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Date : 20000912


Dossier : IMM-5927-99

TORONTO (ONTARIO), LE 12 SEPTEMBRE 2000

EN PRÉSENCE DU JUGE EN CHEF ADJOINT


ENTRE :



DONA INOKA WASANTHI GAMAGE


demanderesse

- et -



LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION


défendeur



ORDONNANCE

     VU la demande de contrôle judiciaire d'une décision d'une agente des visas, rendue le 14 octobre 1999, ayant rejeté la demande de résidence permanente de la demanderesse;

     VU l'examen des observations écrites des parties et l'audience tenue le 30 août 2000 à Toronto (Ontario);

     LA COUR ORDONNE :


  1. .      La demande de contrôle judiciaire est accueillie.

2.      La décision de l'agente des visas rendue le 14 octobre 1999 est annulée et la demande de résidence permanente de la demanderesse est renvoyée pour un nouvel examen devant un agent des visas différent.




« Allan Lutfy »

J.C.A.


Traduction certifiée conforme


Martin Desmeules, LL.B.




Date : 20000912


Dossier : IMM-5927-99


ENTRE :


DONA INOKA WASANTHI GAMAGE


demanderesse

- et -



LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION


défendeur



MOTIFS DE L'ORDONNANCE


LE JUGE EN CHEF ADJOINT


[1]      La demanderesse a présenté une demande de résidence permanente dans la catégorie des immigrants indépendants, dans la profession envisagée d'analyste de systèmes informatiques (C.N.P. 2162). Sa demande a été traitée au Haut-commissariat du Canada à Colombo, Sri Lanka, lieu de résidence de la demanderesse. Elle a reçu soixante-cinq points d'évaluation, soit cinq points de moins que le minimum requis de soixante-dix points.

[2]      Dans la présente demande de contrôle judiciaire, la demanderesse conteste l'évaluation faite par l'agente des visas des facteurs de la personnalité et de l'expérience.

[3]      En ce qui concerne le facteur de la personnalité, l'agent des visas doit évaluer si la personne sera en mesure de réussir à s'établir au Canada, au regard de facteurs comme sa faculté d'adaptation, sa motivation, son esprit d'initiative, son ingéniosité et autres qualités semblables.

[4]      La demanderesse soutient que l'agente des visas a commis une erreur en ne considérant pas la « motivation » comme un trait de personnalité général. La demanderesse se fonde essentiellement sur une réponse donnée par l'agente des visas lors de son contre-interrogatoire : [traduction] « [...] j'ai examiné la motivation de la demanderesse en lien avec les raisons pour lesquelles elle voulait immigrer au Canada » . Toutefois, au vu des notes au STIDI et des autres réponses données lors de son contre-interrogatoire, je suis d'avis que ce passage ne rend pas justice aux facteurs que l'agente des visas a effectivement considérés.

[5]      Dans ses notes au STIDI, l'agente des visas a expliqué son évaluation du facteur de la personnalité de la demanderesse comme suit :

     [traduction]
     elle a communiqué avec certains employeurs potentiels au canada par courrier électronique. elle n'a pas encore reçu de réponse.
     elle a peu de connaissances relatives au canada. elle dit qu'elle ne connaît pas grand-chose du canada. elle ne connaît pas le nombre de provinces. elle croit que le français est la langue officielle. [la demanderesse] ne semble pas être une personne particulièrement motivée ou qui fait preuve d'esprit d'initiative. il paraît évident qu'elle ne s'est pas renseignée sur le pays dans lequel elle souhaite passer sa vie future. elle dispose de fonds dans la moyenne.
     je lui accorde 4 points pour le facteur de la personnalité.

[6]      Lors de son contre-interrogatoire, l'agente des visas a expliqué plus en détails son évaluation plutôt basse du facteur de la personnalité. La demanderesse n'a donné qu'une seule raison pour laquelle elle désirait s'établir au Canada, soit [traduction] « pour avoir de meilleures expectatives » . Cette réponse n'a pas donné l'impression à l'agente des visas que la demanderesse avait un désir durable de s'installer au Canada. Cette dernière ne disposait que de peu d'information sur le Canada. L'agente des visas a ajouté qu'elle n'était pas satisfaite de l'état des préparatifs de la demanderesse pour immigrer au Canada. L'agente des visas considérait aussi que la demanderesse n'avait pas été assez active dans sa recherche d'emploi au Canada.

