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Date : 20060511

Dossier : IMM-3296-05

Référence : 2006 CF 574

ENTRE :

ANNE WANJA KARANJA

demanderesse

et

 

MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L'IMMIGRATION

défendeur

 

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT

 

 

LE JUGE PINARD

 

 

[1]               Il s’agit d'une demande de contrôle judiciaire d'une décision datée du 4 mai 2005 dans laquelle la Section de la protection des réfugiés de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié (la Commission) a conclu que la demanderesse n'avait ni qualité de « réfugiée au sens de la Convention » » ni celle de « personne à protéger » au sens des articles 96 et 97 respectivement de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27.

 

[2]               Anne Wanja Karanja (la demanderesse) est une citoyenne du Kenya âgée de 27 ans. C'est une chrétienne qui fait partie de la tribu des Kikuyu. Elle affirme craindre avec raison d'être persécutée par son ex-petit ami et par d'autres membres de la secte des Mungiki.

 

[3]               La Commission a conclu que le témoignage de la demanderesse manquait de crédibilité et qu'il renfermait d'importantes contradictions et invraisemblances pour lesquelles aucune explication satisfaisante n’a été fournie.

 

[4]               La demanderesse prétend que la Commission n'a pas correctement appliqué à son cas les Directives concernant la persécution fondée sur le sexe, car elle affirme qu'elle était persécutée en raison de son sexe.

 

[5]               La demanderesse a raison de dire que les Directives concernant la persécution fondée sur le sexe (que la présidente de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié a données le 9 mars 1993 en application de l'alinéa 159(1)h) de la Loi sur l'immigration et qui sont intitulées Revendicatrices du statut de réfugié craignant d'être persécutées en raison de leur sexe) précisent que, dans le cas d'une demande d'asile fondée sur le sexe, la Commission devrait être particulièrement sensible à la difficulté qu'éprouvent les demanderesses à témoigner. Les Directives ne sont cependant pas conçues en elles‑mêmes pour corriger toutes les lacunes que comportent la demande ou la preuve de la demanderesse. Il incombe à la demanderesse d'établir le bien‑fondé de sa demande d'asile. Ainsi que le juge Pelletier l'a expliqué dans la décision Newton c. Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration (2002), 182 F.T.R. 294, au paragraphe 18, « Il n'est pas possible de traiter les lignes directrices comme si elles corroboraient un quelconque élément de preuve étayant la thèse de la persécution fondée sur le sexe, de sorte que le seul fait de témoigner suffise à prouver la véracité des propos tenus ». Le juge a ajouté au paragraphe 17 :

     Les lignes directrices sont un outil dont le tribunal de la SSR peut se servir pour évaluer les éléments de preuve présentés par les femmes qui affirment avoir été victimes de persécution fondée sur le sexe. Les lignes directrices ne créent pas de nouveaux motifs permettant de conclure qu'une personne est victime de persécution. Dans cette mesure, les motifs restent les mêmes, mais la question qui se pose alors est celle de savoir si le tribunal était sensible aux facteurs susceptibles d'influencer le témoignage des femmes qui ont été victimes de persécution [...]

 

 

[6]               Par ailleurs, ce n'est pas parce que la Commission ne mentionne pas explicitement les Directives concernant la persécution fondée sur le sexe qu'il faut en conclure qu'elle n'en a pas tenu compte et, de toute façon, pareille omission ne tire pas à conséquence et n'entraîne pas nécessairement l'annulation de la décision de la Commission. La Commission est présumée avoir tenu compte de l'ensemble de la preuve et il n'y a rien en l'espèce qui permette de penser qu'elle n'a pas tenu compte des Directives concernant la persécution fondée sur le sexe (voir S.I. c. Canada (M.C.I.), [2004] A.C.F. no 2015 (C.F.) (QL), Farah c. Canada (M.C.I.), [2002] A.C.F. n416 (1re inst.) (QL), et Nuray Gunel c. Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration (6 octobre 2004), IMM-8526-03).

 

[7]               Les Directives concernant la persécution fondée sur le sexe prévoient expressément que la demanderesse doit démontrer que le préjudice est suffisamment grave pour équivaloir à de la persécution. En l’espèce, la Commission a, comme il lui était loisible de le faire, tiré plusieurs conclusions défavorables au sujet de la crédibilité.

 

[8]               De fait, après avoir examiné la preuve, je ne suis pas convaincu que la décision de la Commission était fondée sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments dont la Commission disposait (alinéa 18.1(4)d) de la Loi sur les Cours fédérales, L.R.C. 1985, ch. F-7). Contrairement à ce qu'affirme la demanderesse, j'estime que la Commission ne s'est pas livrée à une analyse microscopique de sa crédibilité. La demanderesse n'a contesté que quelques conclusions mineures qu'il était loisible à la Commission de tirer et la demanderesse n'a relevé aucune erreur dans ces conclusions. La demanderesse ne conteste pas les nombreuses autres conclusions relatives à la crédibilité qui justifient amplement la décision de la Commission. Il ressort de la jurisprudence que la Commission peut tirer des conclusions fondées sur la présence d’invraisemblances, le bon sens et la raison. La demanderesse doit s'acquitter d'un fardeau rigoureux pour réfuter la conclusion de la Commission selon laquelle elle n'est pas crédible (voir l'arrêt Aguebor c. Canada (M.E.I.), (1993), 160 N.R. 315 (C.A.F.)). À mon avis, la demanderesse se contente d'avancer d'autres explications et d'autres inférences que la Commission aurait pu tirer. Il ne s'agit donc pas d'une erreur, mais d'un désaccord sur la façon dont la Commission a apprécié la preuve.

 

[9]               Comme la demanderesse n'a pas réussi à démontrer que la décision contestée est manifestement déraisonnable, l'intervention de la Cour n'est pas justifiée et la demande de contrôle judiciaire est par conséquent rejetée.

« Yvon Pinard »

Juge

 

Ottawa (Ontario)

Le 11 mai 2006

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Suzanne Bolduc, LL.B.


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                        IMM-3296-05

 

INTITULÉ :                                       ANNE WANJA KARANJA c. MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

 

LIEU DE L'AUDIENCE :                 TORONTO (ONTARIO)

 

DATE DE L'AUDIENCE :               LE 2 MAI 2006

 

MOTIFS DU JUGEMENT :                        LE JUGE PINARD

 

DATE DES MOTIFS :                      LE 11 MAI 2006

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Dariusz Wroblewski                             POUR LA DEMANDERESSE

 

Margherita Braccio                               POUR LE DÉFENDEUR

 

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Joel Etienne                                          POUR LA DEMANDERESSE

Toronto (Ontario)

 

John H. Sims, c.r.                                 POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada

 

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