ou la participation à un tel stratagème, porte atteinte à l'intégrité même du système d'immigration si des efforts ne sont pas faits pour la détecter.

INSTANCE

[2]                Il s'agit d'une demande d'autorisation et de contrôle judiciaire visée au paragraphe 72(1) de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27 (la LIPR), concernant la décision rendue le 6 avril 2005 dans laquelle la Section d'appel de l'immigration de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié (la SAI) a rejeté l'appel interjeté par les demandeurs à l'encontre des mesures d'interdiction de séjour prises contre eux par la Section de l'immigration.

CONTEXTE

[3]                Les demandeurs, Chun Mu Chang, son épouse, Pei-Hsuan Teng, leur fille, Ying-Chien Chang, et leurs fils, Yu-Jen Chang et Chia-Lun Chang, sont des citoyens de Taïwan. Le père, M. Chang, est un homme d'affaires qui a été propriétaire d'une concession Continental Tire de 1991 à 2003 et qui possédait également des parts dans deux autres entreprises.

[4]                En 1995, le fils aîné, Yu-Jen Chang, est venu faire sa dixième année dans une école secondaire de la Colombie-Britannique. Le deuxième fils, Chia-Lun Chang, est aussi venu au Canada pour étudier lorsqu'il a atteint sa dixième année d'études en 1997. Les parents ont rendu visite à leurs fils au Canada à quatre reprises pendant l'année scolaire 1995-1996, à trois reprises au cours de l'année scolaire 1996-1997 et environ trois fois chaque année par la suite.

[5]                En mars 1998, M. Chang a retenu les services d'un cabinet d'experts-conseils en immigration du nom d'Overseas International Investment Group, car il voulait savoir comment s'y prendre pour immigrer au Canada. Les conseillers lui ont proposé d'immigrer à titre d'entrepreneur. Ils l'ont convaincu de l'existence d'un projet qui serait parrainé par la province de Québec et qui lui permettrait de lancer et d'exploiter une entreprise agricole dans cette province. Ce projet offrait un avantage particulier, à savoir que les activités quotidiennes de l'entreprise pouvaient être menées à partir de Taïwan.

[6]                En mai 1998, M. Chang a passé douze jours au Québec pour rencontrer d'autres immigrants et des fonctionnaires du gouvernement du Québec. Un Certificat de sélection du Québec (CSQ) a été délivré à M. Chang et à sa famille dans la catégorie des entrepreneurs et, en mars 1999, les autorités nationales ont délivré des visas d'immigrant valides jusqu'en novembre 1999, sous réserve des conditions applicables à la catégorie des entrepreneurs.

[7]                Le père et la mère sont arrivés à Vancouver le 1er avril 1999. Ils ont rencontré leurs fils qui se trouvaient déjà au Canada et se sont rendus pas très loin, dans l'État de Washington, dans le but d'entrer de nouveau au Canada le même jour. Ils ont obtenu le droit d'établissement au bureau de CIC à Douglas, en Colombie-Britannique, ce même jour. Leur fille est arrivée un peu plus tard et a obtenu le droit d'établissement le 23 juin 1999, à l'aéroport.

[8]                Après avoir obtenu le droit d'établissement, les parents sont retournés à Taïwan le 8 avril 1999. M. Chang a eu d'autres discussions avec les experts-conseils en immigration. Ces derniers lui ont expliqué que le gouvernement canadien ne partageait pas le point de vue du gouvernement provincial quant à la gestion quotidienne de l'entreprise. M. Chang a ensuite conclu un deuxième contrat avec le cabinet d'experts-conseils en immigration afin que celui-ci le représente lors de l'acquisition d'une parcelle de terrain au Canada, obtienne des autorités une dérogation aux restrictions du programme culturel dans le délai prescrit de deux ans et l'aide à créer une entreprise canadienne dont il serait actionnaire.

[9]                En décembre 2000, M. Chang est revenu au Canada et a rencontré d'autres parties intéressées à Montréal. Des discussions ont porté sur un investissement d'un montant de 50 000 $ devant servir à acquérir 25 p. 100 des actions d'une entreprise dans le but d'investir dans une entreprise agricole située à St-Michel, au Québec. M. Chang a séjourné au Canada du 2 au 9 décembre à cette occasion. L'entreprise a été constituée en société en mars 2001.

