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Date : 19981215


Dossier : T-25-98

OTTAWA (Ontario), le 15 décembre 1998

EN PRÉSENCE DE : Monsieur le juge Rouleau

     AFFAIRE INTÉRESSANT LA LOI SUR LA CITOYENNETÉ,

     L.R.C. (1985), ch. C-29,

     ET un appel de la

     décision d'un juge de la citoyenneté,

     ET

     Mohamed Rashad Faris R. Al Massoud,

     appelant.

     JUGEMENT

L'appel est accueilli.

                                     " P. ROULEAU "

                                     JUGE

Traduction certifiée conforme

Julie Boulanger, LL.M.


Date : 19981215


Dossier : T-25-98

     AFFAIRE INTÉRESSANT LA LOI SUR LA CITOYENNETÉ,

     L.R.C. (1985), ch. C-29,

     ET un appel de la

     décision d'un juge de la citoyenneté,

     ET

     Mohamed Rashad Faris R. Al Massoud,

     appelant.

     MOTIFS DU JUGEMENT

LE JUGE ROULEAU

[1]      Il s'agit de l'appel de la décision par laquelle un juge de la citoyenneté a refusé d'accorder à l'appelant la citoyenneté canadienne en date du 14 novembre 1997. Le juge de la citoyenneté est arrivé à la conclusion que M. Al Massoud n'avait pas produit une preuve suffisante pour montrer que la condition de résidence prévue à l'alinéa 5(1)c) de la Loi sur la citoyenneté, L.R.C. (1985), ch. C-29, était remplie. Cette disposition prévoit que le demandeur de la citoyenneté canadienne doit avoir, dans les quatre ans qui ont précédé la date de sa demande, résidé au Canada pendant au moins trois ans en tout.

[2]      M. Al Massoud a formé un appel le 8 janvier 1998. Les appels devant la Cour fédérale fondés sur le paragraphe 14(5) de la Loi sur la citoyenneté qui ont été formés avant la date d'entrée en vigueur des Règles de la Cour fédérale (1998), soit le 25 avril 1998, constituent des procès de novo. La Cour est donc en droit de considérer l'ensemble de la preuve et de rendre sa propre décision en s'appuyant sur la valeur de la preuve et sur la crédibilité des témoins. (Canada (MCI) c. Chan (1998), A.C.F. no 742, le juge Rothstein.)

[3]      M. Al Massoud est né à Nablus, en Jordanie, le 8 décembre 1959. Il est célibataire et sur le point de terminer ses études. Ses parents et lui sont arrivés au Canada le 14 juin 1993 à titre de résidents permanents; ils venaient rejoindre la soeur de l'appelant, qui vivait déjà au Canada. M. Al Massoud prétend qu'il a habité dans la maison de sa soeur à Brossard de juin 1993 à juin 1996. En juillet 1996, il a déménagé chez son père dans un logement locatif à Montréal. L'appelant n'avait pas changé d'adresse au moment où il a formé son appel.

[4]      Depuis son arrivée, M. Al Massoud se prépare pour l'examen d'évaluation relatif à la profession qu'il a choisie. En outre, il a fournit bénévolement ses services de travailleur social à l'Union islamique des services socio-culturels du Québec. M. Al Massoud s'est absenté du Canada pendant 60 jours depuis qu'il a obtenu le droit d'établissement. Il est allé en Angleterre et en Jordanie en vue de rassembler ses affaires, et a rendu visite à des amis et parents aux États-Unis.

[5]      M. Al Massoud a demandé la citoyenneté canadienne le 20 août 1996. À cette date, il avait résidé au Canada pendant trois ans et deux mois. Le juge de la citoyenneté a rejeté sa demande de citoyenneté. À son avis, le demandeur n'avait pas prouvé qu'il avait vécu dans la maison de sa soeur du 14 juin 1993 au 30 juin 1996. M. Al Massoud n'a jamais travaillé au Canada; ses dépenses étaient assumées par son père. Toutefois, le juge de la citoyenneté était convaincu qu'il résidait au Canada avec son père depuis juillet 1996. Le bail avait été déposé en preuve.

[6]      Au cours de l'audience, les avocats ont reconnu que l'appelant avait réellement résidé au Canada pendant toute cette période mais que, précédemment à sa demande, il s'était absenté pour prendre 60 jours de vacances.

