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Date : 20040302

Dossier : IMM-4461-02

Référence : 2004 CF 306

Ottawa (Ontario), le 2 mars 2004

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE JOHN A. O'KEEFE           

ENTRE :

                                                       BONDARENKO ANDRIY

                                                                                                                                          demandeur

                                                                             et

                        MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

                                                                                                                                           défendeur

                                MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

LE JUGE O'KEEFE

[1]                Il s'agit d'une demande de contrôle judiciaire qui vise la décision datée du 22 août 2002 par laquelle la Section de la protection des réfugiés de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié (la Commission) a conclu que le demandeur n'était pas un réfugié au sens de la Convention. Cette décision fait état de l'absence de minimum de fondement dans la demande d'asile présentée par le demandeur.

[2]                Le demandeur demande que le présent contrôle judiciaire soit accueilli, que la décision de la Commission soit annulée et que la demande soit renvoyée à la Commission afin qu'elle soit entendue par un tribunal différemment constitué.

Les faits

[3]                Le demandeur, Andriy Bondarenko, est un citoyen d'Ukraine qui demande le statut de réfugié au sens de la Convention en se fondant sur son orientation sexuelle. Il prétend être une personne qui craint avec raison d'être persécutée par l'organisation nationale UNSO et il affirme en outre qu'il craint qu'il y ait des échanges de renseignements entre les nationalistes et les autorités ukrainiennes.

[4]                Le demandeur prétend que bien qu'il ait réalisé durant son adolescence qu'il était homosexuel, il s'est marié en 1991 et il a fondé une famille en raison de la pression sociale.

[5]                Le demandeur prétend qu'il a eu deux relations homosexuelles alors qu'il vivait en Ukraine, chacune ayant duré quelques mois et ayant pris fin après que lui ou son partenaire eut été agressé physiquement par des ultranationalistes ukrainiens.


[6]                Le demandeur déclare que son épouse, après qu'elle eut engagé un détective privé, a découvert la relation homosexuelle qu'il entretenait depuis mai 1999 et qu'elle a alors exigé qu'il disparaisse de sa vie sans quoi elle le détruirait. Le demandeur prétend que son épouse et lui se sont séparés, mais qu'il est resté dans la même ville dans l'espoir de conclure une entente à l'égard de la garde de sa fille et d'une contribution financière aux besoins de cette dernière.

[7]                Le demandeur affirme que ses collègues de travail sont devenus hostiles et ont commencé à l'éviter après que son épouse eut soi-disant informé son employeur de son orientation sexuelle et que, en septembre 1999, il a été congédié sans motif et qu'une personne moins qualifiée que lui a été engagée pour occuper son poste.

[8]                Le demandeur prétend que le 30 septembre 1999 trois membres de l'UNA-UNSO l'ont attaqué devant chez lui, l'ont battu et lui ont dit qu'il avait un mois pour quitter la ville. Le demandeur s'est rendu dans une clinique sans rendez-vous pour faire soigner ses blessures et il s'est adressé aux policiers qui ont refusé de l'aider ou de le protéger.

[9]                Le demandeur prétend en outre que des activistes de l'UNSO l'ont battu à quatre autres reprises, le 7 octobre, le 23 octobre, le 7 novembre et le 7 décembre 1999. Chaque fois, ils l'ont menacé et ils lui ont dit de quitter la ville. Le demandeur prétend qu'il a également reçu des menaces par téléphone.

[10]            Le demandeur prétend que les policiers ont refusé de l'aider lorsqu'il leur a signalé l'incident du 7 décembre 1999 au cours duquel il avait été battu et qu'ils ont attribué les incidents à du [TRADUCTION] « comportement antisocial aveugle » .

[11]            Le demandeur a décidé de déménager à Ivano-Frankivsk, où vivaient ses parents, et il prétend qu'en février 2000 il a commencé à entretenir une autre relation homosexuelle.

[12]            Le demandeur affirme que le 2 mai 2000 son partenaire et lui ont été agressés, menacés et battus par des membres de l'UNSO. Il prétend qu'il a été hospitalisé parce qu'il avait été gravement blessé et que les médecins ont avisé les policiers, mais que ces derniers n'ont pris aucune mesure.

[13]            Le demandeur affirme qu'en juin 2000 il est allé vivre avec sa soeur dans la ville de Krementchoug dans le centre de l'Ukraine. Il prétend que le 15 août 2000, après avoir écrit à la police de Loutsk pour faire un changement d'adresse, des membres de l'UNSO l'ont une fois de plus agressé, l'ont menacé et lui ont dit de quitter le pays.

[14]            Le demandeur prétend qu'après son déménagement à Krementchoug les policiers ne l'ont pas protégé et qu'ils ont informé les extrémistes locaux de ses allées et venues, ce qui a entraîné l'agression de juin 2000.

[15]            Le demandeur a obtenu un passeport de marin et il est entré au Canada le 27 septembre 2000 où il a immédiatement présenté une demande d'asile.

[16]            Le 27 juin 2002, la Commission a tenu une audience à l'égard de la demande présentée par le demandeur. Dans une décision datée du 22 août 2002, la Commission a conclu que le demandeur n'était pas un réfugié au sens de la Convention.

