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Date : 19990127


Dossier : IMM-1314-98

Entre :

     SOPHIE NGOMA MABIALA

     Requérante

     ET

     LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

     Intimé

     MOTIFS D'ORDONNANCE

LE JUGE DENAULT

[1]      La requérante, originaire de la République Démocratique du Congo (ex-Zaïre), demande le contrôle judiciaire d'une décision de la Section du Statut de réfugié qui a rejeté sa demande de statut de réfugié. Elle allègue que les commissaires ont erré en faits et en droit dans l'appréciation de la preuve quant au bien-fondé de sa crainte de persécution, en jugeant que la demande n'était pas fondée sur un des motifs prévus à la Convention, et en omettant de considérer un élément majeur de la preuve présentée devant elle.

[2]      J'éliminerai immédiatement le dernier argument soulevé par l'avocate de la requérante relativement au défaut par la Section du Statut de considérer la possibilité d'imputation politique de l'utilisation d'un faux document dans la mesure où, en l'espèce, il s'agit d'une question purement théorique. En effet, la requérante n'a pas fait état de l'utilisation d'un tel faux document dans sa déclaration solennelle, et cette question n'a été soulevée ni lors du témoignage de la requérante devant la Section du Statut ni lors des représentations par son procureur.

[3]      Comme premier argument, la requérante fait valoir que dans la mesure où la Section du Statut n'a pas mis en doute sa crédibilité à propos des actes d'extorsion dont, en tant que commerçante, elle avait été victime sous le régime Mobutu, son témoignage et la preuve documentaire présentée à l'audition de sa demande relativement à ce qui se produit sous le nouveau régime de Laurent-Désiré Kabila auraient dû suffire à convraincre les commissaires de lui accorder le statut de réfugié.

[4]      La Section du Statut a plutôt jugé, après une étude exhaustive de la preuve, que le problème des extorsions persistait, certes, "dans une certaine mesure" mais qu'il était "... beaucoup moins fréquent sous Kabila...". Les commissaires ont aussi retenu de la preuve que "... des mesures [avaient été prises] contre les membres de ses propres forces qui étaient impliqués dans des activités criminelles" et que, bref, "la preuve documentaire n'appuie pas les allégations selon lesquelles des groupes particuliers seraient visés, par exemple des femmes qui exploitent des commerces" (pages 2 et 3 de la décision). La Section du Statut a ainsi conclu qu'il n'y avait "... pas plus qu'une simple possibilité que la demandeure (sic) soit visée, dans la RDC/Z d'aujourd'hui, pour le même genre d'extorsion dont elle avait été victime dans le Zaïre de Mobutu".

[5]      La jurisprudence est maintenant bien établie, depuis l'arrêt Yusuf -c- Ministre de l'emploi et de l'immigration [1995] 179 N.R. 11 (C.A.F.), que la question de savoir si les circonstances sont changées dans un pays à la suite d'un renversement de gouvernement ou de régime demeure une question de fait. En l'espèce, même si les commissaires ont retenu que sous le nouveau régime, des mesures d'extorsion étaient encore exercées, il leur était loisible de conclure qu'objectivement et subjectivement, il n'y avait qu'une possibilité minime que la requérante soit ainsi visée. Dans l'arrêt Adjei c. Canada (M.E.I.) [1989] 2 C.F. 680, la Cour d'appel a jugé qu'en pareil cas, la preuve devait être plus concluante.

[6]      La requérante soulève enfin que la Section du Statut a erré en concluant que sa revendication n'était fondée sur aucun motif prévu à la Convention. Les commissaires ont en effet décidé ceci:

                 Nous concluons, d'après la preuve citée plus haut, que les membres des forces de sécurité de l'État qui se livrent à des activités criminelles dont la demandeure (sic) pourrait être victime le font à titre d'individus qui s'attaquent à d'autres individus, selon la présumée fortune de ces derniers. Ainsi, il n'y a aucun rapport avec la définition de la Convention.                 

     La requérante plaide que sa crainte de persécution était basée non seulement sur son statut social de commerçante -- elle exploitait trois boutiques qu'elle a dû se résigner à fermer en raison des extorsions dont elle était victime -- mais en raison aussi du fait qu'elle était une femme divorcée et seule. Elle reproche aux commissaires de ne pas avoir tenu compte de ce facteur dans l'évaluation des motifs du bien-fondé de sa crainte de persécution.

[7]      J'estime que cet argument ne tient pas. D'abord les commissaires n'ignoraient certes pas que la requérante était divorcée et même veuve puisque dès le début, leur décision en fait état. Quant au fait qu'elle ait été seule, les commissaires ont sans doute décidé de l'ignorer en jugeant qu'elle était propriétaire de boutiques "... qu'elle administrait avec l'aide de six employés, dont trois de ses enfants" (page 1 de la décision). En rejetant la demande de statut au motif que la preuve documentaire n'appuyait pas les allégations selon lesquelles "des femmes qui exploitent des commerces" constituaient un groupe visé, les commissaires connaissaient donc fort bien le statut de la requérante. On ne peut donc voir dans la décision, à cet égard, une erreur de fait ou de droit d'autant plus qu'à mon avis les commissaires se devaient, en l'espèce, d'analyser la demande telle qu'elle leur était présentée, à savoir celle d'une femme commerçante, sans en dissocier les termes.

[8]      Pour ces motifs, la demande de contrôle judiciaire est rejetée. Il n'y a pas, en l'espèce, matière à certifier une question sérieuse de protée générale.

     Pierre Denault

     Juge

     Section de première instance de

     la Cour fédérale du Canada


Date : 19990127


Dossier : IMM-1314-98

Entre :

     SOPHIE NGOMA MABIALA

     Requérante

     ET

     LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

     ET DE L'IMMIGRATION

     Intimé

    

     MOTIFS DE L'ORDONNANCE

    

     COUR FÉDÉRALE DU CANADA

     SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

     NOMS DES AVOCATS ET PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER

NO. DU DOSSIER DE LA COUR:      IMM-1314-98

INTITULÉ DE LA CAUSE:          SOPHIE NGOMA MABIALA

     Requérante

                         ET

                         LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

                         ET DE L'IMMIGRATIONÀ     

     Intimé

LIEU DE L"AUDITION:              Ottawa (Ontario)

DATE DE L"AUDITION:              Le 21 janvier 1999

MOTIFS DE L"ORDONNANCE PAR LE JUGE DENAULT

DATÉ:                      Le 27 janvier 1999

COMPARUTIONS:

Me Nicole Goulet                  pour la partie requérante

Me Jan Brongers                  pour la partie intimée

PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER:

LEBLANC, DIOGUARDI

Hull, Québec                      pour la partie requérante

Morris Rosenberg                 

Sous-procureur général du Canada

Ottawa, Ontario                  pour la partie intimée


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