[7]      À l'audience, l'avocat de la partie intimée a prétendu que, en vertu de l'alinéa 5(1)c) de la Loi, le demandeur de la citoyenneté canadienne doit avoir été résident permanent du Canada pendant les quatre ans qui ont précédé la date de sa demande. Sur ce point, il a invoqué la décision du juge Muldoon dans

l'Affaire intéressant Ching Chih Chen Ten (21 janvier 1998), Ottawa T-2876-96.

[8]      Je ne souscris pas à la prétention de la partie intimée. Dans l'Affaire intéressant Ching Chih Chen Ten, le juge Muldoon a retenu une interprétation stricte de la condition de résidence et a rejeté la prétention des demandeurs selon laquelle ils avaient établi une résidence par voie d'interprétation. Cela ne revient pas à affirmer que le demandeur de la citoyenneté canadienne doit avoir résidé au Canada pendant quatre ans avant de présenter sa demande de citoyenneté.

[9]      Le paragraphe 5(1) est ainsi libellé :

                 5(1) Le ministre attribue la citoyenneté à toute personne qui, à la fois :                 
                 c) a été légalement admise au Canada à titre de résident permanent, n'a pas perdu ce titre en application de l'article 24 de la Loi sur l'immigration, et a, dans les quatre ans qui ont précédé la date de sa demande, résidé au Canada pendant au moins trois ans en tout, la durée de sa résidence étant calculée de la manière suivante :                 
                 (i) un demi-jour pour chaque jour de résidence au Canada avant son admission à titre de résident permanent,                 
                 ii) un jour pour chaque jour de résidence au Canada après son admission à titre de résident permanent.                 

[10]      D'après le libellé de cette disposition, il est clair que le demandeur de la citoyenneté doit avoir résidé au Canada pendant 1095 jours pour remplir la condition de résidence. Le demandeur a satisfait à cette condition en résidant au Canada pendant trois ans, car le 4 ans de résidence prescrit n'a pas besoin d'être continu. Le demandeur a le droit de s'absenter du Canada une journée sur quatre. Le législateur réalise un juste équilibre à l'alinéa 5(1)c) en reconnaissant que les résidents du Canada doivent parfois s'absenter du pays pour plusieurs raisons et qu'ils peuvent néanmoins remplir la condition de résidence.

[11]      Le demandeur a prouvé qu'il est client de la Banque Royale de Brossard (Québec) depuis juin 1993. Il possède un permis de conduire provincial depuis juillet ou août 1996. Dans une lettre en date du 27 octobre 1997, le Président de l'Union islamique des services socio-culturels du Québec à Montréal, Sheikh Abdul-Hamid Sinno, atteste que le demandeur est un membre actif de l'Union et qu'il assiste aux prières du vendredi depuis janvier 1994.

[12]      Ces renseignements, en plus du témoignage du demandeur, permettent d'étayer de façon suffisante la prétention du demandeur suivant laquelle il réside au Canada depuis juin 1993 et rien n'interdit au demandeur de présenter une demande avant


d'avoir été résident permanent depuis au moins quatre ans. Pour ces motifs, j'accueille l'appel.

                                     " P. ROULEAU "

                                     JUGE

OTTAWA (Ontario)

Le 15 décembre 1998

Traduction certifiée conforme

Julie Boulanger, LL.M.

     COUR FÉDÉRALE DU CANADA

     SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

     AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

NO DU GREFFE :                      T-25-98
INTITULÉ DE LA CAUSE :              AFFAIRE INTÉRESSANT UN APPEL DE LA DÉCISION D'UN JUGE DE LA CITOYENNETÉ,
                             ET MOHAMED RASHAD FARIS R. AL. MASSOUD.
LIEU DE L'AUDIENCE :              Montréal (Québec)
DATE DE L'AUDIENCE :              Le 24 novembre 1998
MOTIFS DU JUGEMENT :              MONSIEUR LE JUGE ROULEAU
DATE DES MOTIFS :                  Le 15 décembre 1998

ONT COMPARU :

Me Anne Kenane                      pour l'appelant
M. Jean Caumartin                  amicus curiae

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

ÉTUDE KENANE

Avocats

1, Place Ville-Marie, bureau 1425

Montréal (Québec)                  pour l'appelant

Me Jean Caumartin

Avocat

6688, avenue Christophe-Colomb

Montréal (Québec)                  amicus curiae
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