Les motifs de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié (Section de la protection des réfugiés)

[17]            Dans une décision datée du 22 août 2002, la Commission a conclu que le demandeur n'est pas un réfugié au sens de la Convention. La Commission a rejeté la prétention du demandeur selon laquelle il est homosexuel ou membre d'une minorité sexuelle en déclarant que les relations du demandeur avec des hommes sont « hors contexte » et que son récit manquait de « véracité » .


[18]            La Commission a déclaré que le demandeur n'avait pas fourni d'éléments de preuve dignes de foi à l'égard de sa prétention selon laquelle il avait été congédié en raison de son homosexualité. Dans l'exposé de son FRP, le demandeur prétend que son épouse a informé son patron de son orientation sexuelle, que ses collègues ne voulaient pas qu'il soit dans les parages et que l'excuse utilisée pour son congédiement était la réduction du personnel, ce qui selon lui n'avait pas de sens puisque son employeur avait engagé une personne moins qualifiée que lui pour occuper son poste. La Commission a conclu que ces renseignements étaient incompatibles avec la réponse du demandeur à la question 17 de son FRP selon laquelle il était un grossiste d'une entreprise privée et avec son témoignage lors de l'audience selon lequel il avait sa propre entreprise qui faisait partie d'une plus grande entreprise de laquelle il dépendait pour avoir du travail.

[19]            La Commission a conclu que les prétentions du demandeur manquaient de crédibilité dans leur ensemble. La Commission a conclu que les déclarations du demandeur selon lesquelles il ne savait pas de quelle façon les ultranationalistes ukrainiens avaient appris qu'il était homosexuel contredisaient sa déclaration selon laquelle il présumait que sa femme les avait informés ou qu'ils l'avaient identifié en tant qu'homosexuel parce qu'on l'avait vu alors qu'il tenait un homme par la main en Ukraine.

[20]            La Commission n'a pas cru le récit du demandeur à l'égard de l'incident de mai 2000 au cours duquel il avait soi-disant été battu et elle a déclaré que le récit de l'événement fait par le demandeur était flou et confus. La Commission n'a pas cru que le demandeur ait été vu alors qu'il tenait un homme par la main en Ukraine et elle a rejeté la prétention selon laquelle lui et son ami avaient été battus en raison de ce fait.


[21]            La Commission n'a accordé aucune importance à la documentation déposée par le demandeur afin de corroborer sa prétention selon laquelle il avait subi des blessures et il avait reçu des soins médicaux en Ukraine. Pour ce faire, la Commission s'est appuyée sur sa conclusion défavorable quant à la crédibilité, sur sa remarque selon laquelle il y a prolifération de faux documents produits dans l'ancienne Union soviétique afin d'aider des gens à émigrer et sur la documentation qui révélait que la corruption existait en Ukraine.

[22]            La Commission a conclu qu'il existait un motif suffisant et valable pour rejeter la véracité des prétentions du demandeur et elle a refusé de se fonder sur les éléments de preuve documentaire se rapportant au demandeur en particulier.

[23]            À la lumière de la preuve et du témoignage, la Commission a rejeté les explications et les prétentions du demandeur en déclarant qu'il était « entièrement et profondément incompatible » avec une crainte subjective de persécution que le demandeur se promène en tenant un homme par la main dans des circonstances où il pouvait être vu ou qu'il prenne et fasse développer en Ukraine un film de photos très compromettantes de lui et de partenaires amoureux, photos à partir desquelles son homosexualité pouvait facilement être révélée et sa sécurité pouvait être menacée.


[24]            À la lumière de cette analyse, la Commission a conclu que le demandeur n'avait pas réussi à établir, par des éléments de preuve dignes de foi, qu'il était une personne qui avait raison de craindre d'être persécutée en Ukraine pour l'un des motifs prévus à la Convention et qu'il n'existe pas une possibilité sérieuse qu'il soit exposé à un préjudice grave s'il devait retourner en Ukraine.

[25]            En outre, suivant le paragraphe 69.1(9.1) de la Loi sur l'immigration, L.R.C. 1985, ch. I-2, la décision de la Commission fait état de l'absence de minimum de fondement dans la demande d'asile présentée par le demandeur.

[26]            Il s'agit en l'espèce du contrôle judiciaire de la décision de la Commission.

Les prétentions du demandeur

[27]            Le demandeur prétend qu'il a été privé du droit à une audience équitable suivant les principes de justice naturelle parce que la Commission a rendu une décision lui étant défavorable à l'égard d'une question pour laquelle le président de l'audience avait mentionné être satisfait de la preuve.

[28]            En s'appuyant sur l'arrêt Singh c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration), [1985] 1 R.C.S. 177, le demandeur affirme qu'il est admis en droit que le demandeur d'asile a droit à une audience équitable selon les principes de justice fondamentale et les règles de justice naturelle.

[29]            Le demandeur prétend que la Commission a commis une erreur lorsqu'elle a tiré une conclusion défavorable quant à la crédibilité en se fondant sur la preuve contradictoire à l'égard de la façon selon laquelle les ultranationalistes ukrainiens avaient appris qu'il était homosexuel. Dans ses motifs, la Commission déclare que le témoignage du demandeur selon lequel il ne savait pas de quelle façon les ultranationalistes avaient appris quelle était son orientation sexuelle contredisait sa prétention selon laquelle il présumait que son épouse les avait informés. Le demandeur renvoie aux pages 151 et 152 du dossier du tribunal dans lesquelles le président de l'audience a mentionné que le témoignage du demandeur à l'égard de cette question était contradictoire.