[10]            Pendant toute cette période, les enfants ont poursuivi leurs études. Yu-Jen Chang a terminé ses études secondaires et quelques années d'études collégiales en Colombie-Britannique. Il est retourné à Taïwan à deux reprises, en 2001 et en 2002, pour rendre visite à sa grand-mère. Il a déménagé à Toronto en 2003, où il est resté pendant sept mois à la demande de ses parents lorsque ces derniers se sont finalement installés dans cette ville au cours de la même année. Yu-Jen Chang est ensuite retourné à Vancouver. Il travaille actuellement pour Rogers Wireless et a une petite amie qui est résidente permanente.

[11]            Chia-Lun Chang a déménagé à Toronto en août 2000 pour poursuivre ses études en génie électrique à l'Université de Toronto. Il prévoyait obtenir son diplôme le 17 juin 2004 et il vit avec ses parents. Il est lui aussi retourné à Taïwan à deux reprises, à l'été 2002 et en 2003.

[12]            La fille, Ying-Chien Chang, est arrivée au Canada seulement en 1999, car il lui restait encore deux années d'études à faire à Taïwan. Elle a obtenu deux permis de retour pour résident permanent et elle a déménagé au Canada en août 2002. Elle travaille maintenant pour un journal.

[13]            Les parents sont finalement venus vivre au Canada au mois d'avril 2003, après que Chun Mu Chang eut vendu son entreprise en mars 2003. Ils ont toujours des avoirs à Taïwan puisque le paiement du prix de la vente de leur entreprise se fait par versements qui sont déposés directement dans un compte bancaire dans ce pays. Leur maison à Taïwan n'est pas encore vendue, bien que les services d'un courtier aient été retenus pour cette vente.

DÉCISION FAISANT L'OBJET DU PRÉSENT CONTRÔLE

[14]            La décision rendue relativement aux appels interjetés par Chun Mu Chang, son épouse, Pei-Hsuan Teng, et leurs enfants, Ying-Chien Chang, Yu-Jen Chang et Chia-Lun Chang, à l'encontre des mesures d'interdiction de séjour prises contre eux le 19 juin 2003 est fondée sur le fait qu'ils sont visés à l'article 41 de la LIPR car ils sont tous interdits de territoire pour avoir manqué aux conditions de la LIPR. De façon plus précise, les parents ne se sont pas conformés au paragraphe 27(2) et à l'article 28, alors que les enfants n'ont pas respecté le paragraphe 27(2) parce que, en tant que personnes à charge d'un entrepreneur, ils étaient assujettis aux mêmes conditions d'établissement prévues aux alinéas 23.1(1)a) à d) du Règlement sur l'immigration de 1978 (DORS/78-172).

[15]            Chun Mu Chang et Pei-Hsuan Teng ont reconnu que les décisions portées en appel n'étaient pas erronées en droit, en fait ni en droit et en fait. Ils ont plutôt allégué que la prise d'une mesure spéciale était justifiée compte tenu de toutes les circonstances de l'affaire, notamment l'existence de motifs d'ordre humanitaire.

[16]            Il est établi qu'ils n'ont pas respecté les conditions de la résidence permanente imposées aux entrepreneurs. Cela a une incidence tant sur les parents que sur leurs trois enfants, étant donné que ces derniers sont entrés au Canada à titre de personnes à charge. Il est également établi que, contrairement aux enfants, les parents ont manqué à l'obligation de résidence.

[17]            Au cours de l'audience, les enfants ont demandé que leurs appels soient examinés séparément de ceux de leurs parents. Les trois enfants, qui sont maintenant des adultes, sont établis au Canada. Le fils aîné et la fille ont un emploi et l'autre fils devrait se trouver bientôt du travail puisqu'il termine ses études. Si l'on examine leurs cas séparément de ceux de leurs parents, des facteurs positifs pourraient justifier l'octroi d'une mesure discrétionnaire.

