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Date : 20020322

Dossier : IMM-2967-00

Référence neutre : 2002 CFPI 308

ENTRE :

                          AMMAR AHMAD AL-KHIARA

                                                                                                 demandeur

                                                         et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

                                                                                                  défendeur

        MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

LE JUGE MacKAY

[1]    Il s'agit d'une demande de contrôle judiciaire de la décision par laquelle une agente des visas du haut-commissariat du Canada à Londres, en Angleterre, a rejeté, le 1er février 2000, la demande que le demandeur avait présentée en vue de résider en permanence au Canada en tant que membre de la catégorie des immigrants indépendants exerçant la profession d'agent du personnel.


LES FAITS

[2]    Le demandeur est un citoyen syrien. Sa conjointe et lui ont eu une entrevue auprès d'une agente des visas qui visitait la région, à Riyad, en Arabie saoudite, le 17 février 1999. Pendant l'entrevue, le demandeur a déclaré avoir obtenu un baccalauréat en droit de l'université de Damas en 1985 ainsi qu'un diplôme de droit international de la même université en 1987, mais il n'a pas pu produire de documents à l'appui, et ce, parce que, a-t-il dit, il n'avait pas accompli son service militaire en Syrie. Le demandeur a remis à l'agente des visas une lettre d'un cabinet d'avocats syrien, disant qu'il avait travaillé comme stagiaire pendant deux ans, puis comme avocat spécialisé en droit du travail de 1990 à 1992.

[3]    Le demandeur a déclaré s'être ensuite installé en Arabie saoudite pour travailler chez Binex Building Material Company (Binex) au sein du service du personnel comme agent du personnel et de relations de travail effectuant un stage. Il a énuméré ses responsabilités; il s'occupait notamment de contrats, il vérifiait les formulaires rédigés en arabe, il vérifiait la politique de la société, il s'occupait des contrats de travail, des salaires et des avantages ainsi que des renvois et il acceptait les démissions. Le demandeur a remis à l'agente des visas une lettre en date du 29 mai 1997 signée par Steve Parslow, directeur général de Binex, qui disait ce qui suit a`son sujet :

[TRADUCTION] En sa qualité d'agent du personnel, il est responsable à tous les égards de la gestion du personnel et des lois du Royaume de l'Arabie saoudite en matière de relations de travail. Nous estimons qu'il est un employé compétent et fiable.


[4]                 Le demandeur a en outre déclaré avoir quitté Binex au mois de juillet 1997 pour travailler chez Sigma Paints Saudi Arabia Ltd., à Dubaï, dans les Émirats arabes unis, à titre de superviseur du personnel et du bureau. Il a énuméré les tâches dont il s'acquittait au sein de la société : notamment il annonçait les postes, procédait aux entrevues, assurait le suivi, présentait des offres d'emploi, rédigeait des contrats, vérifiait les comptes et s'occupait des sommes à recouvrer. La société comptait 195 employés.

[5]                 Lors de l'entrevue, l'agente des visas a informé le demandeur que ses préoccupations principales se rapportaient au fait qu'il ne semblait pas avoir de formation à titre d'agent du personnel, et qu'il n'était pas certain que son expérience et ses compétences correspondent à celles d'un agent du personnel. L'agente a demandé au demandeur de fournir des copies de ses contrats de travail chez Binex et chez Sigma Paints, y compris des documents relatifs à son salaire. Elle lui a également demandé de fournir ses états financiers personnels. Au mois de mars 1999, le demandeur a envoyé certains documents au haut-commissariat. En fin de compte, des documents ont été reçus au mois de juillet 1999; l'agente des visas les a examinés à la fin de l'année 1999, avant de prendre sa décision.


[6]                 L'agente des visas a attribué 63 points d'appréciation au demandeur, soit moins que les 70 points nécessaires pour qu'il soit fait droit à la demande. Elle n'a pas attribué de points d'appréciation pour l'expérience, et elle a attribué trois points, sur un total possible de dix points, pour la personnalité. Dans la présente demande, le demandeur soulève des questions au sujet du caractère raisonnable de ces décisions et du présumé manquement aux règles d'équité procédurale.

La norme de contrôle

[7]                 Le demandeur soutient que, selon l'arrêt Baker c. Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration (1999), 174 D.L.R. (4th) 193 (C.S.C.), la norme de la décision raisonnable simpliciter devrait s'appliquer à l'examen de la façon dont l'agente des visas a exercé son pouvoir discrétionnaire.