[30]            Le demandeur prétend que si la Commission a conclu, après avoir examiné ses notes, que sa déclaration antérieure contenue au dossier était incorrecte, alors la Commission, sachant que l'avocat n'avait pas traité de la question dans ses observations, était tenue suivant l'obligation d'agir équitablement à l'endroit du demandeur d'informer l'avocat de ce dernier de sa préoccupation et de l'inviter à présenter d'autres observations à l'égard de la question de savoir de quelle façon les nationalistes ukrainiens avaient pu apprendre que le demandeur était homosexuel.


[31]            En se fondant sur l'arrêt Velauthar c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration), [1992] A.C.F. no 425 (C.A.) (QL), le demandeur prétend que la Commission lui a refusé une audience équitable en omettant, lorsqu'elle a changé sa position à l'égard de la question de savoir si le témoignage du demandeur était contradictoire, d'inviter l'avocat à présenter d'autres observations et puis en fondant en partie sa conclusion défavorable quant à la crédibilité sur cette question.

[32]            Le demandeur prétend, compte tenu de l'importance de cette conclusion de la Commission pour sa conclusion finale quant à la crédibilité, que ce motif par lui-même est suffisant pour que la décision soit annulée.

[33]            Subsidiairement, le demandeur prétend que la Commission a commis une erreur de droit lorsqu'elle a tiré des conclusions quant à la crédibilité arbitraires, abusives et non fondées sur la preuve ou sans avoir tenu compte de la preuve dont elle disposait.

[34]            Le demandeur affirme que la Commission a fondé sa conclusion défavorable quant à la crédibilité sur quatre questions, à savoir : (1) la preuve soi-disant contradictoire à l'égard de son travail; (2) la preuve soi-disant contradictoire à l'égard de la façon selon laquelle les ultranationalistes avaient appris qu'il était homosexuel; (3) le fait que les relations du demandeur avec des hommes étaient « hors contexte » et que son récit manquait de « véracité » ; et (4) le fait que le comportement du demandeur était « entièrement et profondément » incompatible avec une crainte subjective de persécution. Le demandeur conteste les conclusions tirées par la Commission à l'égard de ces questions et il prétend que la façon selon laquelle la Commission a traité de la preuve déposée afin de corroborer ses prétentions justifie que la Cour intervienne.


La preuve contradictoire à l'égard du travail du demandeur

[35]            Le demandeur prétend que la Commission a incorrectement rapporté les faits touchant la preuve à l'égard des ententes de travail qu'il avait lorsqu'elle a déclaré qu'il avait mentionné que son entreprise faisait partie d'une plus grande entreprise et qu'il était dépendant de cette plus grande entreprise. Le demandeur prétend que, en fait, il a témoigné qu'il avait un patron et qu'il dépendait totalement de lui, ce qui expliquait pourquoi il pouvait avoir sa propre entreprise et être quand même congédié par un patron.

[36]            Le demandeur prétend que c'est parce que la Commission a incorrectement rapporté des faits et omis une partie des faits qu'elle a conclu que son témoignage n'avait pas de sens. Il prétend, par conséquent, que cet aspect de la conclusion défavorable quant à la crédibilité tirée par la Commission n'était pas appuyé par la preuve.

La preuve contradictoire à l'égard de ce que les ultranationalistes savaient à l'endroit du demandeur

[37]            En plus des arguments invoqués sur cette question à l'égard de la justice naturelle, le demandeur prétend que la Commission a commis une erreur susceptible de contrôle lorsqu'elle a conclu que son témoignage était contradictoire quant à la façon selon laquelle les ultranationalistes avaient appris qu'il était homosexuel.

[38]            Le demandeur prétend que la transcription de l'audience contredit manifestement la conclusion écrite de la Commission selon laquelle son témoignage sur cette question était contradictoire et il prétend que cela constitue une erreur susceptible de contrôle.

[39]            En outre, le demandeur conteste, parce qu'il prétend qu'elle est arbitraire et erronée, la conclusion tirée par la Commission à l'égard de sa prétention selon laquelle le fait que les ultranationalistes savaient qu'il était homosexuel avait entraîné l'incident de mai 2000 au cours duquel il avait soi-disant été battu.

[40]            Le demandeur prétend qu'il était manifestement déraisonnable pour la Commission de s'attendre à ce qu'il sache ce que pensaient les brutes homophobes ou de quelle façon elles avaient appris qu'il était homosexuel. La question de savoir s'il pouvait deviner la source de ce qu'avaient appris les agresseurs était une question qui n'était aucunement pertinente à sa crédibilité, notamment compte tenu de la preuve documentaire non contredite selon laquelle il y avait des violations des droits de la personne visant les homosexuels en Ukraine. Le demandeur prétend que la Commission a agi de façon arbitraire et d'une manière manifestement déraisonnable lorsqu'elle a tiré une conclusion défavorable quant à la crédibilité en raison du fait qu'il a émis une hypothèse à l'égard de la façon selon laquelle les brutes avaient appris qu'il était homosexuel.