[18]            La SAI était d'avis que les parents n'avaient pas droit à une mesure discrétionnaire parce qu'ils avaient participé à un stratagème afin de remplir les conditions imposées aux entrepreneurs. Les parents prétendaient que la réunification des familles devait être prise en compte dans la décision d'accorder une mesure discrétionnaire. Selon eux, la cellule familiale était primordiale et ils exerçaient leur autorité sur leurs enfants puisque, lorsqu'ils avaient finalement déménagé au Canada, ces derniers s'étaient installés avec eux. Même si elle pensait que les enfants feraient d'excellents candidats à la résidence permanente, la SAI a refusé de leur accorder une mesure discrétionnaire parce que, après avoir obtenu le statut de résident permanent, ils pourraient parrainer leurs parents, ce qui rendrait théorique le renvoi de ces derniers.

Le tribunal ne peut récompenser les parents en octroyant une mesure spéciale aux enfants qui auraient alors le droit de parrainer leurs parents en invoquant le motif de la réunification familiale. Le tribunal ne peut être d'avis qu'il s'agit d'une question hypothétique étant donné que les deux parents ont clairement indiqué, que, dans leur esprit, la cellule familiale devait être une priorité, malgré le fait qu'ils ont envoyé leurs deux fils étudier à l'étranger, l'un en 1995 et l'autre en 1997, et que la famille n'a été réunie pour vivre ensemble qu'en 2003 [...]

En guise de conclusion, l'exercice de la compétence discrétionnaire constitue toujours un processus d'évaluation. En l'espèce, il existait certains éléments positifs en faveur de l'octroi d'une mesure spéciale à l'égard des trois enfants, mais ces éléments ne surpassent pas l'importance qui doit être donnée au maintien de l'intégrité des conditions dont est assortie la catégorie d'entrepreneur alors que les appelants principaux, en particulier le père, ont activement participé à une manoeuvre que l'on peut qualifier de stratagème. Les mesures d'interdiction de séjour sont valides en droit et compte tenu de toutes les circonstances de l'espèce, le tribunal conclut qu'il n'existe pas suffisamment de motifs d'ordre humanitaire pour justifier l'octroi d'une mesure spéciale[1].

QUESTIONS EN LITIGE

[19]            Les demandeurs soulèvent deux questions :

1.       La SAI a-t-elle commis une erreur de droit ou de fait, manqué à l'équité ou excédé sa compétence en refusant d'accorder une mesure spéciale aux trois enfants?

2.       La SAI a-t-elle commis une erreur de droit ou de fait, manqué à l'équité ou excédé sa compétence en décidant que Chun Mu Chang (le demandeur principal) avait participé à un stratagème relativement à l'entreprise établie conformément aux conseils de la province et à un avis juridique?

ANALYSE

La norme de contrôle

[20]            Dans Beaumont c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration)[2], la juge Judith Snider a statué :

La question de savoir si la SAI a examiné les facteurs appropriés lorsqu'elle a décidé d'annuler le sursis est une question de droit et, par conséquent, c'est la norme du bien-fondé qu'il y a lieu d'appliquer. L'appréciation du poids accordé par la SAI à la preuve et de son interprétation de cette preuve à l'audience constitue une question de fait pour laquelle il convient d'appliquer la norme de la décision manifestement déraisonnable.

[21]            La norme de contrôle applicable aux conclusions de fait tirées par la SAI à l'égard de ce qui constitue maintenant le paragraphe 67(1) de la LIPR est la décision manifestement déraisonnable (Jessani; Bhalru; Qiu[3]). La Cour a statué qu'elle n'interviendra pas si la SAI a exercé son pouvoir discrétionnaire de bonne foi et sans tenir compte de considérations étrangères à l'affaire ou non pertinentes (Mohammed[4]).

Le régime prévu par la LIPR

[22]            Le paragraphe 27(2) de la LIPR prévoit que le résident permanent est assujetti aux conditions imposées par règlement.

27.       (1) Le résident permanent a, sous réserve des autres dispositions de la présente loi, le droit d'entrer au Canada et d'y séjourner.