[8]                 Le défendeur soutient qu'il faudrait faire preuve, à l'égard de la décision ici en cause, de plus de retenue que ce n'était le cas dans l'arrêt Baker, étant donné que contrairement à la demanderesse dans l'affaire Baker, le demandeur dans ce cas-ci n'est pas encore entré au Canada. Selon le défendeur, la norme de contrôle énoncée dans l'arrêt Maple Lodge Farms Limited c. Gouvernement du Canada et autre, [1982] 2 R.C.S. 2, devrait s'appliquer. Le défendeur se fonde sur la décision Chalaby c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [2001] A.C.F. no 66, où Monsieur le juge Pinard a fait les remarques suivantes au paragraphe 4 :

La Cour suprême du Canada dans l'arrêt Baker c. Canada (M.C.I.), [1999] 2 R.C.S. 817, n'a pas changé la norme de contrôle qu'il convient d'appliquer à l'égard des décisions relatives aux visas d'immigrant. Comme l'a clairement établi la Cour d'appel fédérale dans l'arrêt Chiu Chee To c. Ministre de l'Emploi et de l'Immigration (22 mai 1996), A-172-93, la norme de contrôle qu'il convient d'appliquer à l'égard des décisions discrétionnaires des agents des visas en ce qui concerne les demandes d'immigration est la même que celle qu'a énoncée la Cour suprême du Canada dans l'arrêt Maple Lodge Farms c. Gouvernement du Canada, [1982] 2 R.C.S. 2 [...]


[9]                 Je souscris à la norme de contrôle énoncée par le juge Pinard. Cette cour devrait uniquement intervenir si l'agente des visas a fait preuve de mauvaise foi dans l'exercice de son pouvoir discrétionnaire, si elle a violé les principes de justice naturelle ou si elle est arrivée à sa décision en se fondant sur des considérations non pertinentes ou sans tenir compte d'éléments de preuve importants.

La décision de l'agente des visas

[10]            Dans la lettre de refus qu'elle a envoyée au demandeur, l'agente des visas a fait savoir qu'elle avait conclu que celui-ci n'avait pas l'expérience nécessaire pour exercer la profession envisagée au Canada, à savoir la profession d'agent du personnel. Cette lettre est en partie ainsi libellée :

[TRADUCTION] Le paragraphe 11(1) du Règlement ne permet pas la délivrance d'un visa d'immigration au demandeur qui n'a pas obtenu de points d'appréciation pour le facteur « expérience acquise dans la profession qu'il est prêt à exercer au Canada » , à moins que l'agent des visas ne soit convaincu que le demandeur peut accomplir le travail nécessaire sans avoir d'expérience. Lors de l'entrevue, j'ai exprimé mes préoccupations au sujet du fait que vous n'aviez jamais suivi de formation régulière à titre d'agent du personnel et je vous ai informé que vous n'aviez donc pas réussi à me convaincre que vous pourriez exercer cette profession au Canada. Vous avez déclaré être titulaire de deux diplômes de droit, mais vous n'avez pas pu produire de preuve à l'appui, étant donné que vous n'aviez pas accompli votre service militaire.

En outre, étant donné que vous vouliez être apprécié à titre d'agent du personnel, je vous ai demandé de fournir une preuve de votre expérience professionnelle dans ce domaine et je vous ai proposé de fournir des copies de vos contrats et un énoncé des tâches que vous accomplissiez, sur du papier en-tête de la société. J'ai demandé des copies de vos bordereaux de paie, étant donné que le salaire que vous aviez mentionné semblait être élevé pour une personne n'ayant pas de formation à titre d'agent du personnel. Le seul certificat de formation que vous avez soumis se rapportait à un cours de comptabilité et de tenue de livres que vous aviez suivi à Damas, du mois de septembre au mois de novembre 1993, période pendant laquelle, selon votre demande, vous travailliez chez Binex, à Riyad.


L'agente des visas a-t-elle commis une erreur dans son appréciation de l'expérience?

[11]            Le demandeur affirme que l'agente des visas a commis une erreur en interprétant mal les conditions d'accès à la profession qui s'appliquent à la profession d'agent du personnel. Dans son affidavit, l'agente des visas a déclaré ce qui suit :

[TRADUCTION] À l'entrevue, j'ai informé le demandeur que mes principales préoccupations se rapportaient au fait qu'il ne semblait pas avoir de formation à titre d'agent du personnel et qu'il n'était pas certain que son expérience et ses compétences correspondent à celles d'un agent du personnel.