[41]            Le demandeur prétend en outre que la description de la Commission selon laquelle son témoignage quant à l'incident de mai 2000 était un témoignage flou et confus est manifestement déraisonnable et n'est pas appuyée par le dossier. Le demandeur affirme que si on fait abstraction de l'hypothèse inappropriée de la Commission selon laquelle il aurait dû savoir de quelle façon les ultranationalistes avaient appris qu'il était homosexuel, il n'y avait rien de flou ou de confus dans son témoignage.

La question du récit du demandeur qui était fait « hors contexte » et qui manquait de « véracité »

[42]            Le demandeur prétend qu'il a donné des explications claires et plausibles à l'égard de la façon selon laquelle ses relations homosexuelles en Ukraine avaient pris fin. Le demandeur prétend que compte tenu de son témoignage, il était abusif pour la Commission de conclure que ses relations, en particulier la façon selon laquelle elles avaient pris fin, étaient « hors contexte » et que son récit manquait de « véracité » .

Le comportement du demandeur était « entièrement et profondément » incompatible avec une crainte subjective de persécution


[43]            En s'appuyant sur l'arrêt Giron c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration), [1992] A.C.F. no 481 (C.A.) (QL), le demandeur prétend qu'il était manifestement déraisonnable pour la Commission de conclure que le fait de marcher en tenant son ami par la main, de prendre des photos et de faire développer le film en Ukraine était incompatible avec une crainte subjective de persécution. Comme il a été statué dans l'arrêt Giron, précité, le demandeur prétend que le fait que la Commission juge qu'il n'est pas digne de foi parce qu'il n'a pas lâchement caché son homosexualité constitue une erreur susceptible de contrôle.

La façon selon laquelle la Commission a traité la preuve corroborant ses prétentions

[44]            Le demandeur prétend que la Commission a commis une erreur susceptible de contrôle lorsqu'elle a omis de prendre en compte les documents canadiens qui corroboraient ses prétentions. Selon le demandeur, le raisonnement de la Commission selon lequel les documents ukrainiens étaient souvent de faux documents ne justifie pas que soient rejetés les documents canadiens qui corroboraient son identité en tant qu'homosexuel.

[45]            Le demandeur a présenté une photocopie de sa carte de membre du Out and Out Club, un club homosexuel à Toronto, des documents qui confirmaient son appartenance et son soutien financier au 519 Church Street Community Centre, un centre communautaire à Toronto, et une déclaration de son partenaire qui confirmait l'homosexualité du demandeur, son rôle actif dans la collectivité homosexuelle et son appartenance à une association ukrainienne de gais et lesbiennes (Ukrainian Lesbian and Gay Association), à Toronto. Le demandeur a présenté une lettre du président de l'Ukrainian Lesbian and Gay Association de Toronto qui énonçait que le demandeur participait activement à l'association depuis janvier 2002.

[46]            Le demandeur prétend que la Commission n'a pas tenu compte de ces éléments de preuve corroborant son identité en tant qu'homosexuel étant donné que les motifs de la Commission énoncent simplement qu'il « a prétendu » être membre de ces groupes sans aucune mention des documents corroborant cette prétention. En se fondant sur les décisions Cepeda-Gutierrez c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) (1998), 157 F.T.R. 35, et Khawaja c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) (1999), 172 F.T.R. 287, le demandeur prétend que la conclusion selon laquelle il n'est pas homosexuel, une question importante dans sa demande, a été tirée par la Commission sans que cette dernière ait tenu compte de la preuve dont elle disposait et que cette conclusion ne devrait pas être retenue.

[47]            Pour les motifs précédemment énoncés, le demandeur demande que la décision de la Commission soit annulée et que sa demande soit renvoyée à un tribunal différemment constitué pour une nouvelle audience.

Les prétentions du défendeur

[48]            Le défendeur, s'appuyant sur l'arrêt Chen c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) (1999), 49 Imm. L.R. (2d) 161 (C.A.F.), prétend que la Cour ne peut intervenir que si la Commission a agi d'une manière manifestement déraisonnable.

[49]            Selon le défendeur, ce n'est qu'après avoir examiné et apprécié toute la preuve présentée par le demandeur, y compris son témoignage de vive voix, que la Commission a tiré de façon claire et explicite une conclusion défavorable quant à la crédibilité. Le défendeur prétend que la Commission a fourni une analyse détaillée à l'égard de ses préoccupations touchant la crédibilité des aspects importants de la demande d'asile présentée par le demandeur.

[50]            Le défendeur prétend que la conclusion de la Commission selon laquelle le demandeur a rendu un témoignage contradictoire à l'égard de son emploi n'est pas déterminante compte tenu des autres préoccupations quant à la crédibilité qui minaient la prétention de la crainte subjective de persécution du demandeur. Lors de l'audience sur cette question, le défendeur a prétendu que bien que l'explication du demandeur à l'égard de cette incohérence soit vraisemblable, l'interprétation de la Commission à cet égard l'était également. Le défendeur prétend que compte tenu de la retenue importante qui devrait être accordée aux conclusions quant à la crédibilité tirées par la Commission, cette dernière pouvait tirer la conclusion qu'elle a tirée.