27.       (1) A permanent resident of Canada has the right to enter and remain in Canada, subject to the provisions of this Act.

           (2) Le résident permanent est assujetti aux conditions imposées par règlement.

             (2) A permanent resident must comply with any conditions imposed under the regulations.

[23]            L'article 28 de la LIPR énonce les conditions de l'obligation de résidence auxquelles doivent se conformer les résidents permanents.

28.       (1) L'obligation de résidence est applicable à chaque période quinquennale.

28.      (1) A permanent resident must comply with a residency obligation with respect to every five-year period.

           (2) Les dispositions suivantes régissent l'obligation de résidence :

     (2) The following provisions govern the residency obligation under subsection (1):

a) le résident permanent se conforme à l'obligation dès lors que, pour au moins 730 jours pendant une période quinquennale, selon le cas :

(a) a permanent resident complies with the residency obligation with respect to a five-year period if, on each of a total of at least 730 days in that five-year period, they are

(i)         il est effectivement présent au Canada,

(i)       physically present in Canada,

(ii)       il accompagne, hors du Canada, un citoyen canadien qui est son époux ou conjoint de fait ou, dans le cas d'un enfant l'un de ses parents,

(ii)    outside Canada accompanying a Canada citizen who is their spouse or common-law partner or, in the case of a child, their parents,

(iii)      il travaille, hors du Canada, à temps plein pour une entreprise canadienne ou pour l'administration publique fédérale ou provinciale,

(iii) outside Canada employed on a full-time basis by a Canadian business or in the public service of Canada or of a province,

(iv)     il accompagne, hors du Canada, un résident permanent qui est son époux ou conjoint de fait ou, dans le cas d'un enfant, l'un de ses parents, et qui travaille à temps plein pour une entreprise canadienne ou pour l'administration publique fédérale ou provinciale,

(iv) outside Canada accompanying a permanent resident who is their spouse or common-law partner, or in the case of a child, their parent and who is employed on a full-time basis by a Canadian business or in the public service of Canada or of a province, or

(v)       il se conforme au mode d'exécution prévu par règlement;

(v)    referred to in regulations providing for other means of compliance;

b) il suffit au résident permanent de prouver, lors du contrôle, qu'il se conforme à l'obligation pour la période quinquennale suivant l'acquisition de son statut, s'il est résident permanent depuis moins de cinq ans, et, dans le cas contraire, qu'il s'y est conformé pour la période quinquennale précédant le contrôle;

(b) it is sufficient for a permanent resident to demonstrate at examination

(i)      if they have been a permanent resident for less than five years, that they will be able to meet the residency obligation in respect of the five-year period immediately after they became a permanent resident;

(ii)    if they have been a permanent resident for five years or more, that they have met the residency obligation in respect of the five-year period immediately before the examination; and

c) le constat par l'agent que des circonstances d'ordre humanitaire relatives au résident permanent - compte tenu de l'intérêt supérieur de l'enfant directement touché - justifient le maintien du statut rend inopposable l'inobservation de l'obligation précédant le contrôle.

(c) a determination by an officer that humanitarian and compassionate considerations relating to a permanent resident, taking into account the best interests of a child directly affected by the determination, justify the retention of permanent resident status overcomes any breach of the residency obligation prior to the determination.

[24]            Aux termes de l'article 41 de la LIPR, un résident permanent est interdit de territoire au Canada s'il manque à l'obligation de résidence et aux conditions imposées.

41.      S'agissant de l'étranger, emportent interdiction de territoire pour manquement à la présente loi tout fait -- acte ou omission -- commis directement ou indirectement en contravention avec la présente loi et, s'agissant du résident permanent, le manquement à l'obligation de résidence et aux conditions imposées.

41.     A person is inadmissible for failing to comply with this Act

(a) in the case of a foreign national, through an act or omission which contravenes, directly or indirectly, a provision of this Act; and

(b) in the case of a permanent resident, through failing to comply with subsection 27(2) or section 28.