[12]            Le demandeur affirme que la préoccupation de l'agente des visas, en ce qui concerne le fait qu'il n'avait pas de formation en tant qu'agent du personnel, était une considération non pertinente étant donné que la formation en tant qu'agent du personnel ne fait pas partie des conditions d'accès à la profession applicables, lesquelles sont énoncées comme suit au no 1223 de la Classification nationale des professions (la CNP) :

Un diplôme d'études universitaires ou collégiales dans un domaine relié à la gestion du personnel tel que l'administration des affaires, les relations industrielles, le commerce ou la psychologie

ou

un programme de perfectionnement professionnel en gestion du personnel sont habituellement exigés.

Une certaine expérience dans un poste administratif ou de travail de bureau relié à l'administration peut être exigée.


[13]            L'agente des visas n'avait pas à sa disposition de preuve documentaire montrant que le demandeur avait obtenu les diplômes universitaires qu'il affirmait détenir. Selon les conditions en matière de formation précitées qui sont énoncées au no 1223 de la CNP pour la profession d'agent du personnel, si une personne n'a ni un « diplôme d'études universitaires » ni un « diplôme d'études collégiales dans un domaine relié à la gestion du personnel » , un programme de perfectionnement professionnel en gestion du personnel est « habituellement exigé » . Or, en l'espèce, la seule preuve qui a été présentée à l'appui des études que le demandeur affirme avoir faites était un diplôme attestant qu'il avait suivi un cours de comptabilité et de tenue de livres à Damas du mois de septembre au mois de novembre 1993, période pendant laquelle, selon la demande, il travaillait pour Binex en Arabie saoudite.

[14]            Le demandeur soutient que l'agente des visas a commis une erreur en interprétant l'expression « habituellement exigé » . Dans la décision Shezad c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) (2000), 187 F.T.R. 157, Madame le juge Tremblay-Lamer a cité en l'approuvant, au paragraphe 8, le passage suivant de la décision Hara c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) (1999), 173 F.T.R. 308, paragraphe 6 :

[...] il est peut-être erroné de dire que l'expression « est habituellement exigé » signifie que l'exigence en matière d'éducation doit être remplie, sauf lorsque des facteurs importants convainquent l'agent des visas que les exigences professionnelles peuvent être surmontées. Il se peut qu'une telle interprétation soit trop stricte. Néanmoins, il doit y avoir une quelconque raison convaincante qui permette de penser que le demandeur sera capable de se trouver un emploi dans le domaine qu'il entend intégrer, malgré le fait qu'il ne possède pas les compétences « habituelles » en matière d'éducation.

Le demandeur affirme que, même si l'agente des visas a conclu qu'il n'avait pas fait les études habituelles, il existait des raisons convaincantes qui permettaient de penser qu'il serait capable de se trouver et d'exercer un emploi à titre d'agent du personnel. Or, l'agente n'en était pas convaincue.


[15]            Le demandeur a remis à l'agente des visas certains documents faisant état de sa présumée expérience à titre d'agent du personnel, mais l'agente des visas a conclu que ces documents ne constituaient pas une preuve acceptable de l'expérience professionnelle du demandeur. Dans la lettre de refus qu'elle a envoyée au demandeur, l'agente des visas a dit ce qui suit :

[TRADUCTION] Vous avez soumis des copies de documents qui renferment plusieurs incohérences sur le plan de la syntaxe, de la ponctuation et de la présentation. Je ne suis donc pas convaincue que le contrat d'ABT Binex que vous avez soumis constitue une copie véritable de votre contrat. La lettre qui était signée par Steve Parslow, directeur général de Binex, renferme également des erreurs de syntaxe qui n'auraient pas pu être commises par une personne dont la langue maternelle est l'anglais. Compte tenu de ces incohérences évidentes, je ne puis considérer ces documents comme une preuve acceptable de votre expérience professionnelle.

