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Date : 19980525


Dossier : IMM-2891-97

Ottawa (Ontario), le 25 mai 1998

En présence du juge Pinard

ENTRE :

     Xian Zhen CHEN,

     requérante,

     et

     LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

     ET DE L'IMMIGRATION,

     intimé.

     ORDONNANCE

     La demande de contrôle judiciaire relative à la mesure d'exclusion prise à l'encontre de la requérante le 19 juin 1997 par un agent d'immigration supérieur du Centre d'Immigration Canada de l'Aéroport international de Vancouver est rejetée.

                             Yvon Pinard

                                     Juge

Traduction certifiée conforme

L. Parenteau, LL.L.


Date : 19980525


Dossier : IMM-2891-97

ENTRE :

     Xian Zhen CHEN,

     requérante,

     et

     LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

     ET DE L'IMMIGRATION,

     intimé.

     MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE PINARD

[1]      La requérante demande le contrôle judiciaire de la mesure d'exclusion prise contre elle le 19 juin 1997 par un agent d'immigration supérieur du Centre d'Immigration Canada de l'Aéroport international de Vancouver.

[2]      La requérante, qui est originaire de la Chine, est arrivée au Canada le 19 juin 1997 et soutient qu'elle voulait demander le statut de réfugié en raison des amendes, des peines d'emprisonnement et de la stérilisation forcée qu'elle risquait de se voir imposer en Chine pour avoir transgressé la politique interdisant d'avoir plus d'un enfant.

[3]      La requérante a été détenue par des fonctionnaires d'Immigration Canada en vue d'un deuxième interrogatoire à l'Aéroport international de Vancouver, étant donné qu'elle n'avait pas les documents de voyage nécessaires. Elle a été interrogée par des agents d'immigration par l'entremise d'un interprète qui parlait le mandarin et l'anglais. À l'époque, elle a dit qu'elle n'avait aucun problème en Chine et qu'elle ne craignait pas d'y retourner. Elle admet qu'elle n'a pas avisé l'agent d'immigration qu'elle voulait présenter une demande de statut de réfugié et elle a également signé une déclaration sous serment et une déclaration écrite à la main dans lesquelles elle a attesté qu'elle n'avait pas l'intention de formuler une demande de cette nature.

[4]      La requérante fait valoir qu'elle n'a pas été traitée de façon équitable sur le plan de la procédure au cours du deuxième interrogatoire, parce qu'elle n'a pas été avisée de la nature et des conséquences de celui-ci ni du droit à l'assistance d'un avocat qui lui est reconnu à l'article 7 de la Charte canadienne des droits et libertés (la " Charte ").

[5]      Les garanties procédurales qu'une personne peut invoquer au cours d'un deuxième interrogatoire doivent être examinées à la lumière des propos que le juge Iacobucci a formulés dans l'arrêt Dehghani c. Canada (M.E.I.), [1993] 1 R.C.S. 1053, soit " Il importe de se rappeler que les non-citoyens n'ont aucun droit d'entrer ou de rester au Canada " et de la présomption qui en découle, selon laquelle aucune personne qui ne respecte pas les exigences d'origine législative ne peut être admise au Canada.

[6]      Commentant le contenu de l'obligation d'équité en matière de procédure dans l'arrêt Dehghani, le juge Iacobucci a réitéré le concept suivant aux pages 1076 et 1077 :

     Il est évident que la notion de justice fondamentale comprend tout au moins la notion d'équité en matière de procédure: Renvoi: Motor Vehicle Act de la C.-B., précité; R. c. Jones, [1986] 2 R.C.S. 284, à la p. 322; et R. c. Lyons, [1987] 2 R.C.S. 309, à la p. 361. Selon l'arrêt Singh, à la p. 213, la procédure énoncée dans la Loi sur l'immigration doit "offr[ir] à la personne qui revendique le statut de réfugié une possibilité suffisante d'exposer sa cause et de savoir ce qu'elle doit prouver". Le juge Wilson fait toutefois remarquer que l'équité en matière de procédure peut exiger des procédures différentes selon les circonstances. Le juge La Forest fait aussi remarquer cela dans l'arrêt Lyons , à la p. 361:         
     Il est également clair que les exigences de la justice fondamentale ne sont pas immuables; elles varient selon le contexte dans lequel on les invoque. Ainsi, certaines garanties en matière de procédure pourraient être requises par la Constitution dans une situation donnée et ne pas l'être dans une autre.         