[25]            Le paragraphe 23.1(1) du Règlement sur l'immigration de 1978 (l'ancien règlement) décrit les conditions que les immigrants appartenant à la catégorie des entrepreneurs doivent respecter s'ils ne veulent pas devenir interdits de territoire au Canada.

23.1       (1) Les entrepreneurs et les personnes à leur charge constituent une catégorie réglementaire d'immigrants à l'égard desquels il est obligatoire d'imposer les conditions suivantes au droit d'établissement :

23.1      (1) Entrepreneurs and their dependants are prescribed as a class of immigrants in respect of which landing shall be granted subject to the condition that, within a period of not more than two years after the date of an entrepreneur's landing, the entrepreneur

a) dans un délai d'au plus deux ans après la date à laquelle le droit d'établissement lui est accordé, l'entrepreneur établit ou achète au Canada une entreprise ou un commerce, ou y investit une somme importante, de façon à contribuer d'une manière significative à la vie économique et à permettre à au moins un citoyen canadien ou un résident permanent, à l'exclusion de lui-même et des personnes à sa charge, d'obtenir ou de conserver un emploi;

(a) establishes, purchases or makes a substantial investment in a business or commercial venture in Canada so as to make a significant contribution to the economy and whereby employment opportunities in Canada are created or continued for one or more Canadian citizens or permanent residents, other than the entrepreneur and the entrepreneur's dependants;

b) dans un délai d'au plus deux ans après la date à laquelle le droit d'établissement lui est accordé, l'entrepreneur participe activement et régulièrement à la gestion de l'entreprise ou du commerce visé à l'alinéa a);

(b) participates actively and on an on-going basis in the management of the business or commercial venture referred to in paragraph (a);

c) dans un délai d'au plus deux ans après la date à laquelle le droit d'établissement lui est accordé, l'entrepreneur fournit, aux dates, heures et lieux indiqués par l'agent d'immigration, la preuve qu'il s'est efforcé de se conformer aux conditions imposées aux termes des alinéas a) et b);

(c) furnishes, at the times and places specified by an immigration officer, evidence of efforts to comply with the terms and conditions imposed pursuant to paragraphs (a) and (b); and

d) dans un délai d'au plus deux ans après la date à laquelle le droit d'établissement lui est accordé, l'entrepreneur fournit, à la date, à l'heure et au lieu indiqué par l'agent d'immigration, la preuve qu'il s'est conformé aux conditions imposées aux termes des alinéas a) et b).

(d) furnishes, at the time and place specified by an immigration officer, evidence of compliance with the terms and conditions imposed pursuant to paragraphs (a) and (b).

[26]            Le paragraphe 67(1) de la LIPR décrit les raisons pour lesquelles la SAI peut accueillir un appel.

67.       (1) Il est fait droit à l'appel sur preuve qu'au moment où il en est disposé :

67.      (1) To allow an appeal, the Immigration Appeal Division must be satisfied that, at the time that the appeal is disposed of,

a) la décision attaquée est erronée en droit, en fait ou en droit et en fait;

(a) the decision appealed is wrong in law or fact or mixed law and fact;

b) il y a eu manquement à un principe de justice naturelle;

(b) a principle of natural justice has not been observed; or

c) sauf dans le cas de l'appel du ministre, il y a - compte tenu de l'intérêt supérieur de l'enfant directement touché - des motifs d'ordre humanitaire justifiant, vu les autres circonstances de l'affaire, la prise de mesures spéciales.

(c) other than in the case of an appeal by the Minister, taking into account the best interests of a child directly affected by the decision, sufficient humanitarian and compassionate considerations warrant special relief in light of all the circumstances of the case.

La SAI a-t-elle commis une erreur de droit ou de fait, manqué à l'équité ou excédé sa compétence en refusant d'accorder une mesure spéciale aux trois enfants?

[27]            La famille Chang conteste la décision de la SAI de rejeter les appels des trois enfants, même si, considérée séparément de celle de leurs parents, la situation des trois enfants était positive. Par exemple, ils sont établis dans une certaine mesure au Canada, ils travaillent et ils ont des aspirations professionnelles.