[16]            Le demandeur soutient que l'agente des visas a commis une erreur en concluant que certains documents qu'il avait soumis, à savoir la lettre signée par M. Parslow, directeur général de Binex, et le contrat passé avec Binex, étaient faux ou frauduleux. Il déclare avoir fourni à l'agente des visas des versions anglaises et des versions arabes des documents de Binex et il affirme que les documents avaient probablement initialement été rédigés en arabe, et que toute erreur de syntaxe, de ponctuation et de présentation décelée par l'agente des visas était attribuable à la traduction, et qu'il ne s'agissait pas d'erreurs commises par une personne dont l'anglais était la langue maternelle. Or, rien ne montre que cette explication ait été fournie à l'agente des visas.


[17]            Dans son affidavit, l'agente des visas déclare ne pas avoir allégué qu'il y avait eu tromperie ou fraude de la part du demandeur. Elle a plutôt déclaré que les documents ne prouvaient pas à sa satisfaction que le demandeur avait la formation ou l'expérience nécessaires pour exercer la profession d'agent du personnel au Canada.

[18]            Il est vrai que l'agente n'a pas expressément abordé la question de l'acceptabilité des documents relatifs à l'emploi que le demandeur avait exercé pendant trois ans chez Sigma Paints. L'examen de ces documents, comme la copie du contrat passé avec Binex et la lettre du directeur, révèle qu'ils ne décrivent pas les responsabilités du demandeur, et ce, bien que dans les deux cas la description des tâches renferme les mots « agent du personnel » et « superviseur du personnel » . À mon avis, il n'était pas déraisonnable pour l'agente de conclure, comme elle l'a fait, que la correspondance et les contrats relatifs à l'emploi que le demandeur avait antérieurement exercé ne constituaient pas une preuve acceptable de son expérience réelle dans l'exercice de cet emploi.

L'agente des visas a-t-elle commis une erreur en attribuant au demandeur 15 points d'appréciation pour le facteur professionnel, mais en n'attribuant pas de points d'appréciation pour son expérience?


[19]            Le demandeur soutient que l'agente des visas a commis une erreur en lui attribuant 15 points d'appréciation pour la préparation professionnelle spécifique et les études et pour le facteur « formation » (facteur professionnel), sans lui attribuer de points d'appréciation pour l'expérience; le défendeur concède la chose. Le demandeur se fonde sur la décision Dauz c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) (1999), 173 F.T.R. 288, où, en annulant la décision de l'agente des visas, Madame le juge Sharlow a fait les remarques suivantes, au paragraphe 7 :

L'agent des visas a accordé le nombre maximal de dix points pour le facteur de la profession. Je dois en inférer qu'elle a conclu que le demandeur satisfaisait aux conditions relatives à la profession d'analyste de systèmes informatiques, y compris celles concernant les études. Je dois également en inférer qu'elle a conclu que le demandeur avait exercé un nombre substantiel des fonctions principales de l'analyste de systèmes informatiques établies dans la CNP (au numéro 2162), dont les fonctions essentielles. Comment l'agent des visas a-t-elle alors pu n'accorder aucun point au demandeur pour l'expérience?

[20]            Le demandeur affirme que l'agente des visas, qui avait attribué 15 points pour le facteur professionnel, a implicitement reconnu qu'il remplissait toutes les conditions relatives à la profession d'agent du personnel. L'agente ne pouvait pas ensuite n'attribuer aucun point pour l'expérience parce qu'elle considérait que le demandeur ne remplissait pas les conditions nécessaires sur le plan des études. Le demandeur propose qu'on lui attribue six points d'appréciation pour le facteur « expérience » , à savoir deux points pour chacune des trois années d'expérience conformément à l'annexe I du Règlement sur l'immigration, alors que 15 points sont attribués pour le facteur professionnel. Dans son affidavit, l'agente des visas a reconnu qu'à ce moment-là, elle suivait la pratique normale et qu'elle appréciait les deux facteurs d'une façon indépendante, et que puisqu'elle n'avait pas attribué de points pour l'expérience, elle n'était pas revenue sur la question et n'avait pas modifié le nombre de points attribués à l'égard du facteur professionnel de façon qu'aucun point ne soit attribué comme elle le ferait si l'appréciation devait tenir compte des deux facteurs.