[51]            Le défendeur prétend que la Commission pouvait conclure qu'il était invraisemblable que le demandeur ait fait développer un film de photos compromettantes en Ukraine, en particulier étant donné qu'il avait soi-disant été agressé dans diverses parties du pays. Le défendeur prétend qu'il était approprié pour la Commission de fonder en partie sur cette question sa conclusion défavorable quant à la crédibilité étant donné que le demandeur n'avait pas traité des préoccupations quant à la vraisemblance que la Commission avait à l'égard de cette question.


[52]            Le défendeur prétend qu'étant donné que la demande d'asile présentée par le demandeur est fondée sur sa crainte de persécution par l'organisation nationaliste UNSO, son omission d'avoir établi d'une manière digne de foi la façon selon laquelle l'UNSO avait appris qu'il était homosexuel, afin de lui permettre de le cibler, mine davantage sa crédibilité. Le défendeur prétend que la Commission pouvait décider qu'il n'avait pas fourni une preuve cohérente sur cette question.

[53]            De plus, le défendeur nie la prétention selon laquelle la Commission a violé tous les principes de justice naturelle lorsqu'elle a conclu que le demandeur avait rendu un témoignage contradictoire à l'égard de la façon selon laquelle les ultranationalistes avaient appris qu'il était homosexuel. Le défendeur interprète la portion de la transcription sur laquelle s'appuie le demandeur comme une acceptation par la Commission du fait que le demandeur avait auparavant fait ces déclarations et non comme une conclusion selon laquelle la preuve du demandeur sur cette question était cohérente. Le défendeur prétend que la Commission pouvait conclure que les explications du demandeur n'étaient pas vraisemblables et il prétend que la Cour ne devrait pas intervenir.


[54]            À l'égard de la prétendue agression de mai 2000, le défendeur prétend que le témoignage du demandeur était contradictoire et que le demandeur n'a pas expliqué à la Commission, de façon satisfaisante, les contradictions contenues dans son témoignage. Le défendeur prétend que le demandeur n'a établi aucun fondement justifiant que la Cour intervienne à l'égard des conclusions quant à la crédibilité tirées par la Commission.    

[55]            Compte tenu de la connaissance d'office à l'égard de l'existence de faux documents en Ukraine, le défendeur prétend que la Commission pouvait ne pas accorder d'importance à la documentation médicale fournie par le demandeur.

[56]            Le défendeur déclare qu'il existe une présomption selon laquelle la Commission a examiné toute la documentation qui lui a été présentée, à moins que le contraire soit démontré. Le défendeur prétend que dans la présente affaire la situation n'est pas que la Commission n'a pas tenu compte des lettres et des reçus canadiens présentés au soutien de la prétention du demandeur selon laquelle il participait à des organisations défendant les droits des homosexuels, mais plutôt qu'elle n'a accordé aucune importance à ces documents et qu'elle n'avait pas de commentaires à faire à cet égard. Ces documents, selon le défendeur, n'étaient pas au coeur des prétentions du demandeur à l'égard de ce qui s'était produit en Ukraine.

[57]            Le défendeur prétend en outre que la Commission pouvait n'accorder aucune importance à la déclaration solennelle du partenaire du demandeur, qui demande le statut de réfugié en se fondant sur les mêmes motifs que ceux invoqués par le demandeur, étant donné que la déclaration ne portait pas de signature ni de date.

[58]            Le défendeur prétend que rien ne justifie l'intervention de la Cour dans la présente affaire. Les motifs de la Commission sont clairs et explicites. En outre, la Commission a le droit de tirer des conclusions raisonnables en se fondant sur des invraisemblances, le sens commun et la rationalité et elle peut rejeter des éléments de preuve s'ils ne sont pas compatibles avec les probabilités touchant l'affaire dans son ensemble, ce que, selon les faits de la présente affaire, elle a correctement fait.

[59]            Le défendeur demande que le présent contrôle judiciaire soit rejeté.

Les questions en litige

[60]            1. La Commission a-t-elle manqué à l'obligation d'agir équitablement à l'endroit du demandeur lorsqu'elle a conclu que son témoignage était contradictoire?

2. Les conclusions quant à la crédibilité tirées par la Commission étaient-elles arbitraires, abusives ou non fondées sur la preuve ou ont-elles été tirées sans qu'elle ait tenu compte de la preuve dont elle disposait?

Les dispositions législatives pertinentes

[61]            La Loi sur l'immigration, L.R.C. 1985, ch. I-2, prévoit ce qui suit :

2(1) "réfugié au sens de la Convention" Toute personne :

2(1) "Convention refugee" means any person who

a) qui, craignant avec raison d'être persécutée du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un groupe social ou de ses opinions politiques :

(a) by reason of a well-founded fear of persecution for reasons of race, religion, nationality, membership in a particular social group or political opinion,

(i) soit se trouve hors du pays dont elle a la nationalité et ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays,

(i) is outside the country of the person's nationality and is unable or, by reason of that fear, is unwilling to avail himself of the protection of that country, or

(ii) soit, si elle n'a pas de nationalité et se trouve hors du pays dans lequel elle avait sa résidence habituelle, ne peut ou, en raison de cette crainte, ne veut y retourner;

(ii) not having a country of nationality, is outside the country of the person's former habitual residence and is unable or, by reason of that fear, is unwilling to return to that country, and

b) qui n'a pas perdu son statut de réfugié au sens de la Convention en application du paragraphe (2).