[28]            Si la SAI avait rejeté seulement les appels des parents et non ceux des trois enfants, ces derniers auraient probablement ensuite parrainé leurs parents. Ces derniers auraient ainsi obtenu un avantage, ce qui irait à l'encontre de l'esprit de la Loi. La SAI n'a tout simplement pas voulu rendre une décision qui avait pour effet d'étendre une mesure spéciale aux parents ou de leur conférer un avantage, que ce soit directement ou indirectement. La SAI pouvait refuser d'exercer son pouvoir discrétionnaire en faveur des enfants.

[29]            Comme la famille Chang ne contestait pas les mesures d'interdiction de séjour pour une question de droit ou une question mixte de fait et de droit, mais prétendait seulement que l'octroi d'une mesure spéciale était justifié dans les circonstances, la SAI pouvait examiner la conduite des membres de la famille et conclure qu'aucune mesure spéciale n'était justifiée. L'octroi d'une mesure spéciale constitue un processus d'évaluation. En l'espèce, certains éléments positifs justifiaient l'octroi d'une mesure discrétionnaire, mais, au bout du compte, ces éléments ne l'emportaient pas pour la SAI sur l'intégrité de la catégorie des entrepreneurs et de la LIPR elle-même.

[30]            La décision invoquée par l'avocat de la famille Chang, Wang c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration)[5], n'aide pas la cause de la famille. Dans cette décision, la Cour a rejeté la demande de contrôle judiciaire des demandeurs concernant la décision de la SAI et a maintenu les mesures d'interdiction de séjour. Elle a aussi conclu que la décision rendue par la SAI à l'égard de l'une des personnes à la charge des demandeurs - un fils - n'était pas déraisonnable. Ce fils était marié à une citoyenne canadienne et avait un enfant né au Canada. De plus, il poursuivait ses études et devait aller à l'université. Ainsi, comme les personnes à charge en l'espèce, la personne à charge dans Wang était établie dans une certaine mesure au Canada. Pourtant, la SAI a rejeté son appel. La Cour a confirmé cette décision et a dit :

Il est bien établi que la Commission d'appel doit examiner toutes les circonstances d'une affaire pour déterminer s'il faut ou non renvoyer une personne du Canada. Ce pouvoir discrétionnaire est exercé à bon escient s'il est exercé de bonne foi, à l'abri de considérations hors de cause et de façon non arbitraire ou illégale. (Wang, précitée, au paragraphe 19.)

[31]            Le juge Pierre Blais a eu une décision difficile à rendre dans une autre affaire semblable, Mand c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration)[6]. Dans cette affaire, le demandeur principal n'avait pas respecté les conditions applicables à la catégorie des entrepreneurs, mais sa fille était établie au Canada et était une excellente candidate à la résidence permanente. Le juge Blais a rejeté la demande de contrôle judiciaire au motif que la décision de la Commission n'était pas manifestement déraisonnable. Même s'il existait des motifs d'ordre humanitaire justifiant la prise d'une mesure spéciale en raison de l'établissement de la fille et de sa contribution au Canada, il aurait été contraire à l'objet de la LIPR d'accorder une telle mesure parce que le demandeur principal aurait bénéficié d'un avantage après avoir obtenu un sursis aux mesures d'interdiction de séjour et avoir contrevenu aux règles d'immigration.

La Commission se trouve dans une position très délicate en l'espèce. D'une part, le demandeur principal a clairement violé les règles applicables aux résidents permanents appartenant à la catégorie des entrepreneurs. D'autre part, le Canada n'a aucun intérêt à expulser des personnes qui se sont intégrées à la société canadienne et ont contribué à son bien-être.

Il faut souligner qu'en obtenant un sursis d'exécution des mesures d'expulsion prises contre eux, les demandeurs ont déjà eu une deuxième chance de se conformer aux règles. Même s'il connaissait les conséquences du défaut de se conformer aux conditions du sursis, le demandeur principal a fait preuve de complaisance et n'a montré aucun respect pour le processus d'immigration et les règles qui le régissent. Il essaie maintenant de rester au Canada pour des motifs d'ordre humanitaire qui concernent sa fille et les liens de celle-ci avec le Canada.