[7]      À mon avis, les obligations d'équité en matière de procédure en l'espèce étaient minimes. D'abord, je ferais remarquer que la situation de la requérante était bien différente du scénario décrit dans l'arrêt Dehghani, où le requérant avait exprimé le désir de demander le statut de réfugié, ce qui avait incité l'agent d'immigration supérieur à l'interroger afin de déterminer les mesures ultérieures à prendre pour traiter la demande de statut de réfugié en question. À l'inverse, la requérante en l'espèce a répété qu'elle ne souhaitait pas demander le statut de réfugié et qu'elle n'avait rien à craindre si elle devait retourner en Chine. Au cours de son deuxième interrogatoire, la requérante s'est fait poser des questions simples et directes concernant les documents dont elle avait besoin pour entrer au Canada (soit un passeport valable encore en vigueur et un visa de visiteur) et concernant la possibilité qu'elle présente une demande de statut de réfugié. Elle était tenue de répondre franchement à ces questions conformément au paragraphe 12(4) de la Loi sur l'immigration (la " Loi "). Il est bien certain qu'une fois qu'une partie requérante exprime le désir de demander le statut de réfugié, les garanties procédurales qui lui sont accordées devraient être supérieures. Par conséquent, il n'y a pas lieu de présumer que les mêmes garanties procédurales applicables dans l'arrêt Dehghani conviendront nécessairement dans la présente affaire où, en réalité, c'est le manque de franchise de la requérante qui lui a fait perdre le droit de revendiquer le statut de réfugié (voir, par exemple, les arrêts Mbulu c. Canada (M.C.I.) (1995), 94 F.T.R. 81, et Nayci c. Canada (M.C.I.) (1995), 105 F.T.R. 122). Dans les circonstances de la présente affaire, je suis donc d'avis qu'il n'était pas nécessaire, au nom de l'équité, d'aviser la requérante de la nature et des conséquences du deuxième interrogatoire. En réalité, la requérante aurait dû savoir qu'elle risquait de ne pas être autorisée à entrer au Canada.

[8]      En ce qui a trait au droit de la requérante à l'assistance d'un avocat qui découlerait de l'article 7 de la Charte, la Cour suprême a également décidé, dans l'arrêt Dehghani, que dans la mesure où l'application de l'article 7 était engagée dans cette affaire, les principes de justice fondamentale ne comprenaient pas le droit à l'assistance d'un avocat dans ces circonstances. Voici les explications que le juge Iacobucci donne à ce sujet aux pages 1077 et 1078 :