(b) has not ceased to be a Convention refugee by virtue of subsection (2),

Sont exclues de la présente définition les personnes soustraites à l'application de la Convention par les sections E ou F de l'article premier de celle-ci dont le texte est reproduit à l'annexe de la présente loi.

but does not include any person to whom the Convention does not apply pursuant to section E or F of Article 1 thereof, which sections are set out in the schedule to this Act;

Analyse et décision

Question préliminaire : la norme de contrôle


[62]            Dans une tentative visant à pousser la Cour à intervenir d'emblée, le demandeur prétend que les conclusions quant à la vraisemblance tirées par la Commission sont [TRADUCTION] « moins à l'abri d'un contrôle judiciaire » que d'autres aspects des conclusions quant à la crédibilité. Compte tenu de l'arrêt Aguebor, précité, je ne suis pas d'accord avec le demandeur. Comme la Cour d'appel fédérale a clairement établi dans l'arrêt Aguebor, il n'est pas exact que les conclusions quant à la vraisemblance tirées par la Commission doivent faire l'objet de moins de retenue. Lorsque les conclusions quant à la vraisemblance sont fondées sur la rationalité et le sens commun par opposition aux incohérences contenues dans le témoignage d'un demandeur ou à son comportement lors du témoignage, les erreurs de la Commission peuvent être simplement plus évidentes (arrêt Aguebor, précité aux paragraphes 3 et 4) :

Il est exact, comme la Cour l'a dit dans Giron, qu'il peut être plus facile de faire réviser une conclusion d'implausibilité qui résulte d'inférences que de faire réviser une conclusion d'incrédibilité qui résulte du comportement du témoin et de contradictions dans le témoignage. La Cour n'a pas, ce disant, exclu le domaine de la plausibilité d'un récit de champ d'expertise du tribunal, pas plus qu'elle n'a établi un critère d'intervention différent selon qu'il s'agit de « plausibilité » ou de « crédibilité » .

Il ne fait pas de doute que le tribunal spécialisé qu'est la section du statut de réfugié a pleine compétence pour apprécier la plausibilité d'un témoignage. Qui, en effet, mieux que lui, est en mesure de jauger la crédibilité d'un récit et de tirer les inférences qui s'imposent? Dans la mesure où les inférences que le tribunal tire ne sont pas déraisonnables au point d'attirer note intervention, ses conclusions sont à l'abri du contrôle judiciaire. Dans Giron, la Cour n'a fait que constater que dans le domaine de la plausibilité, le caractère déraisonnable d'une décision peut être davantage palpable, donc plus facilement identifiable, puisque le récit apparaît à la face même du dossier. Giron, à notre avis, ne diminue en rien le fardeau d'un appelant de démontrer que les inférences tirées par le tribunal ne pouvaient pas raisonnablement l'être.

[63]            Le défendeur prétend que la norme de contrôle applicable aux conclusions quant à la crédibilité tirées par la Commission est la norme de la décision manifestement déraisonnable. Compte tenu de l'arrêt Aguebor, précité, et de la décision Yu c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [2003] A.C.F. no 932 (QL), 2003 CFPI 720, je suis d'accord avec le défendeur. Dans la décision Yu, précitée, Mme la juge Snider a déclaré ce qui suit aux paragraphes 4 et 5 :


La norme de contrôle qu'il convient d'appliquer est celle de la décision manifestement déraisonnable, ce qui signifie que les conclusions portant sur la crédibilité et les faits doivent être étayées par la preuve et ne doivent pas être tirées arbitrairement, en se fondant sur des conclusions de faits erronées ou sans tenir compte des éléments de preuve présentés (Aguebor c. Ministre de l'Emploi et de l'Immigration, [1993] A.C.F. no 732 (C.A.) (QL); Chen c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [1999] A.C.F. no 551 (C.A.) (QL)).

Lorsque la Commission conclut en l'absence de crédibilité de la part du plaignant en raison des conclusions invraisemblables que lui offre la preuve présentée, la Cour ne devrait pas modifier cette décision même s'il est possible de concevoir que la preuve aurait pu entraîner une conclusion différente, à moins qu'une erreur manifeste n'ait été commise par la Commission (Oduro c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration), [1993] A.C.F. no 560 (C.F. 1re inst.) (QL); Tao c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration), [1993] A.C.F. no 622 (C.F. 1re inst.) (QL)).

[64]            Comme il a été déclaré dans la décision Yu, précitée, la Cour interviendra lorsque les conclusions quant à la crédibilité et les conclusions quant aux faits sont manifestement déraisonnables. Une norme de contrôle comportant moins de retenue s'applique aux questions de justice naturelle, comme j'en traiterai ci-après.

[65]            La première question en litige

La Commission a-t-elle manqué à l'obligation d'agir équitablement à l'endroit du demandeur lorsqu'elle a conclu que son témoignage était contradictoire?