J'estime que la Commission a commis une erreur en concluant que la fille du demandeur principal n'avait pas de liens solides avec le Canada. Cette personne est instruite, elle s'est intégrée à la société canadienne et y a contribué, comme la Commission l'a reconnu en 2002. Le commissaire a même dit qu'il était [traduction] « impressionné » par son curriculum vitae; je le suis également. Cela dit, je n'estime pas que la décision de la Commission d'annuler le sursis d'exécution des mesures d'expulsion soit manifestement déraisonnable. Il serait injuste et contraire aux principes du régime canadien de l'immigration de rendre une décision différente. Le demandeur principal a eu une deuxième chance et n'a pas respecté les règles. Il ne devrait pas être récompensé pour avoir contrevenu aux règles au point de permettre à sa famille de demeurer au Canada assez longtemps pour y créer des liens solides et pour être admissible à un autre sursis d'exécution fondé sur des motifs d'ordre humanitaire.

Quoique cette décision puisse sembler injuste pour la fille du demandeur principal, celle-ci ferait sûrement, vu ses qualités remarquables, une excellente candidate à la résidence permanente si elle présentait sa propre demande. Si une telle candidate n'est pas acceptée, il est difficile d'imaginer qui le sera[7].

[32]            En l'espèce, même si les enfants pourraient être d'excellents candidats à la résidence permanente au Canada, il n'était pas manifestement déraisonnable que la SAI conclue qu'aucune mesure spéciale ne pouvait leur être accordée parce que leurs parents obtiendraient un avantage après avoir manqué aux règles d'immigration.

[33]            Par ailleurs, il n'y a pas eu manquement à l'équité procédurale. La famille Chang a eu la possibilité d'exposer sa cause. Une audience a eu lieu, au cours de laquelle les demandeurs étaient représentés par un conseil et ont produit des éléments de preuve et présenté des observations. Dans les faits, les demandeurs ont eu la possibilité, au cours de cette audience, d'expliquer pourquoi ils estimaient qu'il existait des motifs suffisants de leur accorder une mesure spéciale les soustrayant aux mesures de renvoi.

La SAI a-t-elle commis une erreur de droit ou de fait, manqué à l'équité ou excédé sa compétence en décidant que Chun Mu Chang (le demandeur principal) avait participé à un stratagème relativement à l'entreprise établie conformément aux conseils de la province et à un avis juridique?

[34]            À la lumière de l'ensemble de la preuve et des antécédents de la famille Chang en matière d'immigration et en matière commerciale, la SAI pouvait raisonnablement conclure que M. Chang ne s'était pas conformé aux obligations qui lui incombaient en qualité d'entrepreneur et qu'il avait participé à un stratagème élaboré dans le but d'échapper à ses obligations.

[35]            Aucune erreur susceptible de contrôle n'a été commise à cet égard. Même si elle ne souscrit pas à la conclusion de la SAI, la Cour n'a aucune raison d'intervenir en l'espèce. Les motifs formulés par le tribunal à cet égard sont corrects, détaillés et convaincants.

[36]            La famille Chang prétend que la SAI n'a pas rejeté clairement la preuve de Me Harvey, un avocat de Québec qui avait envoyé un courriel indiquant que le programme d'aide aux agriculteurs avait été créé par deux fonctionnaires (l'un a été muté à Tourisme Québec et l'autre a pris une année de congé pour voyager), ce qui signifierait que le gouvernement du Québec était au courant de l'existence de ce programme.

[37]            Cette prétention n'a aucun fondement. Il ne fait aucun doute que la SAI n'a pas jugé convaincant ce courriel et ne lui a pas accordé une grande valeur probante. La SAI avait le droit de ne lui accorder que peu de poids. La détermination de la valeur probante relève clairement de la compétence et de l'expertise de la SAI et cette évaluation n'est pas susceptible de contrôle par la Cour (Qiu; Hoang[8]).