     À mon avis, les principes de justice fondamentale n'exigent pas que l'appelant dispose des services d'un avocat au stade du processus de reconnaissance du statut de réfugié qui précède l'enquête ou l'audience. Bien que le droit à l'assistance d'un avocat en vertu de l'art. 7 puisse s'appliquer dans d'autres cas que ceux visés par l'al. 10b), comme, par exemple, dans des affaires concernant le droit à l'assistance d'un avocat lors d'une audience, il ressort clairement de mes observations antérieures que l'examen secondaire subi par l'appelant au point d'entrée n'est pas analogue à une audience. Certes, les tribunaux devront être plus vigilants en ce qui concerne les situations de fait qui se rapprochent davantage des procédures criminelles ou qui leur sont analogues. Cependant, dans un interrogatoire en matière d'immigration effectué dans le but de recueillir des renseignements de routine, le droit à l'assistance d'un avocat ne s'étend pas au-delà des circonstances de l'arrestation ou de la détention prévues à l'al. 10b).         
     L'obligation de tenir une audience pour trancher les revendications du statut de réfugié au sens de la Convention a été examinée dans l'arrêt Singh, aux pp. 213 et 214. Le juge Wilson a décidé que, lorsque la question de savoir si la revendication, par l'appelant, du statut de réfugié au sens de la Convention comporte une question de crédibilité, l'appelant a droit à une audition: "lorsqu'une question importante de crédibilité est en cause, la justice fondamentale exige que cette question soit tranchée par voie d'audition". On a tenu une enquête pour déterminer si la revendication du statut de réfugié au sens de la Convention présentée par l'appelant avait un minimum de fondement, et l'appelant a été informé de son droit de retenir les services d'un avocat et d'être représenté par celui-ci lors de l'enquête tenue conformément au par. 30(1) de la Loi sur l'immigration . L'appelant a, en fait, été représenté par un avocat durant l'enquête sur le minimum de fondement de sa revendication. La préoccupation du juge Wilson dans l'arrêt Singh concernait le caractère suffisant de "la possibilité que [le régime de procédure] offre à la personne qui revendique le statut de réfugié d'exposer sa cause et de savoir ce qu'elle doit prouver" (p. 214). L'exigence d'une audition subséquente en l'espèce vient dissiper cette préoccupation.         

[9]      Dans le cas sous étude, la requérante soutient que le raisonnement suivi dans l'arrêt Dehghani, précité, ne s'applique plus par suite des modifications apportées à la Loi, étant donné que l'agent d'immigration peut désormais prendre une mesure d'exclusion contre une personne sans la garantie procédurale accordée par une enquête subséquente. Je ne puis souscrire à cet argument. Comme je l'ai déjà mentionné, dans l'arrêt Dehghani, l'agent d'immigration avait interrogé le requérant au sujet de la demande de statut de réfugié de celui-ci avant de renvoyer cette revendication à une formation et, de toute évidence, la crédibilité du requérant devait être évaluée dans cette affaire. Il est bien certain que les principes de justice fondamentale exigent une plus grande protection pour un demandeur du statut de réfugié dont la crédibilité est en litige que pour une personne qui tente d'entrer au Canada sans les documents nécessaires et qui répète qu'elle ne désire pas obtenir le statut de réfugié. J'estime donc que l'arrêt Dehghani continue à s'appliquer et permet de dire que la justice fondamentale ne comprend pas le droit à l'assistance d'un avocat au cours d'un deuxième interrogatoire semblable à celui que l'agent d'immigration a mené en l'espèce.

[10]      Pour les motifs exposés ci-dessus, la demande de contrôle judiciaire est rejetée.

[11]      Compte tenu du contexte factuel, notamment l'admission de la requérante selon laquelle elle n'a pas avisé l'agent d'immigration de son intention de présenter une demande de statut de réfugié, je conviens avec l'avocate de l'intimé que la présente affaire ne soulève aucune question de portée générale devant être certifiée.

                             Yvon Pinard

                                     Juge

Ottawa (Ontario)

Le 25 mai 1998

Traduction certifiée conforme

L. Parenteau, LL.L.

     COUR FÉDÉRALE DU CANADA

     SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

     AVOCATS ET PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER

No DU GREFFE :              IMM-2891-97

INTITULÉ DE LA CAUSE :          XIAN ZHEN CHEN c. MCI

LIEU DE L'AUDIENCE :          VANCOUVER (C.-B.)

DATE DE L'AUDIENCE :          13 MAI 1998

MOTIFS DE L'ORDONNANCE DU JUGE PINARD

EN DATE DU :              25 mai 1998

ONT COMPARU :

Me Rod Hooloway                  POUR LA REQUÉRANTE

Me Esta Resnick                  POUR L'INTIMÉ

PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER :

Legal Services Society              POUR LA REQUÉRANTE

Vancouver (C.-B.)

Me George Thomson                  POUR L'INTIMÉ

Sous-procureur général

du Canada

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