[21]            Cependant, l'erreur alléguée par le demandeur, même si elle est corrigée comme il le propose, ne changerait rien à l'appréciation finale sous-tendant la décision de l'agente des visas, c'est-à-dire le nombre total de points attribués pour tous les facteurs, qui s'élèverait encore à moins de 70 points. Il n'existe donc aucun fondement justifiant l'intervention de cette cour, même si l'appréciation de l'expérience était rajustée de façon à correspondre à l'appréciation du facteur professionnel. Comme Monsieur le juge O'Keefe l'a fait remarquer dans la décision Bhogal c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [2000] A.C.F. no 1581, paragraphe 22 :

La jurisprudence de la Cour a établi que lorsqu'un agent des visas a commis une erreur, la Cour n'interviendra pas si cette erreur n'est pas pertinente, c'est-à-dire si le résultat de la demande aurait été le même n'eut été de cette erreur (voir Barva c. MCI (1998), 157 F.T.R. 65 (C.F. 1re inst.) et Yang c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) (1998), 44 IMM. L.R. (2nd) 176 (C.F. 1re inst.)). [...]

L'agente des visas a-t-elle commis une erreur en omettant d'apprécier de la façon appropriée la personnalité du demandeur?

[22]            Le demandeur soutient que l'agente des visas a commis une erreur en ne lui attribuant que trois points d'appréciation pour la personnalité et en, particulier, qu'elle n'a pas tenu compte de l'ingéniosité dont il avait fait preuve en travaillant dans plusieurs pays à l'extérieur de son pays d'origine, la Syrie, et de l'initiative qu'il avait démontrée en obtenant un diplôme universitaire. Dans les notes qu'elle a consignées dans le STIDI, l'agente des visas a déclaré que la connaissance de l'anglais du demandeur était [TRADUCTION] « excellente » , mais elle n'a pas mentionné d'autres facteurs favorables.


[23]            Le demandeur se fonde sur la décision Chauhan c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [2001] A.C.F. no 1105 (1re inst.), en vue d'affirmer que l'agente des visas a commis une erreur en omettant d'apprécier sa personnalité selon des principes et d'une manière raisonnable. Dans cette affaire-là, en annulant la décision de l'agent des visas, Monsieur le juge Dubé a statué ce qui suit, au paragraphe 8 :

Sans conteste, l'agent des visas jouit d'un large pouvoir discrétionnaire dans l'appréciation des qualités personnelles d'un demandeur qui souhaite s'établir au Canada. Néanmoins, il doit exercer ce pouvoir discrétionnaire selon des principes et d'une manière raisonnable, en tenant compte de la faculté d'adaptation, de la motivation, de l'esprit d'initiative, de l'ingéniosité et d'autres qualités semblables. Le critère fondamental est de savoir si la personne possède les qualités personnelles nécessaires pour subvenir à ses besoins au plan économique au Canada.

[24]            Le défendeur se fonde sur la décision Ali c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [1998] A.C.F. no 1080 (1re inst.), où le juge Dubé a statué ce qui suit, au paragraphe 6 :

L'appréciation de la personnalité est laissée entièrement au domaine d'expertise de l'agente des visas et ne devrait pas être modifiée, à moins que la conclusion ne soit abusive ou arbitraire ou que l'agente des visas n'ait commis une erreur de droit.

Le défendeur affirme en outre que le demandeur ne peut pas chercher à ce que des facteurs tels que les compétences linguistiques ou les études, qui sont appréciés séparément, soient « comptés en double » .


[25]            À mon avis, il faut faire preuve d'une retenue considérable à l'égard de l'appréciation de la personnalité effectuée par l'agente des visas. Je ne suis pas convaincu que l'agente des visas n'ait pas apprécié la personnalité du demandeur selon des principes ou d'une manière raisonnable simplement parce que, comme l'a soutenu le demandeur en l'espèce, le nombre de points d'appréciation qui a été attribué était inférieur au nombre moyen de points ou parce que, compte tenu de ses antécédents généraux et de ses antécédents professionnels à l'extérieur de son propre pays et des études qu'il affirme avoir faites, le demandeur aurait dû obtenir un nombre plus élevé de points d'appréciation pour la personnalité. Dans les notes qu'elle a consignées dans le STIDI au sujet des qualités dont il avait été tenu compte dans l'appréciation de la personnalité, l'agente des visas n'a mentionné d'une façon favorable que les compétences linguistiques démontrées par le demandeur, en déclarant que sa connaissance de l'anglais était [TRADUCTION] « excellente » . Néanmoins, je ne suis pas convaincu que cette cour doive intervenir en vue d'écarter l'appréciation de la personnalité que l'agente des visas a effectuée. Ce facteur se rapporte à la faculté d'adaptation, à la motivation, à l'esprit d'initiative et à l'ingéniosité. Il vise à apprécier la capacité probable du demandeur de subvenir, au Canada, à ses besoins ainsi qu'à ceux de sa famille, le cas échéant, sur le plan financier. À mon avis, la Cour devrait uniquement intervenir si la décision de l'agent des visas est jugée clairement déraisonnable eu égard à la preuve. Or, tel n'est pas ici le cas.