CONCLUSION

[38]            La SAI pouvait conclure qu'aucune mesure spéciale ne devait être accordée aux enfants Chang parce que l'octroi d'une telle mesure bénéficierait aux parents, lesquels n'avaient pas respecté les conditions de leur admission au Canada. Elle pouvait également conclure que M. Chang avait participé à un stratagème. La décision de la SAI n'étant pas déraisonnable, la Cour n'a aucune raison d'intervenir. La présente demande de contrôle judiciaire est donc rejetée.

ORDONNANCE

LA COUR ORDONNE :

1.         La demande de contrôle judiciaire est rejetée.

2.         Aucune question n'est certifiée.

« Michel M. J. Shore »

Juge

Obiter

            Il conviendrait peut-être, à la lumière des points soulevés par le demandeur en l'espèce, que les autorités de l'immigration examinent de plus près les programmes d'investissement dans le cadre desquels les « entrepreneurs » sont admis au Canada.

            Il ressort de la présente affaire que le contrôle du respect des conditions relatives à un programme d'investissement est au tout début réduit au minimum, voire inexistant. Pensant que c'est là la situation habituelle en matière d'investissement au Canada, certains « entrepreneurs » pourraient participer, que ce soit activement ou passivement, à ce qui semble être ou pourrait devenir des stratagèmes d' « entrepreneur » sans aucun lien avec les programmes légaux d'investissement pour immigrants.

Aussi, les questions rhétoriques soulevées par le demandeur en l'espèce méritent d'être formulées :

1.         Dans un tel programme d'investissement, quel degré de responsabilité devrait être attribué à l' « entrepreneur » lorsque l'objet même du programme est remis en question?

2.          En ce qui concerne les enfants d'un « entrepreneur » , pourquoi et dans quelle mesure devraient-ils [ceux qui ont contribué de façon appréciable au Canada et qui auraient été acceptés s'ils avaient présenté une demande dans d'autres catégories selon les règles d'évaluation du système d'immigration] payer pour les actes d'un parent qui n'a pas respecté toutes les conditions d'un programme pour « entrepreneurs » ?

Traduction certifiée conforme

Julie Boulanger, LL.M.


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                                     IMM-2638-05

INTITULÉ :                                                    CHUN MU CHANG

                                                                        PEI-HSUAN TENG

                                                                        YING-CHIEN CHANG

                                                                        YU-JEN CHANG

                                                                        CHIA-LUN CHANG

                                                                        c.

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L'IMMIGRATION

LIEU DE L'AUDIENCE :                              TORONTO (ONTARIO)

DATE DE L'AUDIENCE :                            LE 1ER FÉVRIER 2006

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

ET ORDONNANCE :                                   LE JUGE SHORE

DATE DES MOTIFS :                                   LE 14 FÉVRIER 2006

COMPARUTIONS :

Micheal Crane                                                   POUR LES DEMANDEURS

David Joseph                                                     POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Micheal Crane                                                   POUR LES DEMANDEURS

Toronto (Ontario)

John H. Sims, c.r.                                              POUR LE DÉFENDEUR

Sous-ministre de la Justice

et sous-procureur général



[1] Décision de la SAI, aux pages 13 et 14.

[2] [2002] A.C.F. no 1718 (QL), 2002 CFPI 1261, au paragraphe 21.

[3] Jessani c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) (2001), 14 Imm. L.R. (3d) 235, [2001] A.C.F. no 662 (1re inst.) (QL), au paragraphe 16; Bhalru c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [2005] A.C.F. no 981 (QL), 2005 CF 777, au paragraphe 18; Qiu c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [2003] A.C.F. no 24 (QL), 2003 CFPI 15, au paragraphe 32.

[4] Mohammed c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [1997] A.C.F. no 605 (QL), [1997] 3 C.F. 299 (1re inst.).

[5] [2000] A.C.F. no 71 (QL).

[6] [2005] A.C.F. no 2016 (QL), 2005 CF 1637.

[7] Mand, précitée, aux paragraphes 17 à 20.

[8]Qiu, précitée, au paragraphe 37; Hoang c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration) (1990), 13 Imm. L.R. (2d) 35, [1990] A.C.F. no 1096 (QL).

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