La norme de contrôle

La Cour n'a pas à faire preuve de retenue envers la Commission lorsqu'il s'agit de décider si elle a manqué à l'obligation d'agir équitablement à l'endroit du demandeur. Je suis d'accord avec M. le juge Russell lorsqu'il fait les commentaires suivants au paragraphe 36 de la décision Sivamoorthy c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [2003] A.C.F. no 591, 2003 CFPI 408 :


S'agissant de la question de la justice naturelle et de l'équité procédurale, la norme de contrôle est celle de la décision correcte. Si la Cour estime qu'il y a eu manquement à la justice naturelle ou à l'équité procédurale, la Cour doit intervenir (NAV Canada c. Association canadienne du contrôle du trafic aérien, [1999] A.C.F. n ° 1799 (C.A.) (QL); Lai c. Canada (Procureur général), [2001] A.C.F. n ° 1088 (1re inst.) (QL); Singh c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [2002] A.C.F. n ° 798 (1re inst.) (QL); Sharma c. Canada (Agence des douanes et du revenu), [2001] A.C.F. n ° 867 (1re inst.) (QL)).

[66]            Manquement à l'obligation d'agir équitablement

Essentiellement, le demandeur prétend qu'il n'a pas obtenu une audience équitable parce que la Commission a reconnu que son témoignage à l'égard de la façon selon laquelle les ultranationalistes avaient appris qu'il était homosexuel était cohérent, mais a ensuite dans ses motifs dit le contraire et utilisé l'incohérence à cet égard comme fondement de sa conclusion défavorable quant à la crédibilité. Le demandeur cite l'arrêt Velauthar, précité, et prétend que la Commission, sachant qu'il n'avait pas traité de cette question dans ses observations, avait l'obligation de l'inviter à fournir d'autres observations avant de conclure que son témoignage était contradictoire.

[67]            Le défendeur prétend qu'il n'y a pas eu un manquement à l'obligation d'agir équitablement et il interprète les déclarations de la Commission comme une acceptation du fait que le demandeur avait déclaré que c'était peut-être son épouse qui avait informé les ultranationalistes, mais non comme une obligation de juger plausible cette explication.

[68]            On retrouve aux pages 134 et 135 de la transcription de l'audience tenue devant la Commission l'échange suivant :


[TRADUCTION]

AVOCAT :                             Qui vous poursuivait en raison de votre orientation sexuelle?

REVENDICATEUR :             Une organisation de nationalistes ukrainiens.

AVOCAT :                              Comment ont-ils appris que vous étiez homosexuel?

REVENDICATEUR :             Parce que mon épouse, lorsqu'elle l'a appris, en a informé des gens à mon lieu de travail. Elle a dit qu'elle me détestait. Je suppose que c'est elle qui a informé cette organisation.

[Non souligné dans l'original.]

[69]            Après que son avocat l'eut questionné à l'égard d'un ami avec lequel le demandeur prétendait avoir, au Canada, une relation intime et qu'il eut déposé en preuve devant la Commission une déclaration de cette personne, il y a eu l'échange suivant (aux pages 150 à 152 de la transcription) :

[TRADUCTION]

PRÉSIDENT DE L'AUDIENCE :          Nous allons prendre cette déclaration et l'identifier comme la pièce C-6.

AVOCAT :                                             J'ai maintenant l'intention de passer aux autres questions.

PRÉSIDENT DE L'AUDIENCE :         Merci. D'accord...

AVOCAT :                                             Si vous voulez me donner certaines directives.

PRÉSIDENT DE L'AUDIENCE :     Bien, ce que je pensais c'était que nous traiterions de la question de l'identité de façon très distincte du reste de la demande. Toutefois, je vous demanderais de poser au revendicateur toutes les questions qui vous semblent être appropriées pour établir l'orientation sexuelle du revendicateur et sa perception en tant qu'homosexuel en Ukraine. Je pense que vous avez pas mal - vous avez déclaré qu'il était perçu par les nationalistes ukrainiens comme un homosexuel parce qu'ils avaient probablement été informés par son épouse.

AVOCAT :                                             Ce n'est pas exact - je pense que le revendicateur a dit que son épouse avait informé des gens à son lieu de travail.


PRÉSIDENT DE L'AUDIENCE :         Et ils l'ont appris de là.

AVOCAT :                                             Je ne pense pas - pour être exact - je crois que le revendicateur a dit qu'après avoir appris qu'il avait une relation avec un homme, elle a informé des gens à son lieu de travail.

PRÉSIDENT DE L'AUDIENCE :          Cela, je le sais.

AVOCAT :                                             Oui.

PRÉSIDENT DE L'AUDIENCE :          Alors selon vous, comment les nationalistes l'ont-ils appris?

REVENDICATEUR :                            Je ne le sais pas.

[...]

AVOCAT :                                             D'accord. Alors, vous avez été agressé en septembre dans la même ville [Simferopol]?

REVENDICATEUR :                            Oui.

AVOCAT :                                             Et vous dites au tribunal que votre épouse a                                                          informé votre employeur, mais que vous                                                        n'êtes pas tout à fait certain de la façon                                                                 selon laquelle les nationalistes ont appris                                                      quelle était votre orientation sexuelle.

REVENDICATEUR :                             Oui.

AVOCAT [REVENDICATEUR] :        Je ne sais pas. Je ne peux que deviner que                                                              c'est elle qui l'a fait.