L'agente des visas a-t-elle manqué aux règles d'équité procédurale?

[26]            Le demandeur déclare que l'agente des visas a manqué aux règles d'équité procédurale en omettant de l'informer des préoccupations qu'elle avait au sujet de l'authenticité des références fournies par M. Parslow et des contrats qu'il avait passés avec Binex et avec Sigma Paints, et en ne lui donnant pas la possibilité d'apaiser ces préoccupations.


[27]            Le défendeur affirme que l'agente des visas n'était pas tenue de donner au demandeur un compte rendu continu de ses préoccupations; sur ce point, il se fonde sur la décision Bara c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [1998] A.C.F. no 992 (1re inst.), où Monsieur le juge en chef adjoint Richard (tel était alors son titre) a statué ce qui suit au paragraphe 15 :

L'agent n'est pas tenu de porter à la connaissance du demandeur les conclusions provisoires qu'il peut tirer à partir de la preuve dont il est saisi, pas même celles qui se rapportent aux contradictions apparentes qui le préoccupent.

[28]            Le défendeur déclare en outre que l'agente des visas a amplement fourni au demandeur la possibilité de présenter sa preuve. Selon les notes consignées dans le STIDI qui ont été prises à l'entrevue, l'agente des visas avait des doutes au sujet de divers aspects de la demande. Elle a noté les doutes qu'elle avait exprimés eu égard à la preuve qui était alors à sa disposition, à savoir qu'il n'était pas certain que l'expérience et les compétences du demandeur correspondent aux conditions que doit remplir un agent du personnel au Canada. En outre, dans la lettre par laquelle la demande était refusée, l'agente des visas a noté qu'elle avait entre autres demandé des preuves de l'expérience professionnelle du demandeur en sa qualité d'agent du personnel ainsi que des copies de ses contrats de travail et un [TRADUCTION] « énoncé des tâches [qu'il] accompliss[ait], sur du papier en-tête de la société » . Seules des copies des contrats de travail ont été transmises à l'agente des visas et il n'y était pas fait mention des responsabilités du demandeur ou de son expérience.


[29]            Eu égard aux circonstances, je ne suis pas convaincu que l'agente des visas ait manqué à l'obligation d'équité qui existait envers le demandeur en omettant de l'informer des préoccupations qu'elle avait au sujet des documents relatifs à son emploi antérieur qu'il avait fournis et en ne lui donnant pas la possibilité d'apaiser ces préoccupations. L'agente des visas l'avait fait une fois, à l'entrevue, et par la suite elle a examiné les documents que le demandeur avait transmis en réponse à ses préoccupations.

Conclusion

[30]            Pour les motifs susmentionnés, la demande de contrôle judiciaire est rejetée. Une ordonnance est rendue en ce sens.

ORDONNANCE

[31]            LA COUR ORDONNE : la demande est rejetée.

     

                        « W. Andrew MacKay »           

Juge

  

OTTAWA (Ontario)

Le 22 mars 2002

  

Traduction certifiée conforme

Suzanne M. Gauthier, trad. a., LL.L.


                                              COUR FÉDÉRALE DU CANADA

                                       SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

                                           AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

    

DOSSIER :                                                               IMM-2967-00

INTITULÉ :                                                              Ammar Ahmad Al-Khiara

et

Le ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration

  

LIEU DE L'AUDIENCE :                                      Halifax (Nouvelle-Écosse)

DATE DE L'AUDIENCE :                                   le 17 juillet 2001

  

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

ET ORDONNANCE :                                        Monsieur le juge MacKay

DATE DES MOTIFS :                                        le 22 mars 2002

  

COMPARUTIONS :

M. Roderick H. Rogers                                             POUR LE DEMANDEUR

Mme Lori Rasmussen                                                  POUR LE DÉFENDEUR

  

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

M. Roderick H. Rogers                                             POUR LE DEMANDEUR

Stewart McKelvey Stirling Scales

M. Morris Rosenberg                                                POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada

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