[7]      La mesure dans laquelle un demandeur fait des recherches sur le Canada est un indice de sa motivation : Wang c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [1999] A.C.F. no 926 (1re inst.). De la même manière, les démarches entreprises par un demandeur afin de trouver un emploi au Canada constituent un indice de sa motivation et de son esprit d'initiative : Yin c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [1999] A.C.F. no 1078 (1re inst.).

[8]      La réponse de l'agente des visas, citée au paragraphe 4 et sur laquelle se fonde la demanderesse, avait une portée limitée et pouvait laisser croire que le mot « motivation » avait été mal interprété. Cependant, sur le fondement des notes au STIDI et des autres déclarations faites lors du contre-interrogatoire, je suis convaincu que l'agente des visas a considéré la motivation comme un trait de personnalité. Même si l'agente des visas n'a pas été assez impressionnée pour accorder plus de quatre points pour le facteur de la personnalité, la demanderesse n'a pas établi l'existence d'une erreur susceptible de révision sur ce point.

[9]      Le deuxième argument de la demanderesse est que l'agente des visas a mal qualifié son expérience comme analyste des systèmes informatiques. Pour des motifs quelque peu différents de ceux avancés par la demanderesse, je trouve cette allégation plus convaincante.

[10]      La Classification nationale des professions énumère les fonctions principales remplies en partie ou dans l'ensemble par les analystes de systèmes informatiques. Certaines de ces fonctions sont liées à la gestion, à la supervision et au service à la clientèle. D'autres décrivent plus particulièrement les fonctions d'un programmeur en informatique. Afin de mieux comprendre la décision de l'agente des visas, il est utile de reprendre la description des fonctions principales des analystes de systèmes informatiques figurant dans la C.N.P. :

     .      discuter avec les clients de la nature des besoins en informatique ou des algorithmes à résoudre au moyen d'un programme;
     .      subdiviser les besoins en éléments que l'on peut résoudre au moyen de la technologie informatique;
     .      dresser la liste des besoins à satisfaire, établir les étapes du programme et déterminer les algorithmes auxquels il faudra recourir;
     .      communiquer les caractéristiques des programmes aux programmeurs;
     .      mettre à l'essai et réaliser les programmes et assurer la formation des utilisateurs;
     .      planifier et mettre en oeuvre des systèmes de contrôle d'accès aux bases de données;
     .      analyser et améliorer les répertoires de bases de données, créer les bases de données et en assurer la maintenance;
     .      analyser les bases de données;
     .      surveiller, au besoin, des programmeurs ou d'autres analystes de systèmes ou jouer le rôle de chef dans le cas de certains projets.

[11]      Pour la période de deux ans ayant commencé en 1994, l'agente des visas a accordé à la demanderesse quatre points d'évaluation pour le facteur de l'expérience. Pour ce seul motif, l'avocate du défendeur a reconnu que l'agente des visas devait être convaincue que la demanderesse avait satisfait aux exigences de la C.N.P. en tant qu'analyste de systèmes informatiques.

[12]      En ce qui concerne les années subséquentes, même si la demanderesse avait continué de travailler dans l'industrie des logiciels pour d'autres entreprises, l'agente des visas a qualifié ses fonctions de fonctions de gestion et ne lui a pas accordé d'autres points d'évaluation pour le facteur de l'expérience. L'agente des visas a expliqué sa position dans ses notes au STIDI :

     [traduction]
     [la demanderesse] ne semble pas remplir les fonctions d'une analyste de systèmes ou du moins d'une programmeuse en informatique dans la plupart des emplois qu'elle a occupés ou qu'elle occupe présentement. elle remplit surtout des fonctions de gestionnaire / superviseure du personnel. toutefois, elle semble avoir accumulé une certaine expérience pendant qu'elle occupait des fonctions auprès de usaid. je lui accorderai le bénéfice du doute et je lui attribuerai des points pour le facteur de l'expérience relativement à cette période.