PRÉSIDENT DE L'AUDIENCE :          Oui, c'est compatible avec ce qu'il a dit plus tôt. Il a dit je suppose que c'est elle qui a informé l'organisation.

[Non souligné dans l'original.]

L'avocat du demandeur est alors passé à un autre type de questions.

[70]            La Commission fonde sa conclusion défavorable quant à la crédibilité en partie sur sa conclusion selon laquelle le témoignage du demandeur était contradictoire à l'égard de la façon selon laquelle les nationalistes ukrainiens avaient appris qu'il était homosexuel. La Commission a déclaré ce qui suit à la page 5 de ses motifs :

Lorsqu'on a demandé au revendicateur de quelle façon les ultranationalistes avaient découvert qu'il était homosexuel, celui-ci a répondu qu'il l'ignorait. Le tribunal estime que cette réponse contredit ses autres allégations voulant qu'il présume que c'est son épouse qui les a informés. En fait, le revendicateur a allégué, mais n'a pas établi, la façon dont les ultranationalistes ont appris son orientation sexuelle.

Bien que je ne considère pas que le témoignage du demandeur soit contradictoire (il ne savait pas de façon certaine de quelle façon les ultranationalistes avaient appris qu'il était homosexuel mais il croyait que sa femme les avait informés étant donné qu'elle en avait également informé ses collègues à son lieu de travail), la question à résoudre à ce point-ci n'est pas celle de savoir si j'adopte la conclusion de la Commission, mais plutôt celle de savoir si le demandeur a été injustement surpris par la conclusion de la Commission selon laquelle son témoignage était contradictoire.


[71]            La position du défendeur, à mon avis, est fondée sur une interprétation erronée de la transcription de l'audience. La Commission n'a pas simplement reconnu que le demandeur avait fait certaines déclarations qu'elle a par la suite jugé invraisemblables. La Commission a plutôt déclaré que le témoignage du demandeur était cohérent à l'égard d'un certain fait et elle a par la suite fondé sa conclusion défavorable quant à la crédibilité, en partie, sur sa conclusion selon laquelle le témoignage du demandeur sur ce point était contradictoire. Comme il en est traité ci-après, je suis d'accord avec le demandeur lorsqu'il prétend que la Commission a manqué à un aspect de son obligation d'agir équitablement.

[72]            Je suis d'avis que c'était une négation de la justice naturelle pour la Commission de déclarer lors de l'audience que le témoignage du demandeur était cohérent sur un certain point et ensuite dans sa décision de fonder sa conclusion défavorable quant à la crédibilité en partie sur sa conclusion selon laquelle le demandeur n'était pas digne de foi sur ce point parce qu'il se contredisait.

[73]            Même si la décision de la Commission pouvait avoir un autre fondement, la Cour suprême du Canada a statué qu'une décision doit être annulée s'il y a eu une négation de la justice naturelle. M. le juge Le Dain a déclaré ce qui suit dans l'arrêt Cardinal c. Directeur de l'établissement Kent, [1985] 2 R.C.S. 463, à la page 660 :

[...] la négation du droit à une audition équitable doit toujours rendre une décision invalide, que la cour qui exerce le contrôle considère ou non que l'audition aurait vraisemblablement amené une décision différente. Il faut considérer le droit à une audition équitable comme un droit distinct et absolu qui trouve sa justification essentielle dans le sens de la justice en matière de procédure à laquelle toute personne touchée par une décision administrative a droit. Il n'appartient pas aux tribunaux de refuser ce droit et ce sens de la justice en fonction d'hypothèses sur ce qu'aurait pu être le résultat de l'audition.

[74]            J'accueillerai par conséquent la demande de contrôle judiciaire, j'annulerai la décision de la Commission et je renverrai l'affaire à un tribunal différemment constitué afin qu'il statue à nouveau sur l'affaire.

[75]            Compte tenu de ma conclusion à l'égard de cette première question, je n'ai pas à traiter de l'autre question.

[76]            Ni l'une ni l'autre des parties n'a proposé une question grave de portée générale aux fins de la certification.

ORDONNANCE

[77]            LA COUR ORDONNE que la demande de contrôle judiciaire soit accueillie et que l'affaire soit renvoyée à la Commission afin qu'un tribunal différemment constitué statue à nouveau sur l'affaire.

                                                                            _ John A. O'Keefe _              

                                                                                                     Juge                          

Ottawa (Ontario)

Le 2 mars 2004

Traduction certifiée conforme

Danièle Laberge, LL.L.


                         COUR FÉDÉRALE DU CANADA

                      AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                             IMM-4461-02

INTITULÉ :                            BONDARENKO ANDRIY

et

MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

LIEU DE L'AUDIENCE :      TORONTO (ONTARIO)

DATE DE L'AUDIENCE :    LE JEUDI 4 SEPTEMBRE 2003

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

ET ORDONNANCE :            LE JUGE O'KEEFE

DATE DES MOTIFS :           LE MARDI 2 MARS 2004

COMPARUTIONS :

Steven Beiles                             POUR LE DEMANDEUR

Pamela Larmondin                     POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Steven Beiles                             POUR LE DEMANDEUR

Toronto (Ontario)

Morris Rosenberg, c.r.               POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada


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