[13]      Malgré son excellent exposé, l'avocate du défendeur n'a pas réussi à expliquer comment l'agente des visas avait pu correctement évaluer la demanderesse comme analyste des systèmes informatiques pour une période de deux ans et ensuite ne pas tenir compte de son expérience subséquente dans des domaines de travail connexes en raison du fait que ses fonctions ressemblaient plus à des fonctions de gestion qu'à des fonctions de programmeuse en informatique. En ce qui concerne les analystes de systèmes informatiques, la C.N.P. énumère certaines fonctions liées à la gestion, et d'autres qui sont plus particulièrement liées à la programmation informatique. La demanderesse n'est pas tenue de remplir toutes ces fonctions à la fois.

[14]      Avec égards, au vu du dossier, je suis d'avis qu'il n'était pas logique de la part de l'agente des visas d'accepter les qualifications de la demanderesse comme analyste de systèmes informatiques pour ses premières années d'emploi, et ensuite de ne pas lui attribuer de points pour ses expériences de travail subséquentes parce qu'elle avait été promue à des postes de gestion plus élevés que ceux de programmation informatique. Ces deux fonctions sont comprises dans la C.N.P. La conclusion de fait de l'agente des visas sur cette question a été tirée de manière abusive et constitue une erreur susceptible de révision.

[15]      Par conséquent, étant donné que l'agente des visas avait conclu que la demanderesse était qualifiée comme analyste des systèmes informatiques plus tôt dans sa carrière, l'agente des visas aurait dû lui accorder le maximum de points, soit six points, pour le facteur de l'expérience. La demanderesse aurait donc obtenu soixante-sept points d'évaluation, mais il lui aurait encore manqué trois points pour atteindre le minimum requis.

[16]      Le consultant de la demanderesse a aussi demandé à l'agente des visas d'exercer le pouvoir discrétionnaire que lui confère le paragraphe 11(3) du Règlement sur l'immigration de 1978, DORS/78-172, qui peut être exercé lorsqu'il existe de bonnes raisons de croire que le nombre de points d'appréciation obtenu ne reflète pas les chances d'une personne de réussir à s'établir au Canada. L'agente des visas a refusé de le faire pour les motifs qu'elle a inscrits dans ses notes au STIDI :

     [traduction]
     même si le consultant de [la demanderesse] m'a demandé d'exercer mon pouvoir discrétionnaire, je ne crois pas qu'il soit opportun de l'exercer dans le présent cas étant donné que a) elle n'est pas suffisamment qualifiée et expérimentée dans la profession qu'elle veut exercer au canada (ou dans toute autre profession connexe) b) elle a reçu une évaluation en-dessous de la moyenne pour le facteur de la personnalité. elle n'a apparemment pas de support pour trouver un emploi ou s'établir au canada.

[17]      Le succès limité de la demanderesse dans la présente demande de contrôle judiciaire ne justifierait peut-être pas l'annulation de la décision de l'agente des visas. Toutefois, le refus de l'agente des visas d'exercer le pouvoir discrétionnaire que lui confère le paragraphe 11(3) était intimement lié à son opinion sur l'expérience de travail de la demanderesse. Il n'appartient pas à la Cour de déterminer si la demanderesse remplit les exigences en tant qu'analyste de systèmes informatiques, et je ne me prononce pas à ce sujet. Cependant, l'erreur commise par l'agente des visas dans son analyse du facteur de l'expérience a nécessairement eu une incidence sur l'exercice du pouvoir discrétionnaire que lui confère le paragraphe 11(3). Par conséquent, l'équité exige l'annulation de sa décision et le renvoi de l'affaire pour un nouvel examen.

[18]      Les parties n'ont soulevé aucune question grave pour certification.


« Allan Lutfy »

J.C.A.

Ottawa (Ontario)

Le 12 septembre 2000


Traduction certifiée conforme


Martin Desmeules, LL.B.

COUR FÉDÉRALE DU CANADA

SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE


AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


No DU GREFFE :                  IMM-5927-99
INTITULÉ DE LA CAUSE :          Dona Inoka Wasanthi Gamage c. Le ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration
LIEU DE L'AUDIENCE :              Toronto (Ontario)
DATE DE L'AUDIENCE :              Le 30 août 2000

MOTIFS DE L'ORDONNANCE DU JUGE EN CHEF ADJOINT LUTFY

EN DATE DU :                  12 septembre 2000

ONT COMPARU

M. D. Russ Makepeace                  POUR LA DEMANDERESSE
Mme Mielka Visnic                      POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

M. D. Russ Makepeace                  POUR LA DEMANDERESSE

Toronto (Ontario)

M. Morris Rosenberg                